Intervention de Serge Dassault

Réunion du 19 juin 2014 à 15h00
Financement de la protection sociale et allégement des charges des entreprises — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Serge DassaultSerge Dassault :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, mes chers collègues, cette proposition a été conçue pour favoriser les entreprises de production qui participent à la croissance et à la réduction du chômage, ce qui correspond au souhait exprimé par M. le Président de la République.

Aujourd’hui, les charges sur salaires, salariales et patronales, imposées aux entreprises françaises par la législation sont presque égales au salaire net, c'est-à-dire que le coût total des salaires et des charges représente presque le double du salaire net. Or ce n’est le cas dans aucun autre pays et cette situation compromet gravement notre compétitivité.

Elle a été créée au moment de la mise en œuvre de l’assurance maladie et des allocations familiales, quand il a été décidé de faire peser ces charges sur les salaires, alors que, dans d’autres pays, elles sont acquittées au moyen de l’impôt ou d’assurances privées. D’où les tentatives de réduire ces charges sur les salaires par des subventions de l’État, mais à des niveaux trop faibles pour être efficaces, car 10 milliards à 30 milliards d’euros de réduction, pour un montant total de charges de 327 milliards d’euros, soit moins de 10 %, sont notoirement insuffisants pour être efficaces.

En effet, en 2012, le montant total des charges sur salaires des entreprises du secteur marchand s’est élevé à 327 milliards d’euros, dont 183 milliards d’euros pour le chômage, la retraite, les accidents du travail et la formation, qui concernent directement le personnel des entreprises, et 144 milliards d’euros pour l’assurance maladie, les allocations familiales, la CSG – contribution sociale généralisée –, l’apprentissage, le logement et le transport, qui servent à financer le volet de la politique sociale de l’État qui ne concerne en rien les entreprises. Avec un montant de salaires nets s’élevant à 401 milliards d’euros, le coût total pour les employeurs atteint 728 milliards d’euros – près du double ! –, sachant que les entreprises acquittent un total de 327 milliards d’euros de charges sur les salaires.

D’où notre proposition de répartir les charges sur salaires en deux parties : une partie A de 183 milliards d’euros correspondant à la branche chômage et retraite, qui concerne les entreprises, et une partie B de 144 milliards d’euros pour la branche famille et maladie, qui relève de la politique sociale du Gouvernement.

En supprimant des charges sur salaires, les charges B, on allège d’un coup ces charges de 144 milliards d’euros, soit près de la moitié des actuelles charges sur salaires, ce qui réduit d’autant le coût de production de nos entreprises marchandes et améliore leur compétitivité. On augmente ainsi les possibilités d’embaucher du personnel, puisque son coût est moindre, mais à condition, bien sûr, d’avoir une charge de travail suffisante.

Mais où puiser les 144 milliards d’euros correspondant aux charges B, qui ne concernent pas les entreprises, ailleurs que chez les contribuables, qui sont déjà surchargés d’impôts, et dans le budget de l’État, dont le déficit interdit toute dépense nouvelle ?

C’est l’objet de cette proposition. Elle consiste à continuer à faire supporter ces charges par les entreprises, donc ni par l’État, ni par le contribuable, mais en les intégrant dans les frais généraux.

Chaque entreprise paiera les charges B, celles qui concernent l’État, en fonction d’un coefficient d’activité qui les réduira d’autant plus que leur personnel sera plus nombreux. Ce dispositif favorisera les entreprises de main-d’œuvre et donc l’emploi.

Ce coefficient permettra de calculer la part dont devra s’acquitter chaque entreprise pour que le total soit égal au montant souhaité pour financer les dépenses famille et maladie, en incluant, si on le souhaite le déficit des branches correspondantes, soit environ 10 milliards d’euros, que l’État pourra ainsi financer, le cas échéant.

Ce système défavorisera aussi les entreprises qui intègrent du matériel importé ou des éléments délocalisés à l’étranger, puisqu’elles ne font pas travailler des salariés sur le sol français. En revanche, il favorisera tout ce qui sera produit en France par chaque entreprise.

Il n’y aura pas plus de taxation en cascade qu’avec le système actuel, qui taxe les salaires de la totalité des charges.

Il ressort aussi de simulations que cette proposition réduira les charges sur salaires des entreprises dont le rapport entre les salaires nets et le chiffre d’affaires est supérieur à 10 %, c'est-à-dire celles qui emploient plutôt plus de personnel, et défavorisera les entreprises pour lesquelles ce rapport est inférieur à 10 %.

Ce coefficient d’activité sera défini chaque année en utilisant le montant du chiffre d’affaires de toutes les entreprises marchandes de l’année, dont on déduira l’ensemble de la masse salariale, avec des charges réduites. On égalisera alors le coefficient aux charges B, augmentées, si on le souhaite, du déficit correspondant.

On a ainsi la formule suivante :

Coefficient d’activité x [chiffre d’affaires – (salaires nets + charges réduites)] = dépenses charges B + déficit.

En équilibrant l’ensemble des dépenses par les chiffres de l’INSEE de 2012, on obtient un coefficient d’activité de 4, 7 % avec le déficit de 10 milliards d’euros, et de 4, 3 % sans le déficit.

On constate ainsi que 0, 4 % de ce déficit rapporte 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’État grâce à une très large assiette et à un taux faible, ce qui n’est pas négligeable.

Ainsi, chaque entreprise calculera sa part de charges « maladie » et « famille » en appliquant la formule suivante :

4, 7 x [chiffre d’affaires – (salaires nets + charges réduites)] = coût à payer pour chaque entreprise.

Cette proposition permettra aux entreprises, à l’État et aux salariés de retirer les avantages suivants.

Pour un même chiffre d’affaires, plus une entreprise aura de personnel, moins elle paiera de charges, ce qui est dans l’intérêt des salariés aujourd’hui.

Toutes les entreprises de main-d’œuvre réduiront de moitié environ leurs charges sur les salaires, ce qui permettra de diminuer le chômage en favorisant les embauches et d’améliorer la compétitivité, conformément au vœu du Gouvernement et du Président de la République.

Les importateurs et les « délocalisateurs » qui réaliseront leur chiffre d’affaires à l’étranger, c’est-à-dire sans employer de main-d’œuvre en France, seront défavorisés. Une telle mesure s’inscrit donc dans le droit fil de la politique du Gouvernement.

Les dépenses « famille » et « maladie » seront équilibrées. Cela permettra à l’État de réaliser une économie d’environ 10 milliards d’euros, ce qui sera positif pour le budget.

Pour ne pas défavoriser les entreprises de production fortement robotisées et employant peu de main-d’œuvre, des montants d’amortissement seront ajoutés à leur masse salariale réduite pour compenser la réduction du personnel.

Il n’y aura plus de taxation en cascades, du moins pas plus qu’aujourd’hui.

Les notions de salaire brut et de salaire net disparaîtront. On ne parlera plus que de salaire net, lequel est le seul à intéresser les salariés.

Et cette proposition ne coûtera rien à l’État !

Voilà ce que nous proposons, monsieur le secrétaire d’État, dans l’intérêt des entreprises, de l’emploi, de l’État, et des salariés.

De nombreuses simulations restant à faire pour bien cerner les avantages et les inconvénients de cette proposition, nous suggérons que les services de l’État et des entreprises l’analysent plus profondément. Tel est l’objectif de la proposition de résolution que nous vous soumettons aujourd’hui.

Nous sommes cependant certains que cette proposition permettra de réduire fortement les coûts directs de production, qu’elle favorisera les entreprises produisant en France, qu’elle réduira le chômage et qu