La surveillance et la police des pêches dans la zone maritime de l’océan Indien est donc une préoccupation importante du ministère des outre-mer ; je tiens à rassurer Thani Mohamed Soilihi, Abdourahamane Soilihi et Michel Vergoz sur ce point. L’Osiris effectue actuellement des missions de police des pêches dans la zone, et ce dispositif est sécurisé jusqu’à la fin de l’année 2016. Je tiens également à souligner la forte implication des services de l’État en Guyane pour lutter, en lien avec les autorités brésiliennes, contre la pêche illégale. Vous le savez, des actions exemplaires y ont été menées récemment. Néanmoins, comme pour l’orpaillage clandestin, nous sommes confrontés en la matière à des difficultés récurrentes, qu’il nous est difficile de résoudre.
En tout état de cause, vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement oppose une réponse ferme, dans la mesure de ses moyens, naturellement, aux prétentions d’exploitation sans titre §des ressources pétrolifères. Cette protection de nos ressources passe naturellement, cela a été rappelé, par une délimitation clairement établie de la limite de nos zones économiques exclusives. C’est une préoccupation que je réaffirme, à la suite de mon prédécesseur à ce poste.
Le Secrétariat général de la mer doit animer, avec le ministère des affaires étrangères, cet important travail de délimitation de tous nos espaces maritimes, ce qui n’avait peut-être pas été entrepris de manière assez méthodique auparavant. C’est dans ce cadre que le Gouvernement a pris plusieurs décrets de délimitation de nos lignes de base, travail indispensable pour ensuite fixer par décret les limites de nos autres espaces maritimes comme la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental. En 2013, quatre décrets ont fixé les lignes de base de Wallis-et-Futuna, Amsterdam, Saint-Paul et Mayotte. Pour 2014, la priorité a été donnée à la fixation de toutes les lignes de base des espaces sous juridiction de la France dans la zone maritime sud de l’océan Indien.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous prenons cette question très au sérieux. J’ai bien entendu, d’ailleurs, le rappel par Jeanny Lorgeoux de la parabole biblique, qui nous incite à être vigilants sur ce sujet. §
J’en viens maintenant aux recommandations du rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.
Ces recommandations portent en premier lieu, et c’est bien logique, sur la gouvernance nationale de la mer. Pas de politique forte sans gouvernance nationale claire, qui dépasse les clivages sectoriels traditionnels.
L’une des préconisations fortes du rapport est d’instaurer une instance capable de fédérer toutes les questions relatives à la mer, et de donner ainsi une réelle impulsion pour définir et mettre en œuvre une stratégie maritime intégrée.
À l’issue du travail mené sur ce sujet par le Comité interministériel de modernisation de l’action publique, le CIMAP, un comité interministériel de la mer, ou CIMER, s’est tenu le 2 décembre dernier sous la présidence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, au cours duquel la création d’une délégation à la mer et au littoral a été décidée. L’ambition de cette nouvelle structure est d’être la clef de voûte de la politique maritime intégrée. Une rupture est attendue avec le fonctionnement actuel, tant par les services de l’État que par les usagers.
Cette délégation sera certes ministérielle, mais elle aura pour rôle de coordonner toute la politique maritime intégrée. Compte tenu de la place importante des outre-mer dans cette politique, j’ai plaidé auprès de Frédéric Cuvillier pour qu’un préfet les connaissant bien soit nommé à sa tête. Ce profil me semble le plus à même de prendre le recul nécessaire sur les politiques sectorielles pour mieux appréhender le fait maritime.
La deuxième partie de vos recommandations concerne la valorisation des zones économiques exclusives. Je retiens la possibilité pour chaque collectivité de disposer d’un outil de gouvernance locale permettant de prendre en compte les enjeux de la zone concernée et de coordonner les acteurs, ainsi que la nécessité d’associer étroitement les collectivités aux actions de coopération régionale relatives à la gestion des ressources marines, de stabiliser la réglementation pour permettre aux investisseurs et aux industriels de développer leur activité et, enfin, de promouvoir la structuration des activités marines en filière intégrée.
