Intervention de François Rebsamen

Réunion du 12 juin 2014 à 9h30
Lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

François Rebsamen, ministre :

Mais il ne s’agissait pas de s’en tenir là !

C’est le Parlement qui a repris l’initiative. Les députés socialistes Gilles Savary et Chantal Guittet ainsi que le député UDI Michel Piron ont opportunément déposé en décembre dernier une proposition de loi permettant de prendre sans tarder « des mesures de sauvegarde nationales et eurocompatibles », selon les mots de Gilles Savary qui fut aussi rapporteur du texte.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, et à une large majorité, le 19 février dernier comportait déjà, grâce au travail parlementaire, des avancées majeures : le renforcement de la responsabilisation des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre ; des pouvoirs plus étendus donnés aux organisations professionnelles et aux syndicats de salariés ; une plus grande facilité accordée aux services de contrôle ; des mesures spécifiques, très attendues, pour le secteur du transport routier, particulièrement concerné par la concurrence déloyale.

Aujourd’hui, au terme du processus législatif – je salue d’ailleurs le travail réalisé par le Sénat, notamment par Mme la rapporteur, Anne Emery-Dumas –, la loi va au-delà de la responsabilité solidaire prévue par l’Europe. Celle-ci ne couvrira pas seulement le BTP, mais s’étendra aussi à tous les autres secteurs concernés par le détachement : l’agroalimentaire – j’ai d’ailleurs rencontré hier les responsables de l’Association nationale des industries alimentaires –, les transports, etc. Ce qui n’est que facultatif dans le compromis européen devient obligatoire en France.

Le texte met aussi en place une liste noire où pourront figurer pendant deux ans, sur décision du juge, les entreprises condamnées pour travail illégal.

La commission mixte paritaire a en outre retenu, comme le proposait le Sénat – c’est à l’honneur de votre assemblée–, un dispositif unique de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non.

Enfin, le fait de ne pas déclarer des travailleurs détachés sera désormais sanctionné et le maître d’ouvrage devra veiller au respect de cette obligation même s’il n’est pas lui-même l’employeur.

L’aboutissement de la commission mixte paritaire nous permet donc de figurer aujourd’hui parmi les pays les plus en avance sur cette législation, et nous pouvons en être fiers ! Je sais que d’autres pays vont suivre, la Belgique, par exemple, mais il est bon que nous ouvrions la voie en Europe.

D’ailleurs, dans le même temps, la réglementation européenne avance dans un autre hémicycle, celui du Parlement européen, sous l’impulsion de nos collègues français, notamment de Pervenche Bérès, dont je salue ici l’action.

La coopération entre les États membres est renforcée. C’est la condition de l’efficacité.

Nos inspecteurs du travail nous disent combien il peut être difficile de décrypter un bulletin de salaire établi dans une langue étrangère. Comment vérifier que l’entreprise n’est pas une boîte aux lettres ? C’est pourquoi nous menons parallèlement, en concertation, une réforme de l’inspection du travail : partout, des unités spécialisées sur le travail illégal sont en cours de création pour conduire une action plus efficace contre les montages complexes et frauduleux mis en place par des individus cherchant à détourner la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui nous réunit ce matin, c’est l’aboutissement d’un processus exemplaire qui a permis de défendre les intérêts de notre pays – en même temps qu’une certaine vision du travail, et je sais que cela fera plaisir à M. Desessard – contre la déloyauté et l’exploitation de l’homme par l’homme, ou plutôt par des bandes mafieuses.

Aujourd’hui, même s’il reste beaucoup à faire, nous savons que nous avons accompli notre devoir au service de la protection des salariés, mais aussi au service des entreprises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion