Cette proposition fait suite aux débats et à l'inquiétude provoqués par les pics de pollution à répétition que nous avons connus en mars dernier - en Seine-Saint-Denis, des habitants nous ont dit qu'ils en étaient affectés, irrités, ils ont été nombreux à s'interroger et à nous interroger sur la pollution et ses conséquences sur la santé. Face à cette situation, nous voulons jouer pleinement notre rôle de parlementaires : par cette proposition, nous entendons enclencher une dynamique positive, pour rechercher collectivement des solutions, sans diviser l'opinion, c'est très important.
La longue étude conduite par le CIRC, publiée en juin 2012, établit le caractère cancérogène des particules fines : ce résultat n'est pas contesté. Le diesel n'est certes pas la seule source d'émission de ces particules, mais la part des transports représente 51 % des émissions en Ile-de-France et, autre chiffre que vous avez rappelé, les deux-tiers des véhicules neufs roulent au diesel : c'est dire qu'il y a encore beaucoup à faire.
Nous avons bien conscience qu'une simple taxation des véhicules diesel neufs ne règlerait pas le problème dans son ensemble, qu'il y faudrait d'autres mesures, en particulier un encouragement à ce que les propriétaires de vieux diesels s'en débarrassent.
La nocivité des particules fines est tout à fait établie, nous savons maintenant, avec certitude, qu'elles comptent dans la diffusion de cancers, dans les arrêts cardio-vasculaires, dans un nombre important de maladies respiratoires graves. Les responsables de l'hôpital Trousseau, à Paris, nous ont dit qu'au mois de mars, le nombre de consultations a bondi juste après le pic de pollution. On sait aussi que les enfants et les femmes enceintes sont les plus touchés, que les particules fines provoquent des malformations des organes respiratoires au plus jeune âge et même dans le ventre de la mère, ce qui déclenchera des maladies respiratoires tout au long de la vie. Les médecins soulignent également la nocivité de l'exposition continue et durable à des niveaux de pollution en dessous des seuils d'alerte, à cette « pollution de fond » qui fait, de plus en plus, le quotidien des métropoles. Les populations les plus exposées sont celles qui habitent près des grandes voies de circulation, le risque est plus grand au rez-de-chaussée qu'en étage, ou encore pour les salariés de la route : tout ceci est démontré par des études longues, que personne ne conteste. Notre premier objectif, c'est donc d'en tenir compte, de provoquer le débat et à travers lui, une mobilisation.
Sur le plan économique, nous nous soucions bien sûr de l'avenir de notre industrie automobile, c'est une dimension incontournable de toute action dans ce domaine. Et la solution nous paraît à rechercher du côté des incitations à investir dans la recherche et le développement de véhicules propres, de transports propres. La moindre taxation du diesel représenterait un manque à gagner de 7 milliards d'euros annuels pour l'Etat, et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) estime que la collectivité dépense 20 à 30 milliards par an pour réparer les dégâts de la pollution aux particules fines : pourquoi ne pas réorienter une partie de cette somme vers le traitement des causes, au moins par des incitations ?
Quant à la convergence de la fiscalité sur le diesel et sur l'essence, il faut faire très attention à ne pas piéger nos concitoyens : les pouvoirs publics les ont incités, depuis des années, à acheter des diesels, prétendument moins chers à entretenir - ce qui n'est pas vrai, mais cette idée a la vie dure - et moins polluants parce que consommant moins, mais nous inverserions d'un coup la tendance, en reprenant par une taxe l'avantage qu'on avait fait escompter ? Si nos concitoyens avaient cette lecture de l'action publique, ils s'en exaspèreraient, ce qu'on peut tout à fait comprendre, surtout quand ils n'ont pas les moyens de changer de véhicule...
Nous avons constaté, en consultant des experts, que l'efficacité des filtres à particules faisait débat. Pour les constructeurs, ces filtres règlent les problèmes de pollution, en cassant les particules ; mais des spécialistes estiment que ces filtres ne font que briser les particules, en les rendant plus fines, donc plus nocives encore, sans empêcher qu'elles se reconstituent quelques mètres après leur passage par le filtre, en conservant alors toute leur nocivité. Ce débat n'est pas tranché, parce qu'il n'y a pas eu d'étude dans les conditions de circulation, en dehors des laboratoires où les constructeurs testent leurs filtres. Qui plus est, des médecins nous alertent sur le fait qu'il faudrait le recul d'une dizaine d'années pour établir l'efficacité réelle des filtres à nous protéger des particules fines.
Toutes ces informations scientifiques récentes, toutes ces questions sur les moyens de se protéger contre la nocivité des particules fines, méritent un débat sur le diesel et sur les émissions de particules fines, pour choisir les meilleures solutions ; c'est cette dynamique que nous voulons enclencher par cette proposition de loi, avec le souci de rassembler autour de cette question d'intérêt général.