Comme le président Serge Larcher et d’autres orateurs l’ont souligné, les outre-mer sont, historiquement et culturellement, orientés vers leurs territoires terrestres : dans leur histoire, les grandes villes tournaient le dos à la mer. Nous devons infirmer cela et permettre aux collectivités d’outre-mer ainsi qu’à leurs élus de s’intéresser davantage à un tel potentiel.
Le Conseil national de la mer et des littoraux, le CNML, qui a été installé et s’est réuni pour la première fois le 18 janvier 2013, participera à l’élaboration des orientations de la politique maritime nationale. À l’échelon local, les périmètres de la gouvernance sont les façades maritimes en métropole et les bassins maritimes en outre-mer. Le conseil maritime de façade en métropole et le conseil maritime de bassin outre-mer sont chargés de définir les enjeux et priorités de la zone maritime concernée, ainsi que d’établir la politique maritime intégrée locale dans le document stratégique de façade en métropole et dans le document stratégique de bassin maritime en outre-mer.
Pour les outre-mer, la gouvernance maritime locale est en pleine évolution : le décret du 13 mai 2014 l’organise en instaurant les conseils maritimes ultramarins et les documents stratégiques de bassin maritime.
Je le rappelle, quatre bassins ont été définis en outre-mer : le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; le bassin « sud océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises – TAAF –, et Mayotte ; le bassin « Guyane » ; le bassin « Saint-Pierre-et-Miquelon ».
La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, qui exercent des compétences propres en matière maritime, environnementale, économique et littorale, ne sont pas concernées par le dispositif.
Toutefois, les territoires sont étroitement associés aux actions de coopération régionale en matière de gestion des ressources marines. Par exemple, pour ce qui concerne les organisations régionales de gestion des pêches, la France est partie prenante à une dizaine d’organisations au titre des collectivités ultramarines ayant le statut de pays et territoires d’outre-mer, ou PTOM : elle y siège en tant que délégation France-territoires, indépendamment de l’Union européenne, qui défend les intérêts de la métropole et des régions ultrapériphériques.
D’autres territoires, et je pense évidemment à Saint-Pierre-et-Miquelon, ne nous ont pas attendus pour penser leur développement maritime.
Après avoir reçu le 24 juillet dernier les deux parlementaires de l’archipel, dont Karine Claireaux ici présente, le Président de la République, François Hollande, a annoncé le dépôt d’un dossier devant la Commission des limites du plateau continental des Nations unies, dépôt désormais effectué, comme l’ont rappelé Mme Claireaux et M. Mézard.
C’est un dossier décisif pour l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon, même si ce n’est évidemment pas le seul sur lequel vous appelez aujourd'hui notre attention.
L’avenir de l’archipel, j’en ai conscience, repose pour une large part sur son ouverture maritime. Le siècle qui s’est ouvert sera celui de la mer. Saint-Pierre-et-Miquelon doit donc pouvoir profiter pleinement des avantages territoriaux qui sont les siens.
La mise en valeur des ressources qu’offre l’océan est indispensable. Nous sommes par conséquent déterminés à poursuivre le soutien à la filière pêche. Je pense en particulier au pôle de Miquelon, vis-à-vis duquel des engagements ont été pris par mon prédécesseur ; j’entends bien les honorer. Je pense évidemment aussi à Saint-Pierre, dont l’activité doit pouvoir être relancée. D’ailleurs, il est difficile de ne pas avoir ce sujet en tête tant les élus, à commencer par Mme Claireaux, nous en rappellent périodiquement l’importance.
Il faut saisir le potentiel de développement que procure la mer, ce qui suppose aussi de se doter des infrastructures adaptées. Le port de Saint-Pierre, port français aux portes de l’Amérique du Nord, dispose d’atouts dont il doit profiter au mieux. Le ministère a contribué à en assurer la promotion l’an passé. Nous devons poursuivre cet effort. Il faut encourager les activités de plaisance, de croisière et de carénage, et par là même la localisation d’activités et d’emplois. Les petites victoires que l’on peut obtenir au quotidien sont évidemment importantes.
