Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • détaché
  • gratification
  • stage
  • stagiaire

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 12 mars 2014 relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois ainsi qu’à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (texte de la commission n° 573, rapport n° 572).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre assemblée avait adopté le 14 mai dernier, au terme de longs débats et après l’examen de 150 amendements, la proposition de loi de notre collègue députée Chaynesse Khirouni tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

Ce texte avait été très largement enrichi par nos travaux, sur l’initiative de tous les groupes politiques, qu’ils fassent ou non partie de la majorité sénatoriale, groupes dont je tiens à saluer ici la contribution essentielle. Le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points afin de renforcer la lutte contre la précarité des stagiaires, de responsabiliser davantage les établissements d’enseignement envers leurs élèves en stage et de tenir compte de la situation spécifique des maisons familiales rurales, auxquelles, je le crois, chacun d’entre nous ici est très attaché.

Concernant le statut des stagiaires, nous avions tout d’abord, sur ma proposition, revalorisé le montant minimal de la gratification en le faisant passer de 12, 5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros. Nous avions également souhaité rendre la gratification obligatoire pour tous les stages de l’enseignement supérieur d’une durée de plus d’un mois, contre deux mois à l’heure actuelle. Enfin, sur proposition du groupe CRC et du groupe du RDSE, nous avions étendu à tous les stagiaires l’accès à la restauration collective de l’organisme d’accueil ou aux titres-restaurant ainsi qu’à la prise en charge des frais de transport.

Afin que les établissements d’enseignement s’impliquent davantage dans le suivi de leurs élèves en stage, la commission des affaires sociales avait confié à leur conseil d’administration, sur ma proposition, le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités du suivi qui doit être réalisé. En séance publique, il a été précisé qu’il devrait s’agir d’un suivi pédagogique et administratif constant, et qu’un décret viendrait déterminer un plafond de stagiaires par enseignant référent. De même, sur proposition des sénateurs du groupe UMP, un lien direct entre l’enseignant référent et le tuteur du stagiaire a été établi, afin qu’ils se concertent à plusieurs reprises pour assurer le bon déroulement du stage. Pour les stages obligatoires, selon le texte du Sénat, les établissements auraient été tenus d’en proposer un à leurs étudiants n’ayant pas réussi à en trouver dans les délais impartis, sans que ces derniers puissent le refuser.

À l’approche des débats au Sénat, les maisons familiales rurales avaient fait part de leurs craintes quant à l’application de cette réforme à leurs cursus, en particulier en matière de gratification des stagiaires. Toutefois, elles étaient déjà juridiquement soumises aux règles de droit commun en la matière – je tiens à le rappeler –, à savoir une gratification pour tous les stages et périodes de formation en milieu professionnel, ou PFMP, de plus de deux mois. Il semblerait que, dans les faits, ces règles n’aient pas été appliquées. Un amendement du Gouvernement a donc eu pour objet d’ouvrir la possibilité de déroger, par décret, à ce régime au bénéfice des PFMP et des MFR. Le projet de décret, tel que le Gouvernement nous l’a communiqué, prévoit que la gratification sera obligatoire pour les PFMP de plus de trois mois, ce qui correspond à la demande des MFR. Je suis satisfait que tous les acteurs concernés soient parvenus à un compromis sur ce point.

Enfin, un article additionnel avait été ajouté, sur proposition commune des groupes UMP, UDI-UC et du RDSE. Il tend à instaurer un système de bonus-malus sur la taxe d’apprentissage, qui impose aux entreprises de plus de 250 salariés de respecter un quota d’alternants dans leurs effectifs. L’objet de cet amendement visait à comptabiliser les stagiaires embauchés ensuite en contrat à durée indéterminée dans l’organisme au même titre que des jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Cette récapitulation de nos travaux me permet de souligner que les désaccords de fond avec l’Assemblée nationale étaient mineurs et que nous sommes parvenus à un texte commun sans difficultés. Il a certes fallu réaliser des compromis pour convaincre nos collègues députés de se rallier à notre position, et le texte final n’est sans doute pas aussi ambitieux que j’aurais pu le souhaiter initialement. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de la concrétisation d’un processus que je suis fier d’avoir amorcé ici même voilà près de sept ans avec une proposition de loi qui n’avait malheureusement pas eu autant de succès que celle-ci.

La commission mixte paritaire a donc confirmé la revalorisation de la gratification minimale des stages décidée par le Sénat, tout en décalant son entrée en vigueur au 1er septembre 2015 afin de tenir compte de la situation des plus petites structures d’accueil, en particulier associatives, qui n’ont pas anticipé une telle charge dans leur budget pour 2014, mais qui pourront ainsi le faire lors de l’élaboration, à la fin de l’année, de leur budget pour 2015. Sur proposition de Mme la rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, Chaynesse Khirouni, la commission a en revanche rétabli à deux mois la durée minimale de stage donnant obligatoirement lieu à gratification.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a supprimé la disposition contraignant les établissements d’enseignement à proposer un stage à leurs étudiants qui n’en ont pas trouvé, et obligeant ces derniers à accepter cette proposition. Elle a jugé que la proposition de loi tendait déjà à renforcer grandement les missions des établissements en matière d’accompagnement dans la recherche de stage et de suivi des stagiaires, mais qu’il ne fallait pas porter atteinte au libre arbitre des élèves.

L’article additionnel ajouté par le Sénat concernant le bonus-malus sur la taxe d’apprentissage n’a pas non plus été maintenu par la commission mixte paritaire. En assimilant les stagiaires recrutés en CDI à des alternants, il entrait en contradiction directe avec l’objectif, partagé par tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années et par chacun ici, de développer l’alternance et de modifier la perception qu’en ont nos concitoyens, mais aussi, trop souvent, les enseignants de l’enseignement secondaire. Il aboutissait à exonérer de grandes entreprises d’une obligation essentielle, alors que l’on sait bien que ce n’est pas dans l’artisanat ou dans les petites et moyennes entreprises que l’apprentissage n’est pas assez développé.

Au vu de la portée symbolique de cette proposition de loi, attendue par une jeunesse dont les espérances envers l’action publique sont trop souvent déçues, mais aussi de ses effets pratiques, qui permettront de mettre un terme aux abus de stages aujourd’hui trop courants, je suis heureux que l’examen législatif de ce texte s’achève et j’émets le vœu que les conclusions de la commission mixte paritaire recueillent un vote positif du Sénat. §

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 3 juin dernier, a donc adopté la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Cette adoption était nécessaire, et je suis particulièrement heureuse des discussions qui ont permis à la fois de conforter les principales dispositions de ce texte et d’améliorer, notamment par vos contributions, un texte qui fera vraiment date pour la conception et la mise en œuvre de ce que doit être un stage.

Un stage, c’est d’abord un élément intégratif d’une formation. Ce n’est ni un CDD, ni le remplacement d’une absence transitoire liée par exemple à un congé de maternité ou un congé de maladie, ni un test de pré-embauche, car, pour ce dernier cas, il existe des périodes d’essais.

Sachant que plus de 70 % des stages ont lieu tout à la fin du cursus des étudiants, on peut en déduire qu’ils ont souvent été utilisés à cet effet. On a aussi pu constater que certains diplômes, souvent appelés « bachelor », sanctionnaient des formations au contenu pédagogique parfois léger, mais assorties de nombreux stages, études par ailleurs assez coûteuses. Pour toutes ces raisons, il fallait redéfinir ce qu’était un stage : un élément professionnalisant au sein d’une formation académique. Un stage n’est pas non plus une alternance ou un apprentissage, qui sont, eux, soumis à un contrat de travail.

L’ensemble de ces éléments devaient être réexaminés, car les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont montré que des confusions étaient souvent commises entre ces différentes formes d’insertion du jeune dans l’entreprise, dont, je le précise, l’objectif reste le même, à savoir l’insertion professionnelle de celui-ci. Toutefois, les dispositifs visés présentent des différences fondamentales qu’il convenait de bien déterminer.

C’est la raison pour laquelle Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, étroitement concernés et associés à l’élaboration de cette proposition de loi, saluent avec moi les travaux menés par le Sénat et par l’Assemblée nationale à ce propos. Je veux ici remercier M. le rapporteur Jean-Pierre Godefroy de son engagement très fort ayant permis d’améliorer ce texte, et je salue l’adoption, par la CMP, de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

Ce texte concrétise un engagement de campagne du Président de la République. Il va réellement renforcer la dimension pédagogique des stages. Il va permettre de lutter contre les abus qui ont trop longtemps pénalisé les jeunes et qui ont, au total, donné une mauvaise image des établissements d’accueil.

M. le rapporteur opine.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso

Il ne faut pas stigmatiser les entreprises : certains établissements publics ou associatifs toléraient, eux aussi, des pratiques d’accueil et de non-encadrement des stagiaires qui n’étaient pas vertueuses.

En définitive, ces procédés donnaient une mauvaise image du monde du travail à des jeunes qui, au contraire, doivent s’approprier les codes, les contraintes et les usages spécifiques au monde du travail pour mieux pouvoir s’y insérer.

Cette proposition de loi est donc bien un texte de coresponsabilité. J’insiste sur ce point : si nous avons voulu qu’une nouvelle convention soit établie ; si nous avons voulu que le tuteur, le responsable de stages au sein de l’entreprise ne suive pas plus d’un certain nombre de stagiaires, tout en adaptant ce seuil à la taille de l’établissement d’accueil ; si nous avons voulu que les enseignants ou les encadrants de l’établissement de formation n’aient pas plus d’un certain nombre de stagiaires sous leur responsabilité ; si nous avons voulu établir un régime spécifique plus favorable pour les entreprises de moins de trente salariés, pour ne pas pénaliser de jeunes structures, en particulier de jeunes entreprises innovantes – leur cas a été évoqué au cours des débats –, c’est bien pour que le jeune, qui est lui aussi signataire de cette convention, connaisse non seulement ses droits mais aussi ses devoirs à l’égard de l’organisme d’accueil.

À mon sens, il était très important que le texte assure un équilibre à cet égard et établisse les droits et les devoirs de chacun. Bref, ce texte constitue presque un élément du pacte de responsabilité. En tout cas, il s’inscrit pleinement dans cet état d’esprit !

De surcroît, il fallait mettre en œuvre un dispositif efficace et simplifié.

M. le rapporteur vient de le rappeler, quatre lois se sont succédé en six ans, et elles n’ont pas empêché le nombre de stagiaires de doubler, pour passer de 600 000 à 1, 2 million. Je note au passage que des chiffres un peu plus élevés ont pu être avancés. L’évaluation la plus crédible semble de 1, 2 million. Ces données n’étaient pas vérifiables, faute d’inscription au registre du personnel ! Dorénavant, il sera possible de quantifier réellement le nombre de stagiaires.

Quoi qu’il en soit, je le répète, ces dispositifs législatifs, pour nombreux qu’ils aient été, n’ont pas entravé l’augmentation de la demande de stages.

En revanche, ils ont créé de la confusion, d’autant que les six décrets qui en sont issus se contredisaient parfois les uns les autres, voire contredisaient la loi dont ils relevaient ! Qui plus est, dans certains cas, ils élargissaient tellement le champ des dérogations qu’ils finissaient par annuler l’esprit de la loi.

Au surplus, ces textes renvoyaient à deux codes différents, à savoir le code du travail et le code de l’éducation. En résultait une confusion certaine dans la mise en œuvre des dispositions concernées. Cette situation nuisait réellement à l’application des lois en question, dont le but initial était pourtant de promouvoir les pratiques vertueuses !

Il convenait donc de simplifier les normes en vigueur, pour les entreprises mais aussi pour les jeunes, afin de rendre efficace un dispositif que chacun estimait nécessaire.

M. le rapporteur l’a également rappelé, au cours de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont consolidé les principales dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et le Sénat, et ce par différentes mesures : en instaurant un plafond maximum de stagiaires en fonction des effectifs salariés et de la taille des entreprises ; en mettant en œuvre un double suivi des stagiaires, à la fois par l’établissement d’enseignement et par un tuteur désigné à cet effet, chacun dans ses missions ; en renforçant les moyens d’identifier et, lorsque c’est nécessaire, de sanctionner d’éventuels abus ; en confiant à l’inspection du travail et aux tribunaux compétents cette mission de sanction qui, en aucun cas, ne doit être assumée par un personnel administratif ou par un enseignant. C’est bel et bien aux administrations et aux tribunaux dont c’est la compétence d’imposer ces sanctions ! Le débat a permis d’éclaircir ce point.

Par ailleurs, a été instaurée une autorisation d’absence et de congés, y compris de congés de maternité. Ces derniers peuvent concerner des étudiantes, qui ont entre vingt et vingt-cinq ans, parfois un peu plus.

À l’Assemblée nationale, il m’avait été demandé assez plaisamment de permettre le report de ces congés de maternité, ou, mieux, de les éviter… Cela me semble assez compliqué ! §Ces dispositions relèvent du droit commun, et les étudiantes concernées doivent en bénéficier.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Au reste, il faut se réjouir que notre pays présente le plus fort taux de natalité d’Europe. C’est un signe de dynamisme et d’optimisme. En cette période, nous en avons bien besoin !

De plus, le présent texte aligne le temps de présence des stagiaires sur celui des salariés. Cette mesure a donné lieu à des débats. À mes yeux, il importe de confirmer cette disposition, pour que les stagiaires soient réellement immergés dans la vie professionnelle.

J’ajoute qu’il a été prévu d’exonérer d’impôt le revenu de la gratification.

Telles sont les principales mesures sur lesquelles je souhaitais insister.

N’oublions pas que des droits nouveaux ont été accordés aux stagiaires, là aussi pour que ces derniers soient placés dans les conditions réelles, dans la vraie vie de leur structure d’accueil. Il faut notamment qu’ils puissent bénéficier de ces moments de convivialité et de rencontre avec les autres salariés que sont, par exemple, les repas. À cette fin ont été étendus aux stagiaires l’accès aux restaurants d’entreprise, le bénéfice des titres de restaurant.

Il fallait en outre que les stagiaires aient droit aux aides aux transports, lorsque les organismes les accordent, ou éventuellement aux offres des comités d’entreprise, lorsque ces derniers existent. Ces aides, qui peuvent intéresser les stagiaires, font partie intégrante de la vie d’un organisme, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une administration !

Le texte prévoit également l’augmentation du montant de la gratification mensuelle minimale prévue pour les stages de plus de deux mois. Celle-ci sera portée de 436 euros à 523 euros, soit une augmentation de 87 euros par mois. Cette disposition entrera en vigueur d’ici à 2015.

Mes deux collègues ministres et moi-même nous félicitons des avancées permises par les travaux parlementaires, à l’Assemblée nationale et surtout au Sénat. Il s’agit là de mesures fortes, de mesures de confiance destinées à la jeunesse.

On le voit, cette proposition de loi est un texte de progrès pour les stagiaires, qu’ils soient lycéens ou étudiants. Elle tient compte, parallèlement, des difficultés spécifiques à tel ou tel type d’organismes, comme les organismes sociaux, à l’intention desquels un fonds spécial a été créé. Nous attendons que ce dispositif soit sollicité. La procédure prévue est simple et accessible à toutes les structures, par exemple aux associations, qui en formuleront la demande. Ce fonds de transition permettra d’assurer une continuité, pour que personne ne soit pris au dépourvu, au titre des gratifications accordées aux stagiaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons également souhaité tenir compte de la spécificité des maisons familiales rurales, les MFR. Ces dernières ont été défendues avec flamme au Sénat. Elles avaient été un peu oubliées à l’Assemblée nationale – mais on sait que les sensibilités des deux chambres sont un peu différentes ! Bien qu’alertés assez tardivement sur cette question, nous nous en sommes saisis et nous l’avons résolue rapidement, dans la concertation. À ce titre, je tiens à vous remercier de vous être adaptés à ce rythme soutenu.

L’amendement que je défendrai dans quelques instants, au nom du Gouvernement, a été rédigé dans cet esprit. En effet, l’une des dispositions adoptées en commission mixte paritaire risquerait de pénaliser de nouveau les maisons familiales rurales. J’espère que cet amendement, tendant à simplifier la vie de ces structures, pourra être adopté.

Je le répète, ce texte adresse un message de confiance et de responsabilité aux différents acteurs concernés : les organismes d’accueil, notamment les entreprises, les établissements de formation et les stagiaires eux-mêmes. Il est au service d’une priorité, qui nous mobilise tous : l’insertion professionnelle des jeunes !

Mes collègues ministres et moi-même, ainsi que M. le rapporteur, sans oublier Chaynesse Khirouni, députée de Meurthe-et-Moselle, qui est à l’origine de ce texte, espérons que ce dernier sera adopté dans les meilleurs délais, pour qu’il puisse entrer en vigueur à la prochaine rentrée scolaire et universitaire.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Cette réforme est attendue par tous. Elle a pu susciter des inquiétudes, mais elle est le fruit d’un dialogue à mon sens fructueux. Elle me semble tout à fait équilibrée. Elle traduit une forte confiance en la jeunesse, c’est-à-dire en l’avenir de notre pays.

Une nouvelle fois, je vous remercie de la qualité des débats que nous avons consacrés à cette proposition de loi ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte difficile pour l’insertion des jeunes sur le marché du travail, l’amélioration de la qualité des stages doit constituer une priorité pour notre pays.

En réponse à une demande croissante, de la part des entreprises mais aussi des étudiants, le cadre juridique se devait d’évoluer de manière à renforcer les droits des stagiaires pour éviter les abus – il y en a eu ! – et à garantir une offre de stages suffisamment étoffée.

En ce sens, la présente proposition de loi, ni dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale ni dans celle qu’a adoptée la commission des affaires sociales, n’apportait les garanties nécessaires pour atteindre ce double objectif.

Le texte issu du Sénat, dont certaines dispositions ont été confirmées par la commission mixte paritaire, répondait à un certain nombre d’inquiétudes que nous étions nombreux à exprimer.

Tout d’abord, je songe à l’extension de l’ensemble des dispositions législatives relatives aux stages accomplis avant le baccalauréat, et plus particulièrement ceux qui sont effectués par les élèves des maisons familiales rurales, que Mme Fioraso vient d’évoquer. L’amendement que le Gouvernement présentera dans quelques instants tend à accorder à ces MFR des dérogations à l’obligation de gratification de la période de formation en milieu professionnel. Il est le bienvenu !

La présentation du décret en séance était de nature non pas à satisfaire pleinement les organismes formateurs mais à définir un compromis acceptable pour les formations visées par ces nouvelles obligations.

Ensuite, la possibilité de déroger au quota de stagiaires par organisme d’accueil est rassurant, alors que ces formations concernent souvent des secteurs dans lesquels les élèves ont beaucoup de peine à trouver un stage.

Plus largement, pour l’ensemble des stagiaires, nous resterons vigilants quant à la fixation de ce quota. Elle peut se révéler problématique pour les petites structures, même si l’adoption d’un amendement du RDSE a permis de préciser que le « pourcentage tient compte des effectifs de l’organisme d’accueil ».

Je souhaite également saluer le maintien de l’alignement de la durée de présence du stagiaire sur celle des autres salariés, disposition cohérente quant à l’organisation des entreprises.

Par ailleurs, je me réjouis du maintien par la commission mixte paritaire d’une disposition résultant d’un amendement commun à nos collègues du groupe CRC et au RDSE. Il s’agit de permettre à tous les étudiants, quelle que soit la durée de leur stage, de bénéficier d’un accès aux titres de restaurant ou à la restauration collective de l’entreprise, ainsi que de la prise en charge des frais de transport. Cette mesure de justice sociale n’est pas anodine pour les étudiants qui n’ont pas droit à une gratification du fait de la durée limitée de leur stage.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

En revanche, je déplore que les débats n’aient pu faire évoluer le texte pour écarter l’application d’une durée maximale de stage de six mois, sans aucune souplesse. Ainsi, aucune dérogation ne semble permise pour certaines formations, au titre desquelles la pratique est pourtant essentielle.

Nous regrettons en outre que l’amendement que nous avions déposé à l’instar d’autres groupes au sujet de la prise en compte des embauches en CDI à l’issue du stage des jeunes de moins de vingt-six ans, au même titre que les apprentis pour l’exonération de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, n’ait pas été retenu par la commission mixte paritaire.

Enfin, il me semble que nous avons manqué l’occasion de rendre plus juste la gratification du stage. Les membres du groupe auquel j’appartiens avaient déposé un amendement visant à ce que son montant varie en fonction du niveau d’études. Cette disposition pouvait constituer une avancée, notamment pour les stages réalisés en fin d’études qui devraient faire l’objet d’une rémunération plus élevée compte tenu d’une certaine plus-value apportée par ces étudiants aux entreprises.

En dépit de ces considérations, il me semble qu’un texte plus mesuré a pu émerger du débat. L’équilibre entre le renforcement des droits des stagiaires et le développement d’une offre de stages suffisante semble globalement respecté. C’est pour cette raison que tous les membres du RDSE voteront en faveur de la présente proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard . Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des affaires économiques, … – je m’arrête là

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… tout mon temps sera consacré à des salutations ! –, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe deux principes : les stages, d’abord, doivent rester un temps de formation, ils ne peuvent être considérés comme un emploi et doivent s’inscrire dans un projet pédagogique ; ensuite, ils doivent relever d’un cadre unique permettant d’édicter un ensemble de règles pour limiter les abus.

Pour les étudiants, le stage constitue un moment important de la formation. Il leur permet de se confronter à la réalité du travail en s’immergeant dans le monde de l’entreprise. C’est aussi un temps d’apprentissage, durant lequel le jeune acquiert des compétences concrètes, en rapport avec son projet professionnel et en dehors du seul cadre scolaire théorique. Cela lui permet également de mettre en valeur d’autres facettes de sa personnalité.

Pour l’entreprise, le stage représente aussi un temps bénéfique, qui lui permet de transmettre ses savoirs, de participer à la formation des jeunes, bref, de jouer un rôle citoyen.

Le danger réside dans les risques d’abus, qui transformeraient le stage en emploi déguisé. Certaines entreprises, ou associations, peuvent en effet être tentées d’utiliser une main-d’œuvre bon marché, jeune et motivée. Des difficultés de recrutement, une situation financière difficile : ces raisons peuvent pousser à un recours abusif aux stages, en particulier lorsque les jeunes ne trouvent pas d’emploi. Pourtant, le stage ne peut être un emploi et doit rester un moment pédagogique. Tel est le sens de cette proposition de loi.

Le texte prévoit un encadrement identique pour tous les stages. Une autre démarche était possible, portée – mais je ne veux pas trahir leurs conceptions – par les groupes UDI et UMP : les différents secteurs n’ayant pas les mêmes besoins et faisant face à des difficultés de recrutement, il aurait fallu adapter les dispositions de la proposition de loi en fonction des secteurs et des situations. Pour difficile qu’elle soit, cette proposition avait sa logique. Cela n’a cependant pas été le parti que nous avons choisi. Nous avons décidé de mettre en place un cadre identique pour tous, facile à comprendre et à interpréter et susceptible de servir de référence à tous.

Quels sont les acquis de cette proposition de loi ? Les auteurs ont fait le choix de limiter la durée des stages à six mois au maximum, pour que ce moment de formation reste borné dans le temps. Cela permet de mettre un terme à ces situations insupportables où des étudiants restent neuf mois ou un an en stage, en ne touchant que 400 euros par mois durant toute cette période.

Pour renforcer l’objectif pédagogique du stage, la proposition de loi instaure un volume minimal de formation en établissement avant la délivrance d’une convention. Cette mesure est accompagnée d’une obligation d’encadrement de l’étudiant, aussi bien universitaire, via l’enseignant référent, que professionnel, via le tuteur de stage, avec un nombre maximal d’étudiants par tuteur et par enseignant. L’accompagnement pédagogique est ainsi renforcé.

Concernant la protection des stagiaires, le texte établit des durées de travail maximales, reconnaît des droits aux congés, aux titres restaurants et aux frais de transport et renforce le rôle de l’inspection du travail pour contrôler les abus. Ces mesures permettent de compléter le dispositif, afin de mieux intégrer les stagiaires.

Lorsque l’on parle de stage, il ne faut pas oublier la question de la gratification. Un stage entraîne en effet des frais : on se déplace et on quitte ses pratiques habituelles. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’un salaire, car le stagiaire n’est pas et ne doit pas devenir, un salarié. Ces gratifications, peu élevées, doivent permettre aux stagiaires de s’installer dans un nouveau contexte pour la durée de leur stage.

Lors de l’examen du texte en première lecture, le Sénat avait voté plusieurs mesures plus favorables aux stagiaires : la gratification des stages avait été augmentée de 436 euros à 523 euros et la durée de stage à partir de laquelle un stagiaire a droit à une rémunération était passée de deux mois à un mois.

Cependant, la commission mixte paritaire est revenue sur l’une de ces avancées. L’augmentation de la gratification est en effet repoussée à septembre 2015, mais l’obligation de rémunérer les stages ne s’appliquera qu’à partir de la fin du deuxième mois, comme c’est le cas aujourd’hui.

Nous regrettons ce recul, puisque nous avions participé au vote de ces amendements. Néanmoins, les écologistes voteront pour ce texte, pour l’ensemble des règles qu’il propose et pour la protection accrue des stagiaires.

J’ajoute que tout encadrement des stages, aussi bonne que soit la loi – et à mon sens, nous avons trouvé ici un équilibre au regard des deux objectifs que j’ai évoqués initialement –, peinera à limiter les abus tant que les jeunes ne trouveront pas rapidement un premier emploi adapté à leur qualification.

Madame la ministre, oui, les membres du groupe écologiste voteront cette proposition de loi et, oui, ils seront à vos côtés pour trouver un débouché professionnel à chaque jeune sortant de formation ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, lorsque nous avions examiné la proposition de loi le mois dernier, Catherine Procaccia, nos collègues de la commission des affaires sociales et moi-même avions souhaité la modifier afin de concilier deux impératifs : permettre aux stagiaires d’accomplir leur stage dans les meilleures conditions, tout en favorisant l’offre de stages.

