Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 juin 2014 : 2ème réunion
Certification des comptes de l'état — Exercice 2013 - et rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2013 - Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Nous n'avons pas mis en doute la sincérité des comptes, M. Delahaye. Nous avons simplement dit que l'exécutif avait manqué de prudence concernant l'évaluation des recettes budgétaires. Nous avons certifié les comptes, en dépit de certaines réserves. Nous ne pouvons auditer les produits régaliens, d'où notre réserve substantielle depuis l'origine. Lorsque les systèmes d'information progresseront, nous en aurons une meilleure appréhension.

Les 6 milliards d'euros de recettes exceptionnelles se décomposent ainsi : 2 milliards de trop provisionné sur le contentieux fiscal concernant Orange et 4 milliards de moindres dépenses au titre d'autres contentieux communautaires. La maîtrise des dépenses a été réelle en 2013, même si elle a été favorisée par les éléments que j'ai mentionnés. Le rythme d'évolution des dépenses par rapport aux années précédentes traduit cependant un progrès incontestable. Nous traçons des pistes pour renforcer l'effort. Les annulations ont compensé pour partie des ouvertures de crédits, le solde s'établissant à 4 milliards d'euros. La réserve de précaution a été utile et son montant a été plus élevé que les années précédentes. Il y a même eu un surgel.

Quant aux recettes, Bercy estime à un quart l'effet de la croissance sur l'évolution de leur montant : les trois quarts de la différence entre prévision et réalisation ne sont pas dus au ralentissement de croissance en 2013. C'est Bercy qui a calculé le taux d'élasticité négatif de 1,3, après avoir prévu 1. Ce résultat peut provenir en partie de la répartition opérée entre l'effet des mesures nouvelles et la croissance spontanée des mesures antérieures. Si l'on considère que les mesures nouvelles ont rapporté ce qui était prévu, tout est reporté sur le reste. Or il est tentant d'estimer que les mesures nouvelles ont été fructueuses, car c'est une mesure de l'effort structurel. Mais je le répète, nous ne maîtrisons pas ces calculs.

Jean-Pierre Caffet a évoqué la loi de finances rectificative : soit, mais 3,5 milliards d'écart par rapport à un texte voté en décembre 2013, ce n'est quand même pas rien ! L'écart, pour l'impôt sur le revenu, est de 1,5 milliard alors même que les principales données étaient connues puisque la collecte, en 2013, reposait sur les revenus de 2012.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le poids de la dette. Nous y reviendrons dans notre rapport du 17 juin. Vous évoquez une dette publique de 2 000 milliards : ce montant sera atteint, voire dépassé, fin 2014 mais à fin 2013, elle s'élevait à 1 925 milliards. Tout le monde doit agir pour réduire le poids de la dette, l'État bien sûr, mais aussi ses opérateurs : ils pourraient faire mieux et le suivi mis en place n'est pas assez efficace. La sécurité sociale peut également réaliser des économies sans que soit remis en cause le modèle de soins. Enfin, les collectivités territoriales doivent participer à cet effort. Et il y a les politiques d'intervention. Nous travaillons à partir des objectifs que vous avez fixés, nous constatons des écarts. Dans notre rapport du 17 juin, nous présenterons des comparaisons entre la France et d'autres pays : notre niveau de dépenses publiques est plutôt élevé tandis que l'efficacité des politiques menées est loin de correspondre aux objectifs affichés. Ainsi en est-il des secteurs de l'éducation, du logement, de la formation professionnelle, de l'emploi, des aides aux entreprises. Ces politiques d'intervention coûtent cher et les résultats sont moins bons que dans les autres pays. Les parlementaires devraient s'attacher à l'évaluation de ces politiques publiques. Sur le logement, l'aide à la pierre et sur l'aide à la personne coûtent plus de 40 milliards d'euros, or les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. La Cour des comptes s'étonne de l'indifférence face à ces résultats décevants.

Certains d'entre vous estiment que l'exécution 2013 fragilise la prévision pour 2014. Nous vous présenterons des projections jusqu'en 2017.

Les comptes de l'État en 2013 n'intègrent pas le CICE, car le préfinancement a été effectué par la BPI et les banques commerciales. Ces institutions enregistrent les avances de trésorerie aux entreprises. La traduction dans les comptes de l'État n'interviendra qu'en 2014. Cela dit, les comptes de la BPI sont consolidés dans ceux de l'État, ce qui inclut des engagements hors bilan de l'État pour 1,3 milliard d'euros.

Sur les dépenses fiscales, des progrès ont été enregistrés, mais nous avons atteint un palier et, depuis un ou deux ans, il n'y a plus de progrès. La pression des parlementaires serait-elle moins forte aujourd'hui ?

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