Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Activités privées de protection des navires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen d’un texte très attendu, dont les enjeux sont considérables.

Cela a été répété à plusieurs reprises lors de nos débats, les pirates sont maintenant des entreprises de crime organisé, bien équipées, menant une véritable guerre contre les navires. Cette guerre, aux conséquences économiques évaluées entre 7 et 12 milliards de dollars au niveau mondial, affecte particulièrement le pavillon français.

Alors que la plupart des grands pays maritimes ont rapidement développé une législation permettant à des sociétés privées de protéger les navires, les armateurs français se sont longtemps opposés au recours à ces sociétés sur leurs navires, considérant que leur sécurité relevait de la responsabilité de l’État. Or, en matière de protection, la marine nationale ne peut répondre à l’ensemble des sollicitations des navires français qui souhaitent se prémunir efficacement contre la piraterie maritime. Le taux moyen de satisfaction des demandes pour les navires de commerce n’atteint que 70 %. Ces aléas fragilisent le pavillon français, mettent à mal la compétitivité de celui-ci et accélèrent son déclin : il se place désormais à la vingt-sixième place et représente 0, 6 % du tonnage mondial. Il devenait donc urgent de réagir, afin de mettre en place un cadre légal autorisant et encadrant le recours à des services de protection privée de navires par les armateurs français.

Ce texte est attendu ardemment par les professionnels du secteur à plus d’un titre.

Tout d’abord, il permettra d’assurer la sécurité du transport maritime à son plus haut niveau, alors que les navires transitent dans des zones géographiques à risques. À cet égard, la reformulation adoptée par les députés de placer la protection de l’homme avant celle des biens est bienvenue, quand bien même elle peut paraître symbolique.

Ensuite, il permettra de maintenir l’attractivité du pavillon français dans un environnement compétitif.

Enfin, il offrira l’occasion de créer une nouvelle branche d’activité au sein de laquelle les entreprises de protection françaises pourraient faire valoir leurs compétences.

Les quelques divergences qui subsistaient entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont été aplanies par la commission mixte paritaire, à commencer par le choix du cadre légal approprié dans lequel doit s’insérer le projet de loi. Il n’y a donc pas de malentendus à dissiper avec les députés.

Si le choix de la codification dans le code des transports par les députés pouvait se justifier en raison des modalités particulières d’exercice de l’activité de garde privée à bord des navires, le Sénat a opté pour une solution médiane.

Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois, a justement rappelé que le Parlement s’exprimait d’une seule voix, car le premier souci du législateur consiste, en faisant preuve de pragmatisme, à assurer la qualité et la lisibilité de la norme pour éviter que n’apparaissent, par la suite, des difficultés techniques et juridiques.

J’observe que la commission mixte paritaire a travaillé dans ce sens lorsqu’elle a précisé la rédaction de l’article 21 du projet de loi, qui insère un nouvel article dans le code des transports, afin de limiter le recours à la force par les agents de protection au strict cadre de la légitime défense, tel que prévu par le code pénal, dans le but de lever les ambiguïtés de la formulation de cette nouvelle disposition.

Il est heureux que, sur l’initiative du Sénat, la commission mixte paritaire ait conforté les moyens de fonctionnement du CNAPS, autorité de contrôle des entreprises de sécurité privées, en écartant le risque de distorsion entre les entreprises françaises et étrangères.

L’interdiction de faire état de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire dont pourrait se prévaloir l’un des dirigeants ou employés des entreprises de sécurité a été maintenue. Bien que cette disposition ait donné lieu à débat entre nous, il était important d’éviter tout risque de confusion avec un service public.

Je constate également que, en dépit de nombreuses interrogations soulevées en commission et en séance publique, la commission mixte paritaire a conservé le dispositif adopté par les députés relatif à la délimitation des zones géographiques concernées par la protection comprenant la création d’un comité tripartite chargé d’alerter le Gouvernement sur l’opportunité d’une nouvelle délimitation, ainsi que la définition des catégories de navires éligibles en raison des dangers liés au développement d’une offre de tourisme que l’on pourrait qualifier de « sensationnel ».

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses clarifications en première lecture minutieusement opérées par Odette Herviaux, rapporteur de la commission du développement durable, et Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois. Ce travail s’est poursuivi en CMP lors de l’examen de l’article 34 bis relatif au contrôle des douanes et continuera dans le cadre de la présentation des amendements du Gouvernement, à ce stade ultime de la procédure parlementaire.

La possibilité de recourir à des agents privés de protection viendra utilement compléter les missions de sécurité dont s’acquitte fort bien, et depuis longtemps, la marine nationale, dans le cadre de coalitions internationales, ainsi que sous la forme de mise à disposition d’équipes de protection embarquées.

Avant de conclure mon intervention, je veux rappeler avec force les propos de Mme la rapporteur : ce texte ne vise en aucun cas à abdiquer un élément de souveraineté au profit du secteur privé. Il ne s’agit pas non plus d’un début de privatisation des missions dévolues à nos forces armées. L’offre privée ne se substituera pas à l’offre publique !

Il paraît d’autant plus utile d’insister sur ce point que Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, s’est inquiété du respect des engagements financiers de la loi de programmation militaire à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. Or je constate avec satisfaction que le Président de la République a rappelé hier, lors d’un conseil de défense et de sécurité nationale, le caractère primordial de notre effort de défense, afin de renforcer notre influence internationale, de protéger nos intérêts vitaux et d’assurer la sécurité de notre pays.

L’examen de ce projet de loi a été l’occasion de démontrer que le Parlement peut se mobiliser rapidement pour travailler en bonne coordination et faire œuvre de bonne législation lorsque les enjeux sont importants et qu’il s’agit de faire bénéficier nos marins d’une meilleure protection. Aussi le groupe socialiste votera-t-il ce texte.

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