Force est de constater que, s’il a reçu des aménagements, ce texte reste particulièrement dissuasif pour certaines entreprises et risque de restreindre le nombre d’offres, dans un contexte déjà difficile. Cela est d’autant plus regrettable que le cadre juridique entourant le déroulement des stages est déjà protecteur, et largement respecté par les entreprises.

Certes, je me réjouis que certaines de nos propositions aient été adoptées par la Haute Assemblée. Elles permettent, par exemple, d’impliquer davantage les établissements de formation dans le suivi des stages ; elles donnent l’assurance au stagiaire de trouver un interlocuteur en période de vacances universitaires ; elles disposent que la gratification qu’il recevra ne dépend pas du bon vouloir de l’employeur lorsque celui-ci accorde un pont ; ou encore, elles garantissent sa connaissance du droit en vigueur dans le pays étranger où il effectuera un stage. Ce sont autant de mesures concrètes qui pourront aider les stagiaires.

Je regrette cependant que n’ait pas été conservée en commission mixte paritaire une mesure qui avait été l’occasion d’un long débat et qui prévoyait, pour les établissements de formation, l’obligation de mettre leurs étudiants en rapport avec des employeurs, lorsque le stage est exigé pour la validation du diplôme.

Nous avions envisagé cette responsabilisation parce que les établissements d’enseignement ne font pas toujours ce qui est pourtant en leur pouvoir pour mettre l’étudiant en rapport avec des entreprises. Nous constatons sur le terrain, en effet, que la centralisation d’informations sur les pistes de stages et l’accompagnement des jeunes varient énormément selon les établissements concernés et selon les territoires.

Cet amendement emportait sans doute un effort conséquent d’organisation, par la mise en place de nouveaux services, mais, à mon sens, l’offre de formation, particulièrement universitaire, devrait s’acquitter de cette tâche et la politique du Gouvernement s’orienter en ce sens.

Je regrette également la suppression, évoquée par Gilbert Barbier, de l’article 8 en commission mixte paritaire. Cet article, introduit par notre groupe, favorisait la création d’emplois. Certes, les contraintes budgétaires sont là, mais cette mesure présentait un intérêt particulier, alors que les contrats créés aujourd’hui sont principalement des contrats précaires.

Il s’agissait d’ajouter à la liste des alternants pris en compte dans le quota de 4 %, permettant à une entreprise d’être exonérée du versement de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, les jeunes effectuant un stage et qui, à l’issue de celui-ci, auraient été embauchés en contrat à durée indéterminée.

Outre son aspect incitatif, cette disposition permettait de reconnaître l’effort d’une entreprise qui embauche un jeune à l’issue d’un stage long, lorsqu’elle ne peut avoir recours à l’apprentissage par manque d’offres.

Je pense que notre débat est l’occasion de vous demander, madame la secrétaire d’État, si cette suggestion, une fois modifiée, aurait pu recevoir votre assentiment. En effet, l’adoption d’un amendement de suppression de l’article ne nous a pas permis de présenter nos propositions alternatives en commission mixte paritaire, notamment un délai pour l’entrée en vigueur, des précisions par décret, l’allongement de la durée minimale de stage, ou une prise en compte partielle. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner votre sentiment à ce sujet?

Concernant les autres décisions prises en commission mixte paritaire, je note le relèvement du montant de la gratification qui, s’il est louable dans son esprit, risque de gêner les très petites entreprises, les TPE, ou les artisans prêts à prendre des stagiaires, notamment issus des voies technologique et professionnelle.

Certes, un délai d’instauration a été accordé en commission mixte paritaire, permettant aux entreprises de faire face à cette augmentation. En outre, l’incohérence entre la gratification qui passe à 15 % du plafond de la sécurité sociale et la franchise de cotisations sociales, qui reste limitée à 12, 5 % fera l’objet, nous a-t-on dit en commission mixte paritaire, d’une harmonisation dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si le bon sens a prévalu concernant la durée minimale de stage rendant la gratification obligatoire, que la commission mixte paritaire a refusé de diminuer à un mois, le montant de la gratification sera bien augmenté, ce qui risque d’être le principal message retenu par les entreprises.

Je voudrais encore souligner que des dispositions majeures resteront finalement soumises à des décrets, dont nous ne savons pas ce qu’ils seront. Ainsi, nous devons nous prononcer par un vote sans savoir à quel pourcentage sera fixé le nombre de stagiaires pouvant être accueillis par une même structure, malgré la grande diversité des structures d’accueil. De même, une mesure aussi importante que la durée maximale des stages sera fixée par décret.

Il est évident que la diversité des situations rendra l’exercice réglementaire extrêmement difficile, et nous y serons très attentifs.

Au total, la proposition de loi crée un cadre particulièrement rigide, qui ne tient compte ni des spécificités des secteurs économiques ni des contraintes des entreprises, et notamment des TPE et des PME. L’absence d’étude d’impact est d’ailleurs regrettable.

Notre groupe votera donc, comme en commission mixte paritaire, contre cette proposition de loi qui inquiète – nous recevons beaucoup de courrier à ce sujet – tous les acteurs en présence, établissements de formation, organismes d’accueil, et stagiaires eux-mêmes qui craignent de ne pas trouver facilement de stage dans ces nouvelles conditions. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la navette de ce texte, qui aura pris de faux airs de parcours du combattant.

Je rappelle que la première lecture au Sénat a été fractionnée en trois épisodes. Cela n’envoie pas aux jeunes le message le plus positif quant à la façon dont les pouvoirs publics se soucient de leur sort…

Mais laissons là les questions formelles pour nous concentrer sur le fond, en commençant par le positif : il y en a ! Nos travaux ont en effet amélioré des aspects non négligeables du texte.

Premièrement, en matière de suivi du stagiaire, l’enseignant référent sera tenu de s’assurer auprès du tuteur, et à plusieurs reprises durant le stage ou la période de formation en milieu professionnel, de son bon déroulement et de proposer à l’organisme d’accueil, le cas échéant, une redéfinition d’une ou des missions pouvant être accomplies.

De même, il est précisé que le stagiaire a besoin d’un suivi à la fois pédagogique et administratif, et qu’il ne doit pas y avoir de rupture. L’accompagnement du stagiaire est donc renforcé par la responsabilisation de l’établissement d’enseignement supérieur. Cela va dans le bon sens.

Dans le même temps, le Sénat a tenu à ne pas exagérément alourdir la fonction du tuteur. La commission des affaires sociales souhaitait que ce dernier puisse faire l’objet d’une sanction administrative pour non-respect des stipulations pédagogiques de la convention.

Heureusement, nous avons supprimé cette disposition. Il n’entre effectivement pas dans les missions de l’inspection du travail d’évaluer le respect de stipulations pédagogiques, qui relèvent de la responsabilité des établissements d’enseignement. Le texte contient donc une ébauche de rééquilibrage dans la relation entre l’établissement et l’entreprise.

Deuxièmement, des assouplissements ont été apportés à certaines rigidités excessives du texte, en particulier en matière de présence horaire des stagiaires dans l’organisme d’accueil. La présence des salariés ne correspond pas toujours aux 35 heures, et les stagiaires doivent donc pouvoir accompagner cette organisation du temps de travail.

La règle des quotas de stagiaires par rapport aux effectifs de l’entreprise a, de même, été assouplie. Le Sénat a fait préciser que ce pourcentage devra tenir compte des effectifs de l’organisme d’accueil. C’est indispensable afin de ne pas pénaliser les petites structures, les TPE et les PME.

Dans le même esprit, le recteur d’académie pourra accorder des dérogations au plafond de stagiaires accueillis dans un même organisme d’accueil pendant une même semaine civile. C’est encore une mesure bienvenue à l’adresse des TPE et des PME, qui ont prouvé leur capacité à accueillir davantage de stagiaires, notamment pour des phases d’observation.

Troisièmement, c’est surtout sur la question de la gratification que le Sénat, en première lecture, et, davantage encore, la commission mixte paritaire se sont concentrés, en obtenant, là encore, des avancées. Nous ne sommes pas, en effet, opposés par principe à la revalorisation de cette gratification. En revanche, l’ouvrir à tous les stages excédant un mois, comme en avait décidé le Sénat à l’issue de la première lecture, aurait été excessif.

Nous ne pouvons que nous réjouir que la commission mixte paritaire soit revenue à l’état actuel du droit sur ce point, à savoir une gratification due pour tout stage excédant non pas un, mais deux mois. En effet, il n’y aurait pas mieux pour raréfier l’offre de stages que d’assortir d’une gratification tout stage de découverte d’à peine plus d’un mois.

De même, dans l’enseignement agricole, la règle de droit commun est encore trop contraignante. Là aussi, nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir été entendus sur ce point en deux temps.

En première lecture, le principe d’une dérogation à la durée minimale de stage ouvrant droit à gratification au profit des enseignements dispensés dans les maisons familiales rurales a été fixé. Le Gouvernement nous a donné l’assurance que cette durée minimale serait de trois mois. Toutefois, cette disposition initiale ne concernait que l’enseignement secondaire agricole. Heureusement, la CMP l’a étendue à l’enseignement supérieur agricole, ce qui était indispensable.

La seule chose que nous pouvions regretter est que cette mesure ne s’applique qu’à compter du 1er septembre 2015. L’enfer est pavé de bonnes intentions : le report de l’entrée en vigueur avait pour objet de permettre aux hôtes de stagiaires de se préparer à la revalorisation de la gratification. Mais, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d'État, un effet collatéral n’a pas été perçu : la dérogation en faveur de l’enseignement agricole serait ainsi également reportée. J’ai bien compris que telle n’avait pas été votre volonté. J’en veux pour preuve l’amendement n° 1 à l’article 1er que le Gouvernement a déposé, ce dont je le remercie.

Enfin, je formulerai quelques points de divergence.

En première lecture, nous avions fait adopter un amendement permettant aux entreprises qui ne trouvent pas d’apprentis dans leur secteur d’activité, tel que les services et l’audit, de ne plus être sanctionnées par le versement de la contribution supplémentaire à l’apprentissage pour non-respect du quota de 4 % d’apprentis – il sera de 5 % en 2015 –, en prenant en compte, dans le calcul de ce quota, les stagiaires embauchés en CDI par l’entreprise à l’issue de leur stage. Malheureusement, la CMP a supprimé cette disposition ; nous ne pouvons que le regretter vivement.

Plus fondamentalement, l’esprit général de ce texte n’a, bien sûr, pas changé. Comme l’indiquait déjà, en première lecture, notre collègue Jean-Léonce Dupont, la philosophie de notre approche de la question peut se résumer ainsi : le mieux est l’ennemi du bien.

Il faut bien évidemment, nous en sommes d’accord, protéger nos stagiaires. D’ailleurs, historiquement, la famille politique à laquelle j’appartiens a été en pointe sur cette question. Mais le présent texte va bien plus loin. Bien trop loin ! Il tend à aligner le statut du stagiaire sur celui du salarié. Or un stagiaire n’est en rien un salarié et n’a pas vocation à l’être. De plus, un stage est non pas un contrat de travail, mais un contrat de formation. N’oublions pas également que le maître de stage doit faire preuve d’une grande disponibilité.

En oubliant ce prédicat de bon sens, le texte met en place un carcan encore rigide. Il établit des contraintes nouvelles, qui pèsent exclusivement sur l’entreprise, dont l’une des plus emblématiques est le quota de stagiaires, et il universalise celles qui existaient déjà. Le résultat pourrait donc être totalement contreproductif.

En effet, ce texte pourrait dissuader les structures d’accueil de continuer de prendre des stagiaires, alors même que le stage est indispensable aux étudiants dans leur parcours pédagogique. À l’heure où le stage est devenu une porte d’entrée presque incontournable dans la vie active, ce serait bien sûr catastrophique. Nous sommes, hélas ! encore bien loin des chocs de simplification et de compétitivité dont notre pays a si cruellement besoin.

En première lecture, j’avais voté contre la proposition de loi. Toutefois, eu égard à la qualité de votre écoute et à votre bonne volonté, madame la secrétaire d'État, notamment au travers de l’amendement que vous allez nous proposer, je m’abstiendrai, pour ma part, sur les conclusions de la commission mixte paritaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le hasard du calendrier parlementaire veut que nous examinions aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, alors que vient juste d’être rendu public le baromètre des conditions d’étude établi annuellement par l’UNEF, l’Union nationale des étudiants de France.

Cette étude est particulièrement éclairante, puisque 68, 3 % des étudiants sondés estiment que l’université ne prépare pas suffisamment l’insertion professionnelle des étudiants. Par ailleurs, ces étudiants sont critiques quant à l’accompagnement qui leur est offert pour trouver un stage ou durant leur stage. On y apprend, par exemple, que seulement 26 % des étudiants ont trouvé leur stage par le biais de leur université.

