Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier vivement les auteurs de la proposition de loi de nous permettre de débattre d’une question fondamentale – cela a été dit et il faut l’affirmer avec force. Nous n’ignorons pas en effet que la croissance, le développement économique, l’emploi, le désenclavement des territoires sont corrélés à la qualité de nos infrastructures de transport et à la densité de notre réseau. Et tout cela contribue et participe de l’aménagement du territoire, un aménagement du territoire dont on ne dit pas suffisamment l’importance aujourd’hui.
Cette proposition de loi a, par ailleurs, le mérite de mettre en lumière les difficultés que nous risquons de rencontrer si nous voulons atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement en matière de report modal et de réduction de gaz à effet de serre.
Ce texte nous permet donc d’avoir à nouveau un débat – et peut-être pourrons-nous obtenir des réponses du Gouvernement ? – sur l’épineux problème du financement des infrastructures de transport, notamment sur les recettes affectées au budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Au regard des enjeux nationaux en matière de renouvellement des infrastructures, longtemps délaissées, il y a véritablement urgence ! Et les membres du RDSE, à l’instar de notre ami Michel Teston à l’instant, ne cessent de le répéter.
Les auteurs de la présente proposition de loi s’inquiètent à juste titre des effets des privatisations qui ont eu lieu en 2002 et en 2005 : ces dernières ont en effet entraîné une hausse continue du tarif des péages – très supérieure à l’inflation –, alors que les autoroutes concédées étaient quasiment achevées, que de nouveaux investissements de grande importance n’allaient par conséquent pas grever les recettes des sociétés concessionnaires, et que le trafic était amené à croître.
Ces sociétés privées ont ainsi pu encaisser plus de 8 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2011, comme en 2012.
Ces hausses de péages déconnectées des investissements réalisés ont été critiquées récemment – cela a déjà été rappelé – par la Cour des comptes dans son rapport publié en juillet 2013.
La question de la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes s’est posée pour certains avec d’autant plus d’acuité que l’écotaxe poids lourds a été suspendue sine die. Or, cette recette représente 40 % du budget de l’AFITF et met en danger ses missions, comme l’ensemble des projets qu’elle est amenée à porter à très long terme. Il nous faut donc connaître au plus vite l’intention du Gouvernement sur ce point particulier, monsieur le secrétaire d’État. Nous serons tous très vigilants à la réponse que vous ferez.
Faut-il renationaliser dès maintenant les sociétés d’autoroutes ? Telle est la question qui se pose.
Certes, nous sommes nombreux à regretter la privatisation décidée par le gouvernement de l’époque qui s’est avérée être une très mauvaise opération, aussi bien pour les contribuables que pour les usagers.
Il faut le rappeler – mais M. Karoutchi l’a lui-même indiqué tout à l’heure –, cette décision, prise sans consultation préalable de la représentation nationale, était loin de faire l’unanimité au sein même de la majorité de l’époque.
Cependant, la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui, certes, réalisent des bénéfices, aurait un coût excessif sur nos finances publiques, dont on sait en quelle mauvaise posture elles se trouvent aujourd’hui.
La proposition de loi aurait alors pour conséquence néfaste de corriger une grande erreur de gestion du patrimoine de l’État par une nouvelle erreur. Inutile de préciser que, dans le contexte budgétaire actuel, cela n’est pas envisageable !
Enfin, et surtout, comme en 2006, rien ne garantit que les dividendes seraient finalement affectés au budget de l’AFITF. En effet, à l’époque, 4 milliards d’euros seulement sur les 14, 8 milliards d’euros du produit de la cession avaient été affectés à l’Agence.
Pour provoquer une baisse des péages, il reste que l’État a encore un rôle certain à jouer lors des négociations des contrats de plan. Comme Michel Teston l’a rappelé, les autoroutes demeurent propriété de l’État. Ainsi, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, le ministère de l’économie et des finances devrait être systématiquement associé aux négociations. De même, il est indispensable de mieux encadrer par décret les hausses des péages. Monsieur le secrétaire d’État, est-ce l’intention du Gouvernement ?
En ce qui concerne le financement des infrastructures de transport, quelles solutions nous reste-t-il ? Sans aucun doute, soit appliquer l’écotaxe, soit envisager sa substitution.
Mais il est inutile de dire, monsieur le ministre, que l’on ne peut préserver indéfiniment le statu quo. Il nous faut savoir très vite ce qu’il en sera.
La paralysie actuelle met en danger tout le dispositif, à commencer par le financement de nos infrastructures, alors que le réseau ferroviaire souffre – on ne le sait que trop ! – d’un désinvestissement de longue date que nous avons du mal à rattraper, et alors que les projets prévus pour 2030 par la commission Mobilité 21 risquent d’attendre et pourraient même ne jamais voir le jour.
Cet immobilisme est d’autant plus préoccupant que le réseau d’infrastructures de transport européen doit, lui aussi, avancer.
Faut-il, sous prétexte d’une telle suspension, s’interdire d’envisager d’autres sources de financements qui pourraient devenir complémentaires ? C’est une question que nous devons tous nous poser.
Comment faut-il interpréter les déclarations faites récemment à l’Assemblée nationale par le ministre du budget, selon lesquelles « l’abandon de la taxe poids lourds nécessiterait de revoir un certain nombre de priorités, de faire des choix pour redessiner notre politique de transport » ?
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous nous interrogeons tous, et vos réponses sont très attendues. Nous sommes, comme l’ont dit également les précédents orateurs, dans une situation d’attente.
Je vous le dis avec beaucoup d’amitié, madame Didier, la très grande majorité du groupe du RDSE ne pourra apporter son soutien à cette proposition de loi. §