Intervention de Manuel Valls

Réunion du 5 juin 2014 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Lutte contre le djihadisme

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le sénateur, votre question, les pistes que vous évoquez, les réponses que vous fournissez, l’esprit qui vous anime rejoignent à la fois les questions qui ont déjà été posées et les réponses que le Gouvernement y a apportées.

Il s’agit là d’un sujet de préoccupation majeur, qui concerne tous les pays.

Lorsque j’occupais les fonctions de ministre de l’intérieur, j’avais pris des initiatives pour y faire face. Ces initiatives, Bernard Cazeneuve, qui participe, en ce moment même, à une réunion, au Luxembourg, avec les autres ministres de l’intérieur européens, les développe et les amplifie. Nous avons décidé d’accroître la coopération avec d’autres pays concernés par ces faits. Je pense aux États-Unis, à l’Australie ou au Canada, qui sont confrontés aux mêmes types de problèmes, mais aussi, bien évidemment, à d’autres pays voisins de la Syrie, comme la Jordanie et le Liban, ou encore au Maroc ou à la Tunisie, qui connaissent trop bien ce phénomène de départs vers la Syrie.

Tout un arsenal de mesures est donc pris à l’échelon tant international qu’européen.

Ainsi que Bernard Cazeneuve et la ministre de l’intérieur belge l’ont souligné, ces faits soulèvent plusieurs problématiques : le fonctionnement de l’espace Schengen, le suivi, la coopération entre les services… Autrement dit, dans ce domaine comme dans bien d’autres, il faut davantage d’Europe et d’efficacité.

Pour notre part, nous devons aussi renforcer notre arsenal national. C’est précisément pour faire face à ce type de problèmes que la direction générale de la sécurité intérieure a été créée. Ses liens avec le renseignement territorial et la coordination des travaux de ces deux structures seront aussi décisifs, car il faut être capable de détecter tous les « signaux faibles », selon le jargon du renseignement.

En effet, nous faisons face à une menace non pas organisée – à l’instar des menaces classiques, que nous avons pu connaître par le passé –, mais diffuse au sein même de la société française. D’autres pays sont d’ailleurs également confrontés à ce phénomène – la Grande-Bretagne, la Belgique, les pays du nord de l’Europe, l’Espagne ou encore l’Allemagne –, à un niveau jamais connu.

Je veux souligner l’importance de l’échange d’expériences, mais aussi de la capacité de prévention, via, notamment, le travail en prison. À cet égard, monsieur Larcher, vous avez eu raison de l’indiquer, il n’y a pas que la prison ! Comme Jean-Marie Le Guen le rappelait tout à l'heure, un travail sur la prison est déjà entamé depuis plusieurs mois, grâce à la coopération entre les ministères de la justice et de l’intérieur.

Cela dit, l’autoradicalisation sur internet soulève aussi des difficultés majeures. À ce sujet, nous tâchons de démontrer à nos amis américains les contraintes et les contradictions nées du premier amendement de leur Constitution, qui les empêche d’aller plus loin – au reste, cela vaut pour le terrorisme comme pour d’autres secteurs. Nous avions débattu ici même des questions liées à la liberté de la presse à l’automne 2012.

Il faut donc poser ces problèmes. Toutefois, et je vous rejoins sur ce point, monsieur Larcher, nous devons envisager non pas des textes de loi ou des mesures de circonstance, mais des solutions qui répondent à cette menace majeure pour notre démocratie et pour la cohésion de notre pays, à laquelle nous devons veiller, comme Mme Benbassa le rappelait tout à l'heure.

Nous devons, chaque fois, trouver ensemble la bonne réponse : celle de la société. Vous aviez raison de citer les mots de l’ancien président du Conseil français du culte musulman. Je veux aussi saluer l’initiative prise par le recteur de la Grande Mosquée de Paris. À travers les ministres du culte et les intellectuels musulmans, c’est la société qui se mobilise pour faire face à ce qui peut devenir une fracture dans notre pays.

Nous devons également trouver les réponses juridiques, notamment législatives, qui doivent s’imposer. Nous y reviendrons très prochainement, parce qu’il faut agir vite et avec beaucoup de précision.

En tout état de cause, je vous remercie, monsieur Larcher, du ton de votre question et du soutien que vous apportez à cette cause, qui, bien évidemment, dépasse tous les clivages et doit tous nous rassembler ! §

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