Ces éléments nous confortent dans l’analyse qui est la nôtre et qui nous a conduits à adopter cette proposition de loi. Les stages professionnels doivent être, pour les étudiants, un lieu d’acquisition de savoirs et de compétences pratiques, destinés à conforter leurs connaissances théoriques. Ils ne doivent pas être le moyen, pour certains employeurs peu scrupuleux, de bénéficier d’une main-d’œuvre peu onéreuse, précaire, et donc mécaniquement plus facilement corvéable.

Aussi, il faut que les conditions de réalisation des stages soient optimales, ce qui suppose un accompagnement de qualité par l’université. Cette proposition de loi, en précisant qu’un décret définira le nombre maximum d’étudiants que devra accompagner un même enseignant référent, contribue à la réalisation de cet objectif. Nous continuons toutefois à regretter qu’elle ne garantisse pas explicitement aux tuteurs en entreprise les conditions d’un accompagnement de qualité, en octroyant à ces derniers, comme nous l’avions proposé, un temps spécifiquement dédié au suivi des jeunes et, le cas échéant, des formations : transmettre le savoir n’est en effet pas une question anodine.

Cette même logique nous avait d’ailleurs conduits à déposer en première lecture un certain nombre d’amendements destinés à sécuriser le parcours des stagiaires et à lutter contre la précarité de ces derniers. Disant cela, je pense notamment à notre amendement visant à faire en sorte que tous les stagiaires, y compris ceux qui n’ont pas droit à une gratification et sont donc, de fait, les plus précarisés, bénéficient, dans les mêmes conditions que les stagiaires indemnisés, de l’accès à la restauration collective, aux titres-restaurant ou à la prise en charge des frais de transport.

Dans le même temps, sur l’initiative de M. le rapporteur, le Sénat adoptait deux dispositions fortes : l’augmentation de la gratification, et ce dès le premier mois, tout du moins pour les étudiants de l’enseignement supérieur. Ces dispositions étaient attendues, et nous les avions soutenues avec enthousiasme, car, trop souvent, les stages « sont des emplois ultra-précaires subventionnés par les parents », pour reprendre une formule que j’ai entendue de la part d’un militant du collectif Génération précaire.

Après l’examen de la proposition de loi en commission mixte paritaire, notre enthousiasme a quelque peu diminué. Les stages des étudiants inscrits à l’université ne seront plus gratifiés dès le premier mois et la revalorisation ne concernera que les conventions conclues à compter de septembre 2015. Il s’agit là d’un recul regrettable, qui donne l’illusion que chaque avancée en faveur de l’amélioration des conditions de rémunération, y compris l’augmentation la plus modeste qui ne représente que quelques dizaines d’euros, a toujours un coût trop élevé pour le patronat. Dommage qu’un gouvernement de gauche y prête le flanc !

Ces décisions ont conduit mes collègues du groupe CRC et moi-même à nous interroger sur notre vote final. Notre décision, mûrement réfléchie, a été de maintenir notre vote exprimé en première lecture, à savoir un vote favorable.

Non pas que nous validions ces reculs, nous ne les acceptons pas, pas plus, d’ailleurs, que nous acceptons le maintien de la disposition introduite au Sénat, sur l’initiative de notre collègue Gilbert Barbier, visant à imposer aux stagiaires des heures supplémentaires, sans réévaluation de la gratification, puisque celle-ci est forfaitaire.

À cet égard, il est paradoxal de noter que l’argumentation avancée par le Gouvernement pour s’opposer à nos amendements consistait à dire qu’il fallait bien différencier les statuts des stagiaires et des salariés, ou même des apprentis. Or, dans la situation précitée, qui est néfaste pour les stagiaires, cette argumentation n’est plus valable. Chacun appréciera !

Nous ne considérons pas que l’adoption de cette proposition de loi soit la fin de l’histoire et qu’elle soit de nature à mettre un terme aux évolutions législatives en la matière et, d’une manière générale, concernant l’entrée des jeunes dans la vie active. Nous demeurons persuadés qu’il faudra impérativement, à l’avenir, harmoniser le statut de tous les stagiaires, en permettant à ceux du secteur médico-social et des établissements publics de santé d’accéder à la gratification.

Avec les organisations syndicales et les collectifs mobilisés sur ce sujet, nous demeurerons vigilants quant au nombre et au développement des formations universitaires qui n’ont comme seule finalité que l’obtention d’une convention de stage ou aux stages dont la réalisation est manifestement plus longue que les temps d’enseignements universitaires dispensés aux étudiants. Il nous semble qu’il y a encore matière à légiférer sur ces sujets.

Mais ne pas voter cette proposition de loi, c’était prendre le risque que les autres avancées, celles qui ont été maintenues par la commission mixte paritaire et que de nombreux stagiaires attendent, soient supprimées. Je citerai, notamment, la disposition visant à autoriser l’inspection du travail à contrôler les stages, le droit réaffirmé pour les stagiaires d’agir devant les conseils de prud’hommes pour obtenir, le cas échéant, la requalification de leur convention de stage en contrat de travail, ou encore le droit de pouvoir bénéficier d’une voie annexe pour la validation de l’année d’étude même si le stage, théoriquement indispensable pour la validation de l’année, a été interrompu.

Pour toutes ces raisons, malgré les reculs actés en CMP et malgré nos attentes restées insatisfaites et qui sont, en réalité, en adéquation avec celles des stagiaires, nous voterons en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. Je dois dire que l’attitude constructive du rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, qui a contribué à maintenir les principes que nous partageons, y est pour beaucoup. Je veux ici, une nouvelle fois, l’en remercier.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le titre II du livre Ier de la première partie est complété par un chapitre IV intitulé : « Stages et périodes de formation en milieu professionnel » ;

2° Au même chapitre IV, sont insérés des articles L. 124-1 à L. 124-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-1. – Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

« L’enseignant référent prévu à l’article L. 124-2 du présent code est tenu de s’assurer auprès du tuteur mentionné à l’article L. 124-9, à plusieurs reprises durant le stage ou la période de formation en milieu professionnel, de son bon déroulement et de proposer à l’organisme d’accueil, le cas échéant, une redéfinition d’une ou des missions pouvant être accomplies.

« Art. L. 124-2. – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les élèves ou les étudiants dans leur recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement, aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et la manière dont ce temps s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnée à l’article L. 124-1. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi pédagogique et administratif constant sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans la limite d’un plafond fixé par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 124-3. – Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement ainsi que les modalités d’encadrement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 124-4 et, à la première phrase, après le mot : « achevé », sont insérés les mots : « sa période de formation en milieu professionnel ou » ;

4° L’article L. 612-9 devient l’article L. 124-5 et est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

5° L’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 et est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage ou de la période de formation en milieu professionnel au sein d’un même » ;

– après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou la ou les périodes de formation en milieu professionnel » ;

– après les mots : « par décret », sont ajoutés les mots : «, à un niveau minimal de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale défini en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. Son montant minimal forfaitaire n’est pas fonction du nombre de jours ouvrés dans le mois.

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la durée prévue au premier alinéa pour les périodes de formation en milieu professionnel réalisées dans le cadre des formations mentionnées à l’article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;

6° Après l’article L. 124-6, dans sa rédaction résultant du 5° du présent I, sont insérés des articles L. 124-7 à L. 124-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-7. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 124-8. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Ce nombre tient compte des effectifs de l’organisme d’accueil. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 124-15.

« Par dérogation au premier alinéa, l’autorité académique fixe, dans des conditions déterminées par le décret en Conseil d’État prévu au même premier alinéa, le nombre de stagiaires qui peuvent être accueillis dans un même organisme d’accueil pendant une même semaine civile au titre de la période de formation en milieu professionnel prévue par le règlement du diplôme qu’ils préparent.

« Art. L. 124-9. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévue au 2° de l’article L. 124-2.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 124-10. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 124-11 ;

8° Après l’article L. 124-11, dans sa rédaction résultant du 7° du présent I, sont insérés des articles L. 124-12 à L. 124-15 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-12. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 124-13. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages et les périodes de formation en milieu professionnel dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 124-5 du présent code, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

« Le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 124-14. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1° Aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence ;

« 2° À la présence de nuit ;

« 3° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 124-15. – Lorsque le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, l’autorité académique ou l’établissement d’enseignement supérieur valide la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus, ou propose au stagiaire une modalité alternative de validation de sa formation. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° L’article L. 612-12 devient l’article L. 124-16 ;

10° Après l’article L. 124-16, dans sa rédaction résultant du 9° du présent I, sont insérés des articles L. 124-17 à L. 124-20 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-17. – La méconnaissance des articles L. 124-8, L. 124-14 et de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 124-9 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 124-18. – La durée du ou des stages et de la ou des périodes de formation en milieu professionnel prévue aux articles L. 124-5 et L. 124-6 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 124-13.

« Art. L. 124-19. – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage ou de la période de formation en milieu professionnel à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 124-1.

« Art. L. 124-20. – Pour chaque stage ou période de formation en milieu professionnel à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information présentant la réglementation du pays d’accueil sur les droits et devoirs du stagiaire. » ;

11° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 124-2. » ;

12° Les articles L. 612-8 et L. 612-13 sont abrogés ;

13° La division et l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie sont supprimés.

I bis (nouveau). – L’article L. 124-6 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la présente loi, est applicable aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015. L’article L. 612-11 du code de l’éducation, dans sa rédaction en vigueur jusqu’à la publication de la présente loi, est applicable aux conventions de stage signées avant le 1er septembre 2015.

II. – Au premier alinéa de l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 612-8 » est remplacée par la référence : « L. 124-1 » et la référence : « L. 612-11 » est remplacée par la référence : « L. 124-6 ».

II bis. – Toute personne ou organisme qui publie, pour son compte ou celui d’autrui, des offres de stage sur internet est tenu de les distinguer des offres d’emploi qu’il propose et d’en assurer le référencement spécifique dans ses outils de recherche.

III. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une convention de stage

« Art. L. 1454-5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une convention de stage mentionnée à l’article L. 124-1 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

IV. – Un décret fixe la liste des formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée de stage ou de période de formation en milieu professionnel prévue à l’article L. 124-5 du code de l’éducation pour une période de transition de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

V. – Au 3° de l’article L. 6241-8-1 du code du travail, la référence : « L. 612-8 » est remplacée par la référence : « L. 124-1 ».

VI. – À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 4381-1 du code de la santé publique, la référence : « l’article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances » est remplacée par la référence : « l’article L. 124-6 du code de l’éducation ».

(Texte du Sénat)

La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 811-3 du code de l’éducation est complétée par les mots : « et des stagiaires ».

(Texte du Sénat)

L’article L. 1221-13 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « salariés », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les nom et prénoms des stagiaires accueillis dans l’établissement sont inscrits dans l’ordre d’arrivée, dans une partie spécifique du registre unique du personnel. » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « seulement, », sont insérés les mots : « soit pour les stagiaires mentionnés au troisième alinéa, ».

(Texte du Sénat)

L’article L. 8112-2 du code du travail est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les manquements aux articles L. 124-7, L. 124-8, L. 124-10, L. 124-13, L. 124-14 et à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 124-9 du code de l’éducation. »

(Texte du Sénat)

Après l’article L. 8223-1 du code du travail, il est inséré un article L. 8223-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 8223-1-1. – Sans préjudice du chapitre Ier du présent titre et des articles L. 8113-7 et L. 8271-8 du présent code, lorsque l’inspecteur ou le contrôleur du travail constate qu’un stagiaire occupe un poste de travail en méconnaissance des articles L. 124-7 et L. 124-8 du code de l’éducation ou que l’organisme d’accueil ne respecte pas les articles L. 124-13 et L. 124-14 du même code, il en informe le stagiaire, l’établissement d’enseignement dont il relève, ainsi que les institutions représentatives du personnel de l’organisme d’accueil, dans des conditions fixées par décret. »

(Texte de la commission mixte paritaire)

L’article L. 452-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où un élève ou un étudiant mentionné aux a ou b du 2° de l’article L. 412-8 du présent code, au 1° du II de l’article L. 751-1 du code rural et de la pêche maritime ou au 1° de l’article L. 761-14 du même code, à la suite d’un accident ou d’une maladie survenu par le fait ou à l’occasion d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage, engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l’employeur contre l’établissement d’enseignement, celui-ci est tenu d’appeler en la cause l’organisme d’accueil de la période de formation en milieu professionnel ou du stage pour qu’il soit statué dans la même instance sur la demande du stagiaire et sur la garantie des conséquences financières d’une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable. »

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 60, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les trois premiers alinéas de l’article L. 124-6 du code de l’éducation, dans leur rédaction issue de la présente loi, sont applicables aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Cet amendement a déjà été évoqué dans les différentes interventions.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, en reportant, dans le dispositif général, la possibilité de dérogation au 1er septembre 2015, nous avons pénalisé, sans y prendre garde, les maisons familiales rurales.

Aussi cet amendement prévoit-il, s’agissant des maisons familiales rurales, de fixer à trois mois, dès la rentrée 2014, et non plus dès la rentrée 2015, la durée minimale de stage donnant droit à gratification.

Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La commission des affaires sociales ne s’étant pas réunie pour examiner cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel.

