La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. J’invite chacun à respecter cette règle par égard pour ceux qui poseront les dernières questions.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la ministre, vous êtes en charge de la réforme territoriale voulue par le Président de la République, réforme dont les contours, et pas seulement ceux de la nouvelle carte des régions, sont désormais esquissés. Pourtant, bien des interrogations demeurent, …
… portant aussi bien sur la méthode que sur le fond.
Oui, madame la ministre, les interrogations de notre groupe sont nombreuses ; elles sont à la hauteur de l’incompréhension, voire de la stupéfaction de la quasi-totalité des élus locaux de ce pays, toutes tendances confondues, ainsi que de nos concitoyens. Car l’enjeu dépasse de très loin les clivages partisans et les petits calculs politiques.
En effet, ce qui est en question, c’est l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, initiée en 1981 par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre.
Pour réussir, une grande réforme territoriale doit s’appuyer sur un large consensus et témoigner d’une grande cohérence, ses fondements doivent être clairs, ses critères irréprochables et sa finalité comprise de tous.
Or force est de constater qu’on en est loin. Cela commence mal !
Madame la ministre, au regard des annonces récentes, comment est-il encore possible de justifier l’instauration il y a un an du fameux « binôme », que les sénateurs RDSE sont fiers de ne pas avoir voté
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pourquoi dévitaliser et ainsi vider de leur substance les conseils généraux, après les avoir rebaptisés conseils départementaux voilà un an, tout en repoussant à la fin de l’année 2015 l’élection des conseillers départementaux, dont la seule véritable mission sera de gérer leur propre extinction et de fermer la porte de cette collectivité de proximité ?
Marques d’approbation sur les mêmes travées.
Le sentiment d’abandon est fort dans les territoires ruraux. Pensez-vous sérieusement y remédier en rattachant certains départements à des métropoles régionales situées à une dizaine d’heures de trajet aller-retour ?
Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous expliquer de manière argumentée la fusion de certaines régions et le non-regroupement de certaines autres ? §
Y a-t-il là une logique autre que celle de l’arbitraire, du grand marchandage et des petits arrangements ? Où est la prise en compte des réalités géographiques, historiques et sociologiques de nos territoires ? Bien que la Bretagne ait toute sa place dans la nation française – et nous y tenons ! –, pouvez-vous illustrer vos propos par d’autres exemples ?
Où est la cohérence de cette réforme quand, voilà quelques mois, vous-même nous demandiez de rétablir la clause de compétence générale et que vous vous apprêtez à défendre l’option contraire, à savoir sa suppression ?
Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous dire à combien s’élèveraient les économies découlant de cette réforme ?
Disposez-vous enfin d’un chiffre un peu plus fiable que celui qui a été annoncé par votre secrétaire d’État ?
La vraie réforme urgente, celle qu’attendent élus et citoyens, n’est-elle pas plutôt celle de la fiscalité locale et de la péréquation financière, destinée à rétablir lisibilité et justice entre les Français et les territoires ?
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le sénateur, vos propos ne me surprennent pas puisque nous avons déjà passé plusieurs heures ici à débattre de l’évolution des compétences d’un certain nombre de collectivités territoriales. Nous nous sommes interrogés sur ce nous pourrions améliorer en ce qui concerne l’intercommunalité. Nous avons aussi discuté longuement du rapport de MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, ainsi que des excellents travaux de Mme Jacqueline Gourault. Je n’oublie pas non plus celui de M. Claude Belot !
Nous avons ainsi posé une question importante : faut-il faire une réforme territoriale de l’organisation de notre République ? À cette question nous avons tous répondu « oui ». Bien évidemment, à partir de ce moment, donc dès le début du mois de janvier dernier, nos positions ont divergé.
Certains, s’appuyant sur les travaux du comité Balladur, entendent ne conserver qu’un nombre peu important de régions et supprimer les départements. D’autres, se référant au rapport de MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, sont partisans à la fois d’une réduction maximale du nombre des régions – ils n’en voudraient plus que dix – et d’un maintien des départements.
Vous le savez très bien, monsieur le sénateur, le Gouvernement se devait d’adopter, à un moment donné, une position, les travaux de réflexion ayant débuté en décembre. Au demeurant, nous nous étions déjà posé ensemble la question du devenir des départements, face au renforcement des intercommunalités. Ainsi, au cours du débat sur les métropoles et le Grand Paris, un certain nombre d’entre vous, pas forcément sur les mêmes travées, avaient évoqué une éventuelle disparition des départements là où existaient de puissantes intercommunalités.
Bref, de multiples questions se posaient. Pouvions-nous continuer, mois après mois, années après années, à ne pas y répondre, que ce soit au sein de l’exécutif, sous l’autorité de Manuel Valls, ou au Parlement ?
À un moment donné, il faut se lancer dans la réforme ! Le Premier ministre et le Président de la République ont pris deux décisions extrêmement importantes.
La première est de réduire le nombre de régions. Le préalable posé par le Président de la République, rappelez-vous, monsieur Tropeano – je parle sous le contrôle du président de la région Bourgogne, où je me trouvais voilà quelques jours –, c’est de ne pas découper les régions qui ont réussi à travailler ensemble, à créer des laboratoires et un certain nombre d’outils. Il faut au contraire essayer de les laisser fusionner. Nous verrons ensuite ce que deviennent les départements. §
Je ne peux pas refaire en deux minutes trente un débat qui s’est tenu pendant plusieurs heures !
Je termine donc en disant que M. le Premier ministre a tenu à ne rien précipiter : nous verrons comment nous remplacerons par la suite les départements.
réforme territoriale
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans toute la France, la réforme des territoires semble mal accueillie. Nous avions travaillé ici, au Sénat, à un large consensus, afin de nourrir les travaux de l’acte III de la décentralisation. Il vous est même arrivé, monsieur le Premier ministre, de faire référence à ce travail, qui reposait sur deux idées-clés.
D’abord, nous avions proposé d’associer les territoires, selon une approche réfléchie, pour dessiner la nouvelle carte des régions. Or nous apprenons que cette carte a été improvisée, voire marchandée, un soir, à l’Élysée.
Dans leur solitude, quelques-uns ont imposé le fait du prince : l’un prônait le repli sur son territoire, ce qui condamnait l’autre à une opportune solitude ; quant au troisième, refusé à l’ouest, rejeté au sud, il ne pouvait s’accrocher qu’au nord… §
Monsieur le Premier ministre, les identités ne se négocient pas. Le lien de la vie et de l’espace mérite le respect.
Les réformateurs étaient prêts à discuter, mais le verdict des cartes a brisé le débat. Cette méthode, plus féodale que républicaine, a sans doute condamné le projet. Une telle précipitation événementielle peut-elle s’expliquer autrement que par des manœuvres de calendrier électoral ?
Fernand Braudel, le grand penseur de l’identité de la France, nous avait pourtant prévenus, en écrivant que « la science sociale a presque horreur de l’événement ».
Ensuite, outre la création de grandes régions, nous proposions de donner un nouvel avenir aux départements. Notre vision était logique : aux grandes régions, la puissance et la stratégie ; aux départements, la proximité et la cohésion. §
Aujourd’hui, l’échelon départemental, du fait d’allers et retours successifs, est dans la plus grande confusion. Une clarification est nécessaire.
