Intervention de François Rebsamen

Réunion du 12 juin 2014 à 15h00
Adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d'emploi — Discussion d'une question orale avec débat

François Rebsamen, ministre :

De surcroît, je tiens à vous rappeler que la loi du 5 mars 2014, dont les décrets d’application sont actuellement en cours de rédaction, comporte plusieurs dispositions améliorant concrètement la situation.

Tout d’abord, je tiens à citer la mise en œuvre, dans chaque région, d’un service public régional de l’orientation. C’est un point important. Autour du conseil régional, cette instance devra être en mesure de fédérer les opérateurs, pour améliorer l’adéquation entre les besoins d’emplois et les possibilités de formation propres au territoire. Qui plus est, elle sera tenue d’animer des initiatives collectives pour accroître l’attractivité de tel ou tel métier.

Je précise à ce propos que, dans certains cas, mieux vaut parler de « métiers » que d’« emplois ». Un beau travail, un beau métier, cela mérite d’être mis en avant. Au surplus, un beau métier est une réalité sensible, visible. Il autorise des évolutions de carrière, il permet de s’y projeter, de s’y reconnaître voire de bâtir une identité ou de nourrir une réelle fierté. Bon nombre de travailleurs expriment la fierté qu’ils éprouvent pour leur métier.

Ensuite, je mentionnerai la création d’un nouveau service de conseil en évolution professionnelle. Elle répond à des demandes qui ont déjà été exprimées au sein de la Haute Assemblée et que j’ai de nouveau entendues au cours de ce débat. Ce service sera ouvert aux salariés comme aux demandeurs d’emploi. Il doit permettre, notamment pour cette dernière catégorie, de mener une réflexion sur un plus grand laps de temps tout en bénéficiant d’un accompagnement, d’un suivi. Rien ne sert de contraindre tel ou tel chômeur à se précipiter sur un emploi vacant si cette démarche ne s’inscrit pas dans un projet global, ou si le désir de réussir est inexistant.

La formation est un vecteur de mise en œuvre du projet professionnel, mais elle n’en est pas le seul.

Dans ce processus de rencontre entre le projet et l’emploi, l’employeur a aussi un rôle essentiel à jouer. Beaucoup dépend de sa capacité à préciser et à formaliser l’offre d’emploi – je parle toujours des impératifs d’adéquation. Il lui faut anticiper des compétences ou l’évolution de son activité. Il lui faut bien calibrer les fiches de poste, tout particulièrement au sein des petites entreprises, en précisant les tâches à accomplir, les compétences exigées et la rémunération proposée.

Les PME et les TPE rencontrent, en particulier, des difficultés pour formaliser ainsi ces descriptions. J’ai donc demandé que Pôle emploi aide davantage ces entreprises à exprimer précisément leur besoin.

Enfin, nous devons également nous tourner vers l’avenir. Faute de temps, le sujet n’a pu être abordé, mais au-delà de l’adéquation, il faut essayer d’anticiper les métiers qui émergent : les opportunités d’emploi ne résident pas seulement dans les emplois existants et à pourvoir immédiatement.

Nous devons donc imaginer les gisements et les emplois de demain. Le travail doit être mené au sein des filières pour repérer les compétences et les nouveaux métiers. C’est le sens de la reconstruction du Conseil national de l’industrie et des groupes emplois-compétences des comités stratégiques de filières. Là aussi, des opportunités existent pour les demandeurs d’emploi.

Telle est également l’ambition du nouveau programme « partenariats pour l’emploi et la formation dans les territoires », que nous finalisons dans le cadre des investissements d’avenir. L’idée est de faire émerger des consortiums associant des entreprises et des organismes de formation pour promouvoir et pourvoir de nouveaux métiers dans des filières ou des formations.

C’est – cela va vous intéresser, monsieur Desessard – l’éolien offshore, c’est la silver économie, que Michèle Delaunay avait portée, c’est la conversion, ou la reconversion, numérique d’un secteur. Nous créons ainsi des instruments réactifs et plus souples à la main des professionnels, pour tenter de convertir des potentialités en emplois réels et tangibles : les emplois de demain.

Cela pose la question des moyens – je terminerai sur ce point –, que vous avez, les uns et les autres, évoquée. À Blois, en mars 2013, le Président de la République demandait que les moyens de la formation professionnelle – cela concerne bien votre question, monsieur Desessard – soient mieux orientés vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les jeunes, les demandeurs d’emploi, les salariés en situation de précarité. L’engagement a été tenu par la loi. L’effort collectif de la nation en faveur de la formation des demandeurs d’emploi est renforcé de manière significative.

On peut considérer que c’est insuffisant, mais, vous avez évoqué ce point, monsieur Dominique Watrin, la réforme de la formation fait croître de 600 millions d’euros à 900 millions d’euros les fonds consacrés par les partenaires sociaux à la formation des demandeurs d’emploi, dont 300 millions d’euros de financement issus du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, afin d’abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi, qui sera en place au début de l’année prochaine.

Par ailleurs, s’ils le souhaitent – quant à moi, j’y suis favorable –, les régions et l’État pourront abonder de manière supplémentaire le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi.

Enfin, les partenaires sociaux financeront également à travers le FPSPP un nombre plus important de contrats de professionnalisation, en permettant – c’est en tous les cas ce que nous attendons – à davantage de demandeurs d’emploi de se former en alternance en combinant emploi et qualification.

Je rappelle, et cela satisfera tout le monde, que la relance de l’alternance constitue un des chantiers prioritaires. Ne se posent pas seulement des problèmes de financement. Je rappelle qu’en France peu d’entreprises – sous réserve de vérification, je crois que le chiffre exact atteint 3, 8 % d’entre elles – prennent des alternants et des jeunes en apprentissage, alors même que toutes se réclament de l’alternance. Des efforts doivent dont être faits par tous pour promouvoir l’apprentissage. À la sortie de sa formation, un jeune en apprentissage a trois chances sur quatre de trouver un emploi. Vous le savez, je souhaitais seulement le rappeler.

Cette nouvelle approche de la formation, avec le compte personnel de formation, commence là où s’arrête la différenciation par statut et où chacun trouve sa voie dans un nouvel outil à vocation universelle, attaché à la personne. Cela constitue une réponse à la situation douloureuse et inacceptable du chômage, pour chaque personne qui en fait l’expérience, même si, et cela pourrait faire un jour l’objet d’une question orale avec débat, on devrait se demander pourquoi notre société a choisi le chômage de masse, comme je le pense profondément. Je n’ai pas le temps de développer ici ce point, qui mériterait un grand débat. Ce nouvel outil constitue également, et c’est plus vertueux encore, une ressource pour prévenir le chômage en développant, par la formation, les compétences de chacun tout au long de sa vie. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion