Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 5 juin 2014 à 9h45
Artisanat commerce et très petites entreprises — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi, passé relativement inaperçu dans la vie publique de ce premier semestre, a pourtant suscité et des espérances et des inquiétudes.

Parler du statut de l’auto-entrepreneur et de la réforme de l’entreprise individuelle revient à parler du statut de l’artisan dans notre pays. De même, évoquer la réforme des baux commerciaux revient à parler des relations entre bailleurs et commerçants. Et enfin, en toile de fond de la réforme de l’urbanisme commercial se pose la question de l’artificialisation des sols et du traitement des entrées de ville.

Ce projet s’apprêtait donc à mener de front plusieurs combats, qui mériteraient chacun un débat et un texte d’envergure.

Le Gouvernement a souhaité que ce seul projet de loi réponde aux attentes à la fois des artisans, des commerçants et de l’ensemble des entrepreneurs individuels, ainsi qu’à celles des acteurs de l’urbanisme commercial, qu’il s’agisse des élus ou des porteurs de projets. Nous l’avons répété en première lecture, ce projet de loi n’atteindra pas l’ensemble de ses objectifs.

En ce qui concerne le titre Ier sur les baux commerciaux, nous sommes dans l’ensemble satisfaits des dispositions sur lesquelles les deux chambres se sont entendues.

L’article 1er, qui porte de deux à trois ans la durée des baux dérogatoires, ne soulève ni enthousiasme ni inquiétude excessive de notre part. Les professionnels sont eux aussi relativement prudents sur cette disposition, et je ne m’y attarderai donc pas.

À l’inverse, les sénateurs du groupe UMP, tout comme les professionnels que nous avons eu l’occasion de rencontrer, ne partagent pas du tout le point de vue du Gouvernement et de la majorité en ce qui concerne l’article 2, qui vise à supprimer la liberté contractuelle dans le choix de l’indice de référence pour établir les loyers, puisqu’il ne sera plus possible d’utiliser l’indice du coût de la construction, ou ICC.

Or nous avons régulièrement constaté que l’indice du coût de la construction était plus favorable à une évolution modérée des loyers que l’indice des loyers commerciaux, l’ILC, mis en avant par ce texte. Nous étions d’ailleurs satisfaits que le Sénat ait décidé d’en revenir à la liberté contractuelle et nous regrettons que la CMP n’ait pas conservé en l’état cet article 2.

Pour le reste des dispositions du titre Ier, c’est sans surprise que nous les approuvons très majoritairement, qu’il s’agisse des contrats de revitalisation commerciale ou du droit de préférence pour le locataire en cas de vente du local commercial qu’il occupe.

J’en viens à l’urbanisme commercial.

Le Gouvernement manifestait de grandes ambitions quant à cette partie de sa réforme de l’urbanisme commercial, que nous avons bien failli examiner à l’occasion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR. Avec raison, vous avez préféré intégrer l’ensemble de votre réforme, à l’exception de la question des drives, en un seul et même texte, celui qui revient en examen aujourd’hui.

Sur le fond, à présent, nous sommes pour le moins nuancés.

Nous sommes d’abord bienveillants à l’égard de l’article 20 A, qui précise que le permis de construire sera désormais la seule autorisation requise pour les projets d’aménagement commerciaux. Nous saluons également la volonté de simplification qu’illustre l’article 24, lequel redéfinit les modalités à mettre en œuvre pour déposer à nouveau son dossier de demande à la suite d’un refus de la Commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC.

À l’inverse, nous trouvons que votre effort de simplification est pollué par l’article 21 ter, qui vise à définir les critères utilisés par les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, lorsqu’elles instruisent les demandes d’autorisation.

S’agissant des positions arrêtées par la commission mixte paritaire, nous nous satisfaisons de la disparition de l’article 23 quater, pourtant adopté en séance publique par la Haute Assemblée, lequel prévoyait de généraliser la référence à une seule mesure de la surface des projets, celle de la surface de plancher en lieu et place de la surface de vente.

C’est donc sur ce titre II relatif aux formes juridiques de l’entreprise individuelle que je m’attarderai une nouvelle fois.

Le texte part pourtant d’un constat que chacun peut admettre : il existe dans notre pays une superposition des formes juridiques de l’entreprise individuelle totalement inopérante. Aussi, quelle traduction législative en tirez-vous ?

Votre réponse à cette somme de formules administratives et fiscales qui s’offrent aux entrepreneurs repose intégralement sur l’article 16 bis, qui propose la rédaction d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle.

Une fois de plus, la chronologie proposée par le Gouvernement et la majorité nous laisse perplexe. Nous passons des heures à examiner des textes, malgré la charge de travail de la commission des affaires économiques, pour finalement nous entendre dire que nous devrons repartir de zéro dans quelques mois. Voilà comment maximiser le travail du Parlement !

