La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale, thème choisi par le groupe du RDSE.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le sentiment profond d’abandon ressenti par les collectivités et les populations rurales va encore être accentué par la réforme territoriale en cours.
Au plan financier, la ponction de 11 milliards d’euros de dotations, ainsi que les menaces de sanctions, de mise à la diète, de conditionnement des dotations et de mutualisation forcée contredisent le concept de libre administration de nos collectivités locales. Toutes ces intentions gouvernementales vont à l’encontre du débat que nous avions mené ensemble lors de l’examen de ma proposition de loi visant à revaloriser la dotation globale de fonctionnement des communes de moins de 20 000 habitants.
Au plan politique, votre réforme, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, contredit frontalement les grandes réformes de décentralisation des années quatre-vingt. Elle impose une vision verticale de la politique, du haut vers le bas, entre l’État et les communes, les régions, les métropoles, et les intercommunalités en seront les serviteurs zélés et obligés.
Enfin, au plan humain, les non-dits de la réforme vont vider les communes de leurs compétences au profit des intercommunalités et tuer la démocratie de proximité et le lien social qui s’opère autour des associations, des écoles, des bénévoles et des élus locaux.
Tous ces dégâts, qu’ils soient de caractère financier, démocratique ou humain, sont prévisibles. Ne croyez-vous pas qu’il est urgent de consulter les élus, les personnels territoriaux et les populations, afin d’entendre la France rurale, au lieu de vous conformer aux exigences de Bruxelles, du MEDEF et des prêteurs institutionnels ?
Monsieur Le Cam, nous débattons depuis longtemps de l’évolution proposée. Au-delà de nos possibles divergences et des a priori, nous devons nous interroger ensemble sur le point de savoir si les communes peuvent, permettez-moi cette expression, « tenir le coup » face à la forte demande de services de leur population, qu’il s’agisse de haltes-garderies, de services à la petite enfance, etc. C’est un sujet que nous avons souvent évoqué.
Nous sommes parvenus à un moment de notre histoire où nos concitoyens demandent des services que nous ne pouvons pas leur procurer si, les uns et les autres, nous nous cantonnons à nos communes.
Nous ne devons pas nous cacher la réalité. Votre commune – j’ai la chance de la connaître – se porte bien. Mais, en France, l’hyper-richesse côtoie l’hyper-pauvreté, et nous n’avons pas trouvé d’autre réponse à apporter à ce phénomène que des intercommunalités plus fortes. Bien entendu, il faut tenir compte de la densité démographique pour éviter de se retrouver avec des intercommunalités de 200 kilomètres. À cet égard, je pense que la notion de bassin de vie correspond aux attentes de nos citoyens.
Votre question porte essentiellement sur la démocratie. Dans la Haute Assemblée, il importe de répéter que c'est le maire qui représente la République, c'est lui qui dresse des actes en tant qu’officier ministériel. Ce sont les intercommunalités qui portent l’investissement et les nouveaux services. Nous devrons réfléchir ensemble à leur avenir. Selon moi, les décisions à prendre ne sauraient venir d’en haut, mais doivent résulter de l’observation des territoires. Je vous invite, monsieur Le Cam, à participer aux futurs débats, car cette observation nous apprend beaucoup, et je sais votre attachement aux territoires et à leur évolution.
Madame la ministre, chère collègue bretonne, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. « Les communes vont-elles tenir le coup ? » vous demandez-vous. Je suis à l’origine d’une proposition de loi, débattue voilà peu de temps dans cette assemblée, dont l’adoption aurait permis, avec moins de 1 milliard d’euros, d’augmenter de manière très significative les moyens de l’ensemble des communes rurales de moins de 20 000 habitants. Tous les sénateurs et les sénatrices, sur quelques travées qu’ils siègent, partageaient cette idée, même si elle n’a pas été concrétisée.
Pour ma part, je pense que les communes peuvent « tenir le coup », mais qu’il ne faut surtout pas rompre l’équilibre qui existe aujourd'hui entre communes et intercommunalités.
Nous avons besoin d’intercommunalités, certes, mais aussi de communes et de maires de plein exercice qui, demain, ne soient pas des administrateurs de politiques venues d’en haut. Et c’est cette idée de communes autour desquelles s’agglomèrent nos concitoyens et auxquelles ils s’identifient que je veux défendre ici, comme les plus de 36 000 autres maires de notre pays, au nom de l’héritage de la Révolution française. Faites attention à ne pas briser cela ! §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le thème « territoires ruraux et décentralisation » est important en cette période post-électorale au cours de laquelle nous nous devons de nous interroger sur les signes donnés par une part importante des populations rurales d’un sentiment de déclassement et d’abandon de leurs territoires. Il y va de la cohésion sociale, de la cohésion nationale, de la cohésion républicaine de notre pays. C’est là un enjeu fondamental du nouvel acte de la décentralisation que nous allons écrire prochainement.
Le 15 juillet 1981, François Mitterrand déclarait : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »
Aussi, pour nous, écologistes, la nouvelle architecture territoriale que vous nous soumettez, madame la ministre, doit être en mesure d’apporter des réponses adaptées aux attentes des territoires, avec des régions aux compétences renforcées, aux capacités d’action accrues et bénéficiant d’une plus grande autonomie financière, avec des intercommunalités elles aussi renforcées, couvrant des bassins de vie et placées au cœur du dispositif de proximité.
Ces intercommunalités représentent la chance de survie de nombreuses communes où le rôle du maire reste essentiel comme relais direct et premier interlocuteur des citoyens. À l’avenir, elles seront le meilleur échelon pour exercer les compétences sociales de proximité en lieu et place des départements.
Les territoires ruraux, ainsi organisés autour de villes petites et moyennes, seront au centre des stratégies régionales : les campagnes seront à même de construire leurs propres projets de territoire modernes et innovants ; l’agriculture, historiquement au cœur de la ruralité, et qui se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, pourra retrouver sa première fonction alimentaire de proximité.
Ce sont des régions fortes qui permettront ce retour à l’équilibre, à la complémentarité et à la solidarité entre métropoles, villes petites et moyennes et territoires ruraux.
Mais pour cela, ces régions auront besoin de moyens financiers à la hauteur des enjeux, alors que la dotation globale de fonctionnement est en baisse.
Le seul moyen de répondre à la nécessité de solidarité et d’égalité des territoires est de mettre en œuvre une péréquation forte et ambitieuse.
Quelle est la position du Gouvernement concernant l’élaboration d’un système de péréquation qui soit autant intrarégional qu’interrégional ? §
Monsieur le sénateur, vous avez raison : les inégalités de ressources sont très fortes entre nos territoires. Cela s'explique non seulement par une fiscalité injuste, mais aussi par un système de dotations trop inégalitaire. Notre réforme doit donc aller de pair avec une politique d’égalité des territoires, notamment grâce à une péréquation renforcée.
La première mesure est la révision des valeurs locatives, dont vous savez qu’elle a été engagée en commençant par celle des locaux professionnels – c'est une œuvre de longue haleine.
Pour les locaux d’habitation, l’article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 prévoit une expérimentation de cette révision des valeurs locatives qui doit être conduite fin 2014 ou début 2015. Une évaluation sera effectuée et sera retracée dans un rapport qui sera remis au Parlement le 30 septembre 2015 au plus tard.
La seconde mesure porte sur la péréquation et les dotations. Nous devons être très ambitieux en matière de solidarité entre les territoires. Nous sommes favorables à une réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, sur les années 2015 et 2016, et Marylise Lebranchu, Christian Eckert et moi-même travaillons activement afin que cette dotation soit plus juste. L’enjeu est considérable, car la DGF représente 40 milliards d’euros, dont 23 milliards d’euros pour les communes et leurs regroupements.
Les arbitrages ne sont pas encore rendus, mais Marylise Lebranchu et moi-même sommes favorables à une progression très sensible de ce que l’on appelle la « péréquation verticale », c'est-à-dire à une forte hausse de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale qui représentent respectivement 1, 5 milliard d’euros et 1 milliard d’euros cette année, sur trois ans.
En dehors de la DGF, nous sommes également favorables à la poursuite de l’augmentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, afin qu’il passe de 570 millions d’euros à 780 millions d’euros.
Par ailleurs, un périmètre agrandi des régions permettra une meilleure péréquation entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins. Nous souhaitons que, dès 2016, dans le cadre des nouvelles grandes régions que le Gouvernement met au point – la carte en sera soumise au Parlement cet été –, la péréquation soit plus forte, je le répète, entre les territoires riches et ceux qui le sont moins.
Enfin, Marylise Lebranchu a fait voter le 27 janvier dernier la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit plus de péréquation, notamment au sein de la métropole du Grand Paris et dans la future métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, nous sommes très attentifs à votre souci d’une plus grande solidarité entre les territoires.
C’est à la demande du RDSE que la conférence des présidents a accepté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la question est de savoir comment vous entendez concilier la fusion des régions, laquelle entraîne l’éloignement des métropoles pour nombre de territoires, avec le besoin de proximité, d’autant que vous proposez en même temps la suppression des conseils généraux. Ce type de proposition est assez surréaliste ! Vous savez que, dans nos territoires, le sentiment d’abandon est de plus en plus prégnant.
Monsieur le secrétaire d'État, j’ai lu dans le journal La Montagne paru ce jour que, selon vous, tous les parlementaires auvergnats étaient favorables à la fusion de la région Rhône-Alpes avec l’Auvergne. Je suis là, en face de vous, et je tiens à vous dire que ce n’est pas vrai !
Vous avez aussi affirmé que, les moyens de communication évoluant, les distances se raccourcissent. Mais si votre projet voit le jour, en tant que président de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac, je puis vous dire que la préfecture d’Aurillac sera à dix heures cinquante-deux aller-retour de la métropole régionale par le train et à plus de huit heures aller-retour par la route…
Par ailleurs, bien que vous soyez toujours président de conseil général, vous avez également reconnu que les petits départements comme les nôtres, qui intéressent peu, n’auraient plus que deux conseillers régionaux sur cent cinquante. Il y aura donc un conseiller UMP et un conseiller PS !
Peut-être, mon cher collègue ! En tout cas, ce n’est même plus la peine d’aller voter !
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez pas soutenir que vous vous préoccupez de ces territoires dits « ruraux », qui comportent d’ailleurs des zones urbaines.
Face à cette véritable difficulté, nous avons besoin de véritables réponses. Cette réforme ne fera pas réaliser d’économies, n’assurera pas la proximité ; in fine, c’est l’assurance que ses dispositions concernant les départements ne verront pas le jour.
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur Mézard, sachez tout d’abord que je ne suis plus président de conseil général : j’ai démissionné, et mon successeur sera élu la semaine prochaine.
S’agissant ensuite de l’article de presse que vous avez cité, j’ai parlé des « députés » à la journaliste ; par extension, elle a dû comprendre les « parlementaires ». En effet, tous les députés auvergnats sont favorables à la fusion de l’Auvergne avec la région Rhône-Alpes, y compris M. Chassaigne. Le maire de Clermont-Ferrand, qui n’est pas parlementaire, y souscrit également.
Cela étant, la réforme territoriale que Marylise Lebranchu et moi-même préparons, à la demande de M. le Premier ministre, vise trois objectifs : plus de clarté, plus de compétitivité, plus de proximité.
La clarté, tout d’abord : l’organisation territoriale de notre pays a vieilli, elle est devenue complexe et les citoyens ne s’y retrouvent plus. C’est une exigence démocratique que d’avoir une organisation territoriale plus claire, permettant au citoyen de savoir qui fait quoi, qui finance quoi.
La compétitivité, ensuite : des régions plus grandes, disposant d’un poids démographique et économique plus élevé, seront mieux à même de jouer leur rôle dans la compétition européenne, voire mondiale. Grâce aux compétences que nous allons leur conférer, notamment le développement économique, l’aide aux entreprises, l’aide à l’innovation ou encore les transports – y compris les routes –, elles seront mieux armées pour affronter cette compétition.
La proximité, enfin : en l’occurrence, nos préoccupations se rejoignent, monsieur le sénateur. Mon département comprend également des territoires ruraux qui s’organisent depuis vingt ans autour d’intercommunalités qui grandissent, qui ont déjà grandi à la suite de la dernière loi, et qui vont encore croître. Toutefois, le seuil de 20 000 habitants envisagé sera sans doute aménagé à l’égard des territoires les plus enclavés et les moins peuplés, particulièrement les territoires de montagne.
En réalité, c’est la montée en puissance des intercommunalités qui a tout changé, et qui a remis en cause la pertinence de l’échelon départemental. Jean-Pierre Bel l’a dit : il faut supprimer les conseils généraux, à condition de ne pas les remplacer par rien.
Avec d’autres, nous réfléchissons à la mise en place d’une fédération d’intercommunalités, d’un conseil de communautés ou d’une assemblée de communautés. Cette idée date du rapport Mauroy de 2000.
Non ! Il s’agirait simplement de regrouper les communautés de communes pour qu’elles s’organisent entre elles et fassent jouer la solidarité entre celles qui sont favorisées et celles qui le sont moins. Nous avons quatre ans pour réfléchir au remplacement des conseils généraux par ces structures de solidarité territoriale.
Inutile de dire que je ne suis pas convaincu par vos explications, monsieur le secrétaire d’État !
Vous voulez davantage de simplicité, de clarté. Nous aussi ; nous l’avons toujours dit.
Dans cette enceinte même, j’ai voté contre le rétablissement de la clause de compétence générale voilà quelques mois. Aujourd’hui, vous proposez l’inverse. En termes de cohérence, c’est original !
Il n’en demeure pas moins, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’avez pas répondu au fond de la question : où sera donc la proximité si les métropoles régionales sont extrêmement éloignées de certains territoires et si vous supprimez les conseils généraux ? Vous nous parlez de regroupements d’intercommunalités : je suis président d’agglomération, je connais le sujet.
J’ai proposé, ici même, au nom de mon groupe, un système pour élire les conseillers départementaux sur la base des intercommunalités. Vous vous y êtes opposé, voilà moins d’un an. Là encore, il s’agit d’une contradiction !
Nous avons besoin d’objectifs clairs et lisibles. Or, pour l’instant, tel n’est pas le cas. Je tenais à vous le dire.
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, 10 milliards d’euros, 12 milliards d’euros, 25 milliards d’euros : telles sont les estimations, qui varient du simple au double, des prétendues économies que devrait induire votre réforme.
Pourquoi tant d’écart ? Comment avez-vous calculé ces chiffres ? Telles sont bien les questions que se posent aujourd’hui l’ensemble des élus locaux de notre nation.
Deux réponses sont possibles.
La première, c’est que vous n’avez réalisé aucune étude d’impact. Ou alors, vous en avez effectué une et vous ne l’avez pas portée à la connaissance des parlementaires : je m’interroge dans ce cas sur les raisons qui auraient pu vous conduire à la cacher.
Si vous avez des chiffres précis, pourquoi ne pas nous les transmettre, afin que nous puissions en débattre clairement ?
La seconde, c’est que vous avez dû revoir votre copie en urgence, compte tenu des réactions, y compris au sein de votre majorité, qu’ont provoquées vos annonces, notamment la suppression des départements.
Simples propos d’opposition, me direz-vous ? Sauf que l’agence Moody’s, qui a étudié la réforme que vous avez présentée et que vous soutenez, est en train de battre en brèche toutes vos affirmations.
C’est sans surprise qu’elle confirme notre point de vue : votre projet de réforme territoriale ne saurait réduire sérieusement les coûts supportés par nos collectivités territoriales.
Pis, l’agence Moody’s constate un risque d’aggravation de la dépense locale et confirme que ce projet de réforme n’aidera pas les collectivités territoriales à atteindre leurs objectifs budgétaires. Ces mesures annoncées ne font que redistribuer les coûts vers d’autres organes décentralisés. Cette agence insiste également sur la question des salaires.
Comment les collectivités territoriales vont-elles, demain, faire face à la pression de cette réforme qui coûtera encore plus cher ?
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, comment allez-vous donner aux collectivités locales la capacité de pouvoir faire face à toutes ces augmentations que vous imposez – après avoir prélevé tellement d’argent auprès des Français ! –, sans jamais leur permettre de pouvoir continuer à investir au service de la nation, comme elles l’ont fait jusqu’à présent ?
Monsieur Buffet, comme je l’ai indiqué à M. Mézard, cette réforme est conçue pour assurer plus de clarté dans les compétences, plus de compétitivité pour les régions, plus de proximité avec les intercommunalités. Permettra-t-elle de réaliser des économies ? Oui, bien sûr, mais à long terme ! Dans les premiers mois, voire les premières années, certains disent – avec raison, je crois – que le transfert des personnels va coûter un peu, notamment entre les départements et les régions.
Mais peut-être pourrions-nous essayer, pour une fois, d’échapper au « court-termisme », à cette vision à courte vue des politiques que l’on peut mener et des réformes que l’on peut engager.
Il s’agit là d’une réforme structurelle, et Dieu sait si le groupe UMP appelle de ses vœux des réformes structurelles. Et quand on demande aux responsables de l’UMP quelle réforme ils jugent prioritaire, ils répondent toujours la réforme territoriale ! Or, précisément, nous nous engageons aujourd’hui dans une réforme structurelle qui va marquer l’organisation de la République pour trente ou cinquante ans, et dont les effets financiers se feront sentir dans cinq à dix ans.
Pour ce qui concerne les économies à attendre, je tiens à votre disposition le rapport Queyranne sur l’aide au développement économique, le rapport Malvy-Lambert sur toutes les économies que l’on peut réaliser dans la gestion territoriale, des rapports de l’OCDE, ainsi que des rapports de différents organismes d’État ou parapublics. Ils affirment tous la même chose : oui, des économies d’échelle sont possibles ; oui, la mutualisation permet aussi de faire des économies. Je vous ferai passer une note chiffrée de trois pages qui vous montrera à quel point ces économies pourront être réalisées si tout le monde se met au travail en termes d’économies de gestion, d’échelle et de mutualisation.
Quant aux chiffres que vous avancez, reprenant ceux que j’ai moi-même indiqués, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que le budget global des collectivités locales – communes, intercommunalités, syndicats de communes, départements, régions – s’établit à 250 milliards d’euros. Si, sur dix ans, après avoir réformé l’ensemble des strates, et pas seulement fusionné les régions, on n’est pas capable d’obtenir 5 % d’économies, c’est-à-dire 12 milliards d’euros, mieux vaut changer de métier ! La politique, c’est du volontarisme, monsieur le sénateur !
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes favorables à la réforme structurelle de nos collectivités. Nous l’avons d’ailleurs soutenue ici même en 2010, et vous l’avez combattue fortement.
Quant à la clarté de votre projet, elle ne saute pas aux yeux !
Aujourd’hui, tout le monde ou presque s’accorde à dire que votre projet manque de cohérence, qu’il est segmenté et dépourvu de ligne claire.
Pour ce qui concerne la compétitivité, je vous rappelle que nous avons, en 2010, posé la question de la spécialisation des différentes collectivités locales, et que vous vous êtes opposés à cette perspective. Nous pensons effectivement qu’il faut attribuer aux collectivités des rôles spécifiques pour qu’elles soient efficaces et compétitives.
Pour ce qui concerne la proximité, nous avons mis en place le conseiller territorial, qui ancrait le conseiller régional sur un territoire déterminé et rapprochait le département de la région. Mais vous l’avez également combattu, pour ensuite vous empresser de le supprimer dès l’élection du Président de la République. Peut-être reviendrez-vous à terme sur cette décision. Ce serait une bonne chose, et nous pourrions même voter un texte qui irait dans ce sens !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
La réforme territoriale est une nécessité, mais votre projet, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, tel que vous l’avez présenté, inquiète le monde rural et ses élus, car la dimension urbaine leur apparaît prioritaire.
Comment avez-vous pu concevoir et décider une nouvelle organisation territoriale unilatéralement ? De plus, celle-ci ne prend pas en compte la diversité des territoires.
À peine la carte des EPCI adoptée, avec un seuil de 5 000 habitants, vous imposez ex abrupto aux intercommunalités un nouveau seuil minimal de 20 000 habitants d’ici à fin 2016 !
L’exercice de la compétence sociale des conseils généraux, dans les zones rurales, se résume souvent à des guichets, qui représentent une charge que la majorité des intercommunalités ne peut supporter. Tiendrez-vous compte, avant tout, des bassins de vie ? Quelle sera la place des services de l’État ? L’État pourrait-il reprendre une partie des compétences sociales via ses services déconcentrés ? Quel sera l’avenir des chambres consulaires, écho des préoccupations du monde rural ?
Pour l’heure, il n’est question que du découpage des régions, la question centrale des compétences étant éludée. Elle détermine pourtant les domaines et les moyens d’action.
Les territoires ruraux, qui portent en eux un grand potentiel de développement, sont aujourd’hui fragilisés. La menace de voir disparaître les solidarités entre les populations urbaines et rurales s’accentue, en contradiction avec le principe républicain fondamental d’égalité des chances.
Quels sont les objectifs précis et argumentés du Gouvernement pour les territoires ruraux, qui se sentent de plus en plus abandonnés ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur de Montesquiou, j’apprécie beaucoup le ton de votre question, qui est aussi extrêmement structurée. Vous avez raison de parler du sentiment d’abandon, que nous avons souvent évoqué au cours de nos derniers débats. Vous avez aussi raison de parler à la fois de la carte des territoires et de leurs compétences. Le 18 juin prochain, André Vallini et moi-même présenterons en conseil des ministres un projet de loi relatif aux compétences, tandis que le ministre de l’intérieur présentera, comme il se doit, un projet de loi relatif à la carte des régions.
Je me contenterai de vous répondre sur quelques points, car le temps nous est compté. Vous dites qu’il sera difficile de prévoir des intercommunalités de 20 000 habitants. Je précise que c’est l’application de la clause de revoyure contenue dans la loi de 2010, et donc la continuité républicaine – elle est évidemment nécessaire –, qui nous permet de poser aujourd’hui la question d’intercommunalités plus grandes. Pour autant, la ruralité est bien évidemment prise en compte, de même que d’autres spécificités. En effet, le critère de la densité d’habitants au kilomètre carré, qui sera l’un des critères fixés au préfet pour réunir les EPCI, concernera principalement le monde rural et la montagne.
Au demeurant, la lecture d’études extrêmement bien documentées sur le sentiment d’abandon que vous évoquez montre que ce dernier est né d’une série de grandes difficultés, parmi lesquelles figure la fermeture du bureau de poste, de la perception ou de l’école et, de manière générale, de l’absence de services. Les habitants des territoires concernés ressentent ainsi une difficulté croissante d’accès aux services des entreprises publiques et de l’État.
André Vallini et moi-même ne voulons pas porter la responsabilité de ce sentiment d’abandon, même si je reconnais à l’ancienne majorité qu’il lui était difficile de garder toutes les perceptions, pour ne retenir que cet exemple. Nous devons donc repenser ensemble l’accès aux services publics.
Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison sur un point : il n’y a pas d’égalité des possibles en France. Cette égalité, que nous souhaitons rendre effective, passe incontestablement par la péréquation, comme André Vallini l’a expliqué, mais aussi par un travail en commun sur notre organisation territoriale, pour que chaque enfant de France ait accès aux possibles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Nous prolongerons ce débat, vraisemblablement à l’automne, mais sachez d’ores et déjà que je partage vos préoccupations. Nous ne sommes pas forcément d’accord sur les solutions qui ont été proposées, mais rendez-nous au moins grâce sur le fait que le débat parlementaire sera totalement ouvert, comme il l’a été la dernière fois.
Merci, madame la ministre, du ton posé et de l’ouverture de votre réponse qui m’interdisent de la qualifier d’autoritarisme jacobin ! Nous sommes tous soucieux de l’égalité des chances. Aussi sommes-nous quelque peu surpris, et parfois scandalisés, lorsque nous constatons l’attribution de dotations de l’État à des zones urbaines particulièrement denses, tandis que les zones rurales sont oubliées.
La solution pour parvenir à cette égalité des chances, c’est le numérique, en faveur duquel un effort particulier doit être accompli. Et pour éviter toute querelle partisane, je vous propose, madame la ministre, qu’un cabinet indépendant établisse un audit, afin de déterminer ce qu’il est souhaitable de faire. Après quoi, droite, gauche et centre se réuniront pour trouver ensemble ce qu’il est possible de réaliser.
Sur un sujet d’une telle importance pour notre pays, l’affrontement politique n’est pas de mise.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme territoriale engagée est un chantier décisif pour l’avenir de notre pays et de nos territoires.
Depuis des années, la réorganisation et la simplification du maillage territorial français apparaissent tout à fait nécessaires, sur les travées tant de la droite que de la gauche, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
À l’heure de la réforme, j’observe que, tout d’un coup, les velléités se manifestent beaucoup moins… Pourtant, permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, qu’un large consensus s’était dégagé dans cette enceinte même, au moment du vote du rapport de MM. Raffarin et Krattinger en 2013, lequel préconisait déjà cette simplification administrative.
La fusion des régions proposée permettra non seulement d’accroître leur puissance, notamment économique, mais aussi de promouvoir l’emploi et la cohésion territoriale.
Tous les gouvernements précédents ont évoqué la nécessité d’une telle réforme, mais c’est l’actuel Président de la République et ce gouvernement qui ont le courage de s’y attaquer. La réforme est certes difficile, mais nécessaire ; nous le savons tous.
Parce que nous voulons que cette réforme soit une réforme de structure qui modifie le paysage territorial français et qu’elle marque une étape décisive pour nos territoires, nous voulons aussi vous faire part, madame la ministre, des inquiétudes que nous constatons chaque semaine dans nos départements.
Depuis les annonces du Président de la République, relayées ensuite par le Premier ministre et le Gouvernement, les interrogations des élus locaux – ce que nous sommes – se multiplient, particulièrement dans les territoires ruraux.
Ces territoires, vous le savez mieux que personne, souffrent depuis un moment d’un sentiment de relégation et ont été singulièrement touchés par la crise actuelle. Il faut donc faire spécialement attention à ne pas accentuer ce sentiment d’abandon dont parlait Aymeri de Montesquiou voilà quelques instants en donnant l’impression que l’on éloigne encore un peu plus ces territoires des centres de décision.
Nous connaissons l’attachement du Gouvernement à la préservation et au développement de la ruralité, mais il doit se traduire, dans les deux projets de loi qui vont être soumis au Parlement, par des actes et des mesures.
Dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques, les attentes sont fortes.
Au Pays basque, un territoire identitaire, cette réforme pourrait ouvrir des perspectives intéressantes, grâce à une approche territoriale de solidarité du rural par l’urbain, ce dont je vous remercie, madame la ministre. En Béarn, il en va de même pour les zones de montagne. De nombreux autres territoires sont également concernés.
Dans sa tribune publiée le 3 juin dernier dans la presse régionale, le Président de la République a très légitimement affirmé que « des adaptations seront prévues pour les zones de montagne et les territoires faiblement peuplés ». Il s’agit d’une nécessité absolue. Pour ces zones qui font déjà face à de nombreux risques de disparition de services publics de proximité, notamment à des menaces de fermeture de centres postaux ou de gendarmeries, il est important que le Gouvernement précise ses intentions. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?
Madame Espagnac, sur place, avec vous, nous avons pu constater que ce sentiment d’abandon n’était pas pure invention et qu’existait une vraie demande d’accès aux services publics.
La première chose qu’il faut répéter dans cet hémicycle, c’est que l’action publique, le service public est au cœur de cette réforme et de l’ensemble de la politique du Gouvernement. Nous y tenons.
J’entends dire que la réforme est difficile ; l’opposition a des mots un peu durs.
Je lui rappelle que le service public au cœur de la République a été mis en danger à d’autres moments… Il faut donc que nous abordions cette question de l’action publique avec sérénité et apaisement.
Est-il possible, dans les territoires que vous évoquez, de s’appuyer sur une intercommunalité suffisamment puissante pour tenir compte de leur histoire, de leur langue, de leur culture ? Sans doute. Est-il possible d’allier cette reconnaissance d’un passé qui rend plus fort avec des volontés de développement, d’ouverture au monde et aux autres ? Sans aucun doute. Je pense que nous aurons un débat intéressant sur ce point.
Outre les mesures qui ont déjà été proposées et que nous allons encore renforcer, il est indispensable que nos départements ruraux disposent de maisons de services publics. Nous devons être capables de regrouper les services pour permettre au citoyen de savoir où, quand et avec quels moyens il peut se tourner vers quelqu’un ayant l’obligation de répondre à toutes ses questions concernant l’action publique, qui est une.
Exercée au nom de l’État par les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation, l’action publique doit rester une, même si, je vous l’accorde, en fondant cette appréciation sur des critères philosophiques et sociologiques, il ne faut jamais rayer l’histoire.
Enfin, dans les zones telles que la vôtre, madame le sénateur, j’ai constaté avec intérêt l’extrême acharnement des élus à défendre le droit de chaque enfant de leur territoire à avoir accès à tous les services publics. Au cours du débat, c’est précisément à ces questions qu’André Vallini et moi-même nous engageons à répondre.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Nous comprenons parfaitement la nécessité de cette réorganisation politique et administrative de la France. Elle se justifie sur le plan tant démocratique – l’architecture actuelle est mal comprise par les citoyens –, économique – les acteurs attendent une organisation simplifiée pour faciliter la production et les déplacements – que financier pour permettre une meilleure maîtrise des dépenses publiques.
L’ensemble du groupe socialiste veut s’engager dans cette grande réforme non seulement avec détermination, mais également avec franchise, pour que le travail du Sénat, représentant des collectivités locales, soit constructif et permette à cette réforme de produire des effets bénéfiques dans toutes les zones de notre territoire, surtout, peut-être, dans les plus reculées, les plus fragiles d’entre elles.
Nous pensons en effet que ce profond changement doit être l’occasion de repenser l’approche des services publics dans les territoires ruraux. La mutualisation et la modernisation des compétences doivent être engagées.
Il est temps, pour l’avenir de ces territoires ruraux, qui sont une chance pour notre pays, d’intensifier l’itinérance des services, de densifier les réseaux existants, notamment en matière de santé, d’amplifier la politique volontariste de développement et de transformation des maisons de services publics – comme vous l’avez dit, madame la ministre –, ou encore de finaliser leur couverture par le très haut débit, point très important aujourd’hui.
Ces questions doivent faire partie intégrante de notre réflexion à tous, au moment de repenser l’organisation administrative de nos institutions et la répartition de leurs compétences.
Vos premiers éléments de réponse semblent aller dans le bon sens, madame la ministre, …
… ce dont je me réjouis, car les territoires ruraux ne doivent pas, ne peuvent pas être oubliés dans le cadre de cette réforme territoriale. Il y va de leur avenir, mais également de celui de notre pays.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de citer les mots exacts prononcés par le Président de la République voilà moins de cinq mois, lors de ses vœux aux Corréziens : « Les départements gardent [...] leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression pure et simple comme certains le réclament. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires, si l’on y supprimait le département ». Voilà un diagnostic qui me paraît largement partagé…
Dans ce contexte, comment comprendre le projet de réforme territoriale, dont les dispositions n’ont cessé d’être contredites par les membres de votre gouvernement et décriées par bon nombre des membres de votre majorité ?
Dans nos territoires, pour une grande majorité d’élus et pour nos concitoyens, toutes sensibilités confondues, cette réforme semble relever de l’opportunisme politique plutôt que de la satisfaction de l’intérêt général.
Il est question de reporter les élections départementales et régionales, après avoir modifié le mode de scrutin départemental pour influer a priori sur son résultat. Comment voulez-vous que nos concitoyens n’analysent pas cette volonté comme la traduction de la peur manifeste d’un énième revers annoncé pour votre majorité ?
Vous affirmez que ce projet de réforme territoriale vise à réduire le millefeuille administratif ; mais il n’en sera rien dans les faits, puisque les mesures prévues se limitent, à notre connaissance, à supprimer la clause générale de compétence, fraîchement rétablie, alors que vous l’aviez massivement combattue en 2010.
Pour illustrer la transformation du département en coquille vide, je prendrai le seul exemple des routes anciennement nationales qui ont été départementalisées. Que vont-elles devenir ? Vont-elles être régionalisées ? Que vont surtout devenir les agents territoriaux chargés de la gestion de ces infrastructures ?
Enfin, après nous être interrogés sur la cohérence de votre proposition, la suppression du département nous conduit nécessairement à vous questionner sur l’avenir des représentants des collectivités territoriales que nous sommes et, par là même, sur celui de notre institution. §
Conseiller général depuis vingt-deux ans, je sais combien les conseils généraux ont été utiles depuis les grandes lois de décentralisation.
Je sais combien chaque président de conseil général, qu’il soit de droite ou de gauche, a pris à cœur les missions qui lui ont été confiées par les lois Mauroy-Deferre et combien chaque conseiller général, dans son canton, est investi par sa mission, qu’il accomplit avec beaucoup de dévouement et souvent même avec passion. Il existe un attachement très fort entre le conseiller général, son territoire et la population qui y réside. Je sais tout cela ; je le vis moi-même, je le répète, depuis vingt-deux ans.
Mais depuis les lois de décentralisation, la situation a changé. La montée en puissance des intercommunalités, comme je le disais tout à l'heure à M. Mézard, a remis en cause la pertinence de l’échelon départemental.
Aujourd’hui, les communes sont regroupées. Elles vont l’être encore davantage demain. Le texte que nous vous présenterons cet été prévoit de faire grandir les intercommunalités. Ces dernières passent déjà des conventions entre elles pour exercer certaines compétences à la place du département. Chez moi, en Isère, des communautés d’agglomération et de communes ont contourné le conseil général pour signer des conventions, nouer des partenariats dans les domaines des transports, du développement économique, de la gestion du foncier, du logement...
En matière de solidarité sociale, le conseil général garde toute sa pertinence. C’est ce qu’a rappelé le Président de la République à Tulle.
Lorsque la loi instaurant les grandes régions, plus puissantes, et visant les intercommunalités, plus grandes encore, aura été adoptée, nous disposerons de quatre ans pour étudier la manière de transmettre les compétences sociales des conseils généraux aux régions, aux intercommunalités, voire même à l’État, comme le proposent certains s’agissant de la gestion du revenu de solidarité active et des caisses d’allocation familiales.
Le débat est ouvert. Au cours de ces quatre ans, mesdames, messieurs les sénateurs, nous réfléchirons ensemble à la meilleure façon d’assurer cette transition d’ici à l’an 2020.
Je tenais à vous rassurer sur ce point. Les conseils généraux jouent un rôle très utile en matière sociale et il n’est pas question de remettre en cause les politiques sociales, qu’il s’agisse de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, de la prestation compensatoire du handicap, la PCH, du RSA ou, a fortiori, de la protection de l’enfance en danger. Sur ces questions, les conseils généraux font un travail remarquable.
Nous aurons le temps de voir à qui confier ces compétences majeures pour la cohésion sociale de notre pays.