En essayant de bien faire pour traiter, dans un cadre général, la gratification, il nous a en effet échappé, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, que nous risquions de porter préjudice aux maisons familiales rurales, ce qui n’était pas du tout notre objectif. Aussi, je formule un avis très favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mes chers collègues, vous l’aurez compris en écoutant mon propos liminaire, nous aurions souhaité que le dispositif s’applique dès septembre 2014.

Toutefois, nous nous rangeons à l’avis de M. le rapporteur. Il convient effectivement de consolider les choses et de ne pas prendre de risque. Une bataille difficile a en effet eu lieu pour inscrire une date d’entrée en vigueur de la mesure.

C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Sur les articles 1er bis à 8, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d’État, de l’écoute dont vous avez fait preuve pendant tout l’examen de la proposition de loi. Je remercie aussi les services de votre ministère, ainsi que les autres ministres concernés et leurs collaborateurs. Ce texte est un exemple tout à fait remarquable de coproduction législative, et c’est avec une grande satisfaction que je le vois aujourd'hui aboutir.

Je remercie également Mme la présidente de la commission des affaires sociales, qui a beaucoup œuvré en la matière, ainsi que tous nos collègues qui ont participé aux débats.

Permettez-moi, enfin, de remercier ici tout particulièrement ma collègue députée Chaynesse Khirouni, auteur de cette proposition de loi, avec laquelle nous avons remarquablement travaillé. Nous apprécions beaucoup cette collaboration.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale (texte de la commission n° 582, rapport n° 581).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous achevons ce matin l’examen de la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 8 janvier 2014 par le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Je suis heureuse de vous annoncer que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 juin dernier, a réussi à trouver un accord qui conserve presque dans leur intégralité les apports du Sénat.

Je tiens à saluer de nouveau l’implication de nos collègues députés, en particulier celle du rapporteur, Gilles Savary ; ils ont permis que la commission mixte paritaire aboutisse et fasse honneur au travail des parlementaires des deux chambres.

De même, je remercie une nouvelle fois notre collègue Éric Bocquet, dont le rapport d’information sur les travailleurs détachés, fait au nom de la commission des affaires européennes, a apporté une contribution essentielle au débat public.

Comme vous le savez, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture poursuivait quatre objectifs principaux.

Tout d’abord, elle visait à améliorer la lutte contre les abus et les fraudes constatés lors des détachements de travailleurs en transposant avec diligence les dispositions de la directive d’exécution adoptée par le Parlement européen le 16 avril dernier.

Ensuite, elle était destinée à mettre en œuvre certaines préconisations formulées par l’Assemblée nationale dans sa résolution européenne du 11 juillet dernier, en particulier la création d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats.

Par ailleurs, la proposition de loi tendait à renforcer notre arsenal juridique de lutte contre le travail illégal, notamment en conférant de nouvelles prérogatives aux agents de contrôle, aux juges et aux autorités administratives.

Enfin, elle comportait diverses mesures visant à améliorer l’encadrement du cabotage routier de marchandises.

La proposition de loi a été sensiblement enrichie par la commission des affaires sociales du Sénat, qui l’a examinée le 30 avril dernier, sans toutefois que nous remettions en cause sa philosophie initiale : donner de nouveaux moyens à la lutte contre la concurrence sociale déloyale.

En premier lieu, notre commission a considérablement renforcé, à l’article 1er de la proposition de loi, les règles applicables au moment de la déclaration de détachement, considérant que ce prérequis était la condition sine qua non d’une lutte efficace contre les fraudes et les abus.

Ainsi, nous avons tenu à élever au niveau législatif l’obligation actuelle pour le prestataire étranger de procéder à une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail et avons prévu que l’employeur devrait en outre fournir les coordonnées de son représentant en France, conformément à l’article 9 de la directive d’exécution.

Nous avons aussi obligé le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger à vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, quel que soit le montant de la prestation ; toutefois, les particuliers seront dispensés de cette obligation de vigilance, comme la proposition de loi le prévoyait déjà dans sa rédaction initiale.

Surtout, nous avons franchi un pas décisif en prévoyant que tout manquement à ces règles, de la part du prestataire étranger, mais aussi du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français dans sa relation avec un cocontractant étranger, serait passible d’une sanction administrative prononcée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Le montant maximal de cette amende sera de 2 000 euros par salarié détaché, et de 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende ; le montant total de l’amende sera plafonné à 10 000 euros. Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative devra prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de l’auteur de celui-ci ainsi que les ressources et les charges de ce dernier.

Par ailleurs, le Sénat a supprimé la création, prévue par l’Assemblée nationale, d’une déclaration spécifique en cas de sous-traitance, imposée au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre pour les contrats supérieurs à 500 000 euros ; en effet, cette déclaration était rendue superfétatoire par l’obligation générale de vérification imposée au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage « dès le premier euro ». Les députés se sont ralliés à notre analyse et n’ont pas souhaité réintroduire cette déclaration spécifique en commission mixte paritaire.

En deuxième lieu, le Sénat a entériné un dispositif unique de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non. Le dispositif de solidarité prévu à l’article 1er, qui concernait seulement les salariés détachés, a donc été supprimé dans un souci de simplicité.

En outre, nous avons élargi le champ d’application de la solidarité financière prévue à l’article 2 : d’une part, les personnes qui recourent aux services d’une entreprise de travail temporaire pourront désormais être mises à contribution ; d’autre part, la solidarité financière protégera aussi les salariés du cocontractant d’un sous-traitant, à condition évidemment que le contrat conclu découle directement du contrat initial, établi entre le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage et l’entreprise principale.

En troisième lieu, le Sénat a procédé à divers aménagements visant à renforcer la cohérence de la proposition de loi.

C’est ainsi que, sur l’initiative de la commission des affaires sociales, il a sécurisé juridiquement les dispositions relatives à l’action en justice d’un syndicat pour défendre les droits d’un salarié détaché sans que celui-ci lui en ait donné mandat. Nous avons aussi conféré au juge la possibilité de prononcer à titre de peine complémentaire, à l’encontre d’une personne condamnée pour travail illégal, l’interdiction de recevoir une aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public.

Lors de l’examen du texte en séance publique, le 6 mai, le Sénat a apporté trois modifications importantes à la proposition de loi, dont deux ont été retenues par la commission mixte paritaire.

D’une part, le bilan social devra indiquer le nombre de salariés que l’entreprise détache et le nombre de travailleurs détachés qu’elle accueille.

D’autre part, le seuil de 15 000 euros prévu pour la liste noire instituée à l’article 6 a été supprimé, un amendement en ce sens ayant été adopté à l’unanimité par notre assemblée après que M. le ministre nous eut indiqué que seulement une quinzaine d’amendes pour travail dépassaient le seuil des 15 000 euros en 2011 et en 2012. La commission mixte paritaire a entériné le choix du Sénat en procédant aux coordinations juridiques nécessaires pour supprimer ce seuil, quelle que soit la nature de l’infraction de travail illégal concernée.

Comme je l’ai souligné en introduction, la commission mixte paritaire a conservé tous les apports du Sénat, à l’exception de deux dispositions.

Premièrement, sur l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a supprimé la possibilité pour le juge de prononcer comme peine complémentaire à l’encontre d’une personne condamnée pour travail illégal le remboursement des aides publiques perçues les cinq années précédentes. Issue d’un amendement du groupe communiste, républicain et citoyen adopté en séance publique au Sénat, cette nouvelle peine complémentaire posait effectivement de nombreux problèmes : source d’insécurité juridique pour les entreprises du fait de sa forte rétroactivité, elle pouvait avoir de graves conséquences sociales en entraînant, notamment, des fermetures d’établissements. J’ajoute que l’article L. 8272-1 du code du travail autorise déjà l’autorité administrative, lorsqu’elle a connaissance d’un procès-verbal pour travail illégal, à demander le remboursement d’une aide publique perçue au cours des douze derniers mois.

Au final, je pense que la suppression de cette peine complémentaire était justifiée et qu’elle ne remet nullement en cause l’ensemble des apports de la proposition de loi.

Deuxièmement, la commission mixte paritaire a derechef changé l’intitulé de la proposition de loi, que nous avions nous-mêmes déjà modifié. Ce texte vise désormais à lutter contre la concurrence sociale déloyale, traduisant ainsi en bon français l’expression à connotation anglo-saxonne de « dumping social ».

En conclusion, je rappelle que cette proposition de loi, malgré des avancées considérables, ne sera pas suffisante à elle seule pour lutter contre les formes de concurrence déloyale qui gangrènent notre modèle social. La majorité des cas de fraudes au détachement pourraient être résolus si nous obtenions une harmonisation sociale par le haut entre les États membres de l’Union européenne, assortie du paiement dans le pays d’accueil des cotisations sociales du travailleur.

Malheureusement, la voie de l’harmonisation sociale sera lente, trop lente pour répondre aux attentes des entreprises françaises soumises à une concurrence sociale déloyale et prédatrice d’emplois, alors même que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale constitue un véritable verrou juridique, en posant comme principe général que les cotisations sociales d’un travailleur détaché doivent être payées dans le pays d’origine si le détachement dure moins de deux ans.

Au niveau national, nous devons en revanche nous mobiliser rapidement pour améliorer la réponse pénale et administrative – l’adoption définitive de ce texte devrait nous le permettre –, tout en renforçant l’action, les moyens et les effectifs des corps de contrôle, notamment ceux de l’inspection du travail.

Mes chers collègues, je souhaite que le Sénat vote le plus largement possible les conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour concrétiser l’aboutissement d’un travail collectif.

En avril 2013, un rapport du sénateur Éric Bocquet pointait l’ampleur du phénomène du détachement, le nombre de travailleurs détachés dans notre pays ayant été multiplié par quatre depuis 2006. Il soulignait les dégâts que cela pouvait causer dans l’opinion publique, nos concitoyens étant choqués que des salariés étrangers captent des emplois parce qu’ils coûtent moins cher aux employeurs, et il mettait en avant le risque politique qui en résultait. Il avait raison : nous avons observé récemment une concrétisation de ce risque sur lequel il nous avait alertés…

L’exploitation de la misère de salariés venus d’autres pays d’Europe, la confiscation d’emplois du fait d’un dumping salarial sans frein ou d’une « concurrence sociale déloyale » – puisque telle est désormais la formulation retenue dans l’intitulé de la proposition de loi – qui agresse notre modèle social et fait perdre des marchés aux entreprises, françaises ou non, qui respectent les règles, tout cela est non seulement inacceptable, mais aussi mauvais pour notre économie, pour l’Europe et pour la cohésion sociale.

L’absence de dispositions concrètes en matière de contrôle au sein de la directive Détachement travailleurs, qui date de 1996, explique cette explosion de la fraude au détachement. Conscient de ce manque, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, notamment par la voix de mon prédécesseur – je leur rends ici hommage –, a négocié pied à pied à Bruxelles, face à une majorité de pays d’Europe plaidant pour la déréglementation. Mais notre cause était juste et nous avons réussi.

Le 25 octobre, c’est au nom de tous – travailleurs français, travailleurs étrangers, entreprises respectant les règles et payant leurs cotisations sociales, soit la grande majorité d’entre elles – que la France a refusé un mauvais compromis et s’est donné un mois et demi pour convaincre. C’était risqué, car, faute d’accord, le danger était qu’on en reste aux règles actuelles, tout à fait insuffisantes. Cependant, à force de détermination, le 9 décembre dernier, nous avons arraché un compromis positif contre les fraudes au détachement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Ce compromis prévoit que la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle peut être fixée par chaque pays, ce qui permet d’imposer des règles à ceux qui n’en ont pas, et il y en a !

Il ouvre ainsi la possibilité d’établir une chaîne de responsabilités des entreprises donneuses d’ordre du secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, à l’égard de leurs sous-traitants, cela obligatoirement et dans tous les États, notamment sous la forme d’une responsabilité solidaire.

Cette victoire à l’arraché démontre que l’Europe peut avancer sur des propositions sociales ambitieuses, mais surtout que la combativité peut produire des résultats pour la défense de notre modèle social contre la concurrence sociale déloyale.

En deux ans, la gauche a réussi ce que la droite n’avait pas réussi en dix ans.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Mais il ne s’agissait pas de s’en tenir là !

C’est le Parlement qui a repris l’initiative. Les députés socialistes Gilles Savary et Chantal Guittet ainsi que le député UDI Michel Piron ont opportunément déposé en décembre dernier une proposition de loi permettant de prendre sans tarder « des mesures de sauvegarde nationales et eurocompatibles », selon les mots de Gilles Savary qui fut aussi rapporteur du texte.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, et à une large majorité, le 19 février dernier comportait déjà, grâce au travail parlementaire, des avancées majeures : le renforcement de la responsabilisation des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre ; des pouvoirs plus étendus donnés aux organisations professionnelles et aux syndicats de salariés ; une plus grande facilité accordée aux services de contrôle ; des mesures spécifiques, très attendues, pour le secteur du transport routier, particulièrement concerné par la concurrence déloyale.