Votre gouvernement joue gros. Si vous videz la proximité de sa substance, au lieu de bâtir l’acte III de la décentralisation, vous inaugurerez l’acte I de la recentralisation.
La réforme territoriale est une question d’intérêt national, qui dépasse, je le dis sincèrement, les clivages politiques. Le Sénat, qui, de par la Constitution, aura le premier mot législatif, a toute légitimité pour s’engager avec ambition dans la réforme.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à faire confiance au Sénat et à l’expérience des sénateurs ? §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, notre organisation est devenue trop complexe, souvent illisible. Cela, au demeurant, n’enlève rien à l’engagement des élus sur le terrain. Il reste que ce constat, chacun le fait et je ne doute pas un seul instant qu’il est partagé sur l’ensemble de vos travées.
Vous-même, monsieur Raffarin, avez rédigé un rapport sur ce sujet avec votre collègue Yves Krattinger, honorant ainsi la place du Sénat dans nos institutions. Vous y appeliez à une réforme d’ampleur de notre organisation territoriale, en affirmant la nécessité de regrouper les régions.
La mission menée par Édouard Balladur voilà quelques années faisait aussi ce constat. La formation politique qui vous intéresse au premier chef propose également, sur son site, un regroupement autour de huit grandes régions et la suppression des départements. Par conséquent, le débat est partout, dans toutes les formations et sur tous les territoires.
Mais cette réforme, on en parle et on ne la fait pas ! Nous souhaitons donc, sous l’impulsion du Président de la République, passer des mots aux actes. Vous avez beaucoup d’esprit, monsieur Raffarin. Toutefois, au lieu de nous attarder sur des anecdotes, passons à la réalité. §
Nous avons fait le choix du mouvement et de la réforme. En refusant toute réforme constitutionnelle, beaucoup ont privilégié le choix du statu quo, de la posture et, parfois, de la caricature, ce que je regrette.
Parce que nous engageons l’avenir, je souhaite que notre pays emprunte, sur ce sujet comme sur bien d’autres, la voie de la réforme.
Monsieur Raffarin, vous avez parlé d’acte I de la recentralisation. C’est un bon mot, mais c’est faux ! Comment parler de recentralisation quand nous allons renforcer le rôle des collectivités territoriales, approfondir la démocratie locale et faire des territoires les moteurs du redressement économique indispensable à notre pays ?
Des régions plus grandes, dotées de compétences nouvelles, et des intercommunalités recalibrées et renforcées : est-ce cela, à vos yeux, la recentralisation ? Au contraire, nous choisissons de donner plus de pouvoirs, de missions et de compétences aux régions et aux intercommunalités ! C’est ce couple qui, demain, représentera l’avenir de notre pays.
Deux projets de loi, l’un portant sur les compétences, l’autre sur le périmètre des régions, seront présentés en conseil des ministres le 18 juin prochain. Ces textes constitueront une réforme territoriale que je crois cohérente et ambitieuse.
Vous souhaitez des régions avec un bloc de compétences renforcé, qui accompagnent le développement économique, l’emploi et la formation. Je le sais, ces principes vous sont chers : nous les mettrons en œuvre.
Une telle réforme nécessite du temps pour débattre. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé, ces dernières semaines, à de nombreuses consultations. Le Président de la République a rencontré toutes les formations politiques, ainsi que les ministres concernés, Marylise Lebranchu et André Vallini. J’ai évidemment, de mon côté, fait de même. Nous avons aussi rencontré toutes les associations d’élus.
Ce débat va se poursuivre au Parlement dès le mois de juillet et, à l’automne, sur le second texte. C’est une responsabilité majeure qui vous est conférée par les textes et je ne doute pas de la capacité du Sénat à nous faire des propositions. Elles seront examinées, sachez-le, avec un grand esprit d’écoute.
Que se serait-il passé si le Président de la République n’avait pas fait cette proposition, n’avait pas mis sur la table la carte, n’avait pas indiqué un calendrier ? Nous ne pouvions pas faire voter nos concitoyens dans un cadre qui allait être modifié peu de temps avant. Déplacer les élections régionales et départementales de quelques mois pour permettre la tenue du scrutin dans de bonnes conditions, honnêtement, c’est respecter pleinement le calendrier électoral, donc le suffrage universel.
Le débat sur le département va s’engager. De toute façon, pour transférer des compétences et des agents, à qui nous devons beaucoup de respect et de l’écoute, il faut du temps. Nous devons expérimenter, nous devons adapter – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici – puisque l’évolution d’un département dans une grande métropole ne peut pas être la même que dans un territoire rural ou périurbain. Nous devons nous attacher, notamment, aux questions de la ruralité.
Ce débat s’ouvre : régions, intercommunalités, place de la commune, départements. Il ne faut pas le regarder de manière frileuse, il faut le regarder avec l’esprit de la réforme. Le Sénat y prendra toute sa place et le Gouvernement sera attentif, mais en maintenant évidemment le cap, celui de la réforme indispensable pour le pays.
Ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, concerne la situation d’urgence que rencontre le secteur de l’emploi à domicile.
En 2010, je m’étais, avec mon groupe, fortement opposée à la suppression de la réduction de quinze points de charges patronales liée à la déclaration « au réel » des salariés à domicile.
En 2012, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, j’ai été résolument contre la suppression du mécanisme de déclaration au forfait, qui avait pour objectif de renforcer les droits sociaux des salariés du secteur. L’idée était généreuse, mais elle a produit le contraire de ce que vous en attendiez : les données publiées par l’ACOSS – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – sur l’activité des particuliers employeurs, pour les premier et deuxième trimestres de 2013, ont été un premier avertissement.
Vous n’en avez pas moins rejeté en bloc toutes nos propositions.
Aujourd’hui, nous sommes face à une dégradation inédite et inquiétante du secteur de l’emploi à domicile.
Ce dernier répond pourtant à des besoins de vie importants : garde des jeunes enfants, accompagnement des parents âgés, aide ménagère, et non pas, contrairement à ce qui a été parfois évoqué, maître d’hôtel, femme de chambre, clown de goûter ou coach personnel !
Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge.
Sur un an, le nombre de particuliers-employeurs a diminué de 3, 2 % ; le nombre d’heures déclarées a chuté de 6, 1 % ; …
… l’activité des assistantes maternelles, qui jusqu’à présent résistait plutôt bien, a reculé de 2, 6%.
Au total, en 2013, ce sont 16 500 équivalents temps plein qui ont été détruits. Depuis 2011, c’est un énorme plan social de 40 000 emplois qui touche ce secteur et dont personne ne parle !
Pour que particuliers-employeurs et salariés retrouvent un véritable intérêt à déclarer ces activités, il faut poser un acte fort et porter à deux euros la déduction forfaitaire sur chaque heure travaillée.
Vous devez, nous devons soutenir l’emploi à domicile au travers d’un vrai dispositif d’aide fiscale et sociale, afin de préserver et de développer ces emplois non délocalisables.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous préciser vos propositions à cet égard. §
Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui montre l’attention que vous portez à la situation de l’emploi dans le secteur des services à la personne, attention partagée par le Gouvernement.
Ce secteur souffre pour trois raisons.
La première tient sans aucun doute à la conjoncture. Mais il conviendra d’en apprécier précisément l’impact. Nous rendrons très prochainement publics les éléments qui permettront de le faire ; nous pourrons notamment savoir si l’emploi direct par les particuliers-employeurs connaît une évolution spécifique par rapport à celle de l’emploi dans les entreprises de service à la personne.
