Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 12 juin 2014 à 15h00
Adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Certains demandeurs d’emploi proches de l’expiration de leurs droits à indemnisation renoncent à s’engager dans un projet de formation qui ne serait plus indemnisé par Pôle emploi.

En réalité, la faiblesse des fonds dédiés à la formation professionnelle des salariés privés d’emploi, qui atteint 900 millions d’euros seulement – malgré une progression de 300 millions d’euros – ne devrait pas permettre d’inverser une situation où seulement 12 % des fonds de la formation professionnelle bénéficient aujourd’hui aux demandeurs d’emploi.

À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, lorsque l’on interroge les salariés privés d’emploi sur les raisons de leur renoncement à la formation professionnelle, 20 % d’entre eux estiment que la première barrière est le coût de ces formations.

Par ailleurs, les salariés privés d’emploi les moins formés ou les plus éloignés de l’emploi souffrent d’un manque de prérequis, qui complique leur formation, pour ne pas dire l’accès à la formation elle-même.

D’après un rapport de l’IGAS, « la complexité du parcours d’entrée en formation est telle qu’elle opère d’ores et déjà une sélection en faveur des plus qualifiés. Lors de l’élaboration de son projet de formation, le demandeur d’emploi peut bénéficier de l’assistance du service public de l’emploi, qui n’a cependant pas toujours les ressources nécessaires pour le conseiller adéquatement ».

Se pose donc la question légitime de l’accompagnement des salariés privés d’emplois et singulièrement des moyens financiers et humains consacrés à cet accompagnement, qui font aujourd’hui cruellement défaut à Pôle emploi.

Tout cela me conduit, monsieur le ministre, à vous interroger sur les observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 consacré aux politiques en faveur du marché du travail. La Cour « déplore la détérioration du ciblage des dispositifs réservés aux demandeurs d’emploi depuis le début de la crise de 2008 ». Les sages de la rue Cambon mettent en évidence que les contrats aidés et les dispositifs de reclassement, tels les contrats de transition professionnelle, ne bénéficient pas aux moins qualifiés et que les bénéficiaires des contrats de professionnalisation sont déjà diplômés. En particulier, pour reprendre les termes du rapport, « le remplacement en 2011 des conventions de reclassement professionnel, les CRP, et des contrats de transition professionnelle, les CTP, par le contrat de sécurisation professionnelle, le CSP, […] ne s’accompagne que de progrès modestes en termes de ciblage. Ainsi, le nouveau contrat demeure limité aux licenciés économiques. » Ces observations conduisent la Cour à formuler le constat suivant : « Compte tenu de la diversité des formes de rupture de contrats liées aux mutations économiques, c’est donc toujours un statut juridique qui reste le critère d’accès au contrat de sécurisation professionnelle et non une appréciation de la distance à l’emploi des bénéficiaires. »

Souhaitant renforcer la logique du compte personnel de formation, nous soutenons au contraire, pour notre part, l’idée que la transférabilité des droits doit être totale, et ce quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, y compris en cas de démission.

Par ailleurs, vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC nourrissent avec d’autres, des syndicalistes ou des économistes, le projet de création d’une sécurité sociale professionnelle, qui agirait simultanément sur deux leviers : la sécurisation de l’emploi et le renforcement du droit effectif à la formation initiale et professionnelle.

Nous militons donc pour un renforcement sans précédent des fonds dédiés à la formation professionnelle, à l’inverse de ce qui est prévu dans la dernière loi relative à la formation professionnelle, qui a supprimé partiellement l’obligation légale de financement qui pesait jusqu’alors sur les employeurs.

Aussi, dans l’attente d’une nouvelle stratégie, nous soutenons l’idée qu’il faut encore grandement améliorer la portabilité des droits pour les demandeurs d’emploi, en permettant notamment à ceux qui le souhaitent et qui remplissent les conditions d’obtention, lors de la rupture de leur contrat de travail, d’un compte personnel de formation de mobiliser leurs droits pour financer une formation ou compléter le financement d’une formation. Une telle mesure, monsieur le ministre, aurait pu ou plutôt aurait dû figurer au sein de l’accord sur l’assurance chômage.

En conclusion, puisque tout le monde, à gauche comme à droite, s’accorde à dire que notre régime d’indemnisation du chômage a joué son rôle d’amortisseur social lors de la crise financière de 2008–2009, c’est bien une politique beaucoup plus volontariste qu’il faudrait mettre en œuvre pour promouvoir la formation des demandeurs d’emplois. Puisse ce débat, que nous devons à M. Desessard en particulier, aider le Gouvernement à s’engager dans cette voie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion