Intervention de Jean Desessard

Réunion du 10 juin 2014 à 14h45
Débat sur l'application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

La grève est et doit rester une action menée par un groupe de travailleurs et non pas par une somme d’individus. Car en émiettant les responsabilités, en tentant de séparer les travailleurs, l’objectif est non plus d’éviter le recours à la grève par le dialogue social, mais de l’empêcher par la contrainte. Je le répète, la grève doit demeurer une action collective.

Pour conclure, je voudrais vous faire part, mes chers collègues, de mon expérience en tant qu’animateur social, voilà une quinzaine d’années, lorsque je travaillais avec les chômeurs.

On me disait : « Jean, avec l’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi, on va assister à une explosion sociale. » Ce à quoi je répondais que la France était trop vieille pour cela, qu’elle se rendait trop fréquemment chez le médecin. En revanche, je parlais d’une « implosion sociale », c'est-à-dire d’une violence dirigée non plus vers le patronat, l’État ou les ministres, mais vers soi – le suicide, la prise de médicaments –, vers ses proches – les violences conjugales, de voisinage, les éruptions de colère dans certains quartiers.

J’allais même plus loin : j’avais dit que si l’on ne donnait pas une réponse politique à cette désespérance sociale et à cette implosion sociale, celles-ci trouveraient une traduction politique. On pouvait penser, à une époque, que les partis de gauche pourraient en bénéficier. Or, au contraire, cette désespérance sociale et cette implosion sociale ont trouvé leur traduction politique dans un parti qui s’appelle le Front national. Déjà, j’avais signalé que si l’on n’apportait pas de réponse et si l’on continuait à favoriser et à émietter la souffrance sociale, le Front national arriverait.

Quand on voit que même les syndicats sont touchés politiquement par l’émergence du Front national, c’est grave ! C’était justement le danger de cette loi : ne pas favoriser le combat social collectif, mais vouloir individualiser les rapports sociaux, empêchant ainsi toute expression collective. Or dans l’expression individuelle, les gens, dans leur désespérance, cherchent ce qu’ils pensent être un refuge, mais qui ne fera en réalité qu’aggraver la situation.

La grève doit rester un moyen d’action, qui intervient certes en dernier recours, mais qui est toujours possible, collectivement, pour les salariés.

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