Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je remercie très chaleureusement MM. les présidents Jean-Louis Carrère et Serge Larcher, grâce à qui nous pouvons aujourd'hui débattre de ce sujet très important, et je félicite tout particulièrement MM. les rapporteurs pour l’excellence et l’exhaustivité de leurs rapports.
La mer recèle de formidables leviers et relais de croissance, indispensables au redressement productif que nous appelons de nos vœux, aussi bien en métropole que dans les territoires ultramarins. C’est tout l’enjeu du troisième axe qui est proposé dans le rapport de la délégation pour la mise en valeur des ZEE ultramarines : « Promouvoir aux échelons local, national, européen et mondial un cadre normatif favorable à une économie bleue attractive et durable ».
La plupart de mes collègues sont intervenus d’une manière très exhaustive sur tous les champs ; pour ma part, je me bornerai à aborder le secteur de la pêche. Son développement – absolument nécessaire, mais qui doit rester durable – est appelé à répondre à plusieurs défis dans les zones ultramarines.
Les outre-mer n’échappent évidemment pas à la tension planétaire sur les ressources. Certes, des évaluations sont conduites pour certaines espèces – thons, marlins, vivaneau rouge, crevettes pénéides, acoupa rouge... – et des systèmes d’informations halieutiques ont été mis en place dans chacun des DOM. Mais la ressource halieutique ultramarine demeure très mal connue, avec des situations très disparates pour les stocks étudiés : légère progression pour certains, diminution tangible pour d’autres, voire effondrement, par exemple, pour la crevette sauvage guyanaise.
De plus, l’importance des ressources halieutiques au large des côtes varie selon qu’elles sont bordées par un plateau continental, comme pour les Terres australes et antarctiques françaises, Saint-Pierre-et-Miquelon ou la Guyane, à la différence de La Réunion ou des Antilles.
Une diffusion large du programme ZoNéCo d’évaluation de l’ensemble des ressources marines menée en Nouvelle-Calédonie depuis 1991 pourrait à cet égard être envisagée afin de définir les principes de gestion des stocks et le suivi de leur application.
Il nous faut aussi – beaucoup viennent de le rappeler – lutter tout particulièrement, et avec une plus grande fermeté, contre les prises illégales. Elles sont très mal vécues, à juste titre, par les pêcheurs locaux, et portent gravement atteinte à des écosystèmes très fragiles.
Pas plus tard qu’hier, le président Obama a annoncé sa volonté de réprimer beaucoup plus sévèrement la pêche illégale et de créer des zones de réserve dans la ZEE américaine…
Même si des progrès ont été enregistrés, comme l’illustre la nouvelle convention de coopération des pays de la conférence de l’océan Indien, la mobilisation doit encore s’amplifier et les moyens doivent être renforcés, notamment par l’installation de radars terrestres, ainsi que le démontrent les situations en Guyane et à Clipperton.
Compte tenu de coûts de production plus élevés que ceux de ses voisines, le développement des pêches ultramarines ne se réalisera que dans le mieux-disant qualitatif, en particulier dans le secteur de l’aquaculture, qui présente sans doute le potentiel productif le plus important. Le soutien à la modernisation de la flotte est par ailleurs une nécessité vitale pour la constitution en véritable filière éco-productive d’une pêche ultramarine encore largement artisanale.
Mais l’avenir de la pêche et de l’aquaculture outre-mer passe aussi par une réorientation des politiques européennes qui, aujourd’hui, encouragent trop souvent les distorsions de concurrence et le dumping coopératif au détriment des territoires d’outre-mer. C’est le sens de la résolution du Conseil économique, social et environnemental de mai 2014 intitulée « Pour une Europe ultramarine », qui préconise notamment de « systématiser les analyses d’impact préalables à la négociation d’accords commerciaux […] sur leurs conséquences […] dans les RUP et les PTOM ».
L’application uniforme des règlements de la politique commune de la pêche, la PCP, qui visent à limiter la production, tout comme la politique en matière de partenariat et donc d’aides – à des pays d’Afrique et du Pacifique voisins de nos RUP ou PTOM ne répondant pas aux mêmes standards normatifs et aux coûts de production très inférieurs –, menacent en effet à moyen terme le déploiement d’une flotte écoresponsable, fragilisant du même coup la filière amont et aval, détruisant des emplois et réduisant les moyens en faveur d’une gestion durable des ressources halieutiques. Le dernier scandale des pêcheurs esclaves en Thaïlande nous a ainsi rappelé très récemment que la course effrénée au moins-disant conduit systématiquement à des dérives des plus inhumaines.
Sur cette nécessaire refonte des politiques européennes, nous ne pouvons que partager le sentiment d’indignation exprimé dans le rapport de la délégation : il n’est pas acceptable qu’en dépit de leurs ressources halieutiques, les territoires ultramarins fournissent seulement 1 000 tonnes par an au marché européen quand dans le même temps, grâce aux accords qu’ils ont conclus avec l’Union européenne, Fidji et la Papouasie–Nouvelle-Guinée en exportent près de 400 fois plus !
La recommandation n° 5, qui vise à associer étroitement les collectivités ultramarines aux volets de la coopération régionale relatifs à la gestion des ressources marines, n’en prend que plus de sens. Il serait bienvenu, madame la ministre, que l’État donne réellement l’exemple d’une relation constructive et confiante avec les acteurs de terrain qui traitent de ces sujets cruciaux et de leurs conséquences parfois terribles pour des populations trop souvent éprouvées par des décisions qu’elles ne comprennent plus. §