Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 18 juin 2014 à 14h30
Débat sur les zones économiques exclusives ultramarines

George Pau-Langevin, ministre :

Mon collègue est désolé de ne pouvoir être présent, car ce sujet, qui lui tient à cœur, lui paraît très important.

Pour ma part, je suis ravie d’être parmi vous. Le sujet des zones économiques exclusives françaises, les ZEE, concerne principalement nos outre-mer, puisque 97 % d’entre elles y sont situées. La valorisation de ces richesses potentielles, comme l’ont souligné les différents orateurs, constitue un enjeu important pour ces territoires et, plus largement, pour toute la République française.

Je remercie donc vivement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi que la délégation sénatoriale à l’outre-mer de s’être intéressées à ces sujets, en y ayant consacré chacune un rapport d’information et en ayant demandé l’organisation de ce débat. J’en profite pour saluer leurs présidents respectifs, Jean-Louis Carrère et Serge Larcher, ainsi que les auteurs de ces deux rapports, qui abordent un sujet finalement mal connu, mais extrêmement important pour le pays.

Dans son intervention, le président Serge Larcher a lancé un appel, en ce jour du 18 juin – ô combien historique ! –, pour que nous ouvrions les yeux et réalisions la chance que nous avons de disposer de pareils potentiels d’innovation. Tout comme lui, tout comme les orateurs qui se sont succédé à la tribune, je tiens à rappeler ce formidable potentiel, cette formidable richesse que constituent nos zones économiques exclusives ultramarines ; j’espère donc que son appel sera entendu.

Au moment de s’exprimer sur la mer, certains introduisent leur propos avec des formules de Charles Baudelaire ou de Victor Hugo. Pour ma part, votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, m’évoque cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle ». C’est ce désir que nous devons susciter pour essayer de promouvoir l’importance des zones économiques exclusives et de la politique maritime intégrée, comme s’efforce de le faire, au Gouvernement, Frédéric Cuvillier.

Les différents orateurs ont rappelé des chiffres importants, qui méritent en effet d’être cités : la France possède la deuxième surface maritime mondiale, répartie sur quatre océans, et le premier linéaire maritime européen, d’une longueur totale de 18 000 kilomètres ; l’économie maritime représente 900 000 emplois directs et indirects ; enfin, le pays compte, avec les outre-mer, 564 ports, pour un trafic de 360 millions de tonnes de marchandises, et 55 000 kilomètres carrés de récifs coralliens et de lagons.

La liste est édifiante ; notre travail en la matière est donc important. Avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer, avec le Sénat en général, il nous faut donc apprendre à mieux valoriser cette richesse exceptionnelle.

Je salue, à ce titre, le travail réalisé par les sénateurs Jean-Étienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava, qui a donné lieu à de nombreuses auditions. Il a permis de recueillir d’institutionnels, d’industriels, de juristes et de scientifiques les informations concernant les activités maritimes qui s’étendent à nos collectivités ultramarines dans un contexte de maritimisation des enjeux. Leur travail dresse un état des lieux très complet, qui pourra servir de référence sur la situation actuelle, les richesses potentielles, et les actions à mener pour que ces dernières deviennent bien « réelles » pour notre pays.

Ce rapport couvre les différents usages de la mer, dans une démarche de politique maritime intégrée, que je souhaite, avec vous, et au nom du Gouvernement, promouvoir. Les activités économiques traditionnelles, les énergies marines renouvelables, les explorations et exploitations offshore d’hydrocarbures, les ressources minérales et minières profondes, les biotechnologies bleues s’effectuent sur le même territoire maritime. Mme Assassi avait donc raison quand elle indiquait, dans son intervention, que là se jouait l’avenir de l’humanité.

La réalité économique, sociale et environnementale de la politique maritime est bien là, les enjeux liés à la situation maritime exceptionnelle de la France en termes de développement durable, dans des espaces qui doivent être mieux connus, mieux protégés, mieux partagés. Je pense notamment à des coopérations régionales dans chacune des zones concernées, mais aussi à la gouvernance mondiale des océans, dans le contexte de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée en 1982, dite « convention de Montego Bay ».

Le rapport détaille dix recommandations. Mais avant de répondre – autant que faire se peut – aux différentes interventions, je voudrais insister sur un élément important, sur cet enjeu cardinal qu’est la mer pour les outre-mer. En effet, les collectivités ultramarines regroupent près de 2, 7 millions d’habitants, répartis sur treize territoires aux caractères géographiques, statutaires et culturels profondément distincts. C’est grâce à ces territoires que la France peut étendre sa surface maritime sur quatre océans ; c’est grâce à ce qui représente un sixième du territoire terrestre métropolitain que la France dispose de droits souverains et de droits de juridiction sur le deuxième espace maritime du monde ; c’est grâce aux outre-mer que la France peut afficher 11 millions de kilomètres carrés de domaine maritime.

Je me souviens que, le jour où le gouvernement de Manuel Valls a été nommé, un député européen se plaignait de n’y voir apparaître aucun ministre chargé des affaires européennes, alors qu’il comportait un ministre des outre-mer. À mon sens, les chiffres que je viens de citer peuvent expliquer pourquoi les outre-mer revêtent une telle importance pour notre pays et pour le Gouvernement. Si elle n’est peut-être pas perçue ainsi par l’homme de la rue, il nous revient de la faire mieux connaître.

La France a su être leader mondial dans les domaines stratégiques du nucléaire, de l’aéronautique, du spatial et des télécoms ; elle doit l’être aussi autour d’une politique de la mer. Je crois que la France peut devenir leader mondial dans le développement d’une croissance durable, protectrice et émancipatrice : la croissance bleue. En conjuguant sa compétence technologique, de recherche et d’innovation et sa puissance maritime, elle peut offrir à une planète de 8 milliards d’individus en 2025 un nouveau modèle de développement.

Naturellement, il y a un préalable indispensable, sur lequel de nombreux orateurs ont insisté, de Jean-Louis Carrère, Jeanny Lorgeoux et André Trillard pour la commission des affaires étrangères à Joël Guerriau pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en passant par Michel Vergoz et Yves Pozzo di Borgo : la France doit pouvoir protéger ses ressources et « assumer ses responsabilités », comme le disait Joël Guerriau, avant même de prétendre exploiter ses ressources.

L’affirmation de la souveraineté française sur les vastes zones économiques dans les outre-mer requiert donc des moyens relevant principalement du ministère de la défense.

Le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008, avait entériné une diminution des effectifs militaires stationnés dans les outre-mer de 23 % entre 2008 et 2020. Cela était acté lors de l’arrivée aux responsabilités de la nouvelle majorité. Le Livre blanc de juin 2013 a ainsi fait le constat d’un risque important de rupture capacitaire à court et moyen termes dans les outre-mer, tant dans le domaine maritime que dans le domaine aérien, qui pourrait conduire l’État à ne plus pouvoir remplir de façon appropriée l’ensemble des missions qui lui incombent dans ces territoires, y compris la mission de souveraineté.

L’État s’est donc fixé pour objectif de résoudre ces problèmes capacitaires par un dimensionnement adapté du dispositif militaire, une montée en puissance des capacités civiles, et un recours accru à la mutualisation des capacités. Comme l’a rappelé le président Carrère, le Livre blanc de la défense a permis de mettre davantage en exergue les enjeux maritimes actuels.

Des décisions récentes ont ainsi permis de répondre à une partie de ces enjeux. L’acquisition de trois bâtiments multidimensions par le ministère de la défense a été rappelée. D’autres arbitrages doivent encore être rendus, dans le contexte budgétaire contraint que vous connaissez.

Cela a été souligné, la question la plus urgente est celle des capacités militaires dans l’océan Indien, et plus particulièrement dans le canal du Mozambique

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