Intervention de Michel Teston

Réunion du 10 juin 2014 à 14h45
Débat sur l'application de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Photo de Michel TestonMichel Teston :

J’en veux pour preuve le dépôt, en février 2009, par M. Éric Ciotti, d’une proposition de loi visant à mettre en place un droit de réquisition, qui, heureusement, n’a pas été adoptée.

En somme, avec cette loi, il s’est agi de trouver le coupable idéal des nombreux retards que subissent au quotidien les usagers des transports. Les agents du service public qui ont ainsi été montrés du doigt. Pourtant, ce sont les choix d’investissement effectués par les gouvernements précédents, conduisant à trop privilégier le développement du réseau à grande vitesse au détriment de la rénovation des lignes existantes, qui expliquent en grande partie les dysfonctionnements.

C’est pourquoi, à la suite de la remise des conclusions de la commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, le gouvernement Ayrault a décidé de privilégier les trains du quotidien, marquant ainsi un tournant en matière de priorités pour les investissements publics dans le domaine des transports.

Ce choix me paraît responsable : il s’agit non pas de renoncer à compléter le réseau ferroviaire à grande vitesse, mais de le développer en fonction des capacités contributives. C’est bien désormais l’amélioration des transports du quotidien qui est mise en premier.

S’appuyant sur une logique qui pourrait être qualifiée de répressive et d’accusatrice, la loi du 21 août 2007 ne pouvait que produire de médiocres effets. C’est d’ailleurs ce que montre le bilan de cette loi, effectué par Isabelle Pasquet et Marc Laménie.

En effet, même si elle repose sur un équilibre complexe, qui a permis de développer progressivement des habitudes de négociation collective, cette loi n’a convaincu personne, ni les syndicats ni les employeurs, et a même parfois suscité des dysfonctionnements dans la continuité du service public. Par exemple, le mécanisme d’encadrement de la grève prévu par cette loi a contribué à crisper les positions avec, d’un côté, des salariés dissuadés de faire grève, et, de l’autre, des employeurs prétendant subir des recours abusifs à la négociation collective préalable.

Au final, quel est le résultat pour l’usager ? Si cette loi a incontestablement amélioré l’information du public sur les circulations prévisibles en cas de perturbation du trafic, les éléments d’analyse manquent pour établir précisément une corrélation entre l’application du texte et l’évolution de la conflictualité dans les entreprises de transport. En effet, les motifs des grèves ne sont pas toujours liés à des problèmes internes aux entreprises : des mots d’ordre nationaux sont parfois à l’origine des mobilisations.

Par ailleurs, le manque d’éléments d’analyse n’a pas permis de récolter des informations suffisantes pour faire ressortir la part respective des incidents techniques quotidiens et des mouvements de grève dans la gestion des transports publics ; on sait toutefois que le mauvais état de certaines lignes conduit régulièrement à des retards. Du reste, si l’on demandait aujourd’hui aux utilisateurs des transports publics si cette loi a eu un effet favorable sur leurs déplacements journaliers, il n’est pas impossible qu’ils répondraient négativement.

C’est pourquoi la préconisation du rapport concernant le développement d’outils statistiques harmonisés du suivi de la loi me semble pertinente. Il en est de même de la recommandation de renforcer le dialogue social dans les entreprises de transport, y compris en dehors des périodes conflictuelles : c’est bien le meilleur service à rendre aux usagers !

Si la loi doit fixer les conditions d’exercice du droit de grève, elle ne saurait tout fixer. Une large place doit être laissée à la concertation et à la négociation dans chaque entreprise.

Comme le proposent aussi les deux rapporteurs, il est logique de sensibiliser les autorités organisatrices des transports, à la définition de dessertes prioritaires ainsi qu’à l’approbation de périmètres de transport adapté et de plans d’information aux usagers.

Enfin, il convient de ne pas oublier qu’une politique d’investissement à un haut niveau sur le réseau dit « classique » est probablement le meilleur moyen de réduire sensiblement les retards subis au quotidien, et donc d’assurer une meilleure continuité du service public dans les transports terrestres.

Dans cette optique, le fait de doter l’AFITF de moyens suffisants est aussi au cœur de ce débat.

C’est, à mon sens, par la conjugaison de ces différentes préconisations que l’on atteindra le fragile mais nécessaire équilibre entre la garantie de la continuité du service public et la protection du droit de grève, principe de valeur constitutionnelle. §

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