La deuxième raison qui explique les perturbations que connaît ce secteur est d’ordre fiscal.
La situation présente découle d’abord d’une décision que vous avez rappelée et qui a été prise en 2011 : c’est en effet cette année-là, je vous y rends attentifs, qu’a été supprimé l’abattement de quinze points sur les cotisations dont bénéficiaient les particuliers-employeurs, …
… et ce sans réformer les autres dispositifs d’allégement.
Les particuliers gardaient pour autant la possibilité de choisir de cotiser sur une assiette forfaitaire égale au SMIC. Si c’était plus avantageux pour les employeurs, cela l’était beaucoup moins pour les salariés puisque ceux-ci perdaient des droits sociaux, notamment en matière de retraite ou de droit à indemnités journalières en cas de maladie.
Le choix de la majorité précédente a été cohérent puisqu’elle a corrigé cette situation aberrante en supprimant la possibilité de cotiser sur la base du forfait. Mais le Parlement a souhaité limiter l’impact de la suppression de la possibilité de cotiser au forfait en créant une déduction forfaitaire de 75 centimes de cotisation par heure de travail créée.
Cette exonération a pesé pour 200 millions d’euros sur les finances publiques. Vous proposez de porter cette déduction à 2 euros.
À ce stade, je peux vous indiquer que cette majoration aurait un coût de l’ordre de 300 millions d’euros, …
… ce qui doit conduire à en déterminer avec toute la rigueur nécessaire l’impact potentiel.
Nous l’avons annoncé : sur la base du travail d’évaluation que nous menons et dans le cadre de la discussion parlementaire, nous sommes ouverts à des évolutions §…
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la lutte antiterroriste. Elle fait suite à l’attentat odieux – mais quel attentat ne l’est pas ? –, attentat antisémite, qui a eu lieu au musée juif de Bruxelles.
Nous disons notre profonde solidarité avec toutes celles et tous ceux qui souffrent aujourd’hui de l’antisémitisme, en France et ailleurs, qui sont victimes de ces actes barbares, inqualifiables, contraires à l’humanité.
Monsieur le Premier ministre, les réseaux djihadistes qui se développent posent de réels problèmes. M. le Président de la République a indiqué que trente Français étaient, au cours de la période récente, morts en Syrie du fait de l’existence de ces réseaux. Je sais, monsieur le Premier ministre, que vous connaissez particulièrement bien ce sujet.
Nous n’ignorons rien de l’action qui est conduite : la délégation parlementaire au renseignement, en particulier, suit tout cela de très près. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux fonctionnaires des services de renseignement, aux policiers, aux gendarmes, aux douaniers qui sont impliqués dans cette action : je le sais, tous font le maximum.
Toutefois, même si le maximum est fait, il faut faire encore davantage. Nous ne pouvons évidemment nous satisfaire de cette situation. Il faut encore accentuer l’effort en direction des jeunes et, avec nos partenaires de l’Europe et d’ailleurs, lutter avec encore plus d’efficacité contre ces réseaux qui prospèrent sur internet. Car il faut absolument faire en sorte d’empêcher que ne se reproduisent de tels actes. C’est difficile, mais c’est nécessaire !
C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir dire au Sénat les dispositions que vous avez prises, que vous prenez et que vous envisagez de prendre pour faire plus encore dans la lutte contre cette horreur, cette barbarie qu’est le terrorisme.
Applaudissements.
Monsieur le président Sueur, l’interpellation de Mehdi Nemmouche confirme dramatiquement l’actualité et l’ampleur de la menace terroriste qui pèse sur nos démocraties. À mon tour, je veux m’incliner devant les victimes de l’acte odieux commis à Bruxelles.
Cette menace s’accentue avec l’expérience de la violence meurtrière acquise sur les théâtres de combats, notamment en Syrie. Comme j’avais déjà eu l’occasion de le dire ici même, lorsque j’étais ministre de l’intérieur – je sais que ces mots avaient fait débat, mais ils me semblent plus que jamais d’actualité –, l’ennemi de nos valeurs, de notre démocratie est également intérieur.
Dès l’été 2012, en tant que ministre de l’intérieur, j’avais été frappé par la montée en puissance – même si cela ne concernait qu’une poignée d’individus – de Français, ou de citoyens résidant en France, qui voulaient se rendre en Syrie.
La loi de décembre 2012, qui a été votée ici à une large majorité, a permis d’améliorer notre dispositif préventif et répressif de lutte contre ce phénomène. L’accès aux données internet des cyber-djihadistes a été pérennisé dans notre droit, ce qui facilite leur surveillance. Les actes terroristes commis par les Français à l’étranger sont punissables dans notre pays.
Mais j’avais annoncé – et nous en étions tous convenus – qu’il faudrait sans doute aller plus loin.
C’est ce qui a été fait avec la réforme du renseignement intérieur et du renseignement territorial, applicable depuis le 1er mai. À cet égard, je veux rendre hommage au travail qui a été réalisé ici, au soutien que j’ai reçu de votre part et de la part du président Carrère sur ces dossiers qui rassemblent tous les membres de votre assemblée.
C’est également l’objectif du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes que Bernard Cazeneuve a présenté en conseil des ministres le 23 avril dernier et que j’avais évidemment préparé. Ce plan prévoit plusieurs adaptations législatives dont vous aurez à débattre prochainement, le plus vite possible, je l’espère.
Nous réfléchissons ainsi à la meilleure manière de compléter l’arsenal pénal face à certains comportements individuels. Il faudra sans doute être très ouvert sur ces questions-là. Je crois qu’il ne faut s’interdire aucun sujet, pour autant, bien sûr, que nous le traitons dans le respect de notre droit et de notre Constitution.
Ainsi, nous devons nous poser – et je tiens à le dire à la représentation nationale – la question de savoir comment nous traitons ceux qui reviennent de ces pays, mais aussi ceux qui veulent s’y rendre.
Nous prenons des mesures pour prévenir, contrarier les départs en retirant le passeport, en interdisant certains voyages, en s’opposant à la sortie du territoire des mineurs, en combattant et en démantelant les filières de recrutement, en renforçant la coopération européenne et internationale, et je salue l’initiative de Bernard Cazeneuve d’inviter Joëlle Milquet, ministre de l’intérieur de Belgique, avec qui nous avons passé en revue toutes ces initiatives dimanche dernier, à Paris.
Nous agissons également en facilitant les investigations des services sur internet, notamment sur les réseaux sociaux, et en soutenant les familles au travers d’une plateforme nationale de soutien à un programme de réinsertion, car la question de la prévention est tout à fait essentielle.
Au-delà de ces mesures, qu’il faut continuer à appliquer avec ténacité, nous devons réfléchir de manière très fine, car c’est compliqué – les nombreux juristes qui siègent dans cette enceinte connaissent parfaitement ces sujets –, à la manière dont on peut, notamment en travaillant avec des juges antiterroristes, mieux prévenir, voire punir le seul fait de vouloir aller combattre à l’étranger.
Aujourd’hui, 800 Français ou résidents sont concernés par les filières syriennes ; 490 d’entre eux combattent ou ont combattu sur le sol syrien, 320 sont recensés sur place et 30 y sont morts ; 140 sont revenus de Syrie.
Jamais, mesdames, messieurs les sénateurs, les services de renseignement n’ont eu à affronter un tel défi numérique en matière de terrorisme et donc de suivi. Face à cette menace particulièrement forte et mouvante, il faut s’adapter. Mais jamais notre pays n’a eu à affronter une telle menace.
Plusieurs individus ont été interpellés et plusieurs filières, démantelées. Je vous rappelle que nous avons failli connaître un attentat sur notre sol il y a quelques semaines, à Strasbourg ou dans le sud de la France. Cette menace est réelle. Nous ne devons pas dissimuler à nos compatriotes l’étendue des dangers qu’elle représente.
Nous devons être très attentifs, nous mobiliser pour y faire face, en renforçant la coopération européenne et internationale et notre arsenal législatif.
Dans ce cadre, je sais que je peux compter sur la sagesse et l’esprit de responsabilité des sénateurs pour appuyer le Gouvernement dans sa lutte.
Cette lutte doit rassembler non seulement la représentation nationale, mais tout le pays. Elle doit surtout nous permettre d’éviter les amalgames : je pense à nos compatriotes de confession musulmane, qui doivent se sentir épaulés par la communauté nationale, car, je le rappelle, les musulmans sont les premières victimes du terrorisme. Nous percevons bien que ce mouvement représente un dévoiement de l’islam, en même temps qu’une menace pour l’unité nationale de notre pays.
C’est donc un véritable défi pour la France, et je sais pouvoir compter sur chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le relever. §
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur.
Cela a été dit, l’antisémitisme en France est désormais sur une pente meurtrière. Les attentats de Toulouse, puis de Bruxelles l’ont démontré. Leurs protagonistes, l’un avéré, l’autre présumé, ont suivi des parcours similaires : sortie prématurée du milieu scolaire, petite délinquance, radicalisation islamique en prison, voyages d’initiation au djihad au Moyen-Orient. Ils symbolisent le lien coupé avec la société française.
Leur dérive nous interpelle sur l’école, sur les modalités d’encadrement de nos jeunes, sur ces mouvements de jeunesse qui ne remplissent plus leur rôle, qui sont inaptes à pallier la déstructuration du modèle familial patriarcal dont sont en principe issus ces futurs djihadistes, endoctrinés dans la haine du Juif et d’Israël au nom d’un islam extrémiste ingurgité sur internet, et gagnant bientôt l’Orient, où cet endoctrinement se double d’un apprentissage du terrorisme.
Si les mesures annoncées hier par le ministre de l’intérieur au conseil des ministres sont nécessaires, la question que soulèvent ces actes terroristes n’est pas seulement d’ordre sécuritaire.
Le djihadisme new age, en France, est d’abord un problème sociétal. La prison en est devenue le réservoir. L’abandon à soi-même, la promiscuité, la fréquentation de salafistes fraîchement convertis y préparent au pire, quand une peine de probation éviterait à certains le passage par la case « prison » pour de petits délits. La future réforme pénale aidera peut-être à résoudre au moins cet aspect des choses.
Le diagnostic sociologique étant posé, les regains actuels d’un antisémitisme polymorphe ne peuvent pourtant que raviver, chez les juifs et chez tous les démocrates, la mémoire du génocide qui a annihilé 6 millions d’entre eux en Europe, dont 73 000 en France. Intolérable, cet antisémitisme, comme l’islamophobie, la xénophobie et tous les racismes, doit être combattu par tous les moyens.
Ces actes antisémites ne peuvent être ramenés à une affaire entre juifs et musulmans. Les arabo-musulmans de France eux-mêmes pâtissent, par réaction, d’une aggravation du rejet indistinct et injuste dont ils sont déjà victimes. En fait, ce sont nos sociétés, démocratiques, libres, progressistes, que ces actes prennent pour cible et déstabilisent.
Les discours d’apaisement et les messages de sympathie ne suffisent plus. Que compte faire le Gouvernement pour changer la donne en profondeur et rétablir les conditions d’un vivre ensemble acceptable ?
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Éliane Assassi, Nicole Bricq, Hélène Conway-Mouret et Muguette Dini applaudissent également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la sénatrice, lorsqu’un homme entre dans un musée et abat froidement quatre innocents avec pour seul mobile la haine du peuple juif, le Gouvernement et la représentation nationale sont soulevés, comme tous les citoyens français, par l’indignation. C'est le sens de votre intervention.
Je veux donc, à mon tour, adresser aujourd’hui aux communautés juives de Belgique et de France frappées par le deuil, et que ces individus odieux voudraient condamner à vivre dans la peur, un message de soutien fraternel, de solidarité et de compassion.
À l’heure où nous rendons hommage aux victimes, il nous faut aussi, vous avez raison, insister sur la dimension de violence extrême qui s’attache à ces actes et qui doit nous mobiliser tous, autour des valeurs de notre société.
Au nom du Gouvernement, je tiens à vous assurer d’abord de notre fermeté absolue dans le combat que nous livrerons contre ces menaces, en coopération avec nos partenaires européens, dans la lutte contre cette barbarie moderne. Les auteurs d’actes antisémites doivent savoir qu’ils seront inlassablement traqués, retrouvés et punis.
Vous l’avez rappelé, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a présenté en conseil des ministres le 23 avril dernier un arsenal de mesures destinées à éradiquer la menace terroriste en France. Mais, vous avez raison, l’affaire Nemmouche démontre le danger que recèlent les prisons : celles-ci peuvent devenir des lieux de radicalisation faisant des petits délinquants les pires terroristes. La prison est indéniablement, aujourd’hui, propice à la diffusion du message radical. La fragilité psychologique de certains détenus et la promiscuité favorisent les prosélytismes de toutes sortes.
C’est pourquoi le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur préparent une série de mesures ambitieuses destinées à renforcer l’action des services de renseignement pénitentiaire, à améliorer le recrutement et la formation des aumôniers, notamment musulmans – les tentatives d’amalgame qui sont faites à propos de la religion musulmane sont inacceptables, car nous savons très bien que les terroristes travestissent la nature de cette religion –, pour que ces aumôniers soient des imams formés aux principes civiques et citoyens qui sont ceux de l’islam de France. Il s’agit enfin de prendre en charge les individus radicalisés au terme de leur détention.
Vous l’avez dit à juste titre, madame la sénatrice, au-delà de ces aspects de surveillance et de répression, il y a un combat permanent à mener dans la société tout entière. Les technologies modernes, notamment internet, soulèvent des questions. On assiste également à une résurgence de la propagande. Il y a quelques mois, l’affaire Dieudonné a démontré la résolution du Gouvernement à lutter contre ce phénomène.
Madame la sénatrice, au moment où la situation est grave, la volonté du Gouvernement s’exprime par un combat déterminé et global contre l’antisémitisme, la violence et le terrorisme. §
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la ministre, dans quelques jours, vous allez proposer, dans l’improvisation la plus totale, une réforme territoriale dont personne ne veut, hormis peut-être quelques cercles libéraux de Bruxelles. §
Cette réforme, imposée par le Président de la République, ne procède d’aucune règle, ne s’appuie sur aucune étude d’impact pas plus que sur des objectifs clairement définis.
