Jacques Rapoport et moi-même avons tenu un conseil d'administration, au lendemain de cette affaire, avec les administrateurs de RFF et de la SNCF, ainsi que les représentants des 260 000 salariés du groupe. Je veux dire devant le Sénat, qu'une forte proportion de ces salariés a été choquée de voir son travail, consistant pour l'essentiel à du travail d'expertise, avec du professionnalisme et des questions techniques liées à la sécurité, réduit et expédié en un emballement de quelques heures. Un emballement dans lequel les faits ont très vite disparu, au profit des réactions, des emballements, des demandes des uns et des autres.
Et j'ajoute avec la même émotion que la presse internationale est catastrophique. Parce qu'évidemment, la presse internationale a relayé l'idée que les Français ne savaient pas construire des trains. Or, à un moment où l'on se bat sur tous les marchés avec Alstom, Bombardier, Transdev, la RATP, avec l'ingénierie française qui est la première au plan mondial dans ce domaine-là, il va nous falloir des mois pour aller expliquer en Malaisie, en Angleterre, en Australie, que cette affaire est une polémique franco-française. Et donc reconvaincre que les Français savent faire des trains, savent faire des quais et savent mesurer.
Ayant fait ces deux remarques sur des aspects qui me perturbent et me touchent je reviens au fond de l'affaire.
Nous avons remis un rapport d'enquête totalement transparent avec cent cinquante pages de pièces jointes, consultables en ligne, et donc à la portée de tous les journalistes, tous les politiques et tous les Français. Il y a donc une totale transparence sur le sujet. Qu'est-ce qu'il ressort de ce rapport ? C'est ce qu'a dit le ministre Frédéric Cuvillier, et je le résume : non, les trains ne sont pas trop larges puisqu'ils ont été homologués par l'État, par l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Pense-t-on donc que les gens de l'EPSF ne savent pas calculer un gabarit ? Je le répète, les trains sont biens conformes aux gabarits. Les deux personnes qui ont décidé du choix du train, Bernard Soulage et Martin Malvy, qui ont présidé la commission d'appel d'offres, assument ce choix, et l'ont dit publiquement, mais cela n'a pas été beaucoup entendu, ni relayé.
Deuxièmement, le ministre l'a rappelé, les quais des 3000 gares de France, qui datent de toutes les époques, certains ont cent cinquante ans, d'autres un an, ont tous les formats en longueur, largeur et hauteur. Et donc, par conséquent, lorsqu'on introduit un nouveau train, fut-il conforme au gabarit international, il y a des chances que des quais de cent cinquante ans aient bougé de quelques centimètres. Et des voies qui n'ont pas été retouchées pendant vingt ans, c'est-à-dire pendant une période ponctuée d'aléas climatiques tels que des inondations ou la sécheresse, puissent avoir besoin d'être redressées. Le seul élément qui aurait été gênant dans l'affaire, c'est si des quais récents, construits dans les deux ou trois dernières années, avaient dû être rabotés. Or, on ne relève qu'un cas en région PACA, peut être un deuxième et une incertitude pour un troisième. Mais cela ne justifie en aucune manière l'emballement auquel on a assisté. Et, je souhaiterais ajouter que cela n'était une surprise pour personne. J'engage tout le monde à regarder les échanges de courriers. Des élus se sont déjà exprimés, notamment Antoine Herth, vice-président de la région Alsace chargé des transports, qui a expliqué que cette affaire est connue depuis 2009, qu'il s'en est emparé et qu'il a depuis le début, comme Alain Rousset, demandé qu'aucune charge ne soit portée aux comptes des régions. Il a eu satisfaction puisque c'est RFF qui prend tout en charge sur ses investissements propres.
Mais comme on a coutume de le dire, « il n'y a jamais de fumée sans feu ». Nous avons donc cherché l'origine du problème. Et le vrai problème n'était ni la largeur des trains ni l'étroitesse des quais. Le vrai problème est qu'effectivement entre 2009 et 2011, c'est-à-dire postérieurement au choix effectué par la commission « Malvy-Soulage », et avant 2011 où cette question a été reprise avec sérieux, il s'est écoulé deux ans pendant lesquels les deux établissements publics, qui se faisaient une guerre ouverte, n'ont pas travaillé cette question correctement. Donc, il est vrai que j'ai ma part de responsabilité dans le fait qu'entre 2009 et 2011, nous n'avons pas travaillé correctement, avec à l'époque Hubert Du Mesnil pour RFF. Cette « faute », a-t-elle eu des conséquences ? Là encore le rapport l'établit, il n'y a heureusement pas eu de conséquences, puisqu'à partir de 2011, nous avons recommencé à travailler ensemble. Les travaux ont été faits et il n'y a pas de situation, où, cette absence de travail en commun ait retardé la mise en service du Régiolis. On ne relève qu'une situation où il y a eu des difficultés entre Tarbes et Montréjeau, où la mise en service du Régiolis est retardée de quelques mois, en raison d'un problème de circuits de voies et de passage à niveau.
Dernier mot, le fond du problème réside dans la nécessité d'améliorer l'accès des fauteuils roulants, des poussettes, des familles, des seniors, de toutes les personnes ayant des difficultés à se déplacer jusqu'au train. Il s'agit de faire en sorte que la séparation entre le quai et le train ne soit pas trop importante, afin de permettre aux personnes en fauteuil roulant, ou se déplaçant avec une canne, d'avoir accès au train sans assistance. Or, tout le travail conduit par la commission « Soulage-Malvy » était de répondre à cette problématique. Aujourd'hui, le Régiolis est largement soutenu par les associations de personnes à mobilité réduite. Patrick Toulmet, qui est sur le sujet une référence absolue, le comité consultatif des personnes à mobilité réduite de la SNCF, ont soutenu ce projet, car ce train facilite l'accès des personnes à mobilité réduite au service public ferroviaire.
Le ministre a pris des décisions qui me paraissent tout à fait adaptées. Tout d'abord, il a rappelé la nécessité qu'il n'y ait plus jamais d'absence de travail coopératif, afin qu'au moment où on commande un train, les études entre le quai et le train soient terminées. Ensuite, il a exigé que le financement soit confirmé par les investissements sur fonds propres de RFF, afin que cela ne coûte rien ni aux usagers, ni aux collectivités régionales. Et enfin, il nous a demandé, car c'est le fond du problème, d'aller présenter devant chaque conseil régional l'avancement du schéma d'accessibilité régional, pour montrer que les trains vont être de plus en plus accessibles aux fauteuils, aux poussettes et aux personnes à mobilité réduite. C'est bien de cela, et uniquement de cela que nous devons parler, car c'est cela qui est l'enjeu.
Voilà, j'ai parlé avec un peu d'engagement, j'en suis désolé, mais c'est une affaire qui nous a profondément touchés.