Je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait qu’une telle réforme touche à la vie démocratique de notre pays telle qu’elle fonctionne de manière ancestrale.
Nous ne ferons pas cette réforme-là uniquement entre élus : nos concitoyens doivent y adhérer. En tant que sénateur du Cher, département rural, j’ai le sentiment – certes bien peu scientifique – que, après les diminutions des dotations, les dépenses supplémentaires résultant en particulier de la réforme des rythmes scolaires, cette nouvelle réforme est mal partie pour susciter l’adhésion de nos concitoyens. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous saluons l’objectif du Gouvernement annoncé par le Premier ministre d’entamer une réforme territoriale.
Cette réforme, nécessaire pour optimiser la conduite des politiques publiques, suscite des interrogations, notamment eu égard à la disparition annoncée des conseils généraux au profit de régions renforcées, des métropoles et des intercommunalités.
Si la capacité de reprise des compétences départementales par les métropoles et les grandes intercommunalités ne semble pas poser de difficultés majeures dans les zones très denses, nous sommes plus circonspects à l’endroit des territoires à densité moyenne ou faible, dits « ruraux » et « périurbains ».
Comme l’a souligné le rapport de MM. Raffarin et Krattinger, le département, en raison de ses compétences de proximité, est le premier échelon de la décentralisation. Il possède une forte capacité fonctionnelle, à la fois instance de cohésion sociale – il est compétent en matière d’insertion, de dépendance, de handicap, de protection de l’enfance en danger – et instance irremplaçable d’expression des besoins spécifiques de la ruralité, assurant une péréquation de fait entre ville et campagne. Il a notamment été le fédérateur des intercommunalités, au profit desquelles il a exercé une fonction d’ingénierie.
Le conseil général est l’interlocuteur naturel des maires, qui estiment que le département présente un intérêt majeur pour le territoire de leur commune. Dans la perspective de la suppression de cet échelon, les débats qui s’ouvriront dans les prochains jours doivent permettre de trouver les bons outils de l’action publique pour prendre en considération le devenir de ces territoires ruraux.
Toutefois, la notion de ruralité visée par le Gouvernement paraît peu précise. À titre d’exemple, de par sa nature, le département dont je suis l’élu, la Seine-et-Marne, est un territoire hétérogène : une large zone ouest de densité moyenne aux fonctions métropolitaines avérées – pôle de Roissy, villes nouvelles de Marne-la-Vallée et de Sénart, ville-préfecture de Melun et son agglomération – y côtoie des territoires à l’est dont la densité de population est beaucoup plus faible et où la reprise des politiques publiques conduites par les conseils généraux semble extrêmement délicate au vu des outils dont disposent les communes et les intercommunalités de faible taille.
Avec une telle mixité au sein d’un même département, comment qualifier la Seine-et-Marne ? La question se pose dans les mêmes termes pour toutes les zones périurbaines situées en périphérie des métropoles et des grandes intercommunalités.
La disparition des conseils généraux marquerait une perte de dynamique pour ces territoires. Il convient donc de trouver le bon échelon et la bonne répartition des compétences pour leur permettre de conserver une réelle dynamique de développement.
Nous savons que le Gouvernement est très attentif aux problématiques des territoires à faible densité. Nous souhaiterions par conséquent connaître ses intentions et ce qu’il envisage dans le projet de loi à venir.
Vous savez de quoi vous parlez, monsieur le sénateur, puisque vous présidez avec beaucoup d’efficacité et d’investissement personnel le conseil général de Seine-et-Marne. Je vais reprendre, pour vous répondre, les propos que je tenais à l’instant à l’endroit de M. Pillet : comme vous le suggérez, nous devons réfléchir ensemble – Parlement, Gouvernement et élus départementaux, via, singulièrement, l’Assemblée des départements de France et son président, Claudy Lebreton – à l’avenir de l’échelon départemental, en faisant preuve d’esprit de responsabilité, d’intelligence collective et de sens des réalités.
La plupart des grands pays européens ont mené une réforme pour réduire le nombre d’échelons de leur organisation territoriale. La France est le dernier pays à connaître autant d’échelons : les communes, les syndicats de communes, les syndicats de pays, les départements et les régions.
Le bloc communal, par exemple, est constitué, en plus des communes, des syndicats intercommunaux et des syndicats de pays. Pour ne vous donner que quelques chiffres, monsieur le sénateur, je vous indique qu’il existe encore 13 400 syndicats intercommunaux, notamment les syndicats intercommunaux à vocations multiples, les SIVOM, et les syndicats intercommunaux à vocation unique, les SIVU, dont 5 800 sont compris dans le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale. Pourquoi ne pas faire absorber ces derniers par la communauté de communes ou d’agglomération dans laquelle ils sont compris ?
Il faut simplifier, rationaliser ce paysage administratif territorial ; il faut faire monter en puissance les intercommunalités – le processus est en marche –, agrandir les régions et, comme vous le signalez, trouver le bon réglage, le bon niveau, en matière de politique de solidarité, particulièrement en direction des personnes les plus fragiles, actuellement menée par les conseils généraux. Sera-ce la mission des communautés de communes agrandies, ou bien, sans doute, des métropoles et des communautés d’agglomération ?
Vous avez raison de le souligner, le problème se pose dans les zones de certains départements qui ne sont ni tout à fait urbaines ni tout à fait rurales. Il en existe dans mon département : en s’éloignant d’une cinquantaine de kilomètres de l’agglomération grenobloise, et avant d’arriver dans la montagne, très isolée et reculée, on trouve ces zones intermédiaires.
Nous avons quatre ans pour trouver le meilleur échelon, à même de faire jouer la solidarité entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins, parmi lesquels figurent notamment ceux auxquels vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, et qui suscitent votre souci tout à fait légitime.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir indiqué en particulier que vous souhaitez que ce sujet fasse l’objet d’une élaboration collective. Nous y sommes prêts, évidemment, et je dirai même que nous en avons l’appétit.
À mon sens, il ne peut y avoir une seule solution. Il faudra que la future loi prévoie une forme de souplesse, qui permette une adaptation en fonction de la réalité territoriale. En effet, la France est composée de territoires extrêmement divers, et il sera nécessaire de trouver des solutions adaptées à la réalité particulière de chacun d’eux.
En tant que président d’un département de la grande couronne francilienne, je vis cette différence des territoires au quotidien. La réforme qui s’engage devra répondre à cette réalité particulière. J’y serai, en tous les cas, très vigilant.
La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis très intrigué : comment un président de conseil général comme vous peut-il être autant opposé à l’existence des départements, et tenir parfois à ce sujet des propos aussi violents ? Je vous rappelle, en effet, que vous avez indiqué vouloir les « vider de leur substance ». Comment peut-on présider un conseil général pendant plus de dix ans et ne pas avoir la passion de son territoire, ne pas savoir à quel point l’action départementale s’est trouvée enrichie ?
Vous affirmez que la réforme territoriale entraînerait une baisse de la dépense publique de 17 milliards d’euros. Mais vous savez pertinemment que c’est faux ! Le budget de mon département, l’Aube, représente 0, 5 % du total des budgets des départements français. Votre annonce signifie que mon conseil général devrait réaliser 85 millions d’euros d’économies, or vous savez bien que c’est impossible !
J’irai plus loin : non seulement la dépense publique ne diminuera pas, mais elle augmentera ! Vous voulez transférer la compétence des routes aux régions ; il faudra pour cela constituer des états-majors régionaux, car les régions en sont dépourvues. En revanche, il ne manquera pas un seul travailleur sur les routes départementales, car nous avons totalement optimisé l’organisation des services qui sont chargés de ces routes depuis que l’État, par la décentralisation de la compétence en la matière aux départements, nous a confié la gestion des personnels dédiés. J’ajoute que les départements font preuve d’une grande maîtrise quant au nombre d’emplois, chose que – croyez-moi ! – les régions n’arriveront pas à faire.
Vous voulez également transférer la compétence des transports scolaires aux régions. C’est donc dans un lieu parfois situé à 500 kilomètres de certaines communes que l’on établira le détail de ces transports… Je vous souhaite bien du plaisir, monsieur le secrétaire d’État : les transports scolaires, c’est de la dentelle ! Il faut être capable, tous les matins, de savoir s’il y a du verglas, si les cars peuvent circuler, ce qui est impossible à l’échelon régional.
Quand une région veut construire un lycée en même temps qu’un collège est bâti – cela peut arriver –, c’est le département qui s’en charge, pour le compte de la région, car celle-ci ne dispose pas des services adéquats.
Avec cette réforme, donc, vous allez créer un nombre incalculable d’états-majors à l’échelon régional, et je vous garantis que vous serez loin d’atteindre vos objectifs en matière de dépense publique.
Mme Lebranchu a annoncé que la suppression de la clause de compétence générale permettrait aux conseils généraux de réaliser une économie de 35 %. Il faut vraiment ne rien connaître aux budgets de ces collectivités territoriales pour dire de telles sottises !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’ai commencé à comparer les régimes indemnitaires des conseils départementaux et ceux des conseils régionaux. J’ai constaté que la réforme entraînerait une hausse de plus de 15 % de la masse salariale, …
… sans compter l’augmentation du nombre de fonctionnaires, les régions n’ayant pas été raisonnables en la matière. Les départements ont diminué le nombre de personnels techniciens, ouvriers et de service dans les collèges, quand les régions, alors même que le nombre de lycéens baissait, l’ont fait croître !
Enfin, j’ajouterai que les communes demandent même aux départements d’instaurer des agences techniques pour les aider, parce qu’elles sont aujourd’hui démunies.
En conclusion, avec cette réforme, vous préparez la ruine des finances de la France, monsieur le secrétaire d’État, et vous préparez la désertification de nos campagnes. §
Monsieur le sénateur, avant toutes choses, je tiens à vous dire que j’ai la passion de mon territoire, de mon département. J’y suis né, j’ai été maire de ma petite ville natale, et je suis conseiller général du canton de cette ville depuis vingt-deux ans. J’aime beaucoup le département de l’Isère, et je m’investis totalement dans l’exercice des mandats locaux qui m’ont été confiés par le suffrage universel.
Pour autant, je ne suis pas attaché à l’institution du conseil général en tant que tel, créé voilà plus de deux cents ans, en 1789, et devenu une collectivité locale en 1871. Les choses bougent, la société évolue, monsieur le sénateur. On peut donc être attaché à son territoire, à son canton, à son département, et vouloir, dans le même temps, que les institutions s’adaptent à la société.
Je ne reprendrai pas les éléments de réponse que j’ai formulés précédemment. J’insisterai seulement sur la nécessité d’avoir des intercommunalités plus grandes, plus efficaces en matière de proximité, et des régions plus grandes, plus efficaces en matière de compétitivité.
J’en viens à la gestion des conseils généraux. J’ai la fierté, en treize ans, de ne pas avoir augmenté, avec mon équipe départementale, les impôts de l’Isère, qui est aussi le département le moins endetté de France en euros par habitant.
Il est donc aussi celui qui investit le plus en euros par habitant. Par conséquent, je peux vous parler de gestion des collectivités territoriales autant que vous le souhaitez.
Cela dit, demain, les régions seront tout à fait capables d’assumer les compétences que nous allons leur transférer, en en déléguant certaines ensuite, à des fins de proximité, aux intercommunalités.
Je pense au transport scolaire ou – pourquoi pas ? – à l’entretien de certaines routes.
Ainsi, des économies d’échelle sur les marchés publics, notamment, sur les services généraux, sur les rémunérations et sur la gestion des ressources humaines sont rendues possibles.
Les intercommunalités, quant à elles, seront les relais de la proximité, afin d’exercer les compétences au mieux, au plus près des habitants et de leurs besoins.
Ne vous inquiétez pas, monsieur le sénateur, nous allons faire cela ensemble, en connaisseurs de l’action publique locale. Je suis sûr que nous pouvons dépasser les clivages partisans et mener à bien une belle et grande réforme territoriale. §
Cela me fait sourire de penser que vous comptez confier l’accueil des mineurs étrangers isolés aux intercommunalités : elles vont être contentes de devoir s’en occuper ! Et vous voulez aussi nationaliser la gestion des services des sapeurs-pompiers : vous allez probablement être ravi de devoir augmenter la dépense publique à chaque fois que vous serez confronté à un problème les concernant…
À chaque augmentation de dépenses, ce sont les départements qui assument. Et vous voulez désormais renationaliser ? Je vous souhaite bien du plaisir pour prendre en charge la dépense publique qui en découlera !
Il y a une vraie urgence, monsieur le secrétaire d’État, mais vous vous trompez totalement quant aux intercommunalités. Les communes n’ont même pas fini de se regrouper – le processus doit se terminer en 2017 –, les intercommunalités n’ont pas encore décidé le niveau de compétences qu’elles veulent s’arroger, et vous remettez déjà l’ouvrage sur le métier ! C’est de la folie pure ! Leurs élus vous le diront au mois de septembre, lors des prochaines élections sénatoriales. §
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Charles Gautier, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 2001 à 2011 et que j’ai personnellement bien connu.
Par lettres en date du 12 juin 2014, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits.
Ces demandes d’avis ont été transmises à la commission des lois.
Acte est donné de cette communication.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 11 juin prennent effet.
J’informe le Sénat que la question orale n° 800 de Mme Patricia Bordas est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 17 juin 2014, ainsi que du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la question orale avec débat n° 9 de M. Jean Desessard à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi.
Cette question est ainsi libellée :
« M. Jean Desessard attire l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi.
« La formation professionnelle est un outil puissant de reconversion, d’acquisition et d’approfondissement des compétences, tout en étant un vecteur de développement personnel.
« La formation permet aux chômeurs d’enrichir leurs savoir-faire et de proposer à leurs futurs employeurs des compétences en accord avec leurs besoins. Elle est, également, une occasion de s’orienter vers des métiers d’avenir, comme ceux favorisés par la transition énergétique, ou simplement un moyen de se réorienter vers des métiers plus adaptés aux désirs de chacun.
« Le projet de loi relatif à la formation professionnelle et au dialogue social représente une avancée majeure pour les chômeurs. Si le précédent droit individuel à la formation n’ouvrait des droits à la formation qu’aux seuls salariés, le nouveau compte personnel de formation est, quant à lui, directement rattaché à la personne, tout au long de sa carrière, qu’elle soit salariée ou non. Il s’agit d’un premier pas vers un droit universel à la formation.
« Cependant, ce nouveau compte ne parvient pas à s’extraire de la logique assurantielle qui prévaut jusqu’à aujourd’hui : c’est en travaillant que l’on acquiert des droits pour une formation.
« C’est pourquoi la formation professionnelle, dans sa forme actuelle, laisse largement les chômeurs de côté. En 2011, seuls 20, 3 % des demandeurs d’emploi ont entamé une formation sur l’année.
« Le projet de loi relatif à la formation professionnelle tente d’endiguer ce phénomène en renforçant les fonds dédiés à la formation des demandeurs d’emplois. Si auparavant, les financements au titre du congé individuel de formation et du droit individuel à la formation s’élevaient à environ 1, 2 milliard d’euros par an, avec le projet de loi, l’augmentation des fonds destinés au congé individuel de formation et la création d’un financement dédié au compte personnel de formation porteront ce montant à 2, 3 milliards d’euros.
« Malgré ces moyens importants, la formation professionnelle ne remplit pas l’un de ses objectifs fondamentaux : satisfaire la demande des entreprises en emplois qualifiés. Une enquête, réalisée par Meteojob et Companeo en décembre 2013 sur un panel de 772 très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), a révélé qu’un tiers d’entre elles a abandonné un projet de recrutement au cours de l’année. Parmi les principales raisons invoquées, outre la situation économique, on trouve la difficulté de trouver le profil recherché. Le conseil d’orientation pour l’emploi a, pour sa part, estimé, en septembre 2013, que près de 400 000 tentatives de recrutement sont abandonnées chaque année, faute de candidat adapté.
« Dans le contexte de chômage de masse que connaît notre pays et si la formation professionnelle était réellement adaptée, tous ces postes devraient être pourvus.
« Il souhaite connaître, en conséquence, les intentions et la stratégie du Gouvernement pour que la formation professionnelle permette de satisfaire à la fois les besoins des chômeurs mais aussi des entreprises. »
La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la question
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par le biais de cette question orale avec débat, je souhaite interpeller le Sénat et le Gouvernement sur la formation professionnelle des chômeurs, plus spécifiquement sur son adéquation aux besoins des publics concernés.
Je suis parti d’une interrogation simple. Au mois de septembre 2013, le Conseil d’orientation pour l’emploi a estimé que près de 400 000 tentatives de recrutement étaient abandonnées chaque année, faute de candidat adapté, soit 400 000 offres d’emploi non pourvues.
Ce chiffre, à la lecture duquel mon sang n’a fait qu’un tour, a fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreux débats. Certains ont pointé du doigt la rigidité de notre marché du travail ou fustigé un coût du travail trop élevé ; ce n’est pas par hasard que je me tourne vers le côté droit de cet hémicycle ! Surtout, nous nous sommes tous interrogés sur l’inadéquation des compétences des demandeurs d’emploi et sur les manquements de la formation professionnelle.
En vue d’analyser ce chiffre, j’ai mené des auditions pour confronter les différents points de vue. J’ai rencontré des représentants de mouvements de chômeurs, directement concernés, des syndicats, des organisations patronales et des représentants de Pôle emploi.
Trois facteurs au moins peuvent expliquer qu’un poste ne soit pas pourvu : d’abord, le contexte économique, des variations conjoncturelles pouvant par exemple empêcher de procéder à un recrutement prévu antérieurement ; ensuite, l’attractivité objective d’un poste, c'est-à-dire le salaire et les conditions de travail, ou son attractivité subjective, par exemple l’image de la filière ; enfin, l’inadéquation des compétences des candidats au poste proposé.
J’évoquerai d’abord le contexte économique. Un processus de recrutement peut être interrompu par l’employeur. Ainsi, une offre d’emploi est publiée, un processus de recrutement est engagé, mais il n’est pas mené à son terme, car l’entreprise revoit ses prévisions d’activité à la baisse.
Une enquête réalisée par Meteojob et Companeo au mois de décembre 2013 sur un panel de 772 très petites entreprises, ou TPE, et petites et moyennes entreprises, ou PME, a révélé qu’un tiers d’entre elles a abandonné un projet de recrutement au cours de l’année.
Il ne s’agit donc pas d’emplois non pourvus : lorsque le processus de recrutement s’arrête, le poste n’existe plus. Cependant, certains employeurs ne font pas part de cette raison et préfèrent déclarer que le recrutement n’a pas eu lieu par manque de candidat qualifié, ce qui fausse évidemment les statistiques du Conseil d’orientation pour l’emploi.
Un poste peut également être non pourvu à cause de son attractivité subjective, celle qui renvoie à l’image que l’on s’en fait. Cette notion est véhiculée par des représentations culturelles, des clichés, qui datent parfois.
Prenons l’exemple du métier de maçon. Lorsqu’on l’imagine, on pense immédiatement à un travail éreintant, physique, obligeant à porter toute la journée des parpaings, dans un environnement de travail pouvant être dangereux.
En réalité, le métier a beaucoup évolué. Le maçon travaille avec des moyens de plus en plus mécanisés : levage, manutention… Il utilise des matériaux variés, développe des compétences connexes avec les autres corps d’état, comme les couvreurs et les électriciens. Il maîtrise de plus en plus les techniques orientées de développement durable, par exemple l’isolation thermique et les moyens permettant d’assurer l’efficacité énergétique.
Or il est dit que le métier de maçon est notoirement « en tension » et qu’il fait défaut aux employeurs en raison notamment de cette image vieillie et erronée.
Je suis allé consulter la base de données de Pôle emploi qui recense plus de 3 millions de CV de demandeurs d’emploi, pour vérifier si le métier de maçon était vraiment « en tension » et si les postes étaient effectivement peu demandés.
Je me suis lancé dans une petite recherche. Après m’être inscrit rapidement, en moins de cinq minutes, grâce à mon identifiant SIRET d’employeur au Sénat, j’ai pu accéder à la base de données. J’ai cherché des CV de maçons et j’ai choisi au hasard le département de la Côte-d’Or, monsieur le ministre. §Dans ce seul département, on trouve 1 045 CV de maçons. Et, au plan national, ce sont 19 000 CV de maçons qui sont proposés. Voilà qui est surprenant pour un métier « en tension » ! On est loin de la pénurie de candidats qui est souvent pointée du doigt.
Ainsi, l’information existe. Les CV sont là, disponibles. Les employeurs n’ont que très peu d’efforts à fournir pour trouver le candidat adéquat. Je l’ai fait moi-même en cinq minutes ; certes, je n’avais pas besoin de maçon, mais j’aurais pu…
Nouveaux sourires.
Ce ne sont pas les compétences qui font défaut, puisque tous les candidats concernés – j’ai fait la démarche de vérifier certains des CV – disposent de l’expérience nécessaire pour occuper le poste de maçon
Il y a deux hypothèses explicatives ; je n’ai pas pu trancher entre les deux.
Première hypothèse, l’évaluation classant les maçons dans une profession « en tension » est fausse, et cette catégorisation lui est attribuée à tort.
Seconde hypothèse, la base de données de Pôle emploi n’est pas mise à jour et les CV s’entassent sans être retirés, un peu à l’instar d’une petite annonce pour une vente de voiture qui reste affichée chez le boulanger alors que la transaction a déjà eu lieu depuis plus de deux ans ! En clair, Pôle emploi recenserait bien les CV, mais n’actualiserait pas ses informations. Cela dit, je porte peut-être une accusation injuste. Il est également possible que la base de données soit régulièrement actualisée et que de nombreux maçons recherchent effectivement du travail.
Toutefois, compte tenu du travail que j’ai effectué, notamment des auditions auxquelles j’ai procédé, je dois reconnaître que l’action pour contrer les effets négatifs de certains clichés commence à être développée. Pôle emploi a débuté une collaboration avec les branches professionnelles pour sensibiliser aux réalités des métiers et inciter les chômeurs à remettre en cause leurs stéréotypes. L’institution sensibilise également les chômeurs à l’évolution professionnelle au sein des filières.
À titre d’exemple, un responsable de Pôle emploi m’a indiqué mener une campagne pour réhabiliter la profession d’agent de déchetterie. Pour ma part, j’avais plutôt le sentiment que c’était un travail intéressant et socialement utile, car au contact de la population apportant ses déchets.
Or il semble que ce métier soit mal considéré. Une évolution est donc nécessaire, et Pôle emploi s’est engagé à y travailler.
Le MEDEF va, quant à lui, lancer une campagne télévisée, intitulée Beau travail, qui sera diffusée sous forme de cent quinze épisodes d’une minute d’ici au mois de décembre prochain pour valoriser les métiers aujourd'hui mal considérés.
Au-delà de ce travail de réhabilitation, quelle est la réalité ? Certains métiers souffrent-ils vraiment d’une image négative et d’un manque de candidats ? Je le répète, dans le seul département de la Côte-d’Or, 1 045 maçons sont prêts à travailler. Je l’admets, il y a certainement parmi eux – on ne connaît pas l’origine géographique de ces demandeurs d’emploi – des maçons de la région parisienne disposés à se déplacer.
L’attractivité d’un poste ne concerne pas uniquement l’image : elle peut aussi être influencée par les conditions de travail ou le salaire. À cet égard, les 400 000 postes annoncés ne correspondent pas tous à des CDI de 35 heures, loin de là !
Les enquêtes en besoin de main-d’œuvre de Pôle emploi et les évaluations du Gouvernement qui ont précédé la mise en place du plan formations prioritaires pour l’emploi identifient les besoins les plus forts dans les mêmes filières : BTP, hôtellerie-restauration, agroalimentaire. Ces secteurs ont une caractéristique commune : une stabilité de l’emploi des salariés relativement limitée et des rythmes de travail que l’on peut sans peine qualifier de soutenus. Par exemple, il sera difficile à un serveur de trouver une offre d’emploi en CDI, avec les conséquences qui en résulteront pour lui en termes d’accès à un logement ou à un prêt. De telles conditions de travail peuvent freiner de nombreux candidats, qui préféreront postuler à des emplois plus durables.
L’attractivité repose aussi sur l’adéquation du salaire et des conditions de travail avec l’expérience et les qualifications du demandeur d’emploi. Ainsi, un informaticien à la recherche d’un emploi n’aura pas forcément envie d’accepter un salaire de débutant s’il a quinze ans d’expérience et maîtrise de nombreuses compétences.
Pour ce qui concerne l’adéquation des compétences des demandeurs d’emploi aux postes, il se peut qu’un employeur mette un terme au processus de recrutement parce qu’il n’arrive pas à trouver de candidat possédant les compétences souhaitées. On touche ici au cœur de notre sujet : la formation à proprement parler des chômeurs. Celle-ci peut être initiale, assurée par l’éducation nationale, ou continue, dispensée par les différents organismes de formation.
S’agissant de la formation initiale, on peut se dire qu’elle ne relève pas du débat d’aujourd’hui. Or les lacunes de l’enseignement dispensé à l’école, au collège et au lycée ont des répercussions évidentes sur l’employabilité des demandeurs d’emploi. Il est un signe qui ne trompe pas : le programme compétences clés mis en place par l’État pour combler les lacunes, entre autres, des demandeurs d’emploi en matière d’informatique, de langues, ou encore de mathématiques connaît un grand succès : les 50 000 formations réalisées chaque année dans ce cadre ne suffisent pas à satisfaire toutes les demandes. Au reste, monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas concerné ; c’est un petit signe que j’envoie au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Quant à la formation continue, si Pôle emploi finance seulement 10 % des formations, il est le prescripteur d’environ 90 % d’entre elles. Celles-ci peuvent être classées en trois grandes catégories : les formations de préparation à l’embauche, de 400 heures au maximum, sur des contrats de deux ans, par exemple, lorsque le demandeur d’emploi fait l’objet d’un processus de recrutement dans une entreprise ; les formations mobilisées individuellement, par le droit individuel à la formation et, aujourd'hui, par le compte personnel de formation, et les formations conventionnées par Pôle emploi.
Leur mise en place résulte des besoins d’embauches et de qualifications constatés auprès des entreprises. Parmi les financeurs, on retrouve les régions, qui définissent leurs priorités dans les programmes régionaux, et les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui représentent chaque branche professionnelle.
Mes chers collègues, vous devez penser que ce que je dis est complexe.
M. André Gattolin. Vous n’êtes pas maçon, mais ce que vous dites est béton !
Sourires.
M. Jean Desessard. Mais c’est maintenant que les plus grandes difficultés commencent !
MM. André Gattolin et Jacky Le Menn s’exclament.
Effectivement, je vais évoquer les difficultés d’orientation des chômeurs : les formations dépendant des branches, les dispositifs sont très nombreux et complexes. Lors de mes auditions, j’ai essayé de connaître précisément leur nombre, et les réponses que j’ai obtenues vont de « plusieurs dizaines » à « plus d’une centaine ». Même l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans son rapport du mois d’août 2013, ne parvient pas à chiffrer précisément ces dispositifs et vise seulement un système complexe, basé sur une addition de « logiques différentes selon les acteurs institutionnels ».
Cette complexité touche, en premier lieu, les conseillers de Pôle emploi, dont les missions principales consistent à indemniser les chômeurs et à les placer sur le marché du travail. Si l’intégration à leurs effectifs des conseillers-psychologues de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, a permis de faire progresser les thématiques de l’orientation et de la formation dans l’institution, les conseillers de Pôle emploi ne maîtrisent pas tous les outils et circuits de financement de la formation professionnelle. Ils s’y retrouvent difficilement, et cette illisibilité se répercute sur l’information donnée aux chômeurs, notamment via le site internet de Pôle emploi. La simplification de tous ces dispositifs semble nécessaire.
Mes chers collègues, j’ai essayé d’identifier les causes des emplois non pourvus. Cependant, je l’avoue, je suis incapable de connaître le poids de chacune d’entre elles dans les 400 000 postes non pourvus. Aujourd’hui, personne n’est en mesure de le dire précisément. Mais peut-être allez-vous me démentir tout à l'heure, monsieur le ministre…
Chacun a, sur le sujet, sa petite idée, des intuitions, parfois confortées par une expérience locale. Mais personne ne dispose de chiffres, de statistiques permettant d’orienter les politiques publiques. Autrement dit, nous n’avons aucune idée du bien-fondé et de la légitimité des moyens déployés pour la formation professionnelle vers ces postes.
La formation professionnelle est un outil puissant de reconversion, d’acquisition et d’approfondissement de compétences, tout en étant un vecteur de développement personnel. Elle permet aux chômeurs d’enrichir leurs savoir-faire et de proposer à leurs futurs employeurs des compétences en accord avec les besoins de ceux-ci. Elle est également une occasion de s’orienter vers des métiers d’avenir, comme ceux que favorise la transition énergétique, ou simplement un moyen de se réorienter vers des métiers plus adaptés à ses désirs propres.
Toutefois, la navigation à vue en la matière nous empêche d’avoir une vision à long terme des causes et des conséquences.
Au mois de juillet 2013, le Gouvernement a lancé le plan formations prioritaires pour l’emploi, en mettant 200 millions d’euros sur la table. L’objectif de délivrer 30 000 formations à la fin de l’année 2013 a été dépassé, puisque plus de 35 000 stagiaires étaient inscrits à une formation au mois de décembre dernier. L’État a alors décidé de se fixer un nouvel objectif : atteindre 100 000 formations. §C’est louable !
Mais en l’état, que sait-on de l’efficacité réelle de ces formations ? Les chômeurs vont-ils réellement intégrer les postes auxquels ils prétendent ? Monsieur le ministre, je suis curieux de savoir comment vous jugerez de l’efficacité de votre plan, en termes de résultats pour l’emploi et pas simplement en termes de moyens, c'est-à-dire de formations délivrées ! Au fond, la question que je vous pose aujourd'hui est celle de l’adéquation des dispositifs que l’on met en place aux postes à pourvoir.
Ce qui manque réellement à nos politiques de formation en direction des chômeurs, c’est un tableau de bord, un outil de gestion précis, mobilisé par les pouvoirs publics, nous permettant d’identifier précisément la cause de ces emplois non pourvus, avec des objectifs chiffrés et des moyens suffisants. Il nous faut une vision d’ensemble, pour déterminer les secteurs en tension, les leviers institutionnels devant être mobilisés, mais aussi les filières devant être soutenues.
J’en viens plus précisément à ma question : quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce tableau de bord voie le jour, afin que nous puissions savoir pourquoi un poste n’est pas pourvu ? Est-ce en raison de l’activité économique qui a conduit à sa disparition ? Est-ce parce que l’image d’un métier est mauvaise et qu’il manque des candidats pour l’exercer ? Il faudra alors engager des campagnes de revalorisation des métiers concernés ! Est-ce en raison d’une inadéquation entre les attentes et les compétences des salariés et les conditions de travail et le montant du salaire ? En ce cas, une autre réponse devra être donnée ! Ou est-ce parce que, la formation professionnelle n’étant pas au rendez-vous, l’employeur ne trouve pas la personne qualifiée qu’il recherche ?
Monsieur le ministre, je le répète, nous avons besoin d’un tableau de bord ! Partagez-vous mon analyse et, si oui, comptez-vous mettre en place cet outil très prochainement ? §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier Jean Desessard d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de ce sujet essentiel qu’est la formation professionnelle. Je salue l’analyse qu’il a développée, avec beaucoup de conviction. Pour ma part, je consacrerai les quelques minutes que durera mon intervention à un point particulier : la formation des personnes en situation de handicap.
Voilà quelques semaines, nous avons examiné le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer, par voie d’ordonnances, pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports aux personnes en situation de handicap. Cette discussion a été l’occasion de rappeler à quel point ces personnes peuvent être confrontées à de grandes difficultés dans tous les aspects de la vie quotidienne : accès à la culture, à la santé, aux transports, à l’éducation, à l’emploi et à la formation.
Je veux donc profiter de notre débat de ce jour pour insister sur ce dernier point, qui est un enjeu fondamental de notre société : la formation est l’une des conditions nécessaires à l’intégration des personnes en situation de handicap, et la situation en la matière est loin d’être satisfaisante.
Comme nous l’avions souligné lors de l’examen du projet de loi que je viens de citer, la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne sont pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils auraient dû l’être depuis plusieurs années.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les personnes handicapées sont moins diplômées que la moyenne : 51 % d’entre elles n’ont aucun diplôme ou ne sont titulaires que du BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Elles connaissent un taux de chômage de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et ce taux ne cesse d’augmenter dramatiquement depuis plusieurs années. Ainsi, selon l’Association des paralysés de France, le nombre de personnes en situation de handicap au chômage a bondi de 75 % en cinq ans.
Or, nous le savons bien, sans travail, le risque de tomber dans la grande pauvreté et le risque de désocialisation sont grands. Nous devons absolument trouver des solutions.
Depuis la fin des années quatre-vingt, les lois visant à favoriser l’insertion des travailleurs handicapés dans l’entreprise se sont succédé mais ont connu un succès qui, au vu des chiffres que je viens de rappeler, apparaît très relatif. Le manque de qualification, l’inadéquation des compétences auxquels s’ajoute, hélas !, encore trop souvent une représentation négative du handicap au sein des entreprises rendent les personnes handicapées particulièrement vulnérables sur le marché du travail, surtout dans un contexte de crise. On comprend bien alors tout l’enjeu de la formation professionnelle.
Afin que les compétences des demandeurs d’emploi soient le mieux adaptées à la demande des entreprises, la formation professionnelle est bien l’une des solutions clés, ainsi que Jean Desessard l’a rappelé. Elle passe par des dispositifs comme l’apprentissage ou l’insertion par le travail en milieu ordinaire ou protégé, à travers les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et les entreprises adaptées. Ces structures ont un rôle fondamental.
Elles présentent aussi un avantage, encore trop méconnu : permettre aux entreprises d’employer une partie de leurs travailleurs en situation de handicap par le recours à la sous-traitance. En 2013, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, a constaté un recours accru à l’emploi, direct comme indirect, par le biais de ce type de contrat. Elle préconise de développer des supports d’information et de mettre en place des campagnes de sensibilisation sur ce sujet pour permettre aux entreprises de prendre connaissance de l’existence de ces dispositifs. Le recours aux ESAT et aux entreprises adaptées pourrait alors s’inscrire sur la durée dans l’organisation des entreprises.
Cependant, pour que leur action soit la plus efficace et la plus complète possible, ces structures ont besoin de financement. L’année dernière, dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2014, j’avais pointé du doigt le gel des créations de places en ESAT. Les associations soulignent à quel point la situation devient alarmante. Malgré des contraintes budgétaires évidentes, un tel moratoire ne peut pas se prolonger longtemps, car il place certaines associations gestionnaires d’ESAT devant de très graves difficultés, sans répondre aux enjeux.
En 2013, le constat était déjà sans appel : selon l’Association nationale des directeurs et cadres d’ESAT, l’ANDICAT, 30 à 40 % des ESAT étaient déficitaires, du fait des réductions progressives des subventions publiques et des effets de la crise économique sur les activités de ces établissements, qui doivent sans cesse innover dans leur offre de services.
Nous devons absolument œuvrer à ce que ces structures puissent fonctionner correctement et se renforcer.
Concernant la formation au plan individuel, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis deux avancées très intéressantes pour les personnes handicapées, avancées qui ont été saluées par la plupart des associations représentatives.
Je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour les rappeler.
Il s’agit d’abord de l’application aux travailleurs des ESAT du compte personnel de formation. Les associations attendent toujours les propositions du Gouvernement sur les modalités spécifiques de mise en œuvre.
Il s’agit ensuite de la mise en œuvre du droit à formation pendant l’arrêt de travail, que l’arrêt soit lié à une maladie ou à un accident, qui doit prévenir la désinsertion professionnelle due à des périodes de convalescence. Il faudrait que la mise en œuvre de ces deux points soit opérationnelle et, à cet égard, je vous interpelle, monsieur le ministre.
Je veux enfin insister sur l’importance des actions menées en faveur du développement de l’apprentissage pour les personnes en situation de handicap.
Ces actions doivent se renforcer. Elles sont particulièrement adaptées aux personnes handicapées parce qu’elles associent une démarche traditionnelle de formation et l’expérience professionnelle en entreprise. C’est en général, selon les rapports de l’AGEFIPH, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, un facteur de réussite. Plus de 50 % des personnes sont en emploi au bout de six mois et majoritairement en CDI ! Donc, ce dispositif fonctionne, il faut continuer à travailler en ce sens.
Toutefois, mes chers collègues, l’enjeu de la formation professionnelle des travailleurs handicapés est fondamental. Il était d’ailleurs l’une des priorités du comité interministériel du handicap.
En juillet aura lieu la troisième conférence sociale. L’emploi des personnes handicapées constituera l’un des thèmes majeurs de la prochaine conférence nationale qui se déroulera en fin d’année. Nous espérons, monsieur le ministre, que le Gouvernement fixera des orientations permettant de concourir efficacement au renforcement de la qualification des personnes en situation de handicap. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues – je note la forte présence des représentants du groupe écologiste ! –, je vais reprendre un certain nombre de propos que j’ai déjà eu l’occasion de prononcer il y a quelque temps.
Les ministres changent, monsieur le ministre, mais les discours optimistes sur l’évolution de la courbe du chômage demeurent.
M. Jean Desessard rit.
En reprenant les déclarations de votre prédécesseur et les vôtres, il est néanmoins possible de percevoir une certaine inflexion puisque M. Sapin voyait la courbe s’inverser à la fin de 2014, puis à la fin de 2015, alors que, plus prudent, vous retenez simplement un terme qualifié de « prochain ». Je retrouve bien là votre sagesse sénatoriale.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, sourit.
En revanche, le Président de la République est constant dans ses affirmations concernant la formation des demandeurs d’emploi, depuis son intervention du 9 juillet 2012 pour l’ouverture de la grande conférence sociale, où, disait-il, « nous devons rendre notre système de formation professionnelle plus lisible et davantage accessible aux demandeurs d’emploi… », jusqu’à son propos du 28 avril 2014, dans lequel il faisait état de moyens exceptionnels dégagés pour les demandeurs d’emploi.
Alors, cher collègue Desessard, devant une telle constance dans l’optimisme sur l’inversion de la courbe du chômage, on pourrait penser que votre question était un peu superflue, voire décalée, surtout, Mme Archimbaud l’a rappelé, après l’adoption par le Sénat il y a quelque temps de cette fameuse loi sur la formation professionnelle qui devait résoudre l’essentiel des problèmes. Donc, trois mois après avoir discuté de cette formation professionnelle, surtout pour les demandeurs d’emploi, il semble surprenant qu’un sénateur repose le même problème devant la Haute Assemblée. En fait, tout au moins pour ce qui me concerne et ce qui concerne le groupe UMP, votre question, cher collègue, nous semble parfaitement fondée et tout à fait d’actualité.
En effet, ainsi que je l’avais exprimé devant M. Sapin, comme sur de nombreux textes – j’en citerai certains que j’avais déjà retenus à ce moment-là, les emplois d’avenir, le compte de pénibilité, les contrats de génération –, textes souvent adoptés suivant la procédure d’urgence, sans véritable évaluation, avec une concertation réduite à sa plus simple expression, je crains que, pour ce qui concerne la formation et l’accompagnement des demandeurs d’emploi, devant l’urgence de ce problème, le Gouvernement ne doive, dans un proche avenir, revoir sa copie.
Je me permettrai simplement, sans être exhaustif, de rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle, le groupe UMP avait multiplié les avertissements et les propositions en déposant de nombreux amendements, en vue d’améliorer les conditions de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. Je reviendrai sur les principaux d’entre eux.
D’abord, nous avions à l’époque souligné l’insuffisance des fonds dédiés dans ce texte à la formation des demandeurs d’emploi. Si les 600 millions d’euros ont été portés à 900 millions d’euros au travers du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, on sait toutefois qu’en corollaire la baisse de la cotisation pour la formation professionnelle va priver les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, qui abondaient précisément ce FPSPP, d’une partie de leurs ressources. Dans ces conditions, il risque d’être difficile d’alimenter ces fonds dédiés aux demandeurs d’emploi.
Nous avions aussi proposé par voie d’amendement de porter de 150 à 250 heures le fameux compte personnel de formation, le CPF, pour les demandeurs d’emploi. Cet amendement a été refusé, le ministre nous ayant expliqué qu’au-delà de 150 heures la règle générale s’appliquait et qu’il était donc possible d’abonder le CPF au-delà de 150 heures.
Mais quand on sait que ce possible abondement trouverait sa source éventuelle auprès des régions, de Pôle emploi et des entreprises, que ces trois « structures, » pour les appeler ainsi, ont des difficultés financières et des budgets extrêmement contraints, pour des raisons diverses les unes et les autres, on peut craindre que cette possibilité d’abondement ne soit réduite à sa plus simple expression. À cette observation, M. Sapin avait alors répondu que la remarque pouvait évidemment être reçue, mais qu’il se fondait en fait sur un pari. Il est tout de même un peu gênant de se fonder sur un pari quand il s’agit de formation des demandeurs d’emploi !
Ensuite, nous avions demandé une simplification concernant les trois listes de formations qualifiantes. Ces listes, qui ont des origines différentes – État, Pôle emploi, région –, qui se croisent, se superposent, représentent un parcours du combattant pour un demandeur d’emploi – parfois un peu démuni, redoutant les refus, qui lui sont d'ailleurs souvent opposés – à la recherche de formations. Nous avions souhaité qu’elles soient réduites à deux, voire à une liste unique à l’échelon national de matière à simplifier l’approche. Amendement refusé !
Nous avions aussi, sur l’initiative de Jean-Claude Carle, proposé un amendement permettant qu’une formation socle des connaissances soit jumelée avec une formation qualifiante. Cela paraissait la moindre des choses puisqu’on sait qu’un des principaux freins à la reprise d’activité par des demandeurs d’emploi en précarité est bien souvent l’absence des savoirs de base : lecture, écriture, expression. On se rend compte que, dans le cadre d’une formation qualifiante qui peut aboutir à un métier, le demandeur d’emploi à qui on redonne ces savoirs de base reprend confiance en lui et voit ainsi augmenter ses chances de déboucher sur un emploi. Cet amendement, qui était de sagesse, a été repoussé.
J’ajouterai, comme Mme Archimbaud l’a souligné à propos des personnes handicapées, que l’apprentissage – même si M. Sapin affirme le contraire – a bien été sacrifié comme variable d’ajustement financière. Nous avons les plus grandes craintes quant au développement de l’apprentissage dans la mesure où, aux termes de cette loi sur la formation, le désengagement de l’État s’est traduit par le transfert de la compétence de la quasi-totalité de l’apprentissage aux régions, auquel s’est ajoutée la suppression des exonérations de charges sociales dont certaines entreprises bénéficiaient auparavant.
Cela fait beaucoup. Je rappelle que nous avions formulé toutes ces propositions lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle. Je suis persuadé que, si certaines d’entre elles avaient été adoptées, un petit plus aurait pu être constaté pour cette catégorie de demandeurs d’emploi.
Et puis il y a l’actualité plus récente.
J’évoquerai le conflit qui oppose l’État et les chambres de commerce et d’industrie – CCI –, sur fond de désengagement financier une fois de plus.
Je pense que les CCI ont écrit à la plupart des parlementaires dans le cadre du « bras de fer » qui les oppose à l’État pour signaler que, si le Gouvernement allait jusqu’au bout de sa résolution concernant les CCI, elles pourraient être contraintes de fermer un certain nombre de CFA, de réduire, sur trois ans, le nombre d’apprentis de 100 000 à 70 000, et surtout d’arrêter des actions de formation en direction des demandeurs d’emploi et des salariés en reconversion.
Et puis il y a la réforme des collectivités territoriales, dont nous avons d'ailleurs parlé cet après-midi dans le cadre des questions cribles.
Nous avons tous compris que cette réforme, dont on commence à deviner les contours, qui sera débattue au Sénat au début du mois de juillet, aboutirait à l’émergence de régions découpées sans cohérence – c’est un jugement personnel mais que partagent beaucoup de mes collègues. Ces collectivités, pour certaines tentaculaires – je me ferai quand même plaisir en citant la région Centre, qui sera la plus grande région de France si nous allons jusqu’au bout de cette réforme –, seront les seules compétentes en matière de formation professionnelle et d’apprentissage.
D’abord, il faudra gérer cette transition brutale ; ensuite, tout le monde le sait, M. Desessard l’a souligné, pour être efficace dans un domaine aussi sensible, il faut des actions de proximité, des actions d’accompagnement, d’autant plus simples à mettre en place que la circonscription territoriale est restreinte. Je crains que l’émergence de ces super-régions, sans relais en matière de formation et sans relais locaux, n’aboutisse à de véritables usines à gaz – expression que j’emploie beaucoup mais qui dit bien ce qu’elle veut dire ! – et n’éloigne encore plus les demandeurs d’emplois de la formation continue dont ils ont besoin.
Je ferai un autre commentaire, qui est aussi un corollaire des propos que je viens de tenir. Tout le monde reconnaît – et je plaide coupable puisque c’est l’ancienne majorité qui avait introduit ce dispositif – l’échec évident du revenu de solidarité active, le RSA, et plus précisément du RSA activité.
Des analyses récentes démontrent que 70 % des personnes éligibles au RSA activité ne sollicitent pas la prestation et qu’un très faible pourcentage des bénéficiaires du RSA socle a retrouvé un emploi en passant par le RSA activité. C’est quand même la traduction d’un échec.
Comment cela s’explique-t-il ?
Pourtant, l’intention était bonne. Avantager financièrement ceux qui décident de reprendre un emploi était un objectif tout à fait louable et souhaitable. Mais une fois de plus, les conseils généraux ont été contraints d’appliquer la procédure administrative. Les complications et les obstacles administratifs à l’instruction des dossiers étaient tels que beaucoup ont finalement renoncé à instruire ces dossiers.
En fait, cela n’a jamais vraiment été efficace, d’autant que les effets de seuils, dont on connaît la perversité, ont pu jouer. Dès lors qu’on dépasse un certain plafond, on perd un certain nombre d’avantages indirects, on le sait bien. Beaucoup disent, après avoir fait leurs calculs, additionné les plus et les moins, que in fine, même s’ils y gagnent un petit peu financièrement, il vaut mieux rester chez soi. Il n’y a pas de véritable incitation à la recherche d’emploi. Il faut donc revoir le problème.
D’autant que, parallèlement, on se rend compte que la prime pour l’emploi, qui continue de produire ses effets, n’a pas atteint véritablement son but.
Vous savez tous comment elle est distribuée : elle prend la forme d’un avoir fiscal. Habitant en face d’une recette perception, au moment du versement de la PPE, je vois arriver beaucoup de ses bénéficiaires munis de la lettre leur permettant de récupérer leur chèque. Le versement s’effectue sans contrepartie ; il n’y a pas de sensibilisation, un effet quasi mécanique s’attache à la perception de cette prime pour l’emploi, qui est à la limite d’un effet d’aubaine.
Il me paraît donc fondamental d’engager une réflexion sur la pertinence du maintien du RSA activité et de la prime pour l’emploi : si l’on récupérait une partie des fonds qui sont dédiés à ces deux politiques, on pourrait bâtir un dispositif cohérent, qui donnerait réellement des avantages financiers aux demandeurs d’emplois qui sont en recherche de formation.
Sur ces deux points, de nombreuses personnes sont d’accord avec moi, mais elles le disent tout bas. À un moment, il faut tout de même provoquer un déclic pour que certains aient le courage de dire qu’il convient d’arrêter. Majorité et opposition pourraient travailler ensemble, puisque nous en sommes les instigateurs, afin de faire avancer le dossier dans ce sens.
J’en ai fini avec ce qui n’est pas vraiment un réquisitoire, mais plutôt des observations. Avant de conclure, je vous ferai simplement observer, mes chers collègues, qu’il me reste treize minutes de temps de parole, que je n’utiliserai pas. J’avais sciemment fait laisser sur le dérouleur de séance les vingt-sept minutes initialement accordées au groupe UMP parce que je voulais faire à mes collègues qui avaient fait l’effort d’être présents aujourd'hui pour ce débat une bonne surprise : celle de gagner près d’un quart d’heure pour partir plus tôt et, surtout, ne pas être confrontés aux difficultés de circulation résultant des grèves ! §
Pour conclure, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, j’estime – et je pense que mon groupe est du même avis – que la question posée par M. Desessard est justifiée. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur certaines de vos préconisations, monsieur Desessard, mais, sur le fond, votre question, au moment où vous la posez, est tout à fait pertinente. Aussi, j’y reviendrai, j’espère que votre sagesse sénatoriale, monsieur le ministre, vous conduira à retenir quelques-unes des orientations que j’ai eu la modestie de vous exposer, afin que nous puissions avancer en la matière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en février dernier, le Gouvernement nous proposait d’examiner un projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. L’objectif principal de la réforme était justement de mieux cibler les financements de la formation professionnelle sur ceux qui en ont le plus besoin.
Aujourd’hui, le groupe écologiste, en particulier notre collègue Jean Desessard, vous interroge, monsieur le ministre, sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi. Le simple fait de poser cette question prouve, s’il en était besoin, que les interrogations et inquiétudes exprimées à l’occasion des débats qui ont eu lieu au début de l’année n’ont pas été levées.
Nous-mêmes n’avons cessé de répéter lors de l’examen de cette supposée grande réforme qu’elle n’allait en rien améliorer la situation des travailleurs peu qualifiés et des demandeurs d’emploi au regard de la formation professionnelle.
Alors que 32 milliards d’euros sont investis chaque année et nonobstant le fait que les grandes entreprises consacrent le double de leurs obligations légales à la formation professionnelle, les résultats sont malheureusement assez faibles pour les salariés les moins qualifiés.
Qu’en est-il de l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi ?
Pour répondre à cette problématique, le texte prévoyait de réduire de 70 % l’obligation de financement des plans de formation et d’augmenter de 0, 1 point la mutualisation des fonds, en la portant de 0, 8 % à 0, 9 %. On traitait donc le problème d’un point de vue financier plutôt que de porter une attention plus particulière sur l’offre de formation.
Le texte ne comportait d’ailleurs aucune disposition relative au contrôle et à la certification des organismes de formation. À ce sujet, nombre d’entre nous se souviennent d’un reportage réalisé par le magazine télévisé Cash Investigation, qui montrait à juste titre l’insuffisance des contrôles. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d’amendements avaient été déposés, mais ils n’ont malheureusement pas été retenus.
Aussi, mes chers collègues, des formations existent, mais certains – trop ! – profitent de ce système, au détriment de l’objectif premier de la formation professionnelle. C’est pourquoi nous avions défendu un amendement visant à proscrire le phénomène des formations fantaisistes ou approximatives, amendement qui répondait à deux difficultés.
D’une part, le foisonnement des organismes prestataires : il y en aurait près de 60 000 en France, contre 4 000 chez nos voisins allemands.
Ce nombre important résulte des conditions initialement mises en place. En effet, depuis 1971, on considère que le jeu de marché suffirait à réguler l’offre de formation. Aussi, une simple déclaration, un simple enregistrement suffirait. Cette théorie ne résiste pas à l’épreuve des faits, comme l’ont démontré les différents rapports. Par ailleurs, la répartition de l’offre de formation n’est pas équitable, puisque 1 % des organismes prestataires cumulent 44 % du chiffre d’affaires.
D’autre part, la qualité des formations pose problème. Les services de l’État ont pu identifier des situations de conflit d’intérêts entre les organismes prestataires et les financeurs, dont les chefs d’entreprise. Cette dérive de la formation professionnelle résulte du manque de régulation provenant d’un encadrement juridique trop approximatif. De surcroît, aucune certification n’a réellement été mise en place, et les systèmes de labellisation ou de certification pullulent.
L’amendement présenté par le groupe UDI-UC avait été adopté, mais il a été supprimé par la commission mixte paritaire, laquelle a argué du fait que l’un des articles du texte, l’article 3 bis A, mettait en place un contrôle des organismes de formation. Nous estimons que cette disposition est insuffisante.