Un certain nombre d’orateurs, notamment Mme Aïchi, bien sûr, et M. Laufoaulu, sont intervenus sur le développement durable et la protection de la biodiversité. De nombreux projets transversaux existent outre-mer et associent les collectivités. Je mentionne le sanctuaire AGOA des mammifères marins dans l’espace Caraïbe ou le projet CARET2 de conservation des tortues marines au niveau du plateau des Guyanes.
Pour l’océan Indien, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a évoqué la gestion des deux parcs naturels, celui de Mayotte et celui des Glorieuses, dont les périmètres se jouxtent. La fusion des deux parcs ne nous semble pas opportune dans l’immédiat. En revanche, il est indispensable que les synergies se renforcent, afin d’assurer une cohérence technique des plans de gestion et des actions engagées. Il me semble d’ailleurs que c’est déjà largement le cas, puisque le président du Parc naturel marin de Mayotte et les représentants de la pêche artisanale mahoraise siègent au conseil du Parc des Glorieuses.
J’en viens aux collectivités du Pacifique. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent des compétences de gestion, de protection et de valorisation des ressources marines. À ce titre, elles peuvent prendre part directement aux projets régionaux de coopération dans le domaine de la gestion des ressources marines. Ainsi, le 23 avril dernier, le parc naturel de la mer de Corail a été créé en Nouvelle-Calédonie. Il constitue la plus grande aire marine protégée de France.
Je termine sur la valorisation des ZEE en évoquant le code minier, que certains intervenants, notamment MM. Mézard et Cornano, ont évoqué. Comme le soulignent à juste titre les auteurs du rapport, les partenaires privés ont besoin d’un cadre normatif et financier stable et attractif pour mener des projets d’exploration et d’exploitation, qui comportent par nature d’importants risques financiers.
La réforme du code minier a été annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale en 2012. Comme vous le savez, M. Thierry Tuot a été désigné à cette fin. Les travaux se poursuivent depuis cette date et avancent avec sérieux. Je souhaite comme vous que nous puissions aboutir rapidement pour adopter une réglementation adaptée aux contextes fiscal, économique et juridique des ZEE et garantissant un juste retour aux territoires.
Bien entendu, la réforme s’effectuera en étroite concertation avec les territoires. À cet égard, les inquiétudes que M. Laufoaulu et Mme Aïchi ont exprimées doivent, je le crois, être respectées.
Le troisième et dernier ensemble de vos recommandations – je suis un peu longue, mais c’est parce que, le rapport étant très complet, je tiens à vous répondre de manière exhaustive – concerne la promotion de l’économie bleue, autour de la nécessité de prendre en compte les impératifs de gestion durable et de valorisation des ressources dans le futur code minier, du soutien de l’Union européenne pour la valorisation de nos ZEE et du rôle moteur de la France pour la mise en place d’une gouvernance mondiale des océans. Dans son intervention, M. Antoinette a parfaitement rappelé l’ensemble des potentialités qu’offrent les ressources des ZEE ultramarines pour répondre, notamment, au défi énergétique.
Le CIMER du 2 décembre 2013 a confié à différents ministères la définition et le pilotage d’un programme national de recherche et d’accès aux ressources minérales des grands fonds marins, associant en particulier l’IFREMER, le CNRS, les universités, les industriels et les autres ministères concernés. Il doit s’inscrire dans le droit fil du rapport d’Anne Lauvergeon pour le soutien à l’innovation majeure.
Par ailleurs, et M. Pozzo di Borgo l’a rappelé, au moment où les ressources terrestres sont effectivement en train de s’épuiser, chacun est conscient de l’importance des ressources minérales profondes.
Nous le savons, dans le domaine maritime, les profondeurs sont prometteuses en cuivre, zinc, plomb, or ou argent et en terres rares. Des permis d’exploration sont attribués par l’Autorité internationale des fonds marins pour quinze ans à l’IFREMER, dont le président signera prochainement un contrat d’exploration des amas sulfurés. Autrement dit, nous avons la réalisation prévue de trois campagnes océanographiques sur les quinze ans à venir, dont une première campagne dès 2016.
