Dans le cadre de ces discussions, nous veillerons à ce que les exigences de l’exploitant soient plus fortes. Je pense ici à l’implication plus importante demandée à la SNCF sur les enjeux liés à la continuité du service public et à l’information des voyageurs. Je pense aussi à l’attention portée à la définition et au respect des plans de transport adapté pour d’autres situations de perturbation que les seules grèves auxquelles il est fait trop souvent référence.
En matière environnementale, les premiers bénéfices du renouvellement du matériel roulant, en termes de report modal et de réduction de la consommation d’énergie, pourront être tirés. Vous savez combien le Gouvernement s’est investi dans ce dossier et attend des effets de cette mobilisation. Je songe aux premières lignes qui bénéficieront des nouveaux matériels « bimodes » à partir de 2016, à l’ensemble des conventions et à l’enveloppe de 510 millions d’euros de renouvellement des TET arrêtée par le précédent Premier ministre.
Madame la rapporteur, monsieur le rapporteur, vous demandez par ailleurs la systématisation des contrôles des bilans d’exécution des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers, car les retours d’expérience auprès des AOT sont aujourd’hui quasi inexistants.
Il est pourtant prévu que, après chaque perturbation, l’entreprise de transport communique à l’AOT un bilan détaillé de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers. L’entreprise doit aussi évaluer, chaque année, les incidences financières de l’exécution de ces plans et dresser la liste des investissements nécessaires à l’amélioration de leur mise en œuvre. Le contrôle de ces bilans d’exécution relève de chaque AOT.
La prochaine convention d’exploitation des TET devrait permettre de renforcer l’encadrement des retours, aujourd’hui très informels, de l’exploitant à l’autorité organisatrice sur la bonne exécution des adaptations annoncées. Quand je dis que l’État doit être de retour, c’est parce que cela figure dans la réforme ferroviaire. C’est une exigence puisque l’État est l’autorité organisatrice de transport qui doit obtenir les informations relatives à la bonne exécution des adaptations annoncées.
Enfin, le rapport préconise le développement d’outils statistiques harmonisés de suivi de l’application de la loi. Nous sommes tous d’accord. M. Teston a souligné l’absence de fiabilité statistique concernant l’application de la loi. Il nous faut donc mettre en place des indicateurs publics consolidés de mesure et de suivi des causes de perturbation de trafic de la SNCF.
C’est selon moi le meilleur moyen, notamment en cas de conflit, d’en finir avec les images d’Épinal sur la conflictualité et les perturbations sociales. Bon nombre d’usagers attendent de nous de la régularité. Encore faut-il qu’ils sachent qu’un certain nombre de retards sont provoqués par les plans de modernisation de ligne, ou par ce que l’on appelle des « accidents de personnes », – Robert Hue en a fait mention –, qui recouvrent des situations beaucoup plus dramatiques que ce que cette périphrase laisse entendre. Il est important que nous puissions éclairer les usagers, livrer des informations, afin d’empêcher que ne se développe une sorte d’opprobre populaire sur les difficultés de fonctionnement du service public, opprobre entretenu par certains médias : des chaînes d’information en continu, notamment, se livrent souvent à ce genre de raccourcis.
Nous devons assurer la diffusion auprès du grand public de données statistiques sur la régularité et la ponctualité des services de transport public régulier de voyageurs. On se rendra ainsi compte que la régularité et la ponctualité sont beaucoup plus élevées et que la tendance est à l’amélioration, malgré une situation extrêmement dégradée. Un certain nombre de témoignages ont montré que la priorité donnée ces dernières années aux lignes à grande vitesse – M. Teston est intarissable sur la question – a permis de lancer quatre LGV en même temps, alors que le rythme de réalisation est plutôt d’une LGV tous les six ans. La soutenabilité financière de certains projets conduit à définir des priorités qui ne sont pas toujours celles qu’attendent nos concitoyens. Telle est la réalité à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.