En effet, cet article a une portée beaucoup plus réduite que le dispositif prévu dans notre amendement, et nous le regrettons. Ce dernier aurait eu pour conséquence de supprimer les formations que j’évoquais à l’instant ; nous aurions pu également améliorer la qualité de l’offre de formation. Cela aurait constitué une première étape, en vue de mettre l’offre davantage en adéquation avec les besoins.
Par ailleurs, il est important de sortir de la logique des années passées qui laissait la formation professionnelle à la seule initiative des partenaires sociaux. À l’époque, le chômage constituait un phénomène plutôt marginal. Aujourd’hui, son taux est tel que la question de la formation professionnelle relève de l’intérêt général et, donc, du législateur.
Le constat que nous faisons de la déficience du système est corroboré par les travaux de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, dans lesquels elle précise que la formation professionnelle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les personnes sans qualification ou les moins qualifiées, ainsi que les demandeurs d’emploi. Le texte que nous avons examiné en début d’année ne concernait ces publics que de façon tout à fait marginale.
Le compte personnel de formation ne bénéficiera que très partiellement aux publics qui en ont le plus besoin. Pour avoir un véritable effet sur ces personnes, la réforme aurait dû prévoir l’abondement du compte personnel de formation de manière inversement proportionnelle au niveau de qualification initiale des personnes. Il aurait même fallu le surabonder pour les personnes en situation de chômage de longue durée. De même, il aurait fallu quasiment doubler les crédits octroyés au congé individuel de formation, qui est identifié dans de nombreux rapports comme le système le plus efficace pour les demandeurs d’emploi.
C'est pourquoi nous avions déposé une série d’amendements issus du rapport de l’IGAS, mais ils n’ont malheureusement pas été adoptés.
La gouvernance de la formation professionnelle pose également problème.
À l’occasion des débats de février dernier, notre collègue Chantal Jouanno avait attiré l’attention du Gouvernement sur ce point. En effet, nous sommes très attachés à la décentralisation et, en particulier, au principe de responsabilisation des régions. L’un de nos amendements avait été adopté : il visait à confier à la région la mission d’évaluer systématiquement l’efficacité des formations mises en œuvre par ses services sur la base d’une grille de critères nationaux harmonisés, grille définie par décret en Conseil d’État et destinée à effectuer une consolidation à l’échelon national des résultats régionaux.
Monsieur le ministre, au vu de l’actualité récente, nous aimerions connaître les réflexions que la nouvelle carte des régions vous inspire. Un nombre réduit de régions s’accompagnera-t-il d’une redistribution des compétences ? La gouvernance pleine et entière de la formation professionnelle pourrait-elle leur être attribuée, en s’appuyant, bien évidemment, sur les partenaires sociaux au moment de l’élaboration et de l’évaluation des plans et programmes de formation ? C’est, d’ailleurs, ce que vient de demander Jean-Noël Cardoux à l’instant.
Par ailleurs, une région aussi étendue et diverse que celle qui regrouperait les actuelles régions Centre, Poitou-Charentes et Limousin pourra-t-elle définir une stratégie de formation professionnelle cohérente ?
Je crains, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la réforme de la formation professionnelle n’ait pas permis de traiter en profondeur le problème de l’adéquation entre l’offre de formation et le besoin des demandeurs d’emploi, qui constitue pourtant le sujet central.
Nous aurions souhaité que l’on donne davantage de pouvoir et de faculté d’initiative au législateur sur ces différents sujets. Au sein de notre groupe, nous considérons la formation professionnelle comme une « seconde chance ». Or les enjeux essentiels résident aujourd’hui dans la correction des inégalités de formation, notamment de formation initiale, et dans la lutte contre le risque de relégation lié au chômage de masse et de longue durée. À nos yeux, le législateur doit bien sûr s’impliquer davantage. Ces questions ont été insuffisamment traitées, et nous le regrettons.
En conclusion, nous estimons que la réforme précédente n’est pas allée assez loin. Comme l’a dit Jean-Noël Cardoux, il serait peut-être opportun de profiter du débat sur la réforme territoriale et dans le cadre de la révision des délégations de compétence pour aller plus loin et apporter des modifications substantielles à ce texte relatif à la formation. La nouvelle carte des régions apportera de fortes modifications, et l’État devra lui aussi se modifier. L’examen des textes sur la réforme des collectivités territoriales, au mois de juillet ou d’octobre prochain, pourrait être l’occasion de revoir ces sujets et compléter le texte qui a été discuté en début d’année.
M. Jean-Noël Cardoux applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec patent de l’inversion de la courbe du chômage et au regard des prévisions économiques, tout nous porte à croire que la situation n’est pas prête de s’améliorer. Le taux de chômage, avec 9, 7 %, atteint des proportions considérables. Toutes catégories confondues, la France métropolitaine compte aujourd’hui plus de 5 millions de demandeurs d’emploi.
Pour entrer dans le détail, les moins de vingt-cinq ans sont toujours les premières victimes du chômage, avec un taux de 23 %, malgré la mise en œuvre des emplois d’avenir et des contrats de génération. De l’autre côté du « marché du travail », qui s’apparente plus que jamais à une essoreuse, se trouvent les salariés de plus de cinquante ans. Mais, plus généralement, ce sont les plus précaires et les plus éloignés de l’emploi qui sont le plus touchés par le chômage.
Il faut d’ailleurs se demander pourquoi tant de contrats aidés à destination de ces publics jeunes ou précaires ne mènent pas à de l’emploi durable. Ces contrats précaires sont-ils suffisamment conditionnés à des exigences de formation ? C’est une question de fond, car les salariés les plus soumis aux aléas économiques et au chômage sont d’abord et avant tout les précaires.
Ces éléments me permettent une affirmation que nous serons certainement nombreux à formuler : le haut niveau de formation, initiale et continue, des salariés constitue le meilleur bouclier face au chômage. Soit il permet de ne pas subir une perte d’emploi, notamment en anticipant un certain nombre de mutations économiques, soit il facilite le retour à l’emploi des salariés qui en sont temporairement privés. Indiscutablement, la formation constitue un important levier contre le chômage.
Certes, comme l’indique l’intitulé de la question posée par notre collègue Jean Desessard, il y aurait un problème d’adéquation des formations des demandeurs d’emploi à leur recherche de travail ou aux emplois dits « en tension » – 400 000, dit-on, ne seraient pas pourvus. Cela est à vérifier, mais surtout à relativiser. Il faut également souligner la nature même de certains emplois, sous-payés, peu qualifiés et, donc, peu attractifs.
Par ailleurs, comme nous l’avions déjà dénoncé, le compte personnel de formation, qui se substitue au droit individuel à la formation, repose sur une même logique assurantielle selon laquelle les droits qui peuvent être cumulés par les salariés sont en rapport avec leur temps de travail effectif.
En clair, les salariés à temps partiel sont soumis à la règle dite du prorata temporis, selon laquelle un salarié qui travaille « à mi-temps » toute l’année accumule deux fois moins de droits à la formation qu’un salarié à temps complet. Pourtant, les salariés à contrats précaires sont précisément ceux qui risquent le plus facilement de basculer dans le chômage, et qui, par conséquent, auraient besoin de davantage de formation.
Cette règle de la proratisation des droits à la formation professionnelle contribue donc à éloigner les plus précaires de la formation professionnelle, alors même qu’ils en ont sans doute le plus besoin. Les chiffres pour l’année 2012 sont significatifs : 66 % des diplômés à bac+2 ont suivi au moins une formation dans l’année, contre 25 % des personnes sans diplôme. Ce sont les cadres qui accèdent le plus à la formation.
Quant aux salariés privés d’emplois, ils sont peu nombreux à accéder à la formation professionnelle, alors même qu’elle constitue pour eux une chance réelle de quitter la spirale du chômage.
Bien entendu, la création du compte personnel de formation et la transférabilité partielle des droits acquis durant la carrière professionnelle participent à renforcer les capacités d’accès des salariés privés d’emploi à la formation.
Mais les délais d’entrée dans une formation sont unanimement considérés comme trop longs : sept mois en moyenne. De tels délais contribuent à fragiliser l’entrée des salariés privés d’emploi dans une formation.
Certains demandeurs d’emploi proches de l’expiration de leurs droits à indemnisation renoncent à s’engager dans un projet de formation qui ne serait plus indemnisé par Pôle emploi.
En réalité, la faiblesse des fonds dédiés à la formation professionnelle des salariés privés d’emploi, qui atteint 900 millions d’euros seulement – malgré une progression de 300 millions d’euros – ne devrait pas permettre d’inverser une situation où seulement 12 % des fonds de la formation professionnelle bénéficient aujourd’hui aux demandeurs d’emploi.
À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, lorsque l’on interroge les salariés privés d’emploi sur les raisons de leur renoncement à la formation professionnelle, 20 % d’entre eux estiment que la première barrière est le coût de ces formations.
Par ailleurs, les salariés privés d’emploi les moins formés ou les plus éloignés de l’emploi souffrent d’un manque de prérequis, qui complique leur formation, pour ne pas dire l’accès à la formation elle-même.
D’après un rapport de l’IGAS, « la complexité du parcours d’entrée en formation est telle qu’elle opère d’ores et déjà une sélection en faveur des plus qualifiés. Lors de l’élaboration de son projet de formation, le demandeur d’emploi peut bénéficier de l’assistance du service public de l’emploi, qui n’a cependant pas toujours les ressources nécessaires pour le conseiller adéquatement ».
Se pose donc la question légitime de l’accompagnement des salariés privés d’emplois et singulièrement des moyens financiers et humains consacrés à cet accompagnement, qui font aujourd’hui cruellement défaut à Pôle emploi.
Tout cela me conduit, monsieur le ministre, à vous interroger sur les observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 consacré aux politiques en faveur du marché du travail. La Cour « déplore la détérioration du ciblage des dispositifs réservés aux demandeurs d’emploi depuis le début de la crise de 2008 ». Les sages de la rue Cambon mettent en évidence que les contrats aidés et les dispositifs de reclassement, tels les contrats de transition professionnelle, ne bénéficient pas aux moins qualifiés et que les bénéficiaires des contrats de professionnalisation sont déjà diplômés. En particulier, pour reprendre les termes du rapport, « le remplacement en 2011 des conventions de reclassement professionnel, les CRP, et des contrats de transition professionnelle, les CTP, par le contrat de sécurisation professionnelle, le CSP, […] ne s’accompagne que de progrès modestes en termes de ciblage. Ainsi, le nouveau contrat demeure limité aux licenciés économiques. » Ces observations conduisent la Cour à formuler le constat suivant : « Compte tenu de la diversité des formes de rupture de contrats liées aux mutations économiques, c’est donc toujours un statut juridique qui reste le critère d’accès au contrat de sécurisation professionnelle et non une appréciation de la distance à l’emploi des bénéficiaires. »
Souhaitant renforcer la logique du compte personnel de formation, nous soutenons au contraire, pour notre part, l’idée que la transférabilité des droits doit être totale, et ce quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, y compris en cas de démission.
Par ailleurs, vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC nourrissent avec d’autres, des syndicalistes ou des économistes, le projet de création d’une sécurité sociale professionnelle, qui agirait simultanément sur deux leviers : la sécurisation de l’emploi et le renforcement du droit effectif à la formation initiale et professionnelle.
Nous militons donc pour un renforcement sans précédent des fonds dédiés à la formation professionnelle, à l’inverse de ce qui est prévu dans la dernière loi relative à la formation professionnelle, qui a supprimé partiellement l’obligation légale de financement qui pesait jusqu’alors sur les employeurs.
Aussi, dans l’attente d’une nouvelle stratégie, nous soutenons l’idée qu’il faut encore grandement améliorer la portabilité des droits pour les demandeurs d’emploi, en permettant notamment à ceux qui le souhaitent et qui remplissent les conditions d’obtention, lors de la rupture de leur contrat de travail, d’un compte personnel de formation de mobiliser leurs droits pour financer une formation ou compléter le financement d’une formation. Une telle mesure, monsieur le ministre, aurait pu ou plutôt aurait dû figurer au sein de l’accord sur l’assurance chômage.
En conclusion, puisque tout le monde, à gauche comme à droite, s’accorde à dire que notre régime d’indemnisation du chômage a joué son rôle d’amortisseur social lors de la crise financière de 2008–2009, c’est bien une politique beaucoup plus volontariste qu’il faudrait mettre en œuvre pour promouvoir la formation des demandeurs d’emplois. Puisse ce débat, que nous devons à M. Desessard en particulier, aider le Gouvernement à s’engager dans cette voie.
M. Jean Desessard applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelons-nous que la formation professionnelle figure parmi les principes politiques, économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps » énoncés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ce préalable, tout comme le contexte de crise et de mutation dans lequel nous nous trouvons, renforce l’importance et la pertinence de l’interrogation posée ici. Aussi, je tiens à remercier son auteur, notre collègue Jean Desessard, de son initiative.
Chacun le sait, depuis deux décennies, la mondialisation des échanges tout comme la contraction du temps et des distances ont métamorphosé notre économie. Ce bouleversement de paradigme a considérablement modifié l’environnement des entreprises et des salariés. Chaque partie, à la fois en lien et distinctement, doit faire face aux mutations économiques, technologiques, organisationnelles et sociétales. Ces changements, du fait de leur ampleur et de leur complexité, ont engendré des défis nouveaux à relever. Dans ce contexte, la formation professionnelle est mécaniquement devenue une dimension essentielle, dans laquelle entreprises comme salariés doivent s’inscrire. À défaut, l’obsolescence des connaissances, du savoir et des savoir-faire pénalisera durablement l’entreprise et ses salariés.
Si la formation professionnelle est devenue une dimension essentielle et stratégique pour toutes les entreprises, gageons qu’elle l’est tout autant, voire plus encore, pour les demandeurs d’emploi. Ainsi, l’article L. 6111–1 du code du travail en fait une « obligation nationale », qui vise à « permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ».
Nombreux sont les rapports qui, depuis des années, mettent en exergue le lien organique entre formation professionnelle et accès à l’emploi ou maintien dans l’emploi. Ainsi, celui de notre collègue Claude Jeannerot sur la loi du 5 mars 2014 mettait en exergue toute l’importance que revêt la formation professionnelle dans la stratégie de retour à l’emploi.
Certes, le développement de la recherche économique sur la formation démontre qu’elle « n’est pas le remède miracle à tous les problèmes du marché du travail ». Néanmoins, la DARES, la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, observe, toutes choses égales par ailleurs, que les demandeurs d’emploi ayant suivi des formations dans des domaines professionnels précis ou pour se perfectionner dans leur métier retrouvent plus rapidement que les autres un emploi après leur formation. La formation professionnelle reste bien un outil incontournable de sécurisation des parcours professionnels.
Néanmoins, force est de constater que si la formation des demandeurs d’emploi est depuis longtemps affichée par l’ensemble des acteurs comme une priorité, la part qui leur est dédiée n’a pas été à la hauteur des besoins. Ainsi, en janvier 2013, la Cour des comptes notait dans un rapport consacré au marché du travail que « les financements destinés à la formation des demandeurs d’emploi représentaient, en 2010, 13 % du total de la dépense de formation professionnelle continue. […] sa part dans les dépenses totales de formation professionnelle a reculé depuis le début des années 2000, les sommes correspondantes étant restées quasiment stables en valeur absolue entre 2001 et 2009 ». Quant à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, elle précisait au mois de septembre dernier que les chômeurs bénéficiaient peu de l’accès à la formation. Plus précisément, alors que, entre décembre 2005 et décembre 2011, le nombre de chômeurs a augmenté de 19, 7 %, les entrées en formation de ces derniers ont, quant à elles, diminué de 8, 67 %.
Une telle logique, en complet décalage avec les besoins de nos concitoyens et de nos entreprises, a été rompue par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, notamment avec le vote au mois de février dernier de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Comme le disait l’auteur de la présente question orale avec débat lors de son explication de vote sur ce projet de loi, « ce texte comporte des avancées très positives, fruits d’un travail de plusieurs années : la création du compte personnel de formation – CPF –, l’affirmation du rôle de la région [...] ».
En effet, les avancées sont tout à fait remarquables. Il en va ainsi du CPF, désormais attaché à la personne et non plus au statut professionnel, de l’instauration d’un service public régional de formation, ainsi que d’un Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles et sa déclinaison au niveau régional, ce qui permet de remplacer un certain nombre de dispositifs pour le moins épars et d’être au plus près du terrain.
Au-delà de ces progrès se posent deux questions cruciales. La première a trait aux moyens dévolus à la formation professionnelle et la seconde, à la nature de l’offre. En mars 2013, le Président de la République annonçait une réforme de la formation professionnelle afin de permettre « qu’un chômeur sur deux se voie proposer une formation dans un délai de deux mois ». Par ailleurs, lors de la grande conférence sociale de juin 2013, il évoquait également 30 000 formations prioritaires destinées aux demandeurs d’emploi et correspondant à des emplois vacants.
L’État, les régions, les partenaires sociaux et le Fonds social européen ont été mis à contribution à hauteur de 185 millions d’euros pour financer ce plan d’urgence. En outre, rappelons que, dans le cadre de la loi de finances pour 2014, le Gouvernement s’est résolument engagé dans la voie de l’accroissement du nombre des personnels de Pôle emploi, la subvention accordée à cet organisme s’élevant à 1, 537 milliard d’euros, soit 70 millions d’euros de plus qu’en 2013. Une telle hausse traduit la décision prise en juillet 2012 de renforcer les moyens de Pôle emploi par 2 000 CDI, soit un effort financier de l’État de 12, 7 millions d’euros en 2012, et de 107 millions d’euros en 2013. S’ajoute une seconde vague de 2 000 équivalents temps plein supplémentaires à compter de septembre 2013, dont le financement est le fait de l’État pour deux tiers et de Pôle emploi pour un tiers. L’effort et la détermination sont donc bien présents.
