Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 12 juin 2014 à 9h30
Statut des stagiaires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, lorsque nous avions examiné la proposition de loi le mois dernier, Catherine Procaccia, nos collègues de la commission des affaires sociales et moi-même avions souhaité la modifier afin de concilier deux impératifs : permettre aux stagiaires d’accomplir leur stage dans les meilleures conditions, tout en favorisant l’offre de stages.

Force est de constater que, s’il a reçu des aménagements, ce texte reste particulièrement dissuasif pour certaines entreprises et risque de restreindre le nombre d’offres, dans un contexte déjà difficile. Cela est d’autant plus regrettable que le cadre juridique entourant le déroulement des stages est déjà protecteur, et largement respecté par les entreprises.

Certes, je me réjouis que certaines de nos propositions aient été adoptées par la Haute Assemblée. Elles permettent, par exemple, d’impliquer davantage les établissements de formation dans le suivi des stages ; elles donnent l’assurance au stagiaire de trouver un interlocuteur en période de vacances universitaires ; elles disposent que la gratification qu’il recevra ne dépend pas du bon vouloir de l’employeur lorsque celui-ci accorde un pont ; ou encore, elles garantissent sa connaissance du droit en vigueur dans le pays étranger où il effectuera un stage. Ce sont autant de mesures concrètes qui pourront aider les stagiaires.

Je regrette cependant que n’ait pas été conservée en commission mixte paritaire une mesure qui avait été l’occasion d’un long débat et qui prévoyait, pour les établissements de formation, l’obligation de mettre leurs étudiants en rapport avec des employeurs, lorsque le stage est exigé pour la validation du diplôme.

Nous avions envisagé cette responsabilisation parce que les établissements d’enseignement ne font pas toujours ce qui est pourtant en leur pouvoir pour mettre l’étudiant en rapport avec des entreprises. Nous constatons sur le terrain, en effet, que la centralisation d’informations sur les pistes de stages et l’accompagnement des jeunes varient énormément selon les établissements concernés et selon les territoires.

Cet amendement emportait sans doute un effort conséquent d’organisation, par la mise en place de nouveaux services, mais, à mon sens, l’offre de formation, particulièrement universitaire, devrait s’acquitter de cette tâche et la politique du Gouvernement s’orienter en ce sens.

Je regrette également la suppression, évoquée par Gilbert Barbier, de l’article 8 en commission mixte paritaire. Cet article, introduit par notre groupe, favorisait la création d’emplois. Certes, les contraintes budgétaires sont là, mais cette mesure présentait un intérêt particulier, alors que les contrats créés aujourd’hui sont principalement des contrats précaires.

Il s’agissait d’ajouter à la liste des alternants pris en compte dans le quota de 4 %, permettant à une entreprise d’être exonérée du versement de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, les jeunes effectuant un stage et qui, à l’issue de celui-ci, auraient été embauchés en contrat à durée indéterminée.

Outre son aspect incitatif, cette disposition permettait de reconnaître l’effort d’une entreprise qui embauche un jeune à l’issue d’un stage long, lorsqu’elle ne peut avoir recours à l’apprentissage par manque d’offres.

Je pense que notre débat est l’occasion de vous demander, madame la secrétaire d’État, si cette suggestion, une fois modifiée, aurait pu recevoir votre assentiment. En effet, l’adoption d’un amendement de suppression de l’article ne nous a pas permis de présenter nos propositions alternatives en commission mixte paritaire, notamment un délai pour l’entrée en vigueur, des précisions par décret, l’allongement de la durée minimale de stage, ou une prise en compte partielle. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner votre sentiment à ce sujet?

Concernant les autres décisions prises en commission mixte paritaire, je note le relèvement du montant de la gratification qui, s’il est louable dans son esprit, risque de gêner les très petites entreprises, les TPE, ou les artisans prêts à prendre des stagiaires, notamment issus des voies technologique et professionnelle.

Certes, un délai d’instauration a été accordé en commission mixte paritaire, permettant aux entreprises de faire face à cette augmentation. En outre, l’incohérence entre la gratification qui passe à 15 % du plafond de la sécurité sociale et la franchise de cotisations sociales, qui reste limitée à 12, 5 % fera l’objet, nous a-t-on dit en commission mixte paritaire, d’une harmonisation dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si le bon sens a prévalu concernant la durée minimale de stage rendant la gratification obligatoire, que la commission mixte paritaire a refusé de diminuer à un mois, le montant de la gratification sera bien augmenté, ce qui risque d’être le principal message retenu par les entreprises.

Je voudrais encore souligner que des dispositions majeures resteront finalement soumises à des décrets, dont nous ne savons pas ce qu’ils seront. Ainsi, nous devons nous prononcer par un vote sans savoir à quel pourcentage sera fixé le nombre de stagiaires pouvant être accueillis par une même structure, malgré la grande diversité des structures d’accueil. De même, une mesure aussi importante que la durée maximale des stages sera fixée par décret.

Il est évident que la diversité des situations rendra l’exercice réglementaire extrêmement difficile, et nous y serons très attentifs.

Au total, la proposition de loi crée un cadre particulièrement rigide, qui ne tient compte ni des spécificités des secteurs économiques ni des contraintes des entreprises, et notamment des TPE et des PME. L’absence d’étude d’impact est d’ailleurs regrettable.

Notre groupe votera donc, comme en commission mixte paritaire, contre cette proposition de loi qui inquiète – nous recevons beaucoup de courrier à ce sujet – tous les acteurs en présence, établissements de formation, organismes d’accueil, et stagiaires eux-mêmes qui craignent de ne pas trouver facilement de stage dans ces nouvelles conditions. §

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