Il nous faut donner tout son rayonnement à l’Autorité de la qualité de service dans les transports, l’AQST, créée le 15 février 2012. Cette entité administrative, qui s’intéresse à tous les modes de transport public de voyageurs – aérien, ferroviaire, routier, maritime – s’appuie sur un Haut Comité de la qualité de service dans les transports, qui rassemble depuis le mois de mai 2013, sous la présidence du député Olivier Faure, 37 représentants des acteurs de tous les modes de transport public de voyageurs – collectivités publiques, opérateurs, associations de consommateurs et d’usagers. L’AQST publie les taux d’annulation et de retard des principales liaisons aériennes, de toutes les liaisons TGV et TET, par mois, par liaison et, pour l’aérien, par compagnie. Des améliorations restent à venir, mais c’est une voie intéressante.
Cette structure publie aussi les taux mensuels d’annulation et de retard des TER, globalisés pour toutes les liaisons ferroviaires d’une même région, et les taux de ponctualité voyageurs de chacune des huit lignes Transilien et des cinq lignes RER. Telles sont les garanties supplémentaires que nous pouvons apporter.
Cependant, cela a été souligné, ces chiffres ne permettent pas de faire l’analyse des causes. À cet égard, nous manquons d’informations : si la SNCF détient des données quantitatives par axe de TGV et par ligne Intercités, les AOT régionales n’en disposent pas sur les perturbations de leurs TER. Les informations relatives au transport ferroviaire sont donc parcellaires. La Direction générale de l’aviation civile dispose, quant à elle, de données codifiées selon une nomenclature internationale extrêmement détaillée. Il faut un recueil de données exhaustives et homogènes pour obtenir un tableau de bord national cohérent qui permette d’identifier les mesures prioritaires à mettre en œuvre en vue d’améliorer la qualité de service aux voyageurs. Ce pourrait d’ailleurs être un guide extrêmement pertinent pour les débats au Parlement.
C’est la raison pour laquelle, le 15 mai 2014, l’AQST a proposé d’étudier, en concertation avec l’ensemble des acteurs, opérateurs et autorités, cinq catégories simples de causes de perturbation valables pour tous les modes de transport. Il s’agit d’objectiver les causes, car vous avez raison d’affirmer, madame, monsieur les rapporteurs, que la plupart des idées reçues en la matière sont erronées. Une approche plus scientifique, plus objective, nous permettrait certainement d’être informés de l’évolution de la qualité des transports. Je serai attentif à ces avancées, car il y va de la crédibilité même du service public des transports.
Enfin, je partage la position selon laquelle il conviendrait que les partenaires sociaux de la branche des entreprises de transport interurbain concluent un accord sur le modèle de celui qui est en vigueur dans le transport urbain. L’exercice n’est toutefois pas si simple, car la branche est composée d’une multiplicité de petites entreprises dans lesquelles les dispositions mises en œuvre par les grandes entreprises de transport urbain ne sont pas nécessairement transposables ni faciles à appliquer. Il faudra que nous étudiions dans quelle mesure on peut adapter ce dispositif. Voilà également un domaine dans lequel l’État devra jouer un rôle de facilitateur.
Je tiens une nouvelle fois à saluer le rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, qui nous permet de poursuivre le nécessaire débat sur les conditions d’exercice du droit de grève ainsi que sur les exigences de continuité et de qualité du service public. L’actualité vient en quelque sorte illustrer notre préoccupation, qui est aussi de valoriser les bonnes pratiques, d’objectiver les données et les informations, afin de renforcer la crédibilité de l’ensemble de l’activité et de redorer l’image de ce service public à la française, garant de l’égalité des territoires et de l’égalité des chances sur ces territoires.
Cette réalité nationale est au cœur de nos discussions avec les instances européennes. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à mon homologue M. Lupi, qui présidera dans quelques jours le conseil des ministres européens, nous devons aborder ainsi l’organisation des transports : elle est territoriale mais aussi humaine, à la fois pour les salariés et les usagers. Tel est l’enjeu de ces grandes lois qui fondent la réalité du service public auquel nous sommes attachés. §