Les ressources maritimes de la France sont aussi biologiques. Le développement des filières de pêche et d’aquaculture constitue un enjeu important pour les outre-mer. Je remercie Mme Herviaux d’avoir rappelé cet élément dans son intervention.
Vous avez aussi souligné la nécessité d’un soutien fort de l’Union européenne aux politiques maritimes : MM. les sénateurs Jean-Étienne Antoinette, Jacques Cornano et Abdourahamane Soilihi ont évoqué les difficultés du secteur.
À ce titre, le Gouvernement s’est montré particulièrement actif auprès des instances européennes dans le cadre de la nouvelle programmation des fonds européens pour la période 2014-2020, afin d’obtenir un soutien maximal pour la valorisation de nos ZEE.
Cela se traduit nomment par le concours du Fonds européen pour les affaires maritimes et pour la pêche, le FEAMP, aux actions engagées dans les régions ultrapériphériques tant en matière de soutien aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture que pour les actions engagées au titre de la politique maritime intégrée – acquisition de connaissances, innovation…
Les fonds alloués aux outre-mer sont ainsi en très nette augmentation par rapport à la période 2007-2013.
Le projet de règlement FEAMP, qui fixe le cadre réglementaire de la politique commune de la pêche pour la période de programmation 2014-2020, est aussi porteur d’avancées majeures pour les outre-mer.
Je les cite rapidement : l’introduction de l’article 349 du TFUE dans les visas du règlement, la mise en œuvre d’un régime de compensation des surcoûts doté d’enveloppes importantes, soit 12, 35 millions d'euros par an pour les cinq RUP, l’augmentation du taux de cofinancement, passant de 75 % dans le cadre du FEP à 85 % dans le cadre du FEAMP, la possibilité d’adosser des aides d’État en faveur du secteur de la pêche et de l’aquaculture dans les RUP, la mise en place de fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques ou environnementaux, le financement des dispositifs de concentration de poissons ancrés.
Les moyens pour les outre-mer sont en hausse sensible. Comme je l’ai dit, 86 millions d'euros sur sept ans serviront à compenser les surcoûts de production et de commercialisation. Par ailleurs, une fraction de l’enveloppe attribuée à la France pour le financement de la pêche, soit 588 millions d'euros sur sept ans, permettra de développer une politique ambitieuse au soutien du développement du secteur, du contrôle des pêches, de la politique maritime intégrée
Les PTOM n’ont pas été oubliés puisque le fonds européen de développement, le FED, qui peut contribuer à financer des actions en faveur de la filière pêche, est également en hausse sensible.
Sur le sujet spécifique de la pêche à Wallis-et-Futuna, dont M. Laufoaulu a parlé, les autorités françaises envisagent avec les autorités américaines un accord de pêche. Les négociations sont en cours. L’idée qui sous-tend cette démarche est à la fois de permettre une meilleure connaissance des possibilités offertes par la zone de pêche, à ce jour mal connues, comme vous l’avez rappelé, tout en s’assurant des retombées financières pour le territoire.
Je souhaite conclure mon propos en évoquant, comme l’a également fait Mme Éliane Assassi, le contexte international.
La France est bien entendu partie prenante aux instances internationales dont il est question directement ou indirectement dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer : le processus des Nations unies sur la négociation de la résolution annuelle sur le droit de la mer, le processus consultatif sur l’évaluation des océans, la réunion des États parties à la Convention de Montego Bay, la préparation d’une décision de la 69e assemblée générale des Nations unies en vue de la négociation d’un accord d’application de la convention de Montego Bay sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer, et l’Autorité internationale des fonds marins.
Par sa présence active dans ces instances de concertation et de suivi, la France continuera à porter la voix d’une politique maritime intégrée, source de croissance durable pour les populations, dans le respect de cet environnement maritime exceptionnel et encore trop peu connu à l’heure actuelle.
Je vous remercie de votre attention et d’avoir, par l’organisation de ce débat, mis en valeur cette richesse que constituent pour notre pays les zones économiques exclusives ultramarines. §