… mais notre débat nous permettra de faire le point sur un sujet politiquement sensible et qui concerne tous les usagers des transports publics.
Fidèle à la tradition, je laisserai aux deux corapporteurs le soin de présenter leurs conclusions sur l’application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs, comme David Assouline l’aurait fait.
Nos collègues soulignent dans leur rapport que cette loi, malgré son intitulé ambitieux, n’a pas eu la portée que certains auraient souhaitée. En particulier, contrairement à une opinion trop souvent répandue, elle n’a pas instauré d’obligation de service minimum en cas de grève. D’où un malentendu entre les usagers et les grandes entreprises de transports comme la SNCF et la RATP.
Une différence entre l’objet supposé d’une loi et sa portée juridique réelle constitue typiquement un problème de qualité normative. Ce thème, auquel ma commission accorde une grande attention, nous aurons l’occasion de l’aborder de manière plus profonde ici même dans quelques jours, lors du débat sur le bilan annuel de l’application des lois.
La loi du 21 août 2007 illustre bien les difficultés auxquelles le législateur peut être confronté pour transcrire en droit les objectifs qu’il s’assigne : en l’occurrence, celui de mieux garantir la continuité du service public des transports terrestres.
En effet, le Parlement a dû trouver un chemin, très étroit, entre un principe constitutionnel intangible – le respect absolu du droit de grève –, des résistances psychologiques bien compréhensibles, liées à la forte sensibilité des organisations syndicales à tout ce qui touche à la négociation collective, et l’équilibre économique des grandes entreprises de transport, susceptible d’être affecté par le dispositif de remboursement des titres de transport en cas d’interruption prolongée du service ; sans oublier, bien entendu, la continuité du service public, qui est, elle aussi, un principe de valeur constitutionnelle, et surtout la première exigence des usagers.
J’aurais également dû évoquer la position délicate des collectivités territoriales et de l’État, souvent pris entre deux feux lors de conflits sur lesquels ils n’ont guère de prise.
Face à de telles contraintes, la marge de manœuvre du législateur était assez réduite. La loi ne pouvait donc avoir qu’une « ambition limitée », pour reprendre l’euphémisme utilisé par nos corapporteurs.
Sur le plan de sa mise en application réglementaire, la loi du 21 août 2007 n’a pas nécessité un grand nombre de décrets et n’a pas eu à pâtir de retard particulier.
Du point de vue du contrôle de l’application des lois, on peut remarquer que le décret du 24 janvier 2008, intégré depuis lors dans le code des transports, présentait une certaine singularité, dans la mesure où il devait s’appliquer seulement au cas où les entreprises concernées n’auraient pas signé d’accord-cadre et ne relèveraient pas d’un accord de branche. Il s’agissait, si j’ose dire, d’un décret à parution conditionnelle, le législateur ayant jugé préférable de confier à la négociation collective le soin de fixer les modalités d’application de la loi.
Si la loi du 21 août 2007 a été « formellement bien appliquée », comme en conviennent nos corapporteurs, il serait excessif d’en déduire qu’elle donne toute satisfaction aux différentes parties en présence. De fait, Mme Pasquet et M. Laménie mentionnent les critiques qui lui sont adressées, tant par les employeurs que par les syndicats, et admettent qu’il est très difficile de mesurer l’incidence réelle de cette loi sur le niveau de conflictualité dans les transports terrestres. Du côté des usagers, les échos ne sont guère plus favorables.
M. David Assouline a rappelé à plusieurs reprises à cette tribune que nos débats de contrôle sur la législation en vigueur ne devaient pas répéter les débats législatifs ; aussi me garderai-je de revenir sur l’opportunité d’une loi qui, on s’en souvient, répondait surtout à une promesse électorale.