Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 5 juin 2014 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Valeurs de la société

Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie :

Monsieur le sénateur, je veux tout d’abord contribuer à lever une inquiétude importante, et probablement lourde à porter, que vous avez exprimée.

Je tiens à vous rassurer : non, les androgynes ne vont pas revenir et déclencher, de nouveau, la colère de Zeus et des autres dieux ! §

Soyez tranquille ! Non, l’indifférenciation des sexes ne nous menace pas, pas plus qu’elle ne menace l’espèce humaine.

Cette peur ancestrale que vous avez exprimée est historique. Elle rejoint tout à fait celle de la fin de l’espèce, laquelle cesserait de se reproduire, faute de reconnaître son plus et son moins.

Monsieur le sénateur, ce qui définit l’humanisme moderne, c’est justement la conviction que la nature est tout sauf une norme morale.

Ce qui fait la force de la République, celle que les hommes ont construite et sont allés conquérir sur la nature, qui ne la leur a pas donnée, c’est qu’elle permet à chacun de vivre selon ses convictions.

La force de la loi civile, c’est que, ce qu’elle autorise, elle n’y contraint pas.

S’agissant de tous les sujets que vous avez évoqués, personne n’est « obligé ». La loi des hommes le permet, la loi de la nature l’interdit.

Vous nous demandez, monsieur le sénateur, quelle société nous voulons transmettre à nos enfants.

Nous voulons leur transmettre, tout simplement, une société construite sur les valeurs qui sont les nôtres, qui sont celles de cette maison, là même où je les ai consolidées et où beaucoup d’entre vous me les ont enseignées : celles de la République, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Car ce sont les seules valeurs universelles, et celles qui nous ont permis, en particulier à nous, les femmes, de conquérir des libertés nouvelles que la nature ne nous avait pas données non plus. Je pense, en premier lieu, aux droits procréatifs, à la contraception, au droit à l’interruption volontaire de grossesse. Je rappelle en effet que, avant la loi Veil, des centaines de femmes devaient subir des avortements dans des conditions inhumaines, dangereuses et mortelles.

Ces droits, la nature, disais-je, ne nous les a pas donnés. Mais elle était parfois tellement généreuse qu’elle en devenait pour nous un fardeau !

Monsieur le sénateur, je vous souhaite une retraite heureuse. Vous aurez le temps de vous consacrer à des controverses, telle que « la place de la foi à la place de la loi », et à une vieille question posée par les apôtres : la loi de Dieu est-elle supérieure à celle des hommes, ou celle des hommes à celle de Dieu ? §

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