Aujourd’hui, au terme du processus législatif – je salue d’ailleurs le travail réalisé par le Sénat, notamment par Mme la rapporteur, Anne Emery-Dumas –, la loi va au-delà de la responsabilité solidaire prévue par l’Europe. Celle-ci ne couvrira pas seulement le BTP, mais s’étendra aussi à tous les autres secteurs concernés par le détachement : l’agroalimentaire – j’ai d’ailleurs rencontré hier les responsables de l’Association nationale des industries alimentaires –, les transports, etc. Ce qui n’est que facultatif dans le compromis européen devient obligatoire en France.

Le texte met aussi en place une liste noire où pourront figurer pendant deux ans, sur décision du juge, les entreprises condamnées pour travail illégal.

La commission mixte paritaire a en outre retenu, comme le proposait le Sénat – c’est à l’honneur de votre assemblée–, un dispositif unique de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non.

Enfin, le fait de ne pas déclarer des travailleurs détachés sera désormais sanctionné et le maître d’ouvrage devra veiller au respect de cette obligation même s’il n’est pas lui-même l’employeur.

L’aboutissement de la commission mixte paritaire nous permet donc de figurer aujourd’hui parmi les pays les plus en avance sur cette législation, et nous pouvons en être fiers ! Je sais que d’autres pays vont suivre, la Belgique, par exemple, mais il est bon que nous ouvrions la voie en Europe.

D’ailleurs, dans le même temps, la réglementation européenne avance dans un autre hémicycle, celui du Parlement européen, sous l’impulsion de nos collègues français, notamment de Pervenche Bérès, dont je salue ici l’action.

La coopération entre les États membres est renforcée. C’est la condition de l’efficacité.

Nos inspecteurs du travail nous disent combien il peut être difficile de décrypter un bulletin de salaire établi dans une langue étrangère. Comment vérifier que l’entreprise n’est pas une boîte aux lettres ? C’est pourquoi nous menons parallèlement, en concertation, une réforme de l’inspection du travail : partout, des unités spécialisées sur le travail illégal sont en cours de création pour conduire une action plus efficace contre les montages complexes et frauduleux mis en place par des individus cherchant à détourner la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui nous réunit ce matin, c’est l’aboutissement d’un processus exemplaire qui a permis de défendre les intérêts de notre pays – en même temps qu’une certaine vision du travail, et je sais que cela fera plaisir à M. Desessard – contre la déloyauté et l’exploitation de l’homme par l’homme, ou plutôt par des bandes mafieuses.

Aujourd’hui, même s’il reste beaucoup à faire, nous savons que nous avons accompli notre devoir au service de la protection des salariés, mais aussi au service des entreprises.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

En effet, l’immense majorité des entreprises respectent les règles, et ce sont elles qui sont pénalisées par la concurrence déloyale !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

La CAPEB – Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment – et la FFB – Fédération française du bâtiment – se sont alarmées du recours au détachement de travailleurs, a fortiori s’il est frauduleux. Il faut savoir que, en sept ans, entre 2004 et 2011, donc en pleine crise, le secteur du bâtiment a dû faire face à une augmentation de près de 1 000 % d’une concurrence structurellement moins chère. Cette situation n’est plus tenable, nous disaient, aux uns et aux autres, les représentants des artisans et des entreprises du bâtiment.

Je rappelle que, dans certains pays voisins, à l’ouverture d’un chantier, la police vérifie que tous les travailleurs sont bien en règle ! En France, ce n’est pas notre tradition, mais nous prenons des dispositions pour que soient, en tout état de cause, sanctionnées les pratiques contraires à la loi.

Les responsables du BTP demandaient des décisions concrètes. Grâce à votre vote, elles vont être prises. Salariés et patrons français, unis, travailleurs français et étrangers, tous avaient besoin d’une action forte pour que prime le droit. Nous pouvons collectivement nous satisfaire d’avoir répondu à leurs attentes.

Je vous apporterai une ultime précision, mesdames, messieurs les sénateurs, car je sais que c’est point qui vous préoccupe à juste titre : nous ferons en sorte que l’Assemblée nationale examine les conclusions de la CMP de manière que cette proposition de loi soit définitivement adoptée avant la fin de la présente session.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, « concilier l’exercice de la liberté de fournir des services transfrontaliers […] et la protection appropriée des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger » : tel était l’objectif de la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs.

En théorie, ce texte devait mettre un terme au dumping social et à la concurrence déloyale, et garantir une protection minimale des travailleurs. En réalité, la mise en œuvre de la directive et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ont conduit, au fil des ans, à des abus toujours plus importants.

De plus en plus de salariés sont détachés sur le territoire d’un autre État membre pour y travailler dans des conditions souvent inacceptables : non-respect des règles d’hygiène et de sécurité, salariés sous-payés, durée de travail non respectée.

À l’évidence, la législation européenne est à tout le moins insuffisante, sinon inefficace. La directive est même devenue un outil redoutable de concurrence déloyale ; elle ne permet plus de lutter efficacement contre les dérives que la France ne cesse de dénoncer depuis plusieurs années déjà, notamment au sein du Parlement – je pense notamment au rapport de notre collègue Éric Bocquet.

Aussi, le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui est particulièrement attendu puisqu’il s’attaque au dossier épineux de ces travailleurs à bas coût. Il nous est proposé d’anticiper la directive d’exécution adoptée par le Parlement européen le 16 avril dernier. Nous devons nous en réjouir. Selon les auteurs de la proposition de loi, ce texte devrait permettre d’endiguer les fraudes. Il s’agit avant tout de mettre fin au sentiment d’impunité des entreprises sans scrupule qui contournent la réglementation européenne pour disposer d’une main-d’œuvre à bon marché.

Il nous fallait agir rapidement !

En première lecture, ma collègue Françoise Laborde avait fait part du soutien de notre groupe au présent texte, lequel traduit, à notre sens, une avancée pour nos salariés et nos petites entreprises confrontés à cette concurrence déloyale.

Il entérine notamment la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage avec ses prestataires de services. Jusqu’à ce jour, seuls les sous-traitants étaient exposés à d’éventuelles sanctions. Demain, les donneurs d’ordre pourront être tenus pour responsables.

Sans les transformer en « contrôleurs du travail », cette mesure devrait les amener à renforcer leur vigilance, à les responsabiliser et surtout à ne plus fermer les yeux sur ce qui se passe sur leurs chantiers. C’est une excellente chose !

Sans surprise, le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé un accord sur les dispositions restant en discussion. Comme Mme le rapporteur l’a indiqué en commission mixte paritaire, le Sénat a sensiblement enrichi le texte, l’a clarifié, sans toutefois remettre en cause sa philosophie initiale.

Je pense notamment à la mise en place d’une sanction administrative qui, je n’en doute pas, sera plus dissuasive que l’actuelle amende contraventionnelle de 750 euros.

Je pense également à l’amendement présenté par le RDSE qui visait à supprimer le seuil de 15 000 euros prévu pour l’inscription sur la liste noire. Nous faisons le choix de laisser à la libre appréciation du juge le fait d’inscrire ou non une entreprise sur cette liste, quel que soit le montant de l’amende. Comme l’a rappelé Mme le rapporteur en commission mixte paritaire, seule une dizaine d’amendes pour travail illégal ont dépassé le seuil des 15 000 euros, en 2011 comme en 2012.

En revanche, il est raisonnable que la commission mixte paritaire soit revenue sur la disposition qui permettait au juge de demander le remboursement des aides publiques perçues les cinq années précédentes par une entreprise condamnée pour travail illégal. Si l’intention de ses auteurs était parfaitement louable, nous ne pouvons pas ignorer les conséquences particulièrement néfastes qu’aurait une telle sanction sur les salariés des entreprises concernées.

Dans le même esprit que celui qui a prévalu lors de la première lecture, les membres du groupe du RDSE souhaitent que cette proposition de loi soit adoptée au plus vite. Par conséquent, tous approuveront les conclusions de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes se félicitent de la prochaine adoption de cette proposition de loi et se réjouissent que la commission mixte paritaire ait largement entériné les propositions que nous avions faites au Sénat.

Je note que l’intitulé de ce texte est désormais : « proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ». Il n’y est donc plus expressément question de dumping social, mais l’esprit demeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les mesures prévues par le texte forment un ensemble cohérent de règles et de procédures pour lutter contre ces situations de dumping social, donc de concurrence sociale déloyale, ou de travail clandestin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La responsabilité solidaire du donneur d’ordre, étendue aux conditions de vie des travailleurs, aux libertés fondamentales et à tous les aspects du droit du travail, est une avancée qui permet de sanctionner ceux qui, trop souvent, ferment les yeux sur les pratiques de leurs prestataires.

L’inscription sur une liste noire, laissée à l’appréciation du juge, des entreprises prestataires de services condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal est une sanction dissuasive.

Enfin, la possibilité pour les syndicats d’attaquer des employeurs en justice sans mandat du travailleur concerné est également un grand pas en avant puisque, bien souvent, ces travailleurs sont soumis à des pressions et ne maîtrisent pas le français ni les subtilités de nos procédures judiciaires.

Ce sont là trois avancées importantes.

Cela a été dit en première lecture, notamment par vous, monsieur le ministre, toutes ces mesures n’ont pas pour objectif de lutter contre le détachement en lui-même. Dans une Europe ouverte, les travailleurs des États membres doivent pouvoir se déplacer librement. D’ailleurs, les Français sont nombreux à être détachés : on en comptait 169 000 en 2011, soit à peu près autant que de travailleurs détachés accueillis en France à la même date, à savoir 144 000.

L’objectif de cette proposition de loi est de lutter contre les abus, quand des travailleurs accueillis dans notre pays se voient offrir des conditions de travail et d’hébergement indignes. Cela aussi a été dit : les fraudes et les abus sont loin d’être négligeables.

Les écologistes voteront ce texte, car il contient un panel efficace de sanctions et sa philosophie générale correspond à nos valeurs.

Mais ce texte ne peut nous dispenser d’envisager la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale de manière globale au niveau européen, ainsi que vous l’avez dit, madame la rapporteur. Les faits sont là : pour les ouvriers peu qualifiés du BTP, les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France, contre seulement 20 % en Pologne. Ces écarts très importants sont une source d’économies pour les employeurs, car les salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine.

La solution, je l’ai déjà évoquée, vous l’avez évoquée, monsieur le ministre, madame la rapporteur, c’est une harmonisation à la hausse des systèmes sociaux en Europe, accompagnée de l’émergence d’une organisation européenne du travail et d’une coopération syndicale européenne, pour garantir efficacement la défense des travailleurs, quel que soit leur pays d’origine.

Ces bonnes intentions – on peut même parler de volonté, car vous avez souligné, monsieur le ministre, votre détermination à vous battre pour obtenir des avancées au niveau européen – sont partagées, mais elles sont remises en cause par le traité transatlantique actuellement négocié. Les pourparlers sont malheureusement tenus secrets, et nous le déplorons, mais les éléments de son contenu qui ont filtré dans la presse…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Dans la presse…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… suscitent de grandes inquiétudes.

Comment parler de coopération dès lors que le libre-échange absolu sera la règle entre l’Europe et les États-Unis ? Comment parler d’harmonisation à la hausse alors que les multinationales auront la possibilité d’attaquer devant un tribunal ad hoc les politiques publiques contraires à leurs intérêts commerciaux ? Comment parler d’Europe sociale si le droit du travail est considéré comme un frein dans cet espace de libre-échange ?

Prenons garde, monsieur le ministre ! Prenez garde !

L’orateur entonne les premières mesures du refrain du chant « La Jeune Garde » . – Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Pour conclure, je veux dire que c’est avec enthousiasme que les écologistes voteront cette proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au développement du phénomène des travailleurs détachés, le Gouvernement a décidé de légiférer sans avoir à attendre les conclusions des travaux de la Commission européenne.

Comme notre groupe a eu l’occasion de le dire lors de la première lecture, il ne peut être fait grief au Gouvernement d’utiliser une chronologie peut-être contestable en anticipant la future législation européenne puisque tout semble indiquer que cette proposition de loi est eurocompatible.

Tandis qu’on assiste à une véritable explosion du détachement de travailleurs, les travaux de la Commission européenne devraient aboutir d’ici à 2016. Dernière étape majeure de la discussion européenne, le 9 décembre 2013, un accord sur une orientation générale a été conclu lors de la réunion du Conseil « Emploi et affaires sociales ». Autant dire que le droit communautaire ne pourra pas nous venir en aide immédiatement !

Aussi, le groupe UMP et moi-même ne contestons pas l’opportunité d’une telle proposition de loi : elle est nécessaire.

Sur le fond, en revanche, notre groupe est davantage partagé.

En ce qui concerne le principal objet de cette proposition de loi, à savoir la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires des travailleurs détachés par un sous-traitant direct ou indirect, nous rejoignons les auteurs de cette proposition de loi. Cette disposition ne permettra sans doute pas de limiter le recours aux travailleurs détachés, en admettant que cela soit notre objectif, mais elle donnera une base légale à l’agent de contrôle et ensuite aux juridictions compétentes pour condamner les professionnels malveillants.