Loin de toute concertation véritable, en reconcentrant les pouvoirs locaux, cette réforme est contraire à l’engagement 54 du candidat Hollande qui visait à associer les élus locaux afin de promouvoir une nouvelle étape de la décentralisation.
En réalité, il s’agit d’un bouleversement considérable de nos institutions locales qui conduira à la disparition des communes au profit d’intercommunalités d’au moins 20 000 habitants, à la fin programmée des départements, même si cela est contraire à la Constitution, au regroupement des régions et à la réduction du nombre des élus locaux, tout cela s’accompagnant d’une cure d’austérité sans précédent pour toutes les collectivités.
Pour justifier l’urgence de ce big-bang de nos institutions, l’argument avancé était d’importantes économies espérées. Or, maintenant, le secrétaire d’État chargé de cette réforme déclare qu’il faudra attendre de cinq à dix ans pour voir le début des économies éventuelles.
En fait, aucune économie réelle n’est à espérer si ce n’est en réduisant l’action locale, la réponse aux besoins et aux attentes de la population.
Il n’y a donc aucune urgence à mettre en œuvre cette réforme. Il serait inacceptable d’avoir un débat parlementaire tronqué, à la hussarde, …
… après engagement de la procédure accélérée durant la période des vacances.
À l’inverse, nous vous demandons d’organiser un grand débat national associant la population, en respectant le rôle des assemblées élues.
Nous vous demandons de consulter l’ensemble des assemblées départementales et régionales.
Nous demandons que le Sénat réunisse de nouveau des états généraux pour que soit donnée la parole à tous les élus locaux et que celle-ci soit réellement entendue. §
Enfin, comme 58 % des Français, nous vous demandons que, à la suite de cette vaste consultation, le projet adopté par le Parlement soit soumis au peuple souverain §
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le sénateur, je connais votre attachement aux territoires. J’ai pu le constater avec vous sur le terrain.
Je voudrais simplement ajouter quelques remarques aux propos du Premier ministre.
Nous avons pris tout notre temps et largement débattu dans cette enceinte des territoires et de l’intercommunalité. Je le sais, sur ce dernier sujet, nous n’avons pas trouvé d’accord et n’en trouverons, me semble-t-il, pas.
Vous avez dit que tout avait été fait trop vite, …
… alors que nous avons passé plusieurs semaines à débattre.
Je vous rappelle que, après avoir posé le principe de la fusion de régions le 14 janvier dernier à la suite du débat qui a eu lieu au Sénat, le Président de la République a tenu à prendre en compte l’avis de tous les groupes politiques représentés au Parlement, ce qu’il a fait pendant plusieurs mois. Le Premier ministre a rencontré toutes les associations d’élus responsables.
Nous devons maintenant entrer dans le vif du sujet avec deux projets de loi : le texte qui a été évoqué par M. le Premier ministre relatif à la réorganisation territoriale à partir de la carte des régions et un autre portant sur les compétences dont vous débattrez ensuite, bien que les deux aient été présentés ensemble devant le conseil des ministres.
Je vous le rappelle, nous avons beaucoup progressé entre le début et la fin des débats qui se sont déroulés voilà maintenant quelques mois dans cet hémicycle. Nous devons prendre maintenant des décisions ensemble s’agissant en particulier des compétences des intercommunalités et des régions, et de leur rôle dans le redressement économique du pays.
Nul ne pense que, en l’état, nos territoires ont suffisamment de moyens en termes de masse critique et d’échanges internes pour pouvoir redresser le pays. §
Cessez donc de crier !
Je constate que certains d’entre vous approuvent.
Ce débat a été riche, fourni. Pas plus que le Gouvernement, vous n’avez compté votre temps. Nous continuerons à prendre notre temps pour discuter des compétences et de la meilleure façon de restaurer l’égalité entre les territoires, et même l’équité, ce qui n’est actuellement pas le cas. Aujourd’hui, l’hyper-richesse côtoie l’hyper-pauvreté, et cela ne nous satisfait pas. Nous voulons établir une solidarité entre les territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mon intervention rejoint celles de M. Sueur et de Mme Benbassa : elles témoignent de l’émotion que ressentent les membres de tous les groupes politiques du Sénat face à la tragédie survenue au Musée juif de Belgique situé à Bruxelles. Ce drame nous rappelle celui de Toulouse, au cours duquel nos soldats puis plusieurs familles avaient été touchés. Nous faisons preuve d’une solidarité fraternelle avec la communauté israélite.
Ces crimes démontrent que, dans notre pays, l’obscurantisme gangrène certains esprits et peut ronger progressivement notre socle républicain.
Cet islamisme radical, le président d’honneur du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, s’en est dit récemment très préoccupé : il a évoqué « ce phénomène de radicalisation qui défigure l’image de l’islam et des musulmans ». Chaque Français, quelle que soit son appartenance religieuse ou philosophique, doit pouvoir vivre en sécurité et en liberté. C'est cela, la France laïque, et ce principe s’applique aussi à ceux que nous accueillons.
Depuis deux ans, plusieurs centaines de jeunes rejoignent des mouvements djihadistes. Comment prévenir ces départs ? Je sais, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement est préoccupé par cette question. Comme gérer le retour d’hommes, et parfois de femmes, entraînés et ayant vécu dans une certaine ambiance ? Quels seront leurs objectifs une fois revenus ?
Face au terrorisme et au djihadisme, la réponse doit être globale et européenne. Le coordonnateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme l’a rappelé. À l’intérieur et au-delà de l’espace Schengen, les actions d’Europol, d’Eurojust et de Frontex doivent être mieux coordonnées.
Voilà quelques semaines, une délégation du Sénat, dont je faisais partie, s’est rendue à Şanlıurfa, en Turquie, à la frontière de la Syrie. Nous avons vu que la Turquie accueillait des dizaines de milliers de réfugiés syriens ; dans cette horrible guerre, le Liban connaît la même situation. Dans le même temps, nous avons pu mesurer la prégnance de mouvements extrémistes, tels que l’État islamique en Irak et au Levant, dont se réclame Medhi Nemmouche.
Monsieur le Premier ministre, je sais que, le 25 juin prochain, devrait être présenté, en conseil des ministres, un plan qui complètera le premier plan adopté en la matière.
Dans cette perspective, permettez-moi d’exprimer quatre interrogations.
De quels moyens humains, financiers et juridiques disposons-nous pour surveiller et suivre ces individus dangereux ? Je vous ai entendu tout à l'heure évoquer le renforcement de ces moyens. S’agira-t-il de la privation de passeports, de l’expulsion d’étrangers impliqués dans les filières djihadistes, de « cyberpatrouilles », du gel des avoirs des microfilières ?
Mme Annie David montre des signes d’impatience.
Comment optimiser l’action de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI ?
Comment surveiller les jeunes concernés, dont l’enrôlement commence sur le web et se poursuit parfois – mais pas toujours – en prison ? Et, puisque le problème de la prison n’est pas le seul à se poser, faut-il renforcer la coordination de l’action du bureau de l’administration pénitentiaire avec celle des autres services ?
Enfin, je sais que le Président de la République a évoqué hier cette question, dans le cadre du G7, avec les chefs d’État et de gouvernement. Je sais que le ministre de l’intérieur le fait aujourd'hui même. Quelles sont les actions envisagées ?
Monsieur le sénateur, votre question, les pistes que vous évoquez, les réponses que vous fournissez, l’esprit qui vous anime rejoignent à la fois les questions qui ont déjà été posées et les réponses que le Gouvernement y a apportées.
