Intervention de Robert Hue

Réunion du 10 juin 2014 à 14h45
Débat sur l'application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Photo de Robert HueRobert Hue :

Sur ces mauvais fondements, on s’apprêtait à remettre en cause l’exercice du droit de grève : un droit fondamental, difficilement acquis par les salariés et reconnu par le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, à valeur constitutionnelle, qui a progressivement permis à l’ensemble de nos concitoyens d’obtenir l’amélioration de leurs conditions de travail, ainsi que de leurs droits sociaux.

En 2007, le Gouvernement prétendait encadrer le droit de grève dans les transports sous prétexte de garantir la liberté d’aller et venir, l’accès aux services publics essentiels, la liberté du travail, ou encore la liberté du commerce et de l’industrie. Certes, dans les transports en commun, une perturbation, de quelque nature que ce soit, peut occasionner une gêne provisoire pour les usagers qui n’ont à leur disposition d’autre moyen pour se déplacer. On pouvait cependant s’interroger sur la pertinence du projet de loi alors que des progrès avaient déjà eu lieu au sein de la RATP depuis 1996, puis de la SNCF par un protocole d’accord signé en 2003.

Le rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois peut légitimement nous conduire à remettre en question l’utilité même de ce texte, dont l’évaluation n’a pas dû être aisée : la loi a-t-elle abouti, par la mise en place d’un mécanisme de prévention des conflits, à réduire la conflictualité et à restaurer le dialogue social ? Selon moi, le rapport ne plaide pas en ce sens.

Le nombre d’alarmes sociales a augmenté, les dialogues entre la direction et les organisations syndicales de salariés n’ont été malheureusement que formels et les constats de désaccords après négociations se sont accrus. L’évaluation prend l’exemple de la RATP, où 36 % des alarmes sociales se sont soldées par un accord en 2012 contre 56 % en 2007.

Les seuls avantages que l’on peut retenir de cette loi sont, d’une part, l’instauration d’une négociation obligatoire dans toutes les entreprises de transport, là où elle n’était encore que facultative, et, d’autre part, le renforcement de l’information des usagers lors des perturbations prévisibles. Ce dernier point ne doit toutefois pas être négligé.

La loi a-t-elle permis d’assurer une plus grande continuité des services publics, argument qui tenait lieu de justification à ceux qui préconisaient des restrictions au droit de grève ? Non, puisque les usagers subissent toujours des retards et suppressions de trains : panne de signalisation, panne de caténaire, accidents voyageurs, présence de colis suspects et divers incidents combinés.

Les perturbations liées à la grève – l’un de nos collègues l’a souligné, et c’est un point très important – ne sont en effet que très marginales, puisqu’elle n’est à l’origine que de 3, 3 % des perturbations en moyenne. La très grande majorité de ces dernières relèvent donc bien d’incidents techniques ou relatifs aux voyageurs.

Mes chers collègues, souvenez-vous des déclarations de Xavier Bertrand, alors ministre du travail. Des trémolos dans la voix, il déclarait dans cet hémicycle qu’il ne voulait plus voir un seul voyageur exaspéré sur un quai, guettant « un train qui ne viendra[it] peut-être jamais » ! Au reste, contrairement aux propos provocateurs tenus par Nicolas Sarkozy en juillet 2008, la grève dans les transports, on s’en aperçoit encore ! Et j’ajoute que c’est positif.

Ce texte ne peut donc répondre aux situations de blocage les plus prononcées, à savoir les grèves relevant de revendications de politique nationale.

L’origine des perturbations dans les transports terrestres se situant à un tout autre niveau, la loi de 2007 n’apportait qu’une réponse sommaire à des problèmes plus profonds.

Par ailleurs, si cette réforme devait permettre d’encourager le dialogue social, rien n’a été fait pour traiter le problème à la source, c’est-à-dire pour améliorer les conditions de travail des salariés des entreprises de transport et préserver le service public en accordant les moyens de financement nécessaires à la qualité des dessertes.

Les salariés continuent de subir des agressions, des actes de malveillance et, plus dramatiquement encore, les conséquences de suicides sur les voies.

Ce sont bel et bien les perturbations « imprévisibles » qui pèsent sur la vie des usagers. Ce sont les sous-investissements cumulés depuis les années quatre-vingt qui sont à l’origine de la très grande majorité des perturbations et donc de l’insatisfaction des usagers, tandis que la fréquentation a explosé au cours des dernières années. Ce constat est particulièrement vrai en Île-de-France, où le nombre d’usagers du RER a bondi de 30 % en dix ans, rendant la situation de plus en plus tendue et insoutenable pour nos concitoyens.

Partant, il est urgent de pérenniser le financement des infrastructures de transports, à commencer par les recettes de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, dont la principale ressource devait être constituée de l’écotaxe « poids lourds ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion