En effet, je crains que ce ne soit moins évident !
Cela montre en tout cas que, lorsque l’on a des objectifs concrets, on arrive à surmonter certains clivages pour faire avancer nos collectivités et améliorer la vie de nos concitoyens.
Cette initiative de notre collègue Jean-Léonce Dupont avait abouti à un texte que le Sénat avait adopté, je le rappelle, à l’unanimité des suffrages exprimés, le 13 décembre dernier.
Cette nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé, selon la terminologie européenne, que créent ces propositions de loi a pour objectif d’optimiser le fonctionnement des services publics locaux en réintégrant leur gouvernance au sein des collectivités territoriales, tout en cherchant très naturellement à bénéficier du savoir-faire du secteur privé.
La réalisation de cet objectif passe par la création d’un nouvel outil, une entité mixte, composée d’une personne publique et d’au moins une personne privée chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique bien déterminée.
Cette opération consisterait en la réalisation d’un ouvrage ou en la gestion d’un service public. Il convient de rappeler que plusieurs États européens ont déjà mis en place un tel instrument, qui a été validé par la Commission européenne et par la Cour de justice des Communautés européennes. Nous savons en effet que la création de ce type d’outil a donné lieu à des débats juridiques assez délicats.
La spécificité de cette nouvelle forme de société d’économie mixte, la SEM à opération unique – appellation d’ailleurs créée par le Sénat –, réside dans l’organisation d’une seule procédure de mise en concurrence, non pas pour l’attribution du contrat à ladite société, mais pour le choix de la personne privée qui participera à cette entité. Dans ce cadre, la personne privée devra faire la preuve de son expertise technique, opérationnelle et budgétaire, afin de justifier de sa capacité à répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité territoriale.
Je souhaite souligner un point qui me paraît important. Les SEMOP ne visent pas à remplacer les outils traditionnels que sont les SEM classiques, ni à rendre caduques les formules traditionnelles de gestion des services publics locaux, comme la délégation de service public. Le but est de mettre à disposition des élus locaux qui le souhaitent un nouvel instrument destiné à répondre à des objectifs très déterminés.
Ce nouvel outil ne présente pas plus de risques juridiques ou financiers que d’autres plus classiques. L’exemple des sociétés publiques locales, créées en 2010 – j’ai eu le privilège d’être le rapporteur de la proposition de loi les instaurant, et je tiens à saluer le travail qu’avait accompli Anne-Marie Escoffier sur ce dossier –, est particulièrement probant à cet égard : à ma connaissance, ces sociétés fonctionnent sans difficultés particulières ni dérives.
Enfin, autre point important, la comparaison avec les contrats de partenariat ne me paraît pas pertinente. Nous connaissons les inquiétudes de certains professionnels, en particulier ceux du second œuvre ou de la maîtrise d’œuvre, mais il est faux de dire que la SEM à opération unique est de même nature que le PPP.
En effet, la personne publique disposera, au sein d’une SEMOP, de plusieurs outils destinés à la protéger : détention de la présidence de la SEM et, pour le moins, d’une minorité de blocage – ce sera souvent une majorité – au conseil d’administration. Par ailleurs, les projets pour lesquels les élus locaux utiliseront une SEMOP seront généralement d’une envergure plus modeste que ceux faisant l’objet d’un contrat de partenariat.
Enfin, ces SEMOP sont conçues pour permettre aux élus locaux de recourir à des entreprises locales et donc, aussi, pour être un moyen de redynamisation de nos territoires. On a d’ailleurs pu constater l’intérêt manifesté par de nombreuses collectivités lors de la création des sociétés publiques locales, dont les SEMOP seront un complément.
Guidée par le souci de protéger le rôle des élus locaux au sein de cette nouvelle entité tout en conservant une certaine souplesse afin de garantir son efficacité, la Haute Assemblée a renforcé, en première lecture, sur notre initiative, la sécurité juridique du dispositif, pour que soient respectées les exigences communautaires en matière d’égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, et pour permettre aux élus locaux de se saisir pleinement de cet instrument.
Je citerai quelques améliorations que nous avons adoptées en première lecture.
Premièrement, le changement de dénomination, de SEM-contrat en SEM à opération unique, permet de mettre en exergue la limitation du champ d’activité à l’exécution d’un contrat unique qui constituera l’objet de la future SEM, tout en conservant les spécificités de cette entité.
Deuxièmement, nous avons clarifié les différentes étapes de la création d’une SEMOP et de la conclusion du contrat. Toute personne publique souhaitant recourir à une SEMOP devra adopter une délibération dans laquelle elle déterminera ses besoins et définira les principales caractéristiques de la future société.
Troisièmement, nous avons clarifié la procédure de mise en concurrence pour la sélection de l’actionnaire opérateur, qui reposera sur un appel public à manifestation d’intérêt, respectant les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures. Sur la base de la délibération de la personne publique, les candidats devront déterminer leur part de capital au sein de la future SEM, ainsi que les moyens techniques et financiers permettant la réalisation de l’opération conclue avec cette dernière. À la suite du choix de l’actionnaire opérateur, sera créée la SEMOP qui conclura, avec la personne publique, le contrat à l’origine de la démarche.
En fait, tout en conservant l’esprit et la structure de la proposition de loi adoptée par le Sénat, et dans la continuité de nos travaux, la commission des lois de l’Assemblée nationale a conforté la simplification du dispositif, en réaffirmant le caractère unique de la procédure. Parmi les évolutions adoptées par nos collègues députés, on retiendra les suivantes.
Tout d’abord, si l’on pourrait gloser sur la substitution de la notion d’opérateur économique à celle d’actionnaire opérateur pour désigner la personne privée qui participera au capital de la SEMOP, afin de ne pas préjuger de la forme juridique et de la propriété du cocontractant, je crois qu’il n’y a pas lieu d’y revenir. Il me semble d’ailleurs que la Caisse des dépôts et consignations était attachée à cette évolution.
J’évoquerai ensuite la sélection du partenaire opérateur dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes. En d’autres termes, la procédure de mise en place d’une SEMOP sera celle en vigueur pour l’appel public à la concurrence selon la nature du contrat à conclure.
Je mentionnerai aussi la suppression de la possibilité d’attribuer des contrats connexes ou de sous-traitance simultanément au choix de l’actionnaire opérateur, l’établissement d’un document de préfiguration prévoyant les caractéristiques, modalités et coût de la structure ainsi mise en place – c’est un point important, car cela permet de répondre à certaines inquiétudes exprimées par des représentants des professionnels du second œuvre ou de la maîtrise d’œuvre –, la possibilité de constitution d’un groupement permettant à plusieurs opérateurs économiques de répondre à l’appel à la concurrence d’une personne publique, enfin l’intervention de l’organe délibérant des collectivités pour se prononcer sur le principe et la pertinence du recours à une SEMOP. Toutes ces dispositions visent à renforcer la transparence dans la mise en place de ce type de structures.
La commission des lois du Sénat a approuvé l’ensemble des modifications adoptées par l’Assemblée nationale, car les dispositions ainsi amendées tendent, à nos yeux, à renforcer et à conforter la sécurité juridique des SEMOP. Elles répondront, selon nous, aux attentes de nombreux élus locaux soucieux d’optimiser le fonctionnement des services publics locaux dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, tout en garantissant la qualité du service rendu à nos concitoyens et, ajouterai-je, sans présenter les risques, que nous connaissons bien, des PPP.
Par ailleurs, la commission des lois est attachée à une entrée en vigueur rapide du texte afin de permettre à nos collectivités de se saisir pleinement de ce nouvel outil. C’est pourquoi elle a adopté la présente proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Je vous invite, mes chers collègues, à en faire de même ce soir en séance publique. §