Il s’agit là d’un sujet de préoccupation majeur, qui concerne tous les pays.
Lorsque j’occupais les fonctions de ministre de l’intérieur, j’avais pris des initiatives pour y faire face. Ces initiatives, Bernard Cazeneuve, qui participe, en ce moment même, à une réunion, au Luxembourg, avec les autres ministres de l’intérieur européens, les développe et les amplifie. Nous avons décidé d’accroître la coopération avec d’autres pays concernés par ces faits. Je pense aux États-Unis, à l’Australie ou au Canada, qui sont confrontés aux mêmes types de problèmes, mais aussi, bien évidemment, à d’autres pays voisins de la Syrie, comme la Jordanie et le Liban, ou encore au Maroc ou à la Tunisie, qui connaissent trop bien ce phénomène de départs vers la Syrie.
Tout un arsenal de mesures est donc pris à l’échelon tant international qu’européen.
Ainsi que Bernard Cazeneuve et la ministre de l’intérieur belge l’ont souligné, ces faits soulèvent plusieurs problématiques : le fonctionnement de l’espace Schengen, le suivi, la coopération entre les services… Autrement dit, dans ce domaine comme dans bien d’autres, il faut davantage d’Europe et d’efficacité.
Pour notre part, nous devons aussi renforcer notre arsenal national. C’est précisément pour faire face à ce type de problèmes que la direction générale de la sécurité intérieure a été créée. Ses liens avec le renseignement territorial et la coordination des travaux de ces deux structures seront aussi décisifs, car il faut être capable de détecter tous les « signaux faibles », selon le jargon du renseignement.
En effet, nous faisons face à une menace non pas organisée – à l’instar des menaces classiques, que nous avons pu connaître par le passé –, mais diffuse au sein même de la société française. D’autres pays sont d’ailleurs également confrontés à ce phénomène – la Grande-Bretagne, la Belgique, les pays du nord de l’Europe, l’Espagne ou encore l’Allemagne –, à un niveau jamais connu.
Je veux souligner l’importance de l’échange d’expériences, mais aussi de la capacité de prévention, via, notamment, le travail en prison. À cet égard, monsieur Larcher, vous avez eu raison de l’indiquer, il n’y a pas que la prison ! Comme Jean-Marie Le Guen le rappelait tout à l'heure, un travail sur la prison est déjà entamé depuis plusieurs mois, grâce à la coopération entre les ministères de la justice et de l’intérieur.
Cela dit, l’autoradicalisation sur internet soulève aussi des difficultés majeures. À ce sujet, nous tâchons de démontrer à nos amis américains les contraintes et les contradictions nées du premier amendement de leur Constitution, qui les empêche d’aller plus loin – au reste, cela vaut pour le terrorisme comme pour d’autres secteurs. Nous avions débattu ici même des questions liées à la liberté de la presse à l’automne 2012.
Il faut donc poser ces problèmes. Toutefois, et je vous rejoins sur ce point, monsieur Larcher, nous devons envisager non pas des textes de loi ou des mesures de circonstance, mais des solutions qui répondent à cette menace majeure pour notre démocratie et pour la cohésion de notre pays, à laquelle nous devons veiller, comme Mme Benbassa le rappelait tout à l'heure.
Nous devons, chaque fois, trouver ensemble la bonne réponse : celle de la société. Vous aviez raison de citer les mots de l’ancien président du Conseil français du culte musulman. Je veux aussi saluer l’initiative prise par le recteur de la Grande Mosquée de Paris. À travers les ministres du culte et les intellectuels musulmans, c’est la société qui se mobilise pour faire face à ce qui peut devenir une fracture dans notre pays.
Nous devons également trouver les réponses juridiques, notamment législatives, qui doivent s’imposer. Nous y reviendrons très prochainement, parce qu’il faut agir vite et avec beaucoup de précision.
En tout état de cause, je vous remercie, monsieur Larcher, du ton de votre question et du soutien que vous apportez à cette cause, qui, bien évidemment, dépasse tous les clivages et doit tous nous rassembler ! §
Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Monsieur le ministre, ces dernières années, de nombreux de Français modestes sont entrés dans l’impôt alors que leur situation n’a pas évolué. En quatre ans, le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux personnes seules ayant élevé un enfant ont poussé près de 4 millions de foyers, notamment des petits retraités, dans l’assiette de cet impôt.
Cette situation n’est plus soutenable pour les contribuables, en particulier pour ceux dont les revenus les placent en bas du barème. Aussi, je salue la décision prise par M. le Premier ministre de réduire ou d’annuler l’impôt sur le revenu des personnes gagnant moins de 1 200 euros nets par mois. §Cette mesure bénéficiera à plus de 3 millions de ménages, 1, 8 million d’entre eux n’étant plus soumis à l’impôt sur le revenu. La taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle étant assises sur le revenu fiscal de référence, ces contribuables n’acquitteront plus non plus ces taxes, dont le paiement se déclenche automatiquement avec l’entrée dans l’impôt sur le revenu.
Cela étant, Bercy a mis à disposition des contribuables un simulateur sur internet leur permettant de connaître le montant de l’impôt qu’ils devront acquitter. Nombre de nos concitoyens ont utilisé cet outil de calcul pour savoir quel sera le montant de leur impôt en 2014 ; certains d’entre eux ont pu constater une forte augmentation – parfois 700 euros ! – par rapport à l’année précédente. Or le simulateur ne prend pas en compte l’annonce de la réduction d’impôt – elle serait effective dès le mois de septembre prochain –, puisque cette mesure n’a pas encore été votée par le Parlement – elle le sera dans quelques semaines.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous organiser une communication en direction de chaque foyer concerné par la réforme, afin d’indiquer à ces contribuables que la simulation faite sur internet ne correspond pas du tout à la somme qu’ils vont payer à l’automne, puisque la réduction d’impôt s’appliquera dès ce mois de septembre ? Je vous remercie par avance de votre réponse, que j’espère précise et claire ! §
Monsieur le sénateur, comme vous le savez, dans le pacte de responsabilité et de solidarité, le Gouvernement a décidé de soumettre au vote du Parlement un certain nombre de dispositions, visant, d’une part, à diminuer des cotisations ou des impôts pesant sur les entreprises pour permettre à celles-ci d’investir et d’embaucher et, d’autre part, à baisser les cotisations pesant sur les salariés – de manière massive en 2015 – et à faire sortir de l’impôt sur le revenu les foyers les plus modestes qui y sont entrés au cours de ces dernières années ou qui risqueraient d’y entrer à l’automne prochain.
L’assujettissement de ces foyers à l’impôt sur le revenu est la conséquence d’un certain nombre de mesures, votées par les uns comme par les autres. Je pense, par exemple, à la suppression de la fameuse « demi-part des veuves », dont nous entendons systématiquement parler, qui a été votée voilà de nombreuses années et dont les effets néfastes continuent encore aujourd'hui à se faire sentir sur un certain nombre de personnes âgées.