S’agissant du fond des dispositions contenues dans ce titre II – et même si elles ne seront pas éternelles, à en croire l’article 16 bis –, le Gouvernement a d’abord communiqué en manifestant son hostilité à l’endroit des auto-entrepreneurs, tout autant pour des raisons idéologiques qu’économiques, pour, in fine, communiquer sur la sauvegarde du statut !

En effet, au fur et à mesure de l’élaboration de ce texte, le Gouvernement a été soucieux de délivrer un message d’équilibre entre d’une part, sauvegarde du statut d’auto-entrepreneur, lequel, qu’on le veuille ou non, est une réussite de la précédente législature, et, d’autre part, prise en compte des distorsions de concurrence dont sont victimes les artisans.

Le groupe UMP est également sensible à cet équilibre, certes précaire, mais qui n’est pas inaccessible. Or je crois pouvoir dire que le Gouvernement est allé trop loin dans le démantèlement du statut de l’auto-entrepreneur, rompant ainsi avec cet équilibre qu’il nous fallait trouver.

Si notre groupe souscrivait aux nouvelles obligations assurantielles que vous souhaitez imposer aux auto-entrepreneurs ou à la suppression des dispositions exonérant d’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire, ainsi que les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale, nous estimons que les autres dispositions de ce titre II vont beaucoup trop loin.

En sus de ces obligations assurantielles ou d’immatriculation, les auto-entrepreneurs se verront imposer un stage obligatoire, seront redevables de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, dès la première année et devront surtout s’acquitter de cotisations sociales, même en l’absence de recettes.

Vous allez ainsi rompre avec le principe cardinal du statut de l’auto-entrepreneur selon lequel à « recette zéro » on ne paye aucune cotisation ni aucun impôt. Pour notre groupe politique, ces dispositions ne sont pas acceptables.

Où est le « choc de simplification » lorsque l’on augmente les obligations d’inscription administrative ? Où est le « pacte de responsabilité » lorsque l’on augmente la fiscalité sur les auto-entrepreneurs ?

Certes, il fallait répondre aux préoccupations des artisans, qui s’estiment justement victimes de distorsion de concurrence. Pour autant, vous auriez pu le faire dans le cadre de votre pacte de responsabilité. Vous n’étiez pas obligés de réaliser une première entorse au nouveau marqueur de la politique gouvernementale.

Si vous vouliez lutter contre ces distorsions de concurrence entre artisans selon qu’ils relèvent du statut de l’auto-entrepreneur ou d’autres formes d’entreprises, individuelles ou non, ce n’est pas en égalisant la fiscalité par le haut qu’il fallait procéder. Cette harmonisation fiscale et administrative des entreprises individuelles aurait pu se faire par le bas.

En fin de compte, il nous faudra encore attendre avant de trouver une concrétisation législative à votre pacte de responsabilité. À ce titre, je vous rappelle ce que j’ai déjà dit en première lecture : la France se situe au quarante et unième rang mondial, selon la Banque mondiale, en matière de rapidité de création d’entreprise.

Pour conclure, le groupe UMP est globalement favorable aux dispositions du titre Ier et du titre III ; mais, parce que les dispositions du titre II sur le statut de l’entreprise individuelle vont à contre-courant d’une politique ambitieuse, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Je voudrais ajouter, monsieur le rapporteur, que j’ai été étonnée, lors de la CMP, de votre docilité à accepter les propositions de l’Assemblée nationale qui allaient bien à l’encontre de ce que vous aviez défendu en première lecture. J’ai bien compris que vous aviez dû vous soumettre ; il est cependant regrettable que, ce faisant, votre travail et le travail du Sénat n’aient pas été reconnus. §

1 commentaire :

Le 09/06/2014 à 16:42, Serge COQUARD (L'accompagnement des créateurs et repreneurs de T.P.E) a dit :

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Madame la sénatrice,

Concernant les TPE, j'ai la certitude qu'une entreprise sur trois pourrait être sauvée. Le projet de loi relatif aux TPE est une réflexion qui devrait aller plus loin et débattue avec des véritables professionnels.

Pour ma part, depuis des années et des années, je dis et répète les mêmes choses ....

Je ne prétends pas sauver toutes les entreprises, mais il y a beaucoup à faire et ne pas le faire va être très préjudiciable pour beaucoup d'entrepreneurs.

Âgé de 64 ans, je peux pour apporter une expérience, dire ce qu'il faut faire et communiquer les principales étapes indispensables pour répondre aux attentes et besoins des créatrices et/ou créateurs d'entreprises.

Il faut développer la création d'entreprise, il y a des tonnes de choses à faire, des solutions existent, alors .....

On se plaint que tout va mal... Que le chômage progresse, on s'interroge sur des abstentions qui progressent à chaque élection.

Sachez Madame la sénatrice, que dans une très grande majorité des familles, il existe une ou des personnes qui savent ce qu'est une défaillance d'entreprise .....

Ces gens parlent et des attitudes négatives s'installent dans ces familles qui ne vont pas ou plus voter !

DES SOLUTIONS EXISTENT .......

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