Malheureusement, je ne peux que renouveler l’opposition de mon groupe à l’article 1er, qui tend à élargir le dispositif de responsabilité solidaire à l’ensemble du noyau d’obligations de l’employeur qui détache des travailleurs.

Le phénomène d’ingérence de la part du donneur d’ordre vis-à-vis du sous-traitant a été largement évoqué, et je crois pouvoir dire que les termes employés ne sont en rien exagérés.

Comment les donneurs d’ordre pourront-ils s’assurer physiquement que leurs sous-traitants se plient bien à un ensemble d’obligations aussi variées que le respect des majorations pour les heures supplémentaires, l’assujettissement aux caisses de congés intempéries, ou encore les repos compensateurs ?

Certes, la vérification du paiement des salaires peut être faite en quelques minutes, mais il n’est nul besoin d’être présent physiquement sur les lieux où la prestation est réalisée pour pouvoir s’assurer du paiement des salaires.

À l’inverse, les nouvelles obligations qui incombent au donneur d’ordre le contraindront de facto à être présent sur les lieux où s’effectue la prestation, et nous savons très bien que, dans l’immense majorité des cas, les entreprises ne pourront pas réaliser les vérifications qui s’imposent.

Mais il est un secteur où ces nouvelles obligations semblent totalement inapplicables : celui des transports.

Le donneur d’ordre aura déjà des difficultés à vérifier le respect de l’ensemble de la législation du travail par le sous-traitant lorsque celui-ci concentre son activité sur une zone fixe. Aussi, imaginez un instant le casse-tête pour le donneur d’ordre qui devra procéder à des vérifications sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne et sur des travailleurs qui sont, par essence, en perpétuel mouvement !

Je crois donc que l’article 1er ter sera totalement inopérant en matière de lutte contre le dumping social dans les transports.

Bien sûr, je ne voudrais en aucun cas donner l’impression que les transports sont épargnés par le phénomène, car c’est sans doute le secteur ou les distorsions de concurrence sont le plus préjudiciables aux entreprises françaises. À cet égard, je vous invite à relire les observations du rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Gilles Savary, qui a justement pointé le comportement de certaines compagnies aériennes low cost. Cependant, dans ce cas, le problème ne vient pas d’une entreprise peu regardante sur le droit du travail applicable aux salariés de ses sous-traitants : il s’agit plutôt d’une fraude massive organisée par le donneur d’ordre lui-même.

Une autre disposition a marqué les échanges que nous avons eus au Sénat : l’article 6, qui vise à mettre en place une liste noire des entreprises indélicates. La Haute Assemblée a souhaité supprimer le seuil de 15 000 euros d’amende permettant l’inscription sur la liste noire. On peut comprendre la logique qui consiste à dire que, si liste noire il doit y avoir, autant que celle-ci ne se limite pas aux entreprises dont les condamnations ont été les plus lourdes, d’autant que les condamnations seront fonction des fraudes, qui seront elles-mêmes fonction de la taille de l’entreprise.

Pour autant, la rédaction qui est désormais soumise à notre examen ne nous satisfait pas davantage que la version initiale. Espérons que les entreprises françaises ne seront pas les seules à faire l’objet d’une telle exposition et que nos voisins européens, à la faveur de lois nationales ou du droit communautaire, verront leurs entreprises soumises au même dispositif !

Le groupe UMP rencontre aussi des difficultés avec les articles 6 bis et 7, qui relèvent de la même logique et, partant, sont contestables pour les mêmes raisons.

L’article 7 offre la possibilité aux syndicats de se constituer partie civile, y compris sans l’accord du salarié lésé. L’article 6 bis, quant à lui, permet aux organisations syndicales représentatives d’ester en justice en faveur du salarié détaché ou, en cas de travail dissimulé, devant le conseil de prud’hommes, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, à condition que ce dernier ne s’y soit pas opposé.

Sur le fond, nous comprenons la volonté qui a présidé à l’adoption de cette disposition. Néanmoins, elle ne peut avoir que deux issues : soit on demande l’accord exprès du salarié et, dans ce cas, il est fort probable que l’action en justice n’aura jamais lieu, puisqu’il sera la plupart du temps physiquement impossible de le joindre ; soit on dispense les organisations syndicales représentatives d’obtenir l’accord du salarié pour s’assurer que les actions en justice pourront avoir lieu, mais on est alors rattrapé par le droit constitutionnel, qui consacre le principe selon lequel nul ne peut plaider par procureur.

Cependant, comme nous l’avons reconnu en première lecture, des précautions ont été prises en ce qui concerne l’article 6 bis puisqu’il prévoit que l’action peut avoir lieu à la condition que le salarié ne s’y soit pas opposé. Reste à savoir comment le salarié sera informé de l’action…

À l’inverse, de telles précautions n’ont pas été prises à l’article 7.

Pour ces raisons, nous ne pouvons pas soutenir ces deux articles.

Enfin, dernier article dont le groupe UMP conteste la pertinence, non du point de vue éthique, mais au regard de son applicabilité : l’article 7 bis. Celui-ci a pour objet d’instaurer deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, puis l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public.

En plus de ces sanctions, qui sont loin d’être symboliques, sur proposition de nos collègues du groupe CRC, le Sénat avait introduit l’obligation, pour une durée de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques durant la période du contrat incriminé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Là encore, de telles dispositions peuvent tout à fait se concevoir sur le plan moral.

Pour autant, à l’instar du rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, nous craignions que l’application de cette mesure ne jetât le trouble sur la distribution des subventions. Notre collègue député Gilles Savary a indiqué : « Le motif de la sanction est sans rapport avec celui de la subvention. La subvention était motivée par une politique d’aménagement du territoire et le souhait, par exemple, pour une collectivité territoriale, de bénéficier d’une desserte aérienne. »

En d’autres termes, les subventions ont été accordées pour une raison qui est toujours valable ; or la sanction ne peut pas totalement ignorer les choix d’une collectivité en termes d’aménagement du territoire. Nous sommes donc satisfaits de la suppression de cette obligation de remboursement.

Toutefois, les exclusions des aides publiques et des aides financières versées par une personne privée nous apparaissent toujours comme des dispositions dangereuses, à terme, pour les salariés.

Comme nous avons eu l’occasion de le dire antérieurement, le cas des reprises d’entreprise est particulièrement significatif du problème qui risque fort de se poser. En effet, les repreneurs seront liés par cette interdiction, ce qui, d’ailleurs, ne manquera pas de nuire à ceux qui ont accordé les subventions.

En conclusion, je rappellerai notre soutien au principe même de la proposition de loi et à son opportunité, mais j’ajouterai que, malheureusement, de trop nombreuses dispositions nous paraissent totalement inapplicables. C’est pourquoi, comme en première lecture, le groupe UMP s’abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’explication de vote sur l’ensemble du texte en première lecture, mon collègue Dominique Watrin avait expliqué pourquoi le groupe CRC avait pris la décision de soutenir cette proposition de loi, quand bien même celle-ci nous semblait être très en deçà des attentes de nos concitoyens. Surtout, nos débats, et singulièrement les réponses que vous aviez apportées à nos amendements ou à nos interpellations, monsieur le ministre, nous avaient plus inquiétés que rassurés.

Ce fut notamment le cas concernant notre amendement tendant à préciser que le statut de travailleur détaché ne pouvait pas être applicable à un salarié de nationalité française travaillant en France pour le compte d’une entreprise installée dans un autre pays de l’Union européenne.

Vous le savez, mes chers collègues, cette pratique n’est pas frauduleuse, car elle n’est pas interdite par la directive, ce qui explique qu’aucune sanction ne puisse être appliquée aux employeurs profitant d’une faille volontairement introduite dans la directive et qui permet à des salariés français de concurrencer de manière déloyale d’autres salariés français.

Cette pratique, que nous voulions interdire, révèle bien l’objet réel de la directive sur le détachement des travailleurs : il s’agit de rendre possible, en l’encadrant a minima, une logique de dumping social non seulement entre pays de l’Union, mais également entre ressortissants d’un même pays. Cette optimisation sociale et fiscale est d’ailleurs bien connue et bien rodée, comme en témoigne l’article paru cette semaine dans le magazine Alternatives économiques, qui rappelle, ainsi que nous l’avions fait en séance publique, que les salariés français détachés en France constituent, après les Polonais, la plus grande communauté de travailleurs détachés en France.

Pourtant, monsieur le ministre, notre amendement de bon sens a été rejeté ; vous vous y êtes vous-même opposé, estimant que son adoption constituerait une sanction pour un salarié qui, volontairement, décide de se placer dans cette situation.

Cette réponse, monsieur le ministre, ne peut pas nous satisfaire. La force de notre droit, de notre système juridique et de notre ordre social est précisément d’apporter des réponses générales à des situations individuelles.

À titre d’exemple, notre droit positif interdit aux salariés de travailler pour une rémunération inférieure au SMIC. Pourtant, certains d’entre eux pourraient être tentés de brader leur force de travail, de concurrencer sur le prix les autres salariés pour retrouver, tout simplement, une activité professionnelle. Mais notre droit l’interdit, considérant que, dans l’intérêt de la collectivité, il faut savoir poser des règles générales, surtout lorsque celles-ci limitent une forme de concurrence qui, finalement, ne profite à personne. C’est d’autant plus vrai que les salariés concernés ne cotisent pas en France, ni pour leurs retraites, ni pour l’assurance maladie, ni pour le chômage.

Le discours libéral qui consiste à dire que cette forme de soumission volontaire au « précariat » serait acceptable, puisqu’elle est volontaire, n’est pas compris par nos concitoyens, lesquels savent que, en réalité, cela profite d’abord et avant tout à une poignée d’entrepreneurs européens, au détriment des entreprises et des salariés français.

Votre refus d’encadrer cette pratique témoigne d’un renoncement : le renoncement au combat contre l’Europe des capitaux au profit d’une Europe des peuples.

Pourtant, par leur vote lors des dernières élections européennes, nos concitoyens ont adressé un signal fort : ils ne veulent plus d’une Europe où les règles et les intérêts économiques prévalent systématiquement sur l’humain et où la prétendue liberté de circulation des travailleurs dissimule en réalité celle des capitaux.

Face à l’onde de choc provoquée par ces résultats, le Président de la République s’est senti obligé d’intervenir pour expliquer qu’il comptait aujourd’hui réorienter l’Europe. Nous l’avons écouté avec intérêt. Seulement, plutôt que de renforcer cette proposition de loi, la commission mixte paritaire a préféré revenir sur une modification que le Sénat avait adoptée à notre initiative et qui obligeait les entreprises délictueuses à reverser l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques pendant la durée du contrat frauduleux.

Le motif avancé par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Gilles Savary, également cité par Mme Deroche, est que les aides publiques ne sont pas directement liées aux conditions d’emploi, Mais, alors, à quoi servent-elles ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que grandit sans cesse la défiance de nos concitoyens à l’égard des femmes et des hommes engagés en politique, mais aussi des institutions européennes, on ne peut pas éternellement appeler à la transformation de l’Europe et systématiquement tourner le dos à tout changement !

Le discours du Président de la République vous engage, monsieur le ministre. Pour notre part, nous en tirons toutes les conséquences. Comme cette proposition de loi, malgré certaines avancées, ne pèse pas sur l’élément déterminant, à savoir l’organisation d’un dumping social en France, y compris via l’emploi de salariés français par des entreprises d’autres pays européens, il ne correspond pas à l’engagement pris devant le peuple par le président Hollande.

Aussi, afin de laisser au Gouvernement le temps de travailler avec les parlementaires à une solution conforme non seulement aux engagements que je viens d’évoquer, mais également aux attentes exprimées par nos concitoyens, nous ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La discussion générale est close.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Chapitre IER

Dispositions générales modifiant le code du travail

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1262-2, il est inséré un article L. 1262-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1262-2-1. – I. – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration préalablement au détachement à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation.

« II. – L’employeur mentionné au I désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation. » ;

2° Après l’article L. 1262-4, sont insérés des articles L. 1262-4-1 et L. 1262-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1262-4-1. – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 vérifie auprès de ce dernier avant le début du détachement qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1262-4-2. – L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. » ;

3° L’article L. 1262-5 est complété par des 4° à 6° ainsi rédigés :

« 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l’article L. 1262-2-1 ;

« 5° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1 ;

« 6° Les modalités de mise en œuvre de l’article L. 1264-3. » ;

4° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Amendes administratives

« Art. L. 1264-1. – La méconnaissance par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-2-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3.

« Art. L. 1264-2. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations de vérification mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1264-3. – L’amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par salarié détaché et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 10 000 €.

« Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

(Texte de la commission mixte paritaire)

La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-15-1. – La déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 est annexée au registre unique du personnel de l’entreprise qui accueille les salariés détachés. »

(Texte du Sénat)

Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : «, le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le code du travail est ainsi modifié :

1°§(nouveau) Le livre II de la quatrième partie est complété par un titre III ainsi rédigé :

« Titre III

VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT

« Chapitre unique

« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre

« Art. L. 4231-1. – Tout maître d’ouvrage ou tout donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du présent code, du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, mentionnées à l’article 225-14 du code pénal, lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.