Nous avons donc décidé de soumettre au vote notamment du Sénat une disposition qui permettra de réduire l’impôt de 350 euros pour un célibataire qui gagnerait un peu moins de 1, 1 SMIC et de 700 euros pour un couple qui percevrait deux fois plus. Cette mesure s’appliquerait aux retraités comme aux salariés. Comme vous l’avez indiqué, ce sont plus de 1, 8 million de foyers qui pourront ainsi sortir de l’impôt sur le revenu, avec toutes les conséquences que cela emporte en termes de baisse d’autres types d’impôts ou de contributions.
Comment ce système sera-t-il financé ? Vous le savez, le Gouvernement vous propose de financer la diminution, voire la suppression, de l’impôt pour les plus modestes des Français en mobilisant les revenus nouveaux issus de la régularisation fiscale des comptes bancaires non déclarés, en particulier des comptes en Suisse. C’est l’argent de ceux qui l’ont caché qui nous permettra de baisser l’impôt des plus modestes des Français ! §
À juste titre, monsieur Roger, vous vous demandez comment cette information pourra être portée à la connaissance des contribuables concernés. Il faut dire que nous ne pouvions pas intégrer dans les informations annexées au simulateur des dispositions qui n’ont pas encore été votées par le Parlement…
M. Michel Sapin, ministre. Cependant, nous avons décidé de mettre en ligne, d’ici à la fin de ce mois, un nouveau simulateur à blanc
Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. Michel Sapin, ministre. Ainsi, chacun pourra prendre connaissance de cette bonne nouvelle !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Elle porte sur la dépendance, plus précisément sur l’acte II de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, annoncé hier en conseil des ministres.
Il ne vous aura pas échappé, madame la secrétaire d’État, que, pour les conseils généraux, l’acte I n’était toujours pas compensé financièrement ! Pourtant, l’APA est sous la responsabilité des départements depuis sa création, voilà une dizaine d’années, et l’échelon départemental a fait preuve d’efficacité. Ainsi, l’âge moyen d’entrée en maison de retraite a reculé de soixante-quinze à quatre-vingt-trois ans. Cette avancée majeure en faveur du maintien à domicile et du bien-être des personnes âgées est incontestable et largement reconnue, malgré toutes les difficultés budgétaires.
Le projet de loi « autonomie » évoque une revalorisation, porte sur 645 millions d’euros financés par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, payée par les retraités eux-mêmes, et place – il faudrait plutôt dire « plaçait » ! – les départements comme chef de file de cette prestation. J’y vois une véritable reconnaissance de leur savoir-faire.
Je suis sûr, madame la secrétaire d’État, que vous ne souhaitez pas brouiller les pistes entre réforme territoriale, politique de la dépendance et son financement. Vous allez donc pouvoir répondre clairement à mes questions, que voici.
Premièrement, à la place des départements, qui seront dévitalisés, aux dires de certains, et euthanasiés, selon d’autres, quel échelon sera retenu pour assurer cette prestation ? À moins que vous n’envisagiez une recentralisation du dispositif…
Deuxièmement, quel calendrier avez-vous fixé pour la mise en œuvre de cette réforme ? La question n’est pas anodine, puisque la CASA est perçue depuis l’an dernier !
Troisièmement, pourquoi cette recette n’est-elle pas attribuée dès à présent aux départements, permettant ainsi de réduire le reste à charge pour les usagers ?
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’ores et déjà des précisions que vous nous apporterez. En effet, le vieillissement concerne ou concernera tous nos concitoyens. Mes chers collègues, il concerne chacun d’entre nous, même si, comme le disait André Malraux, « on ne voit vieillir que les autres » ! §
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.
Monsieur Savary, je vous remercie de votre question.
Le Gouvernement a adopté, lors du conseil des ministres de ce mardi, un important projet de loi relatif à l’adaptation de notre société au vieillissement. En effet, ce sont 640 millions d’euros qui, dès la promulgation de la future loi, seront dédiés à l’accompagnement du vieillissement.
Ils seront consacrés d’abord à l’anticipation de ce dernier, nos concitoyens voulant vieillir le plus longtemps possible dans les meilleures conditions chez eux.
Ils seront également consacrés à l’adaptation de notre société – en particulier des logements et du cadre urbain – au vieillissement de la population, vieillir chez soi ne signifiant pas rester chez soi.
Ils seront enfin consacrés à l’accompagnement, lequel comprend – je tiens à vous le signaler avant de vous répondre sur la question spécifique de l’APA – une mesure extrêmement importante : la mise en place d’une aide aux aidants, d’un droit au répit qui permettra aux familles accompagnant des personnes âgées en grande perte d’autonomie de prendre quelques jours de repos par an et de bénéficier du financement d’un hébergement temporaire pour leurs proches.
C’est donc un projet de loi, je le répète, très important, et vous nous interrogez sur le financement des dispositions qu’il comporte.
Vous le savez, c’est la CASA, qui sera, dès la promulgation de la future loi, intégralement consacrée à ce financement.
Je tiens à vous rassurer : les conseils généraux n’auront pas à prendre en charge une quelconque dépense supplémentaire. Le projet de loi prévoit en effet à la fois que les personnes en perte d’autonomie bénéficieront davantage d’heures d’aide à domicile et que le reste à charge dont elles sont redevables sera réduit. Il s’agit donc d’une mesure d’accompagnement et de justice sociale considérable, qui sera totalement prise en charge par la CASA.
Je crois avoir répondu en partie à vos interrogations.
Pour ce qui concerne le calendrier, ce texte sera examiné en première lecture le plus rapidement possible. Si le Parlement travaille vite, comme nous le souhaitons tous – et nous pouvons tous nous retrouver autour de ce projet de loi pour montrer au pays que nous sommes unis face aux grands défis – tous les Français pourront en bénéficier dans les plus brefs délais. §
Au mois d’octobre dernier, dans cette enceinte même, à l’ouverture des débats relatif au projet de loi garantissant l’avenir et la justice des retraites, j’avais tenu à souligner à la tribune combien, trois ans après une réforme passée en force, nous avions changé de méthode, de projet et de perspectives.
La loi, promulguée au mois de janvier 2014, crée des droits nouveaux.
C’est une réforme de justice et de progrès. Il suffit de rappeler, outre la prise en compte de la pénibilité, ce qui n’est pas le moindre, l’amélioration des dispositifs de retraite progressive pour les seniors et de retraite anticipée pour les personnes handicapées, celle de la situation des travailleurs précaires avec l’abaissement du seuil d’acquisition d’un trimestre de 200 à 150 heures SMIC, la validation des périodes d’apprentissage et de stage pour les jeunes, l’augmentation des pensions des non-salariés agricoles, le droit à une majoration d’assurance pour les aidants familiaux...
La volonté et l’action du Gouvernement se sont aussi inscrites dans un contexte d’inégalités entre hommes et femmes, tant dans la sphère professionnelle que dans la vie quotidienne des familles.
Madame la secrétaire d’État, vous étiez alors rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je ne vous apprendrai donc rien en rappelant le constat que vous faisiez vous-même sur l’importance des droits familiaux, qui compensent en partie l’écart des pensions en droits propres entre hommes et femmes, précisément de 58 % à 72 %.
La délégation demandait, à cet égard, que les droits familiaux soient centrés sur la maternité pour remplir l’objectif de compensation des conséquences de cet événement sur la retraite des femmes.
