Ce ne sont pas les compétences qui font défaut, puisque tous les candidats concernés – j’ai fait la démarche de vérifier certains des CV – disposent de l’expérience nécessaire pour occuper le poste de maçon
Il y a deux hypothèses explicatives ; je n’ai pas pu trancher entre les deux.
Première hypothèse, l’évaluation classant les maçons dans une profession « en tension » est fausse, et cette catégorisation lui est attribuée à tort.
Seconde hypothèse, la base de données de Pôle emploi n’est pas mise à jour et les CV s’entassent sans être retirés, un peu à l’instar d’une petite annonce pour une vente de voiture qui reste affichée chez le boulanger alors que la transaction a déjà eu lieu depuis plus de deux ans ! En clair, Pôle emploi recenserait bien les CV, mais n’actualiserait pas ses informations. Cela dit, je porte peut-être une accusation injuste. Il est également possible que la base de données soit régulièrement actualisée et que de nombreux maçons recherchent effectivement du travail.
Toutefois, compte tenu du travail que j’ai effectué, notamment des auditions auxquelles j’ai procédé, je dois reconnaître que l’action pour contrer les effets négatifs de certains clichés commence à être développée. Pôle emploi a débuté une collaboration avec les branches professionnelles pour sensibiliser aux réalités des métiers et inciter les chômeurs à remettre en cause leurs stéréotypes. L’institution sensibilise également les chômeurs à l’évolution professionnelle au sein des filières.
À titre d’exemple, un responsable de Pôle emploi m’a indiqué mener une campagne pour réhabiliter la profession d’agent de déchetterie. Pour ma part, j’avais plutôt le sentiment que c’était un travail intéressant et socialement utile, car au contact de la population apportant ses déchets.
Or il semble que ce métier soit mal considéré. Une évolution est donc nécessaire, et Pôle emploi s’est engagé à y travailler.
Le MEDEF va, quant à lui, lancer une campagne télévisée, intitulée Beau travail, qui sera diffusée sous forme de cent quinze épisodes d’une minute d’ici au mois de décembre prochain pour valoriser les métiers aujourd'hui mal considérés.
Au-delà de ce travail de réhabilitation, quelle est la réalité ? Certains métiers souffrent-ils vraiment d’une image négative et d’un manque de candidats ? Je le répète, dans le seul département de la Côte-d’Or, 1 045 maçons sont prêts à travailler. Je l’admets, il y a certainement parmi eux – on ne connaît pas l’origine géographique de ces demandeurs d’emploi – des maçons de la région parisienne disposés à se déplacer.
L’attractivité d’un poste ne concerne pas uniquement l’image : elle peut aussi être influencée par les conditions de travail ou le salaire. À cet égard, les 400 000 postes annoncés ne correspondent pas tous à des CDI de 35 heures, loin de là !
Les enquêtes en besoin de main-d’œuvre de Pôle emploi et les évaluations du Gouvernement qui ont précédé la mise en place du plan formations prioritaires pour l’emploi identifient les besoins les plus forts dans les mêmes filières : BTP, hôtellerie-restauration, agroalimentaire. Ces secteurs ont une caractéristique commune : une stabilité de l’emploi des salariés relativement limitée et des rythmes de travail que l’on peut sans peine qualifier de soutenus. Par exemple, il sera difficile à un serveur de trouver une offre d’emploi en CDI, avec les conséquences qui en résulteront pour lui en termes d’accès à un logement ou à un prêt. De telles conditions de travail peuvent freiner de nombreux candidats, qui préféreront postuler à des emplois plus durables.
L’attractivité repose aussi sur l’adéquation du salaire et des conditions de travail avec l’expérience et les qualifications du demandeur d’emploi. Ainsi, un informaticien à la recherche d’un emploi n’aura pas forcément envie d’accepter un salaire de débutant s’il a quinze ans d’expérience et maîtrise de nombreuses compétences.
Pour ce qui concerne l’adéquation des compétences des demandeurs d’emploi aux postes, il se peut qu’un employeur mette un terme au processus de recrutement parce qu’il n’arrive pas à trouver de candidat possédant les compétences souhaitées. On touche ici au cœur de notre sujet : la formation à proprement parler des chômeurs. Celle-ci peut être initiale, assurée par l’éducation nationale, ou continue, dispensée par les différents organismes de formation.
S’agissant de la formation initiale, on peut se dire qu’elle ne relève pas du débat d’aujourd’hui. Or les lacunes de l’enseignement dispensé à l’école, au collège et au lycée ont des répercussions évidentes sur l’employabilité des demandeurs d’emploi. Il est un signe qui ne trompe pas : le programme compétences clés mis en place par l’État pour combler les lacunes, entre autres, des demandeurs d’emploi en matière d’informatique, de langues, ou encore de mathématiques connaît un grand succès : les 50 000 formations réalisées chaque année dans ce cadre ne suffisent pas à satisfaire toutes les demandes. Au reste, monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas concerné ; c’est un petit signe que j’envoie au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Quant à la formation continue, si Pôle emploi finance seulement 10 % des formations, il est le prescripteur d’environ 90 % d’entre elles. Celles-ci peuvent être classées en trois grandes catégories : les formations de préparation à l’embauche, de 400 heures au maximum, sur des contrats de deux ans, par exemple, lorsque le demandeur d’emploi fait l’objet d’un processus de recrutement dans une entreprise ; les formations mobilisées individuellement, par le droit individuel à la formation et, aujourd'hui, par le compte personnel de formation, et les formations conventionnées par Pôle emploi.
Leur mise en place résulte des besoins d’embauches et de qualifications constatés auprès des entreprises. Parmi les financeurs, on retrouve les régions, qui définissent leurs priorités dans les programmes régionaux, et les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui représentent chaque branche professionnelle.
Mes chers collègues, vous devez penser que ce que je dis est complexe.