Intervention de Michel Vergoz

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

Photo de Michel VergozMichel Vergoz :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je félicite Jean-Étienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava du travail de grande qualité qu’ils ont réalisé lors de l’élaboration du rapport d’information sur les ZEE ultramarines, objet de notre débat aujourd’hui.

Je remercie également le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, Serge Larcher, de nous permettre ainsi de connaître ce moment de vérité.

On ne le rappellera jamais assez, grâce à ses outre-mer, la France possède la deuxième superficie maritime au monde. Les 11 millions de kilomètres carrés de celle-ci représentent quinze fois la totalité des propres espaces terrestres de notre pays, une zone plus vaste que le Brésil, la Chine, ou encore le Canada.

Les prétendus confettis de l’Empire d’hier, nos régions, nos pays et territoires d’outre-mer, dont les rivages sont baignés par les eaux de tous les océans, sont au cœur de réponses fondamentales aux enjeux mondiaux considérables que sont les ressources biologiques, halieutiques et végétales, les ressources énergétiques et les ressources minérales, dont plus de 80 % des réserves mondiales se trouveraient au fond des océans.

Il est définitivement acquis pour tous que la mer, c’est dire les océans et les fonds marins, est « au cœur de la mondialisation » D’autres orateurs exposeront l’urgence, pour les régions et territoires d’outre-mer, de la mise en œuvre d’une réelle politique de développement de nos ZEE. Ils insisteront sur la nécessité d’y être étroitement associés afin que les populations locales y trouvent leur juste compte et ils témoigneront des perspectives innovantes et prometteuses que présentent ces territoires.

J’adhère d’ores et déjà à leurs propos et je soutiens les dix recommandations préconisées dans le rapport sénatorial. Dans le même temps, cependant, je souhaite que l’ordre des choses soit précisé.

Ce n’est pas, en premier lieu, la prise en compte des intérêts des outre-mer qui déclenchera une prise de conscience nationale de l’urgente nécessité d’agir efficacement à l’égard de nos océans. L’élan doit venir de l’échelon supérieur.

La France doit faire preuve, au-delà des affichages ou des incantations, d’une réelle volonté politique, fondée sur l’idée que les outre-mer et les ZEE qui s’y rattachent sont non seulement une chance, ou un atout, comme on l’entend souvent, mais de véritables gisements de richesses qui doivent être préservés et mobilisés, au service d’une croissance nouvelle pour demain.

La France doit également se donner des moyens à la hauteur de ses ambitions légitimes et des enjeux dans nos ZEE.

Volonté politique réelle et moyens à la hauteur d’ambitions partagées : concernant ces deux impératifs, force est de constater que le doute plane depuis plusieurs années. Ainsi, les effectifs de nos forces de souveraineté seront en baisse de 23 % à l’horizon 2020, ou encore le nombre de bâtiments déployés en outre-mer a diminué de 20 % entre 2000 et 2012. À la Réunion, l’unique patrouilleur austral, l’Albatros, qui a montré son efficacité dans la lutte contre la piraterie dans la zone, est retiré sans que son remplacement soit prévu.

Le doute est permis lorsque, dans l’océan Indien encore, de multiples contestations ne sont pas réglées et s’amplifient à mesure que se précisent les perspectives d’exploitation pétrolière. Il en est ainsi autour des îles Éparses, dans le canal du Mozambique, et autour de Mayotte, où Madagascar et les Comores contestent toujours les limites de nos ZEE. À Tromelin, notre ZEE a fait l’objet d’un accord de cogestion de la ressource halieutique avec l’île Maurice, laquelle, tenez-vous bien, a délivré par la suite des licences de pêche à des navires étrangers, japonais et asiatiques entre autres !

Plus largement, le doute est permis lorsque la France, forte de la plus vaste zone maritime des pays membres de l’AIFM, chargée d’instruire et de délivrer les permis d’exploration et d’exploitation des ressources du sol et du sous-sol marins, et forte de la qualité de son expertise technique en la matière comme de sa compétence géologique reconnue internationalement, ne porte pas la légitime ambition de jouer un rôle de premier plan au sein de cette institution.

Les océans offrent une fantastique opportunité de développement de vastes secteurs économiques, constituant autant de relais de croissance nouvelle. C’est fondamental ! Ils recèlent de fabuleux gisements de matières premières, objets de toutes les convoitises. La compétition en mer est déjà lancée ; elle fait rage.

Le moment de vérité est là. Nous devons nous y inscrire !

Pour ce faire, l’ambition et la volonté politique doivent tourner le dos aux seules déclarations de forme et d’intention. Les moyens devant être dégagés doivent s’exonérer du contexte de rigueur et de contrainte budgétaire du moment.

Je le dis très sereinement : cette politique doit être portée au rang de grande cause nationale. Les investissements d’avenir qu’elle sous-tend, réalisés par la dette s’il le faut – il faut du courage pour dire cela ! –, sont un pari qu’il nous faut prendre pour réussir le développement et le rayonnement de la France dans le concert des nations. Peut-être la mer mérite-t-elle également une déclinaison du pacte de responsabilité, élargie à la mise en valeur de ses ressources ? §

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