Intervention de Jean Desessard

Réunion du 10 juin 2014 à 14h45
Débat sur l'application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, celles et ceux qui étaient présents lors de l’examen de la loi de 2007 le savent : les débats furent animés, il y avait de l’ambiance, les points de vue étaient partagés. Aujourd’hui, c’est plus calme, quasiment consensuel !

Sans doute est-ce parce que la loi, finalement, reflète peut-être davantage les intentions affichées par Xavier Bertrand, alors ministre du travail, que celles, belliqueuses, du Président de la République de l’époque. Si l’on reprend les propos du ministre d’alors, l’objectif avoué était triple : « Éviter au maximum le recours à la grève, éviter la paralysie en cas de grève, éviter l’absence d’informations pour les usagers. »

Éviter au maximum le recours à la grève : on ne peut qu’être d’accord avec cet objectif, parce que cela n’interdit pas in extremis l’exercice du droit de grève. C’est sur ce point que portait la discussion : interdisait-on ou non le droit de grève ? Tel n’était pas le cas. En effet, la grève est une manifestation d’un conflit social, et si l’on peut la prévenir, c’est qu’une solution a pu être trouvée.

J’ai cru comprendre, mais peut-être ai-je mal compris, que, selon les rapporteurs, le bilan de la loi, sur cet aspect, était mitigé. De fait, elle prévoit simplement la mise en place obligatoire d’une négociation entre organisations syndicales et entreprises de transport avant le dépôt de tout préavis de grève. Si l’on en arrive à ce stade-là, c’est que le mécontentement est déjà bien ancré et commence à se manifester. En fait, il est déjà trop tard !

C’est pourquoi il faut plutôt favoriser d’autres modèles de gestion du service public des transports, d’autres manières d’envisager les rapports entre les salariés et les directions. Le dialogue social se doit d’être présent à tous les échelons. Par conséquent, il reste beaucoup à faire en matière de dialogue social dans les transports publics, hormis dans un certain nombre d’entreprises, où il existe des modalités de concertation.

J’en viens à présent au deuxième objectif de ce texte : éviter la paralysie en cas de grève. Il s’agit là d’un but louable, mais il faut tout de suite ajouter – plusieurs orateurs l’ont fait – que les conflits sociaux ne sont qu’une cause marginale des retards dans les transports. Nous en avions alors longuement débattu. Par exemple, à la RATP, pour l’année 2012, dans les causes de perturbation du trafic du métro, on retrouve avant tout les causes techniques – 43 % – et les incidents de voyageurs – 31 %.

Le rapport de l’expert judiciaire nommé lors de l’enquête sur les causes de l’accident survenu à Brétigny-sur-Orge se montre extrêmement critique quant à la maintenance des voies par la SNCF, par manque de moyens.

Les mouvements sociaux, je l’ai dit, ne sont responsables que de 3 % des perturbations. Nous l’avions souligné en 2007 : est-il nécessaire de faire une loi pour si peu ? Dans l’ensemble des transports urbains, le nombre de jours de grève est relativement faible : seulement 0, 49 jour de grève par an et par salarié en 2011.

Les perturbations liées à la grève sont pointées du doigt comme étant les sources principales de nuisance. Or, s’il nous faut vraiment lutter contre la paralysie dans les transports, intéressons-nous, monsieur le secrétaire d'État, aux autres causes, qui sont à l’origine de 97 % des perturbations.

Pour améliorer le service public des transports, il faut d’abord améliorer la qualité des réseaux, car c’est cela qui nuit réellement aux usagers : des réseaux vétustes, des transports bondés dans les zones à fréquentation élevée.

Le dernier objectif de la loi était d’éviter l’absence d’informations pour les usagers, c'est-à-dire de leur donner l’information. Des avancées importantes ont été obtenues : il est primordial que les usagers ne soient pas bloqués chez eux. En région parisienne, dans le cas d’une grève subite dans le RER entraînant un blocage, il est évidemment nécessaire qu’ils soient informés, sachant qu’ils travaillent parfois jusqu’à quarante kilomètres de leur domicile. Les voyageurs doivent pouvoir s’adapter à l’avance si des perturbations sont prévues.

Les réseaux de transport ont d’ailleurs bien intégré cet impératif, notamment grâce à internet et aux applications sur tablettes et téléphones mobiles, en communiquant de plus en plus rapidement, aussi bien sur les grèves que sur les problèmes techniques et les accidents.

Le dernier point qui avait fait débat était la signature individuelle. Je rappelle pour ma part que la grève est non seulement un droit constitutionnel, mais aussi une action collective. Or il est prévu dans la loi une procédure de déclaration préalable qui oblige les salariés à faire part de leur intention de participer à la grève. C’est là que se situe le vrai danger de cette loi : dans l’individualisation de la revendication sociale.

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