Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais que notre débat d’aujourd’hui soit un moment de prise de conscience. J’aimerais qu’il éclaire de nouveaux chemins vers un avenir innovant, source de croissance et d’épanouissement non seulement pour nos collectivités ultramarines et notre pays, mais aussi pour l’Europe.
Aussi, je tiens à cet instant à remercier le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Carrère, d’avoir accepté une proposition conjointe visant à débattre ce jour des enjeux des zones économiques exclusives ultramarines. Il faut dire que le rapport rendu au mois de juillet 2012 par nos collègues Jeanny Lorgeoux et André Trillard relatif à la maritimisation avait été particulièrement remarqué.
Dans la morosité ambiante, qui bride les énergies, il faut retrouver des objectifs, redessiner un horizon : le rapport d’information sur les ZEE ultramarines, adopté par la délégation à l’outre-mer à l’unanimité le 8 avril dernier, s’emploie à tracer des perspectives pour le court, le moyen et le long terme.
Les trois rapporteurs – Jean-Étienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava –, que je remercie encore une fois chaleureusement de leur investissement dans ce dossier complexe et passionnant, proposent une synthèse inédite. Ce fut un travail de longue haleine, qui a nécessité de nombreuses auditions, et même une visioconférence avec le gouvernement de la Polynésie française.
Ce rapport fera date ; il a le mérite d’embrasser les multiples aspects d’un sujet abordé généralement sous l’angle de thématiques spécifiques, comme les terres rares, les énergies marines ou les questions géostratégiques.
Il met en évidence les potentialités multiples offertes par les ZEE ultramarines qui propulsent notre pays au deuxième rang mondial des puissances maritimes.
Encore faut-il se donner les moyens de valoriser ces potentiels gigantesques. D’autres pays, moins bien dotés – je pense notamment à la Chine –, se sont d’ores et déjà positionnés, alors que la France, dont la souveraineté est de plus en plus souvent contestée, perd chaque jour son avance en matière de recherche.
S’il est encore temps de redresser la barre et de mettre en place une véritable politique maritime, nous nous situons à une période charnière, qui appelle une réponse désormais urgente. Quittons le registre de l’incantation pour investir et innover ! L’audace n’est jamais autant indispensable que dans les situations de crise !
Dans le rapport susvisé sont formulées une dizaine de propositions en ce sens que les rapporteurs Jean-Étienne Antoinette et Joël Guerriau présenteront. Richard Tuheiava est pour sa part retenu sur son territoire, dans le cadre de la campagne en vue d’une élection législative partielle.
Pour ma part, j’insisterai sur un point : l’enjeu crucial que représente pour les collectivités ultramarines la valorisation des espaces maritimes, domaine dans lequel leur rôle a toujours été minoré. La faute en incombe d’ailleurs pour partie aux outre-mer eux-mêmes qui, à l’exception de la Polynésie française, sont historiquement et culturellement tournés vers leurs territoires terrestres. Au-delà du frein budgétaire, la mise en place d’une véritable politique maritime achoppe sur deux écueils.
Le premier est l’absence de vision intégrée, car les questions relatives à la mer sont traitées de façon éparse et cloisonnée, en dépit des efforts du Secrétariat général de la mer et des comités interministériels de la mer. Ces derniers sont d’ailleurs réunis à échéances trop irrégulières et apparaissent davantage comme les vestales d’un discours répétitif que comme un moteur d’action.
Le second écueil est la faible association des outre-mer – j’ai bien entendu les propos du président Jean-Louis Carrère – à la définition d’une stratégie maritime, alors même qu’ils en sont les postes avancés. J’observe ainsi que le rapport intitulé Une ambition maritime pour la France établi en 2006 par le Centre d’analyse stratégique et le Secrétariat général de la mer comptait moins d’une dizaine de pages consacrées aux outre-mer, sur un total de 209 ! Je reconnais cependant à ce document le mérite d’aborder la question d’un développement des outre-mer « autour de l’économie maritime » et d’affirmer la nécessité de « tourner vers ces régions l’effort de connaissance et de recherche. »
La connaissance des potentiels est en effet un élément clé que la distance et la rigueur budgétaire repoussent aujourd’hui à l’arrière-plan, alors qu’elle conditionne l’avenir et notre capacité à faire fructifier des espaces regorgeant de ressources. Des ressources halieutiques et du développement de l’aquaculture à l’exploitation des minéraux des grands fonds, en passant par la diversité d’utilisation des algues, notamment en pharmacopée, ou encore les énergies marines renouvelables, la recherche constitue le premier maillon d’un cercle vertueux pourvoyeur de croissance et d’emploi pour nos outre-mer et notre pays tout entier.
Ces potentialités ne doivent pas être négligées ; notre pays ne peut pas être et ne doit pas rester une grande puissance maritime qui s’ignore.
C’est pourquoi, saisissant le symbole fort de la date du 18 juin, je conclurai mon propos en lançant un appel – oui ! un appel – à ouvrir les yeux et à saisir notre chance de disposer de pareils gisements de ressources et d’innovation.
Dans un contexte mondial où l’avenir de l’humanité se joue sur les océans, nous avons le devoir de les faire fructifier.