Intervention de Abdourahamane Soilihi

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

Photo de Abdourahamane SoilihiAbdourahamane Soilihi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des zones économiques exclusives ultramarines, un secteur présenté comme un des plus porteurs de notre économie moderne. Je tiens à remercier à mon tour MM. les présidents et MM. les rapporteurs pour les excellents rapports qui nous ont permis de débattre aujourd’hui.

Alors que notre pays occupe un rang mondial très confortable grâce à nos outre-mer, la deuxième zone économique exclusive la plus vaste au monde derrière les États-Unis, avec près de 11 millions de kilomètres carrés, nous avons pris l’habitude de nous enfermer dans des débats dogmatiques et incantatoires, en laissant s’éloigner les potentialités insoupçonnées des ressources sous-marines situées exclusivement dans nos zones.

À l’heure où la compétition entre les États s’exacerbe, où l’Europe commence à prendre des initiatives, où un embryon de gouvernance mondiale s’installe progressivement au sein d’instances onusiennes, notre pays, qui fut longtemps pionnier, semble laisser à l’abandon ce domaine qui lui permettrait, à terme, d’accroître sa souveraineté.

À ce titre, permettez-moi tout d’abord de dire que la zone économique exclusive de Mayotte est peut-être la première à témoigner de ce sentiment d’abandon, sans oublier bien entendu les autres collectivités d’outre-mer.

À Mayotte où pêche et tourisme haut de gamme ont la chance de se partager les meilleures potentialités offertes par le lagon, il revient au Gouvernement en première ligne, suivi des acteurs locaux, tant les professionnels que les élus locaux, de se mobiliser et d’œuvrer à la mise en place des structures nécessaires afin de créer un renouveau d’une dynamique tournée vers des partenariats synergiques au cœur du canal du Mozambique.

Créé en janvier 2010, le parc naturel marin de Mayotte reste le premier du genre en outre-mer et également la plus grande aire marine protégée française en superficie, avec près de 70 000 kilomètres carrés, correspondant à la totalité de la zone économique exclusive de Mayotte.

Son objectif est d’assurer un développement harmonieux des différentes activités maritimes dans le respect des objectifs de conservation du patrimoine naturel marin de Mayotte, même si chacun sait que l’exploitation de l’aquaculture réserve au département un avenir prometteur.

Eu égard à ce constat, une question se pose dès lors : comment faire pour que le parc naturel marin de Mayotte oriente son action vers un développement harmonieux d’une activité de pêche pourvoyeuse d’emploi local, avec l’octroi d’engins de pêche exemplaires, capables de relever le défi ?

Cette question mérite une réponse franche de la part du Gouvernement, surtout que le débat du 20 février de l’année dernière sur Mayotte ici même faisait référence aux enjeux de la mer.

À Mayotte, comme ailleurs, le secteur de la pêche est confronté à de grandes difficultés du fait de son caractère essentiellement artisanal et vivrier. Je note à cet égard, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal de disposer d’un atout que l’on n’exploite pas alors que le besoin se fait ressentir.

La ZEE de Mayotte dans laquelle s’incorpore le fameux lagon mahorais, d’une part donne la possibilité à notre pays d’étendre ses droits souverains sur les ressources du sol et sous-sol de son plateau continental, et d’autre part pourrait être un levier incontournable d’une pêche industrielle à l’import-export, mais surtout devenir un objet de coopération entre le territoire de Mayotte et son environnement régional.

Ainsi, l’interdiction de toute aide à la construction des navires est un non-sens outre-mer, où les ressources halieutiques sont abondantes, mais sous-exploitées. Je propose donc que toutes les voies d’analyse et d’expertise soient étudiées pour amorcer ce tournant crucial cher au département de Mayotte.

J’insiste sur ce point majeur qu’est le besoin de promouvoir l’activité de pêche moyennant des équipements adéquats susceptibles d’offrir au nouveau département des perspectives d’avenir et d’évolution. Mais encore faut-il que des offres de formation soient mises à profit pour mieux asseoir une nouvelle politique dont la jeunesse mahoraise serait l’épicentre.

Nos législations nationales et européennes, que ce soit dans le cadre de l’article 73 de la Constitution ou au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, prévoient des solutions d’adaptation ou de dérogation pour écarter les contraintes qui pèsent et qui freinent les perspectives d’évolution.

Afin d’ériger la mise en valeur des ZEE en priorité stratégique, la délégation sénatoriale à l’outre-mer formule dix recommandations, et je vous invite à vous référer à son précieux rapport du mois d’avril 2014, donc d’actualité, intitulé : « Zones économiques exclusives ultramarines : le moment de vérité ».

Pour ma part, j’appelle le Gouvernement à la vigilance afin de corriger une injustice faite aux Mahorais dans les meilleurs délais, madame la ministre, en précisant que plusieurs grands navires immatriculés à Mayotte pratiquent une pêche au large de thonidés tropicaux dans la ZEE mahoraise, mais également en haute mer, allant jusqu’aux ZEE d’États voisins, alors que les bateaux ne sont jamais présents à Mayotte, puisqu’ils débarquent directement aux Seychelles pour la mise en conserve des captures thonières.

En conclusion, nous savons que la pêche ultramarine souffre d’un défaut d’organisation de la filière ainsi que de l’insuffisance des structures de transformation et de commercialisation. À l’heure où la production locale tarde à faire la promotion du territoire, un tel défaut d’organisation constitue une explication suffisante du manque d’accès des produits de la pêche de Mayotte à la restauration collective, écoles ou hôpitaux notamment.

Alors que par ailleurs la vie chère constitue une problématique récurrente dans nos outre-mer, il n’y a pas d’autre choix que de relocaliser la production endogène dans le cadre d’une nouvelle dynamique de l’économie maritime.

Pour finir, en ce qui concerne le lagon, si l’usage de ce lagon hautement réputé est bien garanti, ce beau lieu naturel riche en biodiversité qui devrait stimuler l’attractivité de Mayotte au milieu de l’océan Indien mériterait d’intégrer la convention de l’UNESCO au titre de patrimoine commun de l’humanité. §

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