Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer, mes chers collègues, je salue l’initiative conjointe de la commission des affaires étrangères et de la délégation à l’outre-mer de proposer un débat sur les enjeux multidimensionnels liés aux zones économiques exclusives ultramarines.
Il s’agit là d’une question profondément ancrée dans l’actualité et emblématique de la course effrénée qui se joue actuellement autour des matières premières, des ressources énergétiques et des terres rares.
De par sa situation géographique et la diversité de ses territoires hors espace métropolitain, la France a une responsabilité toute particulière en matière de protection de la biodiversité. J’en veux pour preuve le fait que son espace maritime, le deuxième au monde, couvre plus de 11 millions de kilomètres carrés, dont 90 % se situent dans les départements et les collectivités d’outre-mer.
Dans les territoires ultramarins, la biodiversité est d’un niveau exceptionnel tant par le nombre d’espèces présentes que par l’endémisme. Ainsi, ces territoires hébergent 3 500 espèces végétales et 400 animaux vertébrés uniques au monde.
Plus encore, un quart des poissons d’eau douce de la planète s’y trouvent et 10 % des récifs coralliens mondiaux sont situés dans les eaux placées sous juridiction française. Notre responsabilité est donc grande !
La préservation de l’environnement terrestre et marin est un impératif, au plan non seulement local, mais également international.
C’est pourquoi il est nécessaire que la France mette en place une politique maritime ambitieuse, afin d’assurer la protection des écosystèmes, la pérennité des activités économiques et le maintien de la cohésion sociale. Si les zones économiques exclusives représentent un formidable potentiel en termes de ressources halieutiques, minérales et énergétiques, leur gestion se doit d’être responsable.
À ce sujet, le récent rapport de la délégation à l’outre-mer intitulé Les zones économiques exclusives ultramarines : le moment de vérité aborde les risques de pollution et de dégradation de l’environnement liés à toute activité offshore. Sur ce point, les écologistes restent vigilants.
Les effets des activités offshore sont en effet multiples : études sismiques qui perturbent les stocks de poissons et les mammifères marins, émissions de dioxyde de carbone et de méthane provoquées par le torchage de gaz, ou encore pollution du milieu marin à travers le rejet de diverses substances.
Force est de le constater, de nombreux accidents sont survenus dans des exploitations pétrolières et gazières offshore ces dernières années, causant d’importants dégâts environnementaux : l’explosion dans le golfe du Mexique de la plate-forme Deepwater Horizon en 2010, le déversement de pétrole depuis une plate-forme en mer de Bohai en 2011, l’échouement de la plate-forme Kulluk au large de l’Alaska en 2012, ou encore la pollution chronique des côtes ouest-africaines...
Si, dans le rapport précité, la France est appelée à promouvoir un « cadre raisonné protecteur d’environnements encore vierges et particulièrement fragiles », les écologistes s’interrogent toutefois sur le comportement de notre pays dans sa propre zone économique exclusive.
De ce point de vue, je reviendrai sur le contentieux qui oppose les professionnels de la pêche et le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie au sujet des deux permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux conventionnels au large de la Guyane, actuellement soumis, en sourdine, à la consultation publique.
Le premier de ces permis vise le domaine maritime profond avec une profondeur d’eau de quatre kilomètres où les courants marins sont extrêmement forts et imprévisibles. Le second concerne le plateau continental guyanais, une zone particulièrement sensible du fait de la pêche qui y est pratiquée et de la fréquentation importante de mammifères marins, de cétacés et d’espèces de tortures marines protégées.
De fait, les risques de pollution sonore liée à la prospection sismique ainsi que ceux d’une pollution toxique liée au forage d’exploration, emportant des conséquences catastrophiques pour l’environnement aquatique, ne sont pas négligeables.
Sur ce point, je tiens à dire quelques mots sur l’actuelle refonte du code minier qui prévoit que le livre consacré aux outre-mer fasse l’objet d’une ordonnance. Comment pouvons-nous promettre le développement durable des territoires ultramarins si nous privons ceux-ci de consultations et de débats ouverts ?
En outre, dans son rapport relatif à l’extension du plateau continental, le Conseil économique, social et environnemental considère que la France doit contribuer à l’élaboration d’un nouveau modèle de développement durable, en particulier dans les territoires ultramarins. Pour ce faire, le CESE a notamment recommandé la prise en compte dans la loi des dispositions relatives aux objectifs de la convention sur la diversité biologique ratifiée par la France en 1994. C’est à la suite de l’adoption de cette convention qu’une stratégie nationale pour la biodiversité a été édictée, dont l’un des objectifs établit la nécessité de renforcer la diplomatie environnementale et la gouvernance dans le domaine de la biodiversité.
La France doit donc s’emparer pleinement de ce sujet et être pionnière à l’échelon international.
L’exemplarité de notre pays dans ce domaine doit également se traduire par sa capacité à protéger ses propres intérêts. En effet, dans son Livre bleu portant sur la stratégie maritime, la Commission européenne a rappelé que l’effet cumulé de l’ensemble des activités maritimes engendre « des conflits d’utilisation et une détérioration du milieu marin […] Dans un contexte de mondialisation et de changement climatique rapide, il y a urgence. »
À ce titre, la France doit mener une politique s’attachant à protéger et réguler les activités de pêche au large de ses territoires.
Effectivement, dans le cadre d’un développement durable et respectueux de l’activité économique côtière, elle doit agir par la délimitation de ces zones au terme d’accords internationaux, par le déploiement de bâtiments en mer et par la promotion de programmes européens, afin de lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, et contre les activités de piraterie et de braconnage qui déstabilisent les marchés locaux. En ce sens, l’État français doit renforcer la surveillance des trafics inter-îles, pour être en mesure de mieux orienter ses moyens d’intervention, dont la quantité est comptée. La poursuite de l’implantation du système de surveillance SPATIONAV V3 est un premier élément de réponse dans les espaces sous juridiction nationale.
L’activité maritime constitue un enjeu économique vital pour ces territoires. Il est donc primordial que la France se prémunisse contre toute défiance et contestation de sa souveraineté. Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions, et dans l’actuel contexte de réduction budgétaire, l’affirmation des zones économiques exclusives ultramarines est l’occasion pour notre pays d’impulser une réelle prise de conscience au sein des institutions européennes et, ainsi, de promouvoir une politique maritime commune respectueuse des enjeux environnementaux, sociaux et économiques ultramarins. §