Intervention de Maryvonne Blondin

Réunion du 10 juin 2014 à 21h30
Débat sur les collectivités locales et la culture

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la culture n’est peut-être pas la préoccupation première de nos concitoyens, mais nous sommes à la veille d’une grande réforme administrative et politique, dans un contexte de baisse des dotations publiques. Le moment me semble tout à fait indiqué pour procéder à un état des lieux et avancer quelques propositions. Je remercie donc mes collègues du groupe CRC d’avoir pris l’initiative du présent débat.

Après trente ans de démocratie culturelle, avec un territoire maillé par un grand nombre d’équipements, la mise en œuvre de politiques culturelles locales diverses et variées, la tentation est grande de relâcher nos efforts face à la réduction des moyens accordés aux collectivités locales.

Mes chers collègues, imaginons que tout le secteur culturel disparaisse de nos villes : plus de spectacles dans nos rues, plus de musique dans nos quartiers. Nos territoires ne perdraient-ils pas de leur saveur et de leur couleur ? Nous risquerions, à terme, une perte de notre identité et, par voie de conséquence, une uniformisation de l’image de notre pays, voire du monde.

Or, on le sait, la culture est un vecteur de partage, de vitalité, de démocratie et du vivre ensemble. Les collectivités locales l’ont bien compris : en 2010, leurs dépenses culturelles ont atteint 7, 6 milliards d’euros, soit près du triple du budget du ministère de la culture qui s’élevait, cette année-là, à 2, 9 milliards d’euros.

Si la culture est une dépense, elle est aussi source de richesse pour notre pays. Selon une étude conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, l’industrie culturelle représente 3, 2 % du PIB national, soit 58 milliards d’euros de valeur ajoutée, presque autant que l’agriculture et les industries alimentaires. D’après la même étude, cette industrie emploie par ailleurs 670 000 personnes, représentant 2, 5 % de l’emploi total en France. Parmi celles-ci, on dénombre 200 000 intermittents qui sont des acteurs économiques à part entière, sans lesquels il n’y aurait pas de vie culturelle !

Une toute jeune circassienne me disait la semaine dernière : « Un artiste, madame Blondin, est un acteur et un poète, prêt à émerveiller son public, à oublier sa situation de précaire pour produire un rêve commun le temps d’un spectacle. » Cette jeune fille est âgée de dix-neuf ans, elle connaît toutes les difficultés de ce métier, mais elle a cette passion chevillée au corps. Je crois que nous devons encourager et aider ces intermittents !

Est-il nécessaire de rappeler le préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO, ratifié par la France en 1946 ? La diffusion de la culture est l’un de nos devoirs sacrés. L’accès de tous à la culture et à l’éducation fait partie intégrante de la dignité humaine et des droits de l’homme ; il est aussi important pour le genre humain que la biodiversité l’est pour le vivant.

Les collectivités locales se sont saisies de la culture, bien au-delà des compétences qui leur avaient été attribuées, à savoir la gestion des bibliothèques départementales de prêt et des archives départementales. Elles ont bien compris l’enjeu de développement culturel, social et territorial.

J’en veux pour preuve l’engagement tout récent d’un bourg rural du Finistère comptant 800 habitants, plutôt tourné vers les activités sportives traditionnelles, comme le football et le tennis. Grâce à l’intervention d’une artiste dans l’école, cette commune a mis en place un partenariat avec une petite compagnie pour proposer des activités culturelles de proximité, en complémentarité avec celles de la communauté de communes, à la satisfaction des habitants. Cet exemple montre bien le rôle de la médiation culturelle qu’il ne faut pas non plus négliger.

De plus grandes collectivités locales, comme le conseil général du Finistère, ont fait de la culture pour tous un axe essentiel de leur projet stratégique. Je ne citerai que quelques actions.

Le conseil général contribue au financement des structures labellisées afin d’agir au plus près de la population. Il a mis en œuvre un schéma départemental d’éducation artistique et culturelle, un schéma d’orientation de développement des lieux de musiques actuelles, ou SOLIMA, un plan de développement de la lecture publique. Je rappelle que le Finistère est l’un des dix départements qui font partie de l’Observatoire de la lecture publique.

Je n’oublie pas non plus le soutien qu’apporte notre département aux pratiques amateurs – on en a peu parlé jusque-là, mais celles-ci sont très importantes en Bretagne, surtout dans le domaine de la culture bretonne ; en bénéficient 38 bagadou – pluriel de bagad –, 4 000 sonneurs, 1 200 écoles de musique, ainsi que des professeurs qui circulent dans tout le département pour enseigner et diffuser la musique, le chant, la danse et la langue bretons. Le conseil général consacre plus de 2, 3 millions d’euros à la promotion et au développement du breton depuis plus de vingt ans : sans les collectivités territoriales, ce magnifique et unique patrimoine immatériel que représente une langue régionale aurait disparu de la surface de la terre !

Avec l’inscription de la culture dans son pacte territorial d’insertion, le conseil général agit pour l’insertion des personnes les plus fragiles économiquement parlant ou en situation de handicap. La culture peut leur donner le moyen de redynamiser leur parcours personnel, de reprendre confiance en elles-mêmes et de s’engager dans un vrai parcours d’autonomie.

La Plateforme d’initiatives pour les artistes du Finistère, également appelée PIAF – quel beau nom, n’est-ce pas ? –, est un autre exemple de cette action. Ce dispositif s’adresse aux artistes bénéficiaires du RSA : il vise à les accompagner individuellement dans la structuration de leur projet artistique et à les rendre autonomes financièrement.

Un autre outil de démocratisation culturelle permettant d’associer partenaires et financeurs multiples est constitué par les EPCC, dont a parlé M. Bordier. En France, il en existe entre 90 et 100, dont la majorité a pris la forme d’EPIC. Les acteurs s’accordent à reconnaître que ces structures – qui se sont souvent substituées à d’anciens services publics ou régies – ont permis une meilleure coopération entre les différents échelons et une meilleure offre de services, même s’il faut peut-être revoir le dispositif et envisager quelques évolutions qui ont été mentionnées précédemment.

Les quelques exemples que je viens de vous donner, madame la ministre, mes chers collègues, nourrissent ma conviction que les collectivités, quel que soit leur niveau, ont un rôle à jouer dans le soutien à la création et à l’accessibilité de tous à la culture

Dans le cadre des futures lois de décentralisation – et je ne parle pas du projet de loi en préparation sur la création artistique –, la possibilité d’une délégation des compétences de l’État dans le domaine culturel et de compétences partagées semble avoir été retenue. C’est bien la transversalité qui justifie que la culture soit une compétence partagée.

Bien que je sois contrainte par le temps, je souhaite évoquer, pour terminer, le pacte d’avenir pour la Bretagne signé à Rennes en 2013. Il prend en compte le fait que la culture a été envisagée comme un élément central de développement de la région par la signature d’une convention spécifique consacrée à la culture pour les années 2014-2020 dont les principaux axes sont : une gouvernance partagée entre l’État, le conseil régional et les collectivités territoriales dans le cadre d’un processus de coordination régionale des politiques culturelles publiques ; la reconnaissance des spécificités du développement culturel en Bretagne ; la recherche d’une simplification administrative, le tout dans un dialogue étroit, une concertation et une volonté permanente de coconstruction avec les conseils généraux, les grandes villes et l’État, qui reste le garant de l’intérêt national et des personnels dans les régions.

Pour reprendre les mots de Pierre Curzi, coprésident de la Coalition canadienne pour la diversité culturelle, « l’art et la culture sont les ferments essentiels de l’identité et de la cohésion d’une société. »

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