« À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes prises en application de l’article L. 4111-6 du présent code.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin ou de ses ascendants ou descendants. »

2° Le livre II de la huitième partie est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

« TITRE VIII

« VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL

« Chapitre unique

« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre

« Art. L. 8281-1. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect dans les matières suivantes :

« 1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

« 2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

« 3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;

« 4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

« 5° Exercice du droit de grève ;

« 6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

« 7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

« 8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

« 9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants,

« enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant mentionné au premier alinéa informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées au présent article, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une sanction prévue par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 8281-2. –

Supprimé

(Texte du Sénat)

Après le chapitre V titre IV du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« Chapitre V bis

« Obligations et responsabilité financière du donneur d’ordre

« Art. L. 3245-2. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant, d’un sous-traitant direct ou indirect ou d’un cocontractant d’un sous-traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant ou à ce cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant ou le cocontractant mentionné au premier alinéa du présent article informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant ou du cocontractant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre en informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées aux premier et troisième alinéas, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° des articles L. 8224-3 et L. 8256-3 est ainsi rédigé :

« 4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; »

2° Les articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que la diffusion prévue au 9° de l’article 131-39 soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 8234-1 est ainsi rédigé :

« La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

4° Le dernier alinéa de l’article L. 8243-1 est ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, la juridiction peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

(Texte du Sénat)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le titre VI du livre II de la première partie est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Actions en justice

« Art. L. 1265-1. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. » ;

2° Le chapitre III du titre II du livre II de la huitième partie est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Droits des salariés et actions en justice » ;

b) Est insérée une section 1 intitulée : « Droits des salariés » et comprenant les articles L. 8223-1 à L. 8223-3 ;

c) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Actions en justice

« Art. L. 8223-4. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa des articles L. 8272-2 et L. 8272-4, après les mots : « elle peut, », sont insérés les mots : « si la proportion de salariés concernés le justifie, », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou », et les mots : « et à la proportion de salariés concernés » sont supprimés ;

Suppression maintenue

3° Il est ajouté un article L. 8272-5 ainsi rédigé :

« Art. L 8272-5. – Le fait de ne pas respecter les décisions administratives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 8272-1 ainsi qu’aux articles L. 8272-2 ou L. 8272-4 est puni d’un emprisonnement de deux mois et d’une amende de 3750 €. »

Chapitre II

Autres dispositions

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, sont insérés des 12° et 13° ainsi rédigés :

« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public ;

« 13°

Supprimé

II. – Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° » est remplacée par les références : «, 9° et 12° ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

J’appelle maintenant pour coordination l’article 7 ter, sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement.

I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article L. 8221-1 en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d'emprisonnement et de 100 000 €d'amende. » ;

2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. »

II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 19° de l'article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :

« 20° Délits de dissimulation d'activités ou de salariés, de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d'emploi d'étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l'article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail. » ;

2° L'article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n'est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l'article 706-73. »

III §(nouveau) . – Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

IV §(nouveau) . – Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

V §(nouveau) . – Au second alinéa de l'article 193-5 du code des douanes de Mayotte, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 11 et 12

Rédiger ainsi ces alinéas :

III. – Au VII de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : « avant-dernier » est remplacé par le mot : « huitième ».

IV. – Au second alinéa de l'article 323-5 du code des douanes, la référence : « avant-dernier alinéas de l'article 706-88 » est remplacée par la référence : « huitième alinéas de l'article 706-88 ».

II. – Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence rédactionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission des affaires sociales n’a pas eu l’occasion d’examiner l’amendement, mais, dans la mesure où il tend notamment à supprimer une disposition du code des douanes de Mayotte qui est devenue caduque depuis janvier 2014, nous ne pouvons qu’y être favorables.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le vote sur l’article 7 ter, modifié, est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le ministre, vous avez dit que vous réalisiez en deux ans ce que la droite n’avait pas fait en dix ans. Je vous souhaite de réussir et je vous donne rendez-vous dans deux ans : nous verrons alors si l’adoption de cette proposition de loi aura produit des résultats.

Je me permets d’intervenir parce que le recours aux travailleurs détachés m’inquiète énormément. J’ai en effet examiné la situation dans mon département et rencontré des représentants des fédérations professionnelles, notamment ceux de la CAPEB. Ces derniers m’ont communiqué des documents et fait part de leur ressentiment.

Ce ressentiment, à quoi tient-il ? On ne trouve plus un chantier où les ouvriers parlant français sont majoritaires. Le travail fourni par ces travailleurs détachés est excellent, car ils peuvent consacrer tout le temps nécessaire aux travaux minutieux, ce que, souvent, on ne peut plus faire en France compte tenu du coût horaire de la main-d’œuvre. Ces travailleurs peuvent, eux, passer du temps à réaliser des travaux précis parce que les entreprises qui les emploient pratiquent un taux de salaire horaire défiant toute concurrence !

J’ai demandé à mes interlocuteurs comment les choses se passaient concrètement. Permettez-moi de vous lire, monsieur le ministre, le contenu d’un courriel adressé à une entreprise qui avait fait appel à une agence d’intérim.

« Varsovie, 18 novembre 2013. Faisant suite à votre e-mail de ce jour, je reviens vous confirmer les conditions de détachement de nos salariés dans votre entreprise.

« Comme dans le cadre de l’intérim en France, les personnes détachées sont nos salariés : vous ne les embauchez donc pas et ne faites que régler une facture de prestation de services hors TVA, puisqu’il s’agit d’une prestation intracommunautaire.

« Le taux horaire est de 16 euros par heure travaillée, avec un décompte par quarts d’heure. Le calcul du coût du travail est simple : le prix de la prestation est égal à 16 euros multipliés par le nombre d’heures travaillées. Ce taux horaire comprend tout : salaires, charges, congés payés, trajet aller-retour vers la France, nourriture des salariés, à l’exception de l’hébergement, qui reste à votre charge.

« Vous n’avez aucune formalité administrative à accomplir : pas de bulletins de salaire, pas de déclarations d’embauche, pas de charges sociales à payer. Nous nous chargeons de l’ensemble des éléments administratifs, tels que la déclaration de détachement à l’inspection du travail.

« Nos contrats vous proposent une souplesse inédite et maximale : vous pouvez mettre fin à la mission à tout moment, sans motif. Vous disposez d’une semaine pour solliciter, sans frais, le remplacement des salariés qui ne conviendraient pas.

« Les heures supplémentaires réalisées par les salariés restent au même taux horaire : 16 euros hors taxes. Nous payons la majoration au salarié, mais ne vous la répercutons pas.

« Nous sommes en mesure de vous adresser des salariés en une semaine environ. Si vous prenez une équipe de plus de quatre salariés, le taux horaire peut alors diminuer et nous serons en mesure de vous faire une nouvelle offre. »

Vous pouvez constater, monsieur le ministre, la pression concurrentielle qu’exercent les entreprises qui proposent une main-d’œuvre jetable, livrée selon les besoins. Il y a tout de même là de quoi être interpellé !

Or je ne suis pas sûr que la proposition de loi que le Sénat va adopter réponde au problème. En effet, quand on peut bénéficier de telles conditions, pourquoi se placer dans l’illégalité ? Autant recourir aux services du plus grand nombre possible de travailleurs détachés et rester ainsi dans la légalité !

Les mesures que nous votons aujourd’hui sont des mesures de lutte contre le travail illégal. Mais, quand on propose de tels taux horaires dans la légalité la plus complète, il est inutile de prendre le risque de l’illégalité !

C’est pourquoi je crains fort que la présente proposition de loi ne réponde pas à cette situation particulièrement préoccupante. Cela étant, que les choses soient claires : cette initiative reste tout à fait louable, car il faut lutter contre le travail illégal !

Je voulais vous soumettre ce problème, monsieur le ministre, car j’ai été sidéré à la lecture de ce document. Nous allons devoir reprendre notre bâton de pèlerin pour proposer des mesures plus efficaces.

Certes, l’inspection du travail conserve une possibilité d’intervention par le biais de l’hébergement puisque celui-ci reste à la charge de l’entreprise donneuse d’ordre. Vous savez que les conditions d’hébergement des travailleurs détachés sont rarement conformes aux normes en vigueur en France et je pense qu’il serait bon de faire preuve de vigilance sur ce point.

En revanche, pour les donneurs d’ordre qui recourent aux appels d’offres, monsieur le ministre, il va falloir revoir les textes. Dans les appels d’offres publics qui font l’objet d’une attribution au mieux-disant, les entreprises qui recourent en toute légalité à des salariés détachés disposent d’un avantage concurrentiel énorme par rapport aux entreprises françaises employant des salariés français.

Telles sont les raisons pour lesquelles je me suis permis de vous interpeller, monsieur le ministre, et je vous remercie de m’avoir écouté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Sans surprise, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

Notre collègue René-Paul Savary a interpellé M. le ministre, qui va certainement lui répondre, mais en vérité c’est nous tous qu’il a interpellés en nous exposant une situation concrète. Cela étant, je ne suis pas sûr que l’offre qu’il nous a décrite ne soit pas illégale. En effet, les tarifs pratiqués doivent respecter les conditions d’embauche du pays d’accueil : dans le cas d’espèce, il faudrait vérifier que le taux horaire annoncé est légalement possible en France.

Par ailleurs, dans le cas cité, le règlement se fait par facture et notre collègue estime que cette procédure permet une dissimulation.

La question que vous posez, cher collègue, appelle une double réponse.

Premièrement, il faut aller plus loin dans le travail législatif pour définir des mesures permettant d’envisager des cas de figure que nous n’avons pas évoqués lors de ce débat. Eh bien, nous vous invitons à participer à ce travail, avec votre groupe.

Deuxièmement, il faut renforcer l’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne. Sur ce point, votre parti est rattaché au Parlement européen à un groupe qui devrait également contribuer à cette harmonisation.

Par ce vote, les écologistes manifestent leur volonté de se battre, au niveau européen, pour l’harmonisation sociale. Votre intervention me donne à penser que vous allez aussi intervenir auprès du parti européen auquel vous êtes affilié afin de faire avancer cette harmonisation sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur Savary, je vous remercie, ainsi que M. Desessard, des éléments que vous avez apportés au débat.

Monsieur le sénateur, je suis persuadé que nous visons le même but. Du reste, le document que vous avez lu illustre parfaitement les raisons qui ont conduit votre collègue député Gilles Savary à déposer cette proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. Vous en conviendrez, il faut bien un commencement !

Lorsque j’étais élu, j’avais déjà eu l’occasion de prendre connaissance de situations telles que celle que vous avez décrite. Des entreprises du bâtiment et la fédération du bâtiment elle-même m’avaient interpellé à l’époque pour dénoncer le nombre croissant de travailleurs détachés en situation illégale.

Cette proposition de loi a pour but de préserver les entreprises qui respectent la loi – elles constituent l’immense majorité ! – et leurs salariés. Vous nous avez donné un exemple de détournement du détachement : c’est du travail illégal. La procédure consiste à passer par le biais d’un cocontractant, mais cette situation est visée par la proposition de loi, grâce à une disposition ajoutée sur l’initiative de votre rapporteur, que je félicite.

Par ailleurs, nous nous attachons actuellement à renforcer les moyens de l’inspection du travail. Car il ne suffit pas d’adopter des textes : il faut aussi se préoccuper du fonctionnement des organismes de contrôle. Les bulletins d’information d’aujourd’hui se feront certainement l’écho de l’opération « coup-de-poing » de grande envergure qui est menée en ce moment même en Alsace par l’inspection du travail contre le travail illégal. Avec cette opération, nous entendons donner un coup de projecteur sur ceux qui cherchent à détourner la loi en utilisant des travailleurs détachés, quitte à s’en débarrasser ensuite comme de kleenex ! Nous faisons donc tout pour lutter contre la concurrence sociale déloyale !

L’inspection du travail est désormais organisée pour lutter contre le travail illégal : des brigades vont être mises en place à cette fin. Dans d’autres pays, c’est la police qui, toutes sirènes hurlantes, va vérifier la situation des travailleurs. Chez nous, cette mission incombe à l’inspection du travail, qui a ses spécificités, et que je ne confonds pas avec les forces de l’ordre. La présente proposition de loi donne une base légale à son intervention dans les situations de ce type et représente donc une avancée.

Le cas que vous avez cité correspond bien à un détournement de la législation européenne, qu’il s’agisse du taux horaire ou du recours au cocontractant. Ceux qui, demain, procéderont de même seront sanctionnés.

Tels sont les éléments de réponse que je voulais vous apporter et que vous pourrez transmettre aux entreprises qui vous ont saisi de ce cas. J’ai moi-même reçu de nombreux signalements concernant, notamment, des entreprises ayant leur siège en Roumanie qui faisaient exactement le même genre d’offres à des entreprises françaises.

Grâce à cette proposition de loi, la responsabilité du cocontractant sera désormais clairement établie.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifiée par l’amendement précédemment adopté par le Sénat et dont l’intitulé est désormais ainsi rédigé : « Proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ».

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.