L’effort ne peut pas être uniquement budgétaire, il doit être aussi qualitatif. Or la nature de la formation dépend du profil du demandeur d’emploi, de sa distance à l’emploi, de ses besoins en termes de compétences et de son projet personnel. Elle s’inscrit aussi dans l’objectif de renforcer l’autonomie des personnes dans leur recherche d’une meilleure sécurisation de leur parcours professionnel, de leur autonomie et, donc, de leur liberté.
Ainsi, si la distance à l’emploi est élevée, il paraît pertinent de viser l’acquisition de compétences transverses et générales avant celle de compétences plus techniques.
Dans cette stratégie, si la loi relative à la formation professionnelle a permis de simplifier le parcours institutionnel d’accès à la formation, force est de constater que les efforts doivent être soutenus pour que les personnes puissent facilement y accéder. À cet égard, l’IGAS a proposé la mise en place d’espaces personnels sur le site de Pôle emploi, afin que les démarches soient effectuées de matière dématérialisée et que l’accès aux formations soit visible en temps réel.
De même, des efforts doivent être effectués afin de permettre la prise en compte de la diversité des modalités de formation et ne pas privilégier quasiment exclusivement les formations en groupe et en salle. Il est nécessaire de favoriser les innovations telles que l’enseignement en situation de travail ou à distance. Il en va de même pour le travail en réseau des organismes de formation, qui permet de développer la modularité des formations tout au long de l’année, ou le développement des validations intermédiaires ou partielles des formations qualifiantes ou diplômantes, afin de faciliter l’individualisation des parcours. Le champ des innovations permettant de répondre le plus précisément possible aux besoins des demandeurs d’emploi en matière de formation est vaste, et la mise en œuvre des contrôles des organismes de formation permettra sans doute de renforcer cette indispensable dynamique.
Enfin, dans une société en pleine mutation frappée par le chômage de masse, alors que « 60 % des meilleurs métiers des dix années à venir n’ont pas encore été inventés », la formation doit s’inscrire dans une logique d’anticipation. Elle doit être un levier puissant, permettant de préparer les emplois de demain. Je pense à la transition énergétique et à la transition démographique, qui engendreront nécessairement de nouveaux métiers.
Je connais, monsieur le ministre, votre détermination à combattre le chômage. Lors de votre récent discours du 28 avril dernier, vous avez avec raison insisté sur le rôle de Pôle emploi, en souhaitant notamment améliorer la qualité du service rendu aux demandeurs d’emploi et aux entreprises, via notamment une offre modernisée et personnalisée, une concentration des efforts sur ceux qui en ont le plus besoin et une prise en compte des difficultés sociales rencontrées par les ayants droit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique particulièrement dégradé, où le chômage ne cesse de progresser, la question de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi est d’une grande importance.
Pendant très longtemps, notre système de formation professionnelle, qui, je le rappelle, datait de 1971, s’est révélé insuffisant. Dans de très nombreux rapports, avait été mise en exergue la nécessité d’une profonde refonte du dispositif. Je pense au rapport d’un ancien sénateur du groupe du RDSE, Bernard Seillier, qui, en 2007, dressait déjà le tableau pessimiste d’un système marqué par la complexité, le cloisonnement et les corporatismes, les trois maux de la formation professionnelle en France. Je pense évidemment aussi au rapport de M. Gérard Larcher.
S’agissant plus particulièrement de la formation des demandeurs d’emploi, il est impossible de ne pas évoquer ici le rapport extrêmement critique de l’Inspection générale des affaires sociales d’août 2013. Le constat est effrayant : malgré un financement considérable, le système profite principalement aux salariés qui en ont finalement le moins besoin. Les autres sont laissés sur le « bord de la route ». Sur les 32 milliards d’euros affectés à la formation professionnelle, seuls près de 4 milliards sont dirigés vers les chômeurs, soit environ 12, 5 % de l’ensemble des sommes allouées, ce qui est pour le moins paradoxal !
Pourtant, et je l’ai déjà dit dans cet hémicycle, le développement des compétences et des qualifications doit être considéré comme un outil majeur de l’accès et du retour à l’emploi des personnes et de la compétitivité des entreprises. Le potentiel humain est la principale richesse de nos entreprises et le valoriser en fait un véritable moteur de la croissance.
Depuis très longtemps, la formation des chômeurs est un échec. Acquérir de nouvelles compétences quand on est au chômage relève bien souvent du parcours du combattant : il faut réaliser un bilan de compétences, construire un budget professionnel, trouver la formation adéquate, identifier un prestataire puis, enfin, trouver le financement.
Aussi, je ne peux que me féliciter de la loi que nous avons adoptée, ici même, voilà quelques mois. Parce que seulement 20 % des chômeurs – contre 57 % des cadres – ont accès à une formation, le texte que nous avons voté était indispensable. Il fallait une réforme globale qui place la personne au cœur du dispositif ; il fallait rendre la formation plus accessible aux demandeurs d’emploi, pour leur permettre d’apprendre un nouveau métier et de développer des compétences nouvelles. C’est chose faite ! Désormais, chacun disposera, tout au long de sa vie active, d’un compte personnel de formation attaché à la personne et non plus au contrat de travail et sur lequel il accumulera des droits à la formation. Par ailleurs, les fonds consacrés à la formation des chômeurs passeront de 600 millions à 900 millions d’euros, soit une augmentation de 50 %.
Si la loi du 5 mars dernier offre aux demandeurs d’emploi les outils nécessaires pour accéder à une formation, il n’en reste pas moins que « la France souffre d’une inadéquation entre les compétences disponibles sur le marché du travail et les besoins nécessaires à la relance de son économie ». Ainsi, en 2013, 40 % des employeurs connaissaient des difficultés de recrutement et environ 500 000 offres n’ont toujours pas trouvé preneur. Selon une étude du cabinet McKinsey de mars 2012, cette inadéquation produirait, à l’horizon 2020, 2, 3 millions d’actifs n’ayant pas les qualifications nécessaires alors que 2, 2 millions d’emplois seront non pourvus faute de compétences disponibles, avec un risque élevé que cette pénurie n’entraîne une délocalisation des activités concernées. La grande majorité des employeurs qui rencontrent des difficultés d’embauche se trouve en fait confrontée à des candidats au profil inadéquat ou à une pénurie de candidats. Faute de candidats ayant les compétences adaptées, des offres ne sont pas pourvues.
Pourtant, depuis plusieurs années, Pôle emploi adresse un questionnaire à plus d’un million et demi d’établissements pour connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi. Cette enquête, intitulée « Besoins en main-d’œuvre » et réalisée avec les directions régionales et le concours du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, permet notamment d’améliorer l’orientation des demandeurs d’emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les exigences du marché du travail.
Il est indispensable de combler le décalage entre les compétences attendues et les compétences disponibles. C’est dans cet esprit que, à la suite de la conférence sociale de juin 2013, l’État, les régions et les partenaires sociaux se sont entendus pour mettre en place un plan de formation professionnelle. Le plan « Formations prioritaires pour l’emploi » a ainsi été lancé par Michel Sapin, avec pour objectif de faire entrer 30 000 chômeurs supplémentaires en formation professionnelle avant la fin de l’année 2013. Il s’agissait d’aider les employeurs à trouver les 200 000 à 300 000 emplois qui leur manquent faute de candidats ayant les compétences requises, d’orienter les chômeurs vers des emplois qui ne trouvent pas preneur. Je sais que le bilan a été positif, puisqu’on a recensé plus de 35 000 entrées effectives en formation. Le Premier ministre avait alors annoncé la poursuite du plan, avec un objectif de 100 000 entrées en formation supplémentaires pour l’année 2014.
Monsieur le ministre, combien de chômeurs à ce jour ont pu bénéficier de ce plan depuis le début de l’année 2014, et les formations correspondent-elles véritablement aux attentes des entreprises, puisque là est en effet la vraie question ? Et merci à notre collègue Jean Desessard d’avoir posé cette question orale sans débat.
Mmes Karine Claireaux et Christiane Kammermann ainsi que M. Jean Desessard applaudissent.
Monsieur Desessard, je vous remercie d’avoir lancé ce débat sur une question qui intéresse tous ceux qui, de près ou de loin, se préoccupent des outils mis en place pour améliorer la situation de l’emploi dans notre pays. Connaissant le principe des questions orales avec débat, je vais essayer d’aller au-delà de la forme et d’apporter des éléments de réponse à certaines interrogations plus particulières qui ont été formulées, avant de répondre précisément à la question posée.
Cette question a été soulevée de façon judicieuse, notamment grâce aux exemples cités, piochés y compris dans mon département, et je vous en remercie. §Puisque vous êtes très informé de tout cela, monsieur Jean Desessard, vous savez qu’il existe plusieurs causes à la difficulté de pourvoir un certain nombre de postes. Le nombre de 400 000 postes est l’estimation la plus communément admise ; il est difficile de connaître le chiffre précis, mais nous avons constaté que près de 150 000 offres d’emploi échouaient, faute de compétences adéquates. Bien sûr, beaucoup de mesures ont été prises, sur lesquelles je reviendrai.
Vous avez aussi raison, comme l’on dit certains orateurs, des simplifications concernant les procédures seraient souhaitables. Néanmoins, à force de vouloir bien faire, nous avons bien souvent empilé de nombreux textes. Les partenaires sociaux ont élaboré, je vous le rappelle, un socle de connaissances et de compétences professionnelles, et ces formations seront éligibles au compte personnel de formation pour les salariés et les demandeurs d’emploi. Nous l’avons beaucoup évoqué.
Par ailleurs, puisque c’est une question que vous avez posée, les conseillers de Pôle emploi suivent depuis quelques mois une formation spécifique à l’orientation afin d’améliorer la prescription de formations aux demandeurs d’emploi.
Mme Archimbaud a évoqué le problème spécifique des personnes en situation de handicap. Des efforts importants sont réalisés par la collectivité ; ils sont poursuivis, même si tout n’est jamais parfait. Il existe un quota d’emplois fixé pour les secteurs privé et public de 6 %, mais bien des entreprises préfèrent verser une contribution financière plutôt que de répondre à cette demande. J’ajouterai que les personnes handicapées qui sont en formation ne sont pas « maltraitées », si vous me permettez cette expression, puisque leur rémunération est près de deux fois et demie supérieure à la rémunération normale d’un stagiaire en formation professionnelle, c’est-à-dire pas loin du SMIC. Cette préoccupation doit être reconnue.
Par ailleurs, la loi du 5 mars 2014 a confié aux régions une nouvelle compétence de coordination de la formation des personnes handicapées. Les régions auront à élaborer un schéma spécifique associant l’AGEFIPH et, pour la fonction publique, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, qui, chacun, mobilisent des financements. L’AGEFIPH est également partie prenante du plan « 100 000 formations prioritaires pour l’emploi ».
Monsieur Cardoux, il est assez facile, mais vous l’avez fait avec modération, de brocarder « l’inversion de la courbe du chômage ». Pourtant, la courbe du chômage s’est véritablement inversée à la fin de l’année 2013
M. Jacky Le Menn opine.
Vous avez fait un raccourci en disant que l’examen de ces textes qui se succédaient était en quelque sorte précipité. Or, je vous le redis, ils sont tous le produit du dialogue social. Les textes qui ont été transposés dans les lois que vous avez été incités à voter ou sur lesquelles vous vous êtes abstenus ou avez voté contre sont tous le fruit du dialogue social et des accords majoritaires qui ont été conclus entre les partenaires sociaux, qu’il s’agisse de la pénibilité, du temps partiel ou de la formation professionnelle. Ce n’est pas rien !
J’évoque maintenant l’apprentissage, point que je développerai plus largement dans quelques instants.
Oui, un effort particulier est consenti une nouvelle fois. Certes, des décisions n’ont pas été conformes à ce qu’elles auraient dû être. Cependant, la relance est là, aujourd’hui, pour l’apprentissage, et nous y croyons, y compris sur le plan financier. En 2015, conformément à la réforme qui a été adoptée, les régions toucheront une part de la taxe d’apprentissage. Vous le savez pertinemment, puisque vous êtes tous très bien informés, cette taxe faisait l’objet d’une évasion importante. En effet, pour récupérer de la taxe d’apprentissage, nombre de personnes étaient rémunérées sur ladite taxe, les chambres de commerce et d’industrie faisant des choix différents selon les départements et les régions. On estime que seront ainsi consacrés à l’apprentissage un supplément de 50 millions d’euros en 2015 et de près de 150 millions d’euros en 2016.
En outre, et cette précision vaut aussi pour d’autres orateurs qui ont évoqué ce point, conformément à l’engagement du Président de la République, l’État a, pour la première fois, je tiens à le souligner, dégagé des moyens exceptionnels pour la formation des demandeurs d’emploi. Évidemment, on peut toujours prétendre que c’est insuffisant. Mme Karine Claireaux l’a souligné et je l’en remercie, 50 millions d’euros ont été mobilisés en 2013 au titre du plan de 30 000 formations. En 2014, 50 millions d’euros auxquels s’ajouteront 50 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés au titre du plan de 100 000 formations prioritaires. Je reviendrai sur ces deux dispositifs.
Monsieur Marseille, je vous l’affirme : oui, nous croyons au compte personnel de formation ! On ne peut pas critiquer ce dispositif sur la base de défauts qui n’ont pas encore pu être observés, puisque, comme vous le savez, il entrera en application au 1er janvier 2015.
Quant à la qualité de la formation, que vous avez évoquée, vous vous souvenez très bien de l’amendement défendu par Mme Jouanno dans cet hémicycle, qui tendait à l’accroître et qui a été adopté.
Contrairement à ce que l’on peut croire, 150 agents des directions régionales de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, sont spécifiquement chargés de contrôler les organismes de formation. Il faut le souligner ! On entend souvent dire que ce domaine n’est pas suffisamment encadré. Sur le terrain, ces agents spécialement formés constituent un corps de contrôle de la formation. Ils examinent les usages et les pratiques des organismes concernés.
Je rappelle que le compte personnel de formation a cette particularité de permettre aux chômeurs de conserver les points qu’ils ont acquis au titre de leur compte de formation. Ce n’était pas le cas auparavant !
C’est d’ailleurs sans doute en partie pour cela que ce dispositif a été adopté. Un salarié qui tombait au chômage perdait ses droits à formation !
Désormais, le compte personnel lui sera, par définition, personnellement attaché. Il lui permettra de poursuivre ou de reprendre une formation.
C’est ce que nous demandions, les uns et les autres. Je le dis à l’intention, notamment, de Mme Laborde : la formation s’adresse aussi aux demandeurs d’emploi. Que des salariés aient également la possibilité d’élever leur niveau de qualification par ce biais, c’est nécessairement une bonne chose, vous ne me direz pas le contraire !
Monsieur Watrin, vous avez déploré le nombre actuel de demandeurs d’emploi. Nous sommes tous d’accord sur ce point, ce serait mieux s’il n’y avait pas de chômage. §Les uns et les autres, nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer la situation.
Vous dénoncez – et vous en avez tout à fait le droit – les nombreux emplois précaires créés depuis fort longtemps via les contrats qui se sont succédé dans les périodes difficiles au titre des politiques de l’emploi. Toutefois, vous auriez pu relever que, pour la première fois, avec les emplois d’avenir, une obligation de formation a été instituée, et qu’elle est effectivement mise en œuvre.
Je tiens à le souligner.
Au reste, à l’instar de mon prédécesseur, je prends soin de réunir, chaque mois, les préfets au cours d’une conférence, et je veille par leur intermédiaire à ce que l’application de cette obligation soit systématiquement vérifiée. Vous le savez, ces formations s’adressent aux jeunes qui sont les plus éloignés de l’emploi.
Pour l’heure, nous n’avons pas encore trouvé meilleur dispositif. Je suis certain que les jeunes bénéficiant de ces emplois d’avenir sont heureux d’avoir obtenu ces contrats. Ces formations vont leur mettre le pied à l’étrier. Elles vont les aider à trouver un poste demain.
Madame Claireaux, je tiens à vous remercier une nouvelle fois de la justesse de votre analyse. Pour répondre à la grande question que pose Jean Desessard et que vous posez également, je vous apporterai, dans quelques instants, des chiffres très récents : ce matin même, j’ai réuni les directeurs régionaux de Pôle emploi. Les personnels des agences ont pour mission de personnaliser davantage encore l’accompagnement. Un certain nombre d’avancées seront accomplies.
Quant à l’évaluation, je le répète, elle ne pourra être achevée qu’au bout d’un an. Cela étant, elle est déjà lancée, au titre des 30 000 formations prioritaires. §
Je tenais à répondre aux uns et aux autres. Mieux vaut, à mon sens, procéder ainsi pour ce type de débat, plutôt que d’asséner un discours rédigé à l’avance.
J’en viens à présent aux constats d’ensemble, sans allonger mon propos outre mesure.
Monsieur Desessard, votre question recèle deux enjeux : premièrement, l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins de l’emploi, que je viens d’évoquer ; deuxièmement, l’effort collectif qu’il est nécessaire d’accomplir en faveur de la formation des demandeurs d’emploi.
Chacun le sait, la formation est, pour tous nos concitoyens, un puissant outil permettant de tracer sa voie, de construire sa vie. Toutefois, au-delà d’une stricte logique utilitariste, il faut prendre en compte une logique que je qualifierai d’« adéquationniste ». En d’autres termes, il faut que la formation soit le plus adaptée possible au marché du travail.
Le problème de l’adéquation se pose, même si nous ne perdons pas de vue que l’objectif de la formation, c’est également l’émancipation individuelle, le droit de choisir, qui prend parfois la forme d’un droit à une deuxième voire à une troisième chance. C’est d’autant plus vrai que, comme vous l’avez dit en évoquant la formation initiale, l’école ne gomme plus toutes les inégalités. On le sait, l’ascenseur social a dans certains cas du mal à redémarrer.
À travers cette question, vous appelez l’attention du Gouvernement sur l’adéquation entre les formations proposées et les métiers qui recrutent aujourd’hui. Comme vous, je suis convaincu que la formation professionnelle doit d’abord être au service de l’emploi. Il faut dire les choses comme elles sont ! Tel est l’objectif qu’a tout particulièrement mis en avant la deuxième grande conférence sociale, à l’occasion de laquelle a été lancé le plan des 30 000 formations prioritaires.
Ces formations sont corrélées à un emploi existant ou à un métier dit « en tension », ce sur la base de deux grands principes.
Le premier principe, c’est la conjugaison des forces de l’État, des régions et des partenaires sociaux autour du prescripteur, à savoir Pôle emploi.
Le second principe, c’est la détection des besoins d’emplois et des compétences au plus près des territoires.
Ce plan est une réussite. Le domaine de la formation n’en compte pas tant, raison de plus pour nous en féliciter collectivement. Ce chiffre a été rappelé, au 31 décembre dernier 36 000 personnes supplémentaires étaient entrées en formation. Quant à l’évaluation, je tiens à le dire de nouveau, elle est actuellement en cours. Je vous en donnerai les résultats dès qu’ils seront établis. Les domaines concernés sont les transports, la manutention, l’action sanitaire et sociale – autant de secteurs en tension que vous connaissez –, l’hôtellerie et la restauration bien sûr, le commerce, la gestion et le champ « mécanique, matériaux ».
Forts du succès de ce plan de 30 000 formations annoncé l’an dernier lors de la grande conférence sociale, nous avons lancé un plan de 100 000 formations pour l’année 2014.
Les derniers chiffres, qui m’ont été communiqués ce matin et qui correspondent à la fin du mois de mai, font état de 38 000 entrées en stage supplémentaires depuis le début de l’année. À ce rythme-là, nous avons bon espoir d’atteindre le seuil des 100 000 d’ici à la fin de l’année. Voilà qui prouve que le Gouvernement a bien fait de confirmer ses engagements !
Grâce à ces deux plans, la formation professionnelle redevient un outil de la bataille contre le chômage.
Bien sûr, la formation ne saurait être l’alpha et l’oméga dans ce domaine. Il ne faudrait pas – ce qui n’est pas votre cas – tomber dans une illusion adéquationniste par ailleurs trop répandue. Dans le cas d’un demandeur d’emploi, la formation est indispensable mais elle n’est pas nécessairement la seule réponse. Tout chômeur n’est pas privé d’emploi faute de compétences ou de qualifications suffisantes. C’est bien souvent dans le droit fil du métier qu’il connaît que le demandeur d’emploi est susceptible de retrouver un travail. Il ne s’agit pas, dès lors, de reprendre une formation à zéro. Un tel cas de figure peut se présenter, mais il reste tout de même assez rare.
En matière d’adéquation, le problème est souvent multiple. Outre la formation, il faut prendre en compte la mobilité géographique – ce constat a été rappelé –, le niveau de rémunération, les conditions de travail, particulièrement dans certains métiers – j’y reviendrai – et, parfois, les discriminations subies par les candidats à l’embauche. Ces discriminations peuvent se fonder sur l’âge, mais aussi, je ne manque jamais une occasion de le rappeler, sur des critères ethniques ou spatiaux. Il faut en tenir compte, sans oublier les difficultés de logement liées à la mobilité. La France connaît une situation assez difficile en la matière.
Parallèlement, certains emplois ne trouvent pas preneur, alors même qu’une offre de formation existe pour les jeunes entrant sur le marché du travail comme pour les demandeurs d’emploi.
Une opération, qui a déjà été citée, vient d’être lancée par le MEDEF : il s’agit de la campagne « Beau travail ». À cet égard, je me suis rendu, il y a quelques jours, à l’invitation du MEDEF – ne m’en voulez pas, monsieur Desessard ! §Vous aurez compris qu’il s’agit d’une plaisanterie. Quand il s’agit de valoriser le travail, nous sommes tous rassemblés.
Les clips actuellement diffusés au titre de cette campagne tendent à redorer l’image de certains métiers.
Ainsi, des efforts ont été accomplis depuis quelques années dans le secteur du bâtiment, dont l’image reste, hélas ! parfois négative. La pénibilité des métiers concernés, sans doute en partie inévitable, contribue, c’est certain, à leur mauvaise réputation. Voilà pourquoi il faut poursuivre ces efforts de valorisation – c’est là ma conviction personnelle. Les organisations patronales ont encore beaucoup de travail à accomplir dans ce domaine.
De surcroît, je tiens à vous rappeler que la loi du 5 mars 2014, dont les décrets d’application sont actuellement en cours de rédaction, comporte plusieurs dispositions améliorant concrètement la situation.
Tout d’abord, je tiens à citer la mise en œuvre, dans chaque région, d’un service public régional de l’orientation. C’est un point important. Autour du conseil régional, cette instance devra être en mesure de fédérer les opérateurs, pour améliorer l’adéquation entre les besoins d’emplois et les possibilités de formation propres au territoire. Qui plus est, elle sera tenue d’animer des initiatives collectives pour accroître l’attractivité de tel ou tel métier.
Je précise à ce propos que, dans certains cas, mieux vaut parler de « métiers » que d’« emplois ». Un beau travail, un beau métier, cela mérite d’être mis en avant. Au surplus, un beau métier est une réalité sensible, visible. Il autorise des évolutions de carrière, il permet de s’y projeter, de s’y reconnaître voire de bâtir une identité ou de nourrir une réelle fierté. Bon nombre de travailleurs expriment la fierté qu’ils éprouvent pour leur métier.
Ensuite, je mentionnerai la création d’un nouveau service de conseil en évolution professionnelle. Elle répond à des demandes qui ont déjà été exprimées au sein de la Haute Assemblée et que j’ai de nouveau entendues au cours de ce débat. Ce service sera ouvert aux salariés comme aux demandeurs d’emploi. Il doit permettre, notamment pour cette dernière catégorie, de mener une réflexion sur un plus grand laps de temps tout en bénéficiant d’un accompagnement, d’un suivi. Rien ne sert de contraindre tel ou tel chômeur à se précipiter sur un emploi vacant si cette démarche ne s’inscrit pas dans un projet global, ou si le désir de réussir est inexistant.
La formation est un vecteur de mise en œuvre du projet professionnel, mais elle n’en est pas le seul.
Dans ce processus de rencontre entre le projet et l’emploi, l’employeur a aussi un rôle essentiel à jouer. Beaucoup dépend de sa capacité à préciser et à formaliser l’offre d’emploi – je parle toujours des impératifs d’adéquation. Il lui faut anticiper des compétences ou l’évolution de son activité. Il lui faut bien calibrer les fiches de poste, tout particulièrement au sein des petites entreprises, en précisant les tâches à accomplir, les compétences exigées et la rémunération proposée.
Les PME et les TPE rencontrent, en particulier, des difficultés pour formaliser ainsi ces descriptions. J’ai donc demandé que Pôle emploi aide davantage ces entreprises à exprimer précisément leur besoin.
Enfin, nous devons également nous tourner vers l’avenir. Faute de temps, le sujet n’a pu être abordé, mais au-delà de l’adéquation, il faut essayer d’anticiper les métiers qui émergent : les opportunités d’emploi ne résident pas seulement dans les emplois existants et à pourvoir immédiatement.
Nous devons donc imaginer les gisements et les emplois de demain. Le travail doit être mené au sein des filières pour repérer les compétences et les nouveaux métiers. C’est le sens de la reconstruction du Conseil national de l’industrie et des groupes emplois-compétences des comités stratégiques de filières. Là aussi, des opportunités existent pour les demandeurs d’emploi.
Telle est également l’ambition du nouveau programme « partenariats pour l’emploi et la formation dans les territoires », que nous finalisons dans le cadre des investissements d’avenir. L’idée est de faire émerger des consortiums associant des entreprises et des organismes de formation pour promouvoir et pourvoir de nouveaux métiers dans des filières ou des formations.
C’est – cela va vous intéresser, monsieur Desessard – l’éolien offshore, c’est la silver économie, que Michèle Delaunay avait portée, c’est la conversion, ou la reconversion, numérique d’un secteur. Nous créons ainsi des instruments réactifs et plus souples à la main des professionnels, pour tenter de convertir des potentialités en emplois réels et tangibles : les emplois de demain.
Cela pose la question des moyens – je terminerai sur ce point –, que vous avez, les uns et les autres, évoquée. À Blois, en mars 2013, le Président de la République demandait que les moyens de la formation professionnelle – cela concerne bien votre question, monsieur Desessard – soient mieux orientés vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les jeunes, les demandeurs d’emploi, les salariés en situation de précarité. L’engagement a été tenu par la loi. L’effort collectif de la nation en faveur de la formation des demandeurs d’emploi est renforcé de manière significative.
On peut considérer que c’est insuffisant, mais, vous avez évoqué ce point, monsieur Dominique Watrin, la réforme de la formation fait croître de 600 millions d’euros à 900 millions d’euros les fonds consacrés par les partenaires sociaux à la formation des demandeurs d’emploi, dont 300 millions d’euros de financement issus du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, afin d’abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi, qui sera en place au début de l’année prochaine.
Par ailleurs, s’ils le souhaitent – quant à moi, j’y suis favorable –, les régions et l’État pourront abonder de manière supplémentaire le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi.
Enfin, les partenaires sociaux financeront également à travers le FPSPP un nombre plus important de contrats de professionnalisation, en permettant – c’est en tous les cas ce que nous attendons – à davantage de demandeurs d’emploi de se former en alternance en combinant emploi et qualification.
Je rappelle, et cela satisfera tout le monde, que la relance de l’alternance constitue un des chantiers prioritaires. Ne se posent pas seulement des problèmes de financement. Je rappelle qu’en France peu d’entreprises – sous réserve de vérification, je crois que le chiffre exact atteint 3, 8 % d’entre elles – prennent des alternants et des jeunes en apprentissage, alors même que toutes se réclament de l’alternance. Des efforts doivent dont être faits par tous pour promouvoir l’apprentissage. À la sortie de sa formation, un jeune en apprentissage a trois chances sur quatre de trouver un emploi. Vous le savez, je souhaitais seulement le rappeler.
Cette nouvelle approche de la formation, avec le compte personnel de formation, commence là où s’arrête la différenciation par statut et où chacun trouve sa voie dans un nouvel outil à vocation universelle, attaché à la personne. Cela constitue une réponse à la situation douloureuse et inacceptable du chômage, pour chaque personne qui en fait l’expérience, même si, et cela pourrait faire un jour l’objet d’une question orale avec débat, on devrait se demander pourquoi notre société a choisi le chômage de masse, comme je le pense profondément. Je n’ai pas le temps de développer ici ce point, qui mériterait un grand débat. Ce nouvel outil constitue également, et c’est plus vertueux encore, une ressource pour prévenir le chômage en développant, par la formation, les compétences de chacun tout au long de sa vie. §
Mes chers collègues, je vais profiter de mes premières secondes pour remercier tous les intervenants, qui ont complété mes interrogations initiales et apporté des éléments nouveaux, à gauche comme à droite. Je remercie également M. le ministre d’avoir pleinement informé le Sénat de l’ensemble du dispositif du ministère.
La formation est un tout, c’est évident. Elle recouvre la formation du citoyen, celle de quelqu’un qui connaîtra plusieurs métiers au cours sa vie, ou encore la formation à un métier. Ma question ne prétendait cependant pas traiter de tous ces aspects.
Nous avons un peu évoqué la formation initiale, où des choses restent à faire. Beaucoup de personnes sont en effet contraintes de suivre des formations de rattrapage. Nous pourrons en discuter à un autre moment.
Initialement, ma question était la suivante : alors que la priorité est donnée à l’emploi ici, là, et là encore
L’orateur montre successivement la droite, le centre et la gauche de l’hémicycle.
Est-ce vrai ? C’est la première question. Existe-t-il vraiment 400 000 emplois non pourvus ? En la posant, on est très surpris de constater qu’il n’existe pas de tableau de bord. On ne sait pas s’il s’agit de véritables emplois ou s’ils se trouvent sur le panneau d’affichage depuis dix ans sans que l’on sache s’ils sont encore d’actualité.
Monsieur le ministre, il nous faut un GPS pour la formation des demandeurs d’emploi. Enfin ! On peut disposer d’un GPS pour nous conduire dans une commune de l’Essonne, voire plus loin, à travers un dédale de rues, mais au niveau national, pour une priorité à l’emploi, nous n’avons pas de GPS, pas de tableau de bord !
À quoi servirait-il ? À savoir véritablement s’il existe des emplois non pourvus.
Si tel est le cas, est-ce en raison de l’image de la filière ? Alors on peut lancer des campagnes du MEDEF, des syndicats, des chambres de métiers, pour valoriser le métier.
Les conditions de travail y sont-elles trop difficiles ? Pensons par exemple au secteur sanitaire et social : on découvre qu’aide-soignant est un métier trop difficile parce que l’on y porte des choses. Hop, tout de suite, monsieur le ministre, vous contactez le ministre de la recherche et vous lui demandez de lancer une recherche sur des robots qui aideraient les aides-soignants à porter ce qui est trop lourd, afin d’éviter la pénibilité. Si tel est le problème, on doit tout de suite trouver une solution !
Existe-t-il une inadéquation entre le salaire et les compétences ? Alors on peut réunir les partenaires sociaux en leur disant : « Pourquoi ne voulez-vous pas payer les gens ? Que se passe-t-il ? » On mène une évaluation, on produit des données !
Monsieur le ministre, c’est ce tableau de bord, ce GPS, qui nous permettrait de constater que dans tel domaine on manque de moyens parce que les conditions de travail sont trop dures. La situation est-elle vraiment celle-là ? Les salaires sont-ils en cause ? Et la formation ? Si c’est le cas, où faut-il la mener ? Il existe partout des formations régionales, des éléments mis en place, qui constituent le socle. Mais nous devons disposer de la possibilité d’être réactifs. Si nous nous apercevons qu’il manque 40 000 personnes, qui ne sont pas formées, dans tel secteur, alors nous le voyons venir et nous pouvons mettre en place les dispositifs, actionner les leviers, étudier avec les régions ce qu’il est possible de faire !
Il est tout de même inimaginable que, dans une période de chômage, ce chiffre de 400 000 puisse être évoqué, même si je ne suis pas sûr qu’il corresponde à une réalité, sans que l’on puisse apporter une réponse spécifique sur la pénibilité, les conditions de travail, les salaires, les formations !
Vous êtes aux manettes, monsieur le ministre ! Vous devez disposer d’un tel tableau de bord ! On ne peut pas simplement actionner les leviers en affirmant qu’ils auront tel effet, il faut avoir une vision d’ensemble ! Vous devez pouvoir savoir où il est utile d’actionner tel levier, grâce à une vision d’avenir. Par exemple, si nous avons besoin d’infirmières, il faut prévoir leur recrutement trois ou quatre ans auparavant. Si nous manquons de médecins, c’est encore plus long.
Nous avons donc besoin d’un GPS pour évaluer les métiers sous tension, d’un GPS prospectif, pour les métiers de demain, et donc, d’un tableau de bord.
Pour terminer, monsieur le ministre, à qui revient-il de mettre cet outil en place ? Est-ce la responsabilité de votre ministère ? Donnerez-vous instruction à une Haute Autorité pour le produire ? Est-ce du ressort de Pôle emploi, en liaison avec vous ? Les partenaires sociaux doivent-ils en être chargés ? La question est posée. J’ai interrogé beaucoup d’institutions, chacune très compétente, des sociologues et des économistes. Nous ne manquons pas de compétences !
Le défi, avec les grandes compétences, est toujours de les faire travailler ensemble. Chacune s’estime tellement compétente qu’elle pense ne pas avoir besoin des autres. Elles doivent pourtant être mises en commun, avec un chef de bord, monsieur le ministre, qui tienne un tableau de bord, le GPS de la formation professionnelle pour l’emploi.
La question que je vous repose, et que je vous poserai peut-être de nouveau, est la suivante : quel organisme est le maître d’œuvre de ce dispositif et comment peut-on le mettre en place, pour que ces 400 000 postes non pourvus le soient enfin, et que l’inadéquation entre la formation et les postes à saisir soit seulement de quelques mois, et qu’elle ne prenne donc pas une telle importance.
Il est inimaginable qu’un pays qualifié comme le nôtre, disposant d’institutions et d’organismes de formation, ne soit pas capable de pourvoir les offres d’emploi !
Mes chers collègues, merci de ce débat; merci, monsieur le ministre, de votre apport et de l’attention que vous porterez à ma demande d’un tableau de bord de la formation professionnelle pour l’emploi !
Nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juin 2014, en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004–192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, de la question de savoir si certaines dispositions de l’article 26 de l’ordonnance n° 2009–536 du 14 mai 2009 portant diverses dispositions d’adaptation du droit outre-mer, en tant qu’il modifie l’article 11 de la loi n° 68–1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics, sont intervenues dans des matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 16 juin 2014, à quinze heures et le soir :
Proposition de loi visant à créer des polices territoriales et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement (n° 553, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 608, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 609, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.