Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 5 juin 2014 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Réforme territoriale

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans toute la France, la réforme des territoires semble mal accueillie. Nous avions travaillé ici, au Sénat, à un large consensus, afin de nourrir les travaux de l’acte III de la décentralisation. Il vous est même arrivé, monsieur le Premier ministre, de faire référence à ce travail, qui reposait sur deux idées-clés.

D’abord, nous avions proposé d’associer les territoires, selon une approche réfléchie, pour dessiner la nouvelle carte des régions. Or nous apprenons que cette carte a été improvisée, voire marchandée, un soir, à l’Élysée.

Dans leur solitude, quelques-uns ont imposé le fait du prince : l’un prônait le repli sur son territoire, ce qui condamnait l’autre à une opportune solitude ; quant au troisième, refusé à l’ouest, rejeté au sud, il ne pouvait s’accrocher qu’au nord… §

Monsieur le Premier ministre, les identités ne se négocient pas. Le lien de la vie et de l’espace mérite le respect.

Les réformateurs étaient prêts à discuter, mais le verdict des cartes a brisé le débat. Cette méthode, plus féodale que républicaine, a sans doute condamné le projet. Une telle précipitation événementielle peut-elle s’expliquer autrement que par des manœuvres de calendrier électoral ?

Fernand Braudel, le grand penseur de l’identité de la France, nous avait pourtant prévenus, en écrivant que « la science sociale a presque horreur de l’événement ».

Ensuite, outre la création de grandes régions, nous proposions de donner un nouvel avenir aux départements. Notre vision était logique : aux grandes régions, la puissance et la stratégie ; aux départements, la proximité et la cohésion. §

Aujourd’hui, l’échelon départemental, du fait d’allers et retours successifs, est dans la plus grande confusion. Une clarification est nécessaire.

Votre gouvernement joue gros. Si vous videz la proximité de sa substance, au lieu de bâtir l’acte III de la décentralisation, vous inaugurerez l’acte I de la recentralisation.

La réforme territoriale est une question d’intérêt national, qui dépasse, je le dis sincèrement, les clivages politiques. Le Sénat, qui, de par la Constitution, aura le premier mot législatif, a toute légitimité pour s’engager avec ambition dans la réforme.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à faire confiance au Sénat et à l’expérience des sénateurs ? §

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