Intervention de Yvon Collin

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Activités privées de protection des navires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit de la mer s’est d’abord construit à partir des coutumes. Aussi, le sort qui était le plus souvent réservé aux pirates était d’une grande sévérité : pas de quartier !

Aujourd’hui, c’est un principe de juridiction universelle qui permet aux tribunaux de tous les États de juger les pirates. Le temps de la fiction romanesque et de Rackham le Rouge n’est plus, mais les actes de piraterie ont ressurgi dans la réalité avec une violence singulière depuis ces vingt dernières années.

La protection des navires constitue un enjeu stratégique puisqu’elle touche à la sécurité même des approvisionnements des États. Il n’est pas inutile de rappeler que 90 % du transport de biens et de marchandises emprunte la voie maritime.

Certes, et c’est tant mieux, les actes de piraterie restent marginaux par rapport au nombre d’échanges et connaissent une diminution de 40 % par rapport à 2010, avec 264 actes de piraterie recensés en 2013. Toutefois, cette évolution ne tient pas compte de la concentration de la piraterie sur certaines routes maritimes que les navires, bien que conscients du danger, sont contraints d’emprunter faute d’alternative. Nous devons également nous inquiéter des prises d’otages récurrentes qui mettent en péril la vie des équipages. Les pirates aventuriers de la mer sont donc bien loin : nous sommes face à une nouvelle forme de terrorisme moderne !

Malheureusement, la marine nationale ne peut pas tout faire sur une étendue aussi vaste que celle de la mer et des océans, alors qu’elle doit affirmer la souveraineté de notre pays dans son espace maritime, le deuxième au niveau mondial grâce à ses outre-mer. Cela est d’autant plus vrai quand grandit la tentation d’opérer des coupes sévères dans les budgets des armées. D’autres missions requièrent en outre leur attention, telles que le sauvetage en mer, la lutte contre les menaces militaires, contre le pillage des ressources naturelles, contre la pêche abusive et illégale.

D’autres États européens, comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou le Danemark, ont introduit dans leur droit la possibilité de recourir à la protection privée des navires. Une inégalité persistait ainsi entre ces navires et les navires battant pavillon français. Pour autant, je ne m’attarderai pas sur l’argument selon lequel l’absence de telles dispositions faisait peser un risque sur le pavillon français – dont la perte de puissance connaît bien d’autres origines, mais ce n’est pas le propos du débat –, d’autant que les entreprises étrangères exercent déjà dans le domaine de la protection privée avec des réglementations moins strictes que celle que prévoit le présent projet de loi.

Il convient de noter une petite avancée de la commission mixte paritaire, qui étend aux entreprises étrangères la contribution due par les entreprises de protection privée établies en France.

Si l’État délègue, par le présent projet de loi, une partie de ses pouvoirs régaliens, l’équilibre réside dans la contrepartie à cette nouvelle liberté accordée aux armateurs : l’élaboration d’un cadre réglementaire strict permettant d’éviter tout abus. C’est bien le cas avec l’encadrement de l’obtention de l’agrément de l’entreprise, de l’autorisation d’exercice du dirigeant de l’entreprise et de l’attribution de la carte professionnelle aux agents employés.

L’usage et la vente d’armes et de munitions sont strictement encadrés. La place du Conseil national des activités privées de sécurité et de ses agents, l’instauration des contrôles administratifs, ainsi que les sanctions disciplinaires, administratives et pénales prévues sont autant de garanties à ce titre.

Le projet de loi présente avant tout un intérêt dissuasif. En effet, selon le rapport annuel de 2013 du Bureau maritime international, la protection privée des navires, conjointement aux actions de coopération internationale et à l’action de certains gouvernements locaux, a déjà permis de faire chuter les actes de piraterie au large des côtes somaliennes, notamment, où le nombre de cas est passé de 237 en 2011 à 15 – certes, c’est encore trop – l’année dernière.

De tels constats imposent une réponse rapide et pragmatique, ouvrant aux entreprises l’activité de protection des navires. C’est la raison pour laquelle les membres du RDSE approuvent unanimement les conclusions de la commission mixte paritaire sur le présent projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion