Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est vrai que les colonies de vacances ont connu par le passé un grand succès. Créées à la fin du XIXe siècle pour des raisons de santé publique – il s’agissait d’envoyer des enfants au grand air –, elles ont pris au XXe siècle un sens éducatif, qu’il soit d’ordre laïque ou confessionnel. À partir de la Libération, l’État s’est impliqué dans leur développement, en transférant leur tutelle à l’éducation nationale et en leur consacrant des moyens importants.
Dans les années soixante, près de 1 400 000 enfants fréquentaient les séjours collectifs, soit 11 % des enfants âgés de cinq à dix-neuf ans. Nous sommes nombreux, cela a été dit ici, à avoir fréquenté à cette époque la « colo », moi le premier.
À partir des années soixante-dix, l’éducation nationale s’est désengagée de leur fonctionnement en faveur du ministère des sports, la fonction éducative des colonies étant passée de mode. La société ayant évolué et les familles partant de plus en plus en vacances, le nombre de séjours d’été a considérablement diminué.
Une seconde phase de croissance a succédé à la première, les colonies prenant cette fois la forme de courts séjours pendant l’année. Soumises à un nouvel impératif de rentabilité, elles ont dû s’adapter aux demandes des parents, qui recherchaient pour leurs enfants non plus seulement l’apprentissage de la vie en collectivité, mais un accès à des activités culturelles et sportives ou à des loisirs. Les offres sur catalogue se développèrent.
Leur économie prospéra, le taux de départ des enfants âgés de cinq à dix-neuf ans atteignant 14 % en 1995, comme l’a indiqué François Fortassin. Pourquoi ce taux n’était-il plus que de 7, 5 % en 2011 ? Que s’est-il passé et quelles sont les conséquences de cette désaffection ?
Une mission d’information créée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale s’est penchée sur cette question et a rendu ses conclusions en juillet 2013, ce qui a conduit à l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat par nos collègues du groupe CRC.
Le rapport identifie plusieurs causes à la baisse de fréquentation des colonies de vacances.
Tout d’abord, il y a des raisons d’ordre financier. L’augmentation du prix des séjours en colonie de vacances, la suppression des subventions de l’État et de la sécurité sociale, ainsi que le retrait des comités d’entreprise, dernier soutien des colonies, qui abandonnent souvent l’achat de séjours collectifs au profit de l’octroi de chèques-vacances, expliquent cette baisse de fréquentation.
Ensuite, il est vrai que les parents sont devenus réticents à envoyer leurs enfants en colonie, car ils craignent pour leur sécurité et doutent parfois des conditions d’accueil. Ils privilégient bien souvent les centres de loisirs des communes, qui accueillent habituellement leurs enfants et proposent des mini-camps de vacances.
Enfin, les contraintes administratives et réglementaires sont devenues de plus en plus importantes, notamment en matière de sécurité ou pour appliquer les nouvelles normes d’accessibilité. Dans le domaine de l’animation, les contrats d’engagement éducatif ont été mis en cause par la jurisprudence européenne et par celle du Conseil d’État, car ils ne garantissaient ni un statut ni un temps de repos satisfaisants pour le personnel encadrant. Il en a résulté une insécurité juridique et des surcoûts pour les organismes qui se sont mis aux normes. Aujourd’hui, le public des colonies de vacances est donc de plus en plus segmenté. Une population en grande difficulté bénéficie d’aides ciblées pour des séjours peu onéreux, tandis que les familles aisées s’adressent à des opérateurs privés proposant des prestations attrayantes.