Le décret publié le 1er juin dernier, qui permettra – enfin ! , titrait un quotidien – de prendre en compte la durée réelle des congés de maternité pour les droits à la retraite, s’inscrit, me semble-t-il, dans cette perspective de compensation.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’en donner confirmation à la représentation nationale et de nous éclairer sur les conséquences concrètes de ce nouveau droit. §
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question et souligné que la loi sur les retraites n’avait pas simplement garanti dans la durée le financement des régimes de retraite, mais qu’elle avait aussi permis, sur l’initiative du Gouvernement et avec un soutien fort de la majorité parlementaire, des avancées sociales majeures.
Parmi ces avancées, vous l’évoquiez, il y a celles qui vont dans le sens de l’égalité entre les femmes et les hommes.
En effet, aujourd’hui, la pension de retraite des femmes est d’un montant en moyenne inférieur de 30 % à celui de la pension des hommes, ce qui est inacceptable.
Bien entendu, l’égalité des pensions se joue bien avant le départ à la retraite, lors du parcours professionnel.
Il faut se battre tout au long de la vie professionnelle des femmes, au niveau tant du code du travail que des plans d’égalité professionnelle, pour leur garantir des carrières égales à celles des hommes. Il est important, à cet égard, de favoriser la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle qui est souvent l’obstacle le plus lourd pesant sur la carrière des femmes.
Ainsi, la mesure que vous avez évoquée et qui vient de faire l’objet d’un décret est importante : 70 000 femmes vont pouvoir bénéficier de trimestres supplémentaires au moment du calcul de leur retraite lorsqu’elles ont eu trois enfants et plus, ou bien des jumeaux, ou encore lorsqu’elles ont adopté.
Cette mesure s’ajoute à d’autres qui figurent dans la loi sur les retraites et qui vont permettre une meilleure prise en compte du travail à temps partiel, lequel, je vous le rappelle, concerne principalement les femmes et hypothèque le montant de leur pension de retraite.
Je rappelle aussi la double revalorisation du minimum vieillesse intervenue cette année, soit 80 euros supplémentaires pour les petites pensions de retraite, lesquelles sont perçues à 80 % par les femmes.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement œuvre en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, que ce soit au moment de la retraite, au travail ou dans la vie quotidienne. §
Au mois de septembre, comme d’autres collègues ici présents, je ne briguerai pas un nouveau mandat de sénateur. À l’aune de cette étape politique, je regarde derrière moi, taraudé par cette question : quel monde sommes-nous en train de transmettre à nos enfants ?
Alors, je me permets de poser la question suivante au Gouvernement : quelle société veut-il transmettre aux générations de demain ?
Depuis plusieurs décennies, je vois s’écrouler les repères qui ont façonné ma vie. Je pense à mon éducation familiale. Je pense à ces liens de fidélité qui ont permis de construire une famille. Je pense à cette société qui accueillait les petits, et protégeait les faibles et nos aînés de génération en génération.
Aujourd’hui, je constate que le Gouvernement remet en cause la nature. Rien de plus, rien de moins ! Avec les ABCD de l’égalité, par exemple... Votre obsession de déconstruire les stéréotypes revient à déconstruire la complémentarité.
La différence entre homme et femme, vous ne l’acceptez pas, car vous ne concevez pas que le mot « complémentarité » puisse exprimer respect et enrichissement.
Cette complémentarité devait rester la référence dans le mariage entre un homme et une femme, et dans l’éducation à transmettre à leurs enfants.
On doit aimer la vie. On doit aimer et respecter nos anciens, car ils sont la pierre sur laquelle s’est construite notre histoire. C’est le devoir filial. On doit s’émouvoir devant le malade, le handicapé, car dans son corps blessé, c’est notre humanité qu’il porte. Et pourtant !
Que faites-vous lorsque 96 % des fœtus porteurs d’une trisomie 21 sont tués par avortement au seul prétexte de leur maladie ? Pourquoi avoir dissocié avortement et détresse ? Pourquoi avoir rendu gratuite la pilule contraceptive pour les jeunes filles dès l’âge de quinze ans ? Vous les déresponsabilisez en leur faisant croire que, dans la vie, la liberté, c’est assouvir tous ses désirs, alors même que ceux-ci peuvent vous rendre esclaves.
De quelle liberté parlez-vous quand nos aînés, touchés par le poids des ans, quand nos concitoyens malades sentent le risque de se voir supprimer par une société qui bouleverse les codes multiséculaires de l’accompagnement de fin de vie ?
Que faire de ce monde qui ne respecte plus les lois non écrites inscrites dans le cœur de l’homme ?
De manière générale, le bateau France part à la dérive. Chaque jour les indicateurs le démontrent. §
M. Philippe Darniche. Les générations futures ne peuvent être sacrifiées. Je m’adresse au Gouvernement dans son ensemble : quand cesserez-vous d’abîmer la France ?
Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le sénateur, je veux tout d’abord contribuer à lever une inquiétude importante, et probablement lourde à porter, que vous avez exprimée.
Je tiens à vous rassurer : non, les androgynes ne vont pas revenir et déclencher, de nouveau, la colère de Zeus et des autres dieux ! §
Soyez tranquille ! Non, l’indifférenciation des sexes ne nous menace pas, pas plus qu’elle ne menace l’espèce humaine.
Cette peur ancestrale que vous avez exprimée est historique. Elle rejoint tout à fait celle de la fin de l’espèce, laquelle cesserait de se reproduire, faute de reconnaître son plus et son moins.
Monsieur le sénateur, ce qui définit l’humanisme moderne, c’est justement la conviction que la nature est tout sauf une norme morale.
Ce qui fait la force de la République, celle que les hommes ont construite et sont allés conquérir sur la nature, qui ne la leur a pas donnée, c’est qu’elle permet à chacun de vivre selon ses convictions.
La force de la loi civile, c’est que, ce qu’elle autorise, elle n’y contraint pas.
S’agissant de tous les sujets que vous avez évoqués, personne n’est « obligé ». La loi des hommes le permet, la loi de la nature l’interdit.
Vous nous demandez, monsieur le sénateur, quelle société nous voulons transmettre à nos enfants.
Nous voulons leur transmettre, tout simplement, une société construite sur les valeurs qui sont les nôtres, qui sont celles de cette maison, là même où je les ai consolidées et où beaucoup d’entre vous me les ont enseignées : celles de la République, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Car ce sont les seules valeurs universelles, et celles qui nous ont permis, en particulier à nous, les femmes, de conquérir des libertés nouvelles que la nature ne nous avait pas données non plus. Je pense, en premier lieu, aux droits procréatifs, à la contraception, au droit à l’interruption volontaire de grossesse. Je rappelle en effet que, avant la loi Veil, des centaines de femmes devaient subir des avortements dans des conditions inhumaines, dangereuses et mortelles.
Ces droits, la nature, disais-je, ne nous les a pas donnés. Mais elle était parfois tellement généreuse qu’elle en devenait pour nous un fardeau !
Monsieur le sénateur, je vous souhaite une retraite heureuse. Vous aurez le temps de vous consacrer à des controverses, telle que « la place de la foi à la place de la loi », et à une vieille question posée par les apôtres : la loi de Dieu est-elle supérieure à celle des hommes, ou celle des hommes à celle de Dieu ? §
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juin 2014 :
À quatorze heures trente :
1. Débat : « Quel avenir pour les colonies de vacances ? ».
À dix-sept heures :
2. Débat sur l’application de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
À vingt et une heures trente :
3. Débat sur les collectivités locales et la culture.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures dix.