Nous sommes très conscients du risque de fracture numérique. Le plan France très haut débit vise justement à confronter les stratégies des acteurs de l'internet pour couvrir l'ensemble du territoire. Le risque de zone blanche demeure bien réel. Il ne date pas du plan très haut débit. Le temps est venu de faire le bilan des engagements pris depuis dix ans, commune par commune, y compris en couverture basique de type 2G. Certains bourgs, nous le savons désormais, ont par exemple perdu le bénéfice de leur couverture à la suite d'une fusion de communes.
Le risque de fracture sociale est moins souvent évoqué. Or, internet est un outil d'insertion sociale et d'accès à l'emploi. Si la part des Français n'ayant pas accès à internet est de 20 %, celle des personnes gagnant moins de 900 euros par mois est de 40 %. D'où la nécessité de penser ensemble les infrastructures et les usages. Ce n'est pas un hasard si mon conseiller télécommunications est chargé des réseaux de communication électroniques et de l'inclusion numérique. Les opérateurs ont aussi un rôle à jouer dans la diffusion des usages, pour qu'internet soit plus facilement accessible à tous. Pour le reste, Philippe Leroy, dire qu'il faut moins jouer sur la concurrence dans les infrastructures dans les territoires déjà pourvus en câble, fibre, cuivre ou 4G ne remet aucunement en cause l'objectif du déploiement complet de la fibre optique à l'horizon 2023.
Quelle que soit l'infrastructure considérée, il faut des règles équitables. Nous nous ferons confirmer les intentions de Numericable, et les engagements pris par SFR dans les zones dans lesquelles ont été lancés des AMII. La question du statut du câble reste ouverte.
Un mot sur les concentrations en Europe. Les opérateurs français ont coutume de déplorer la baisse de leurs marges - alors qu'ils étaient champions du secteur il y a dix ans - et de l'imputer au défaut d'ambition industrielle européenne en matière de télécommunications, à l'arrivée de nouvelles plateformes numériques et à la concentration des acteurs étrangers. Cette analyse n'est pas fausse. Mais le temps est venu, pour les opérateurs, les gouvernements et la Commission européenne, de dresser un constat partagé. Je tiens ce discours en France comme à Bruxelles.
La Commission européenne, dans une décision relative aux concentrations dans le secteur en Allemagne et en Irlande, a autorisé le passage à trois opérateurs, ce qui est une bonne nouvelle pour consolider les marges de ces entreprises et progresser vers une véritable stratégie européenne. Mais la Commission pose des conditions très strictes : une capacité doit être laissée aux opérateurs virtuels d'intégrer le réseau. L'idée selon laquelle l'arrivée possible d'un quatrième acteur aurait un effet vertueux sur les opérateurs présents demeure à vérifier d'un point de vue économique. Les fréquences doivent en outre pouvoir être cédées à tout nouvel entrant potentiel. La chancelière Angela Merkel a estimé qu'il fallait revoir les règles de la concurrence en Europe : je vois dans le cas des télécommunications l'illustration parfaite de cette idée. J'aurais aussi pu évoquer le cas des géants du web 2.0, presque tous américains, dont les stratégies horizontales de déploiement de services leur permettent de contourner les règles de la concurrence.
Il faut désormais mettre en place une véritable stratégie industrielle. Les États doivent en être les principaux relais, face à la Commission européenne qui sera formée à l'automne et aux opérateurs privés. Ce chantier est essentiel pour les 505 millions d'utilisateurs européens de réseaux numériques, surtout quand on sait que les opérateurs américains s'appuient sur un marché équivalent.