Intervention de Jean-Claude Frécon

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 juin 2014 : 2ème réunion
Compte de concours financiers « avances à divers services de l'état ou organismes gérant des services publics » — Contrôle budgétaire - communication

Photo de Jean-Claude FréconJean-Claude Frécon, rapporteur spécial :

J'en viens à présent aux avances accordées ponctuellement, sur une base pluriannuelle. D'emblée, je tiens à préciser qu'il n'existe pas une procédure normée : l'octroi d'une avance apparaît comme une procédure exceptionnelle, dans le cadre de négociations longues entre le bénéficiaire de l'avance, le ministère de tutelle et la direction du budget. L'avance n'est alors souvent que l'une des composantes de plans de financement complexes... Toutes les avances répondent ainsi à du sur-mesure.

Certaines avances se sont avérées être des subventions déguisées, puisqu'elles n'ont jamais été remboursées : par exemple, une avance de 22 millions d'euros au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles (CNASEA), octroyée en 2006, et a donné lieu en totalité à un constat de perte en 2007 ; toujours en 2006, une avance de 50 millions d'euros a été octroyée à l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture (OFIMER), et a fait l'objet d'un constat de perte en 2007 en presque totalité pour un montant de 47,6 millions d'euros. Ces deux avances (qui ont simplement transité par le CNASEA et l'OFIMER) avaient le même objet - permettre au Fonds de prévention des aléas pêche (FPAP) de mettre en place un dispositif assurant aux entreprises de pêche professionnelle adhérentes un plafonnement du prix du gazole ; le dispositif reposait sur des achats d'options sur les marchés du gazole, jusqu'à ce que le FPAP mette fin à ses activités à la fin de l'année 2006.

Une avance à l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM), accordée en 2007 pour un montant de 32,5 millions d'euros, a été renouvelée en 2008 et a fait l'objet d'un constat de perte en totalité ; il s'agissait d'aider les producteurs antillais de bananes, confrontés à une perte de compétitivité et à des aléas climatiques, notamment le passage du cyclone Dean en août 2007.

Au total, les pertes d'avances inscrites sur le CCF se sont élevées à 102,1 millions d'euros en 2007 et 2008, qui ont été à ce sujet des années noires. Il existait d'autres mécanismes que les avances pour financer ces opérations - les subventions budgétaires ou encore les décrets pour dépenses accidentelles dans le cas de l'ODEADOM. Le principe même des avances avait ainsi été contourné, mais félicitons-nous qu'il n'y ait plus eu, depuis la loi de règlement pour 2008, de constats de perte au titre d'avances du Trésor. Heureusement, de tels cas appartiennent désormais au passé !

Par ailleurs, les incidents de paiement peuvent prendre la forme du renouvellement de l'avance, ou de son rééchelonnement.

Ainsi, l'avance dont a bénéficié l'Institut national de la recherche d'archéologie préventive (INRAP) en 2006, à hauteur de 23 millions d'euros, n'a été remboursée qu'à hauteur de 7,5 millions d'euros ; pour le solde (soit 15,5 millions d'euros), l'avance a été dépréciée et renouvelée ; ce montant reste donc à rembourser, dans l'attente - comme l'a indiqué l'AFT - « d'une amélioration de la santé financière de l'INRAP », liée notamment aux incertitudes sur la redevance d'archéologie préventive qui finance l'INRAP, et qui est un sujet bien connu de notre commission - nos collègues Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou ne me contrediront pas.

L'AFITF a également bénéficié d'avances dont l'une, octroyée fin 2009 à hauteur de 143 millions d'euros, aurait dû initialement être remboursée le 15 décembre 2011 et a été rééchelonnée dans un contexte d'incertitudes sur le financement global de l'AFITF - notamment en ce qui concerne l'écotaxe « poids lourds ». Sur le capital restant dû de 91,4 millions d'euros fin 2013, l'AFITF s'est engagée à rembourser 45 millions d'euros cette année, et le solde en 2015. Mais avec quelles ressources, si l'écotaxe n'est pas mise en place ?

L'avance octroyée à la Cité de la Musique n'a, elle, jamais été rééchelonnée - et pour cause, le ministère de la Culture n'ayant pas défini d'échéancier de remboursement, compte tenu des incertitudes pesant non seulement sur les ressources de la Cité de la Musique, mais aussi sur les conséquences du démarrage de la Philharmonie de Paris : la Cité de la Musique est consciente des problèmes mais n'a pas de recettes suffisantes pour honorer ses engagements. Ainsi, pour rembourser l'avance de 60,5 millions d'euros octroyée en 2009, le remboursement annuel est jusqu'à présent de l'ordre de 2,8 millions d'euros par an, le capital restant dû s'élevant à 51,1 millions d'euros fin décembre 2013. Le choix de l'achat de la salle Pleyel et d'immeubles de bureaux, dégageant des ressources propres, est apparu opportun par rapport à la location de la salle Pleyel qui prévalait auparavant, mais la Cour des comptes est très sévère sur le rythme de remboursement et l'absence de rééchelonnement. Tout ceci mériterait d'être davantage cadré.

Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de telle ou telle gestion des ODAC par les ministères de tutelle. Ce qui ressort en revanche est un certain manque de visibilité et de plan d'ensemble. C'est pourquoi je crois non seulement nécessaire de définir une doctrine d'octroi des avances, comme je l'ai déjà observé dans le cas particulier de l'ONIAM, mais aussi d'améliorer le suivi en renforçant le rôle de l'Agence France Trésor. Il me semble nécessaire, d'une part, de mettre en place des dispositifs contractuels (comme les conventions de gestion) pour s'assurer du remboursement des avances suivant l'échéancier prévu. Par ailleurs, une procédure d'avis de l'AFT serait souhaitable lors de l'instruction de la demande d'avance et en cas de modification du plan initial (renouvellement, rééchelonnement, constat de perte probable). Si l'instruction de la demande resterait bien du champ de compétences des autorités de tutelle des bénéficiaires de l'avance, l'avis de l'AFT - en tant que gestionnaire du mécanisme des avances - permettrait d'éclairer la décision et de renforcer le suivi.

Telles sont, mes chers collègues, mes conclusions sur un dispositif complexe, original mais la plupart du temps efficace, touchant à des domaines très divers, mais qui me semble mériter d'être conforté dans son pilotage et son suivi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion