Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier Jean Desessard d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de ce sujet essentiel qu’est la formation professionnelle. Je salue l’analyse qu’il a développée, avec beaucoup de conviction. Pour ma part, je consacrerai les quelques minutes que durera mon intervention à un point particulier : la formation des personnes en situation de handicap.
Voilà quelques semaines, nous avons examiné le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer, par voie d’ordonnances, pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports aux personnes en situation de handicap. Cette discussion a été l’occasion de rappeler à quel point ces personnes peuvent être confrontées à de grandes difficultés dans tous les aspects de la vie quotidienne : accès à la culture, à la santé, aux transports, à l’éducation, à l’emploi et à la formation.
Je veux donc profiter de notre débat de ce jour pour insister sur ce dernier point, qui est un enjeu fondamental de notre société : la formation est l’une des conditions nécessaires à l’intégration des personnes en situation de handicap, et la situation en la matière est loin d’être satisfaisante.
Comme nous l’avions souligné lors de l’examen du projet de loi que je viens de citer, la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne sont pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils auraient dû l’être depuis plusieurs années.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les personnes handicapées sont moins diplômées que la moyenne : 51 % d’entre elles n’ont aucun diplôme ou ne sont titulaires que du BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Elles connaissent un taux de chômage de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et ce taux ne cesse d’augmenter dramatiquement depuis plusieurs années. Ainsi, selon l’Association des paralysés de France, le nombre de personnes en situation de handicap au chômage a bondi de 75 % en cinq ans.
Or, nous le savons bien, sans travail, le risque de tomber dans la grande pauvreté et le risque de désocialisation sont grands. Nous devons absolument trouver des solutions.
Depuis la fin des années quatre-vingt, les lois visant à favoriser l’insertion des travailleurs handicapés dans l’entreprise se sont succédé mais ont connu un succès qui, au vu des chiffres que je viens de rappeler, apparaît très relatif. Le manque de qualification, l’inadéquation des compétences auxquels s’ajoute, hélas !, encore trop souvent une représentation négative du handicap au sein des entreprises rendent les personnes handicapées particulièrement vulnérables sur le marché du travail, surtout dans un contexte de crise. On comprend bien alors tout l’enjeu de la formation professionnelle.
Afin que les compétences des demandeurs d’emploi soient le mieux adaptées à la demande des entreprises, la formation professionnelle est bien l’une des solutions clés, ainsi que Jean Desessard l’a rappelé. Elle passe par des dispositifs comme l’apprentissage ou l’insertion par le travail en milieu ordinaire ou protégé, à travers les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et les entreprises adaptées. Ces structures ont un rôle fondamental.
Elles présentent aussi un avantage, encore trop méconnu : permettre aux entreprises d’employer une partie de leurs travailleurs en situation de handicap par le recours à la sous-traitance. En 2013, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, a constaté un recours accru à l’emploi, direct comme indirect, par le biais de ce type de contrat. Elle préconise de développer des supports d’information et de mettre en place des campagnes de sensibilisation sur ce sujet pour permettre aux entreprises de prendre connaissance de l’existence de ces dispositifs. Le recours aux ESAT et aux entreprises adaptées pourrait alors s’inscrire sur la durée dans l’organisation des entreprises.
Cependant, pour que leur action soit la plus efficace et la plus complète possible, ces structures ont besoin de financement. L’année dernière, dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2014, j’avais pointé du doigt le gel des créations de places en ESAT. Les associations soulignent à quel point la situation devient alarmante. Malgré des contraintes budgétaires évidentes, un tel moratoire ne peut pas se prolonger longtemps, car il place certaines associations gestionnaires d’ESAT devant de très graves difficultés, sans répondre aux enjeux.
En 2013, le constat était déjà sans appel : selon l’Association nationale des directeurs et cadres d’ESAT, l’ANDICAT, 30 à 40 % des ESAT étaient déficitaires, du fait des réductions progressives des subventions publiques et des effets de la crise économique sur les activités de ces établissements, qui doivent sans cesse innover dans leur offre de services.
Nous devons absolument œuvrer à ce que ces structures puissent fonctionner correctement et se renforcer.
Concernant la formation au plan individuel, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis deux avancées très intéressantes pour les personnes handicapées, avancées qui ont été saluées par la plupart des associations représentatives.
Je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour les rappeler.
Il s’agit d’abord de l’application aux travailleurs des ESAT du compte personnel de formation. Les associations attendent toujours les propositions du Gouvernement sur les modalités spécifiques de mise en œuvre.
Il s’agit ensuite de la mise en œuvre du droit à formation pendant l’arrêt de travail, que l’arrêt soit lié à une maladie ou à un accident, qui doit prévenir la désinsertion professionnelle due à des périodes de convalescence. Il faudrait que la mise en œuvre de ces deux points soit opérationnelle et, à cet égard, je vous interpelle, monsieur le ministre.
Je veux enfin insister sur l’importance des actions menées en faveur du développement de l’apprentissage pour les personnes en situation de handicap.
Ces actions doivent se renforcer. Elles sont particulièrement adaptées aux personnes handicapées parce qu’elles associent une démarche traditionnelle de formation et l’expérience professionnelle en entreprise. C’est en général, selon les rapports de l’AGEFIPH, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, un facteur de réussite. Plus de 50 % des personnes sont en emploi au bout de six mois et majoritairement en CDI ! Donc, ce dispositif fonctionne, il faut continuer à travailler en ce sens.
Toutefois, mes chers collègues, l’enjeu de la formation professionnelle des travailleurs handicapés est fondamental. Il était d’ailleurs l’une des priorités du comité interministériel du handicap.
En juillet aura lieu la troisième conférence sociale. L’emploi des personnes handicapées constituera l’un des thèmes majeurs de la prochaine conférence nationale qui se déroulera en fin d’année. Nous espérons, monsieur le ministre, que le Gouvernement fixera des orientations permettant de concourir efficacement au renforcement de la qualification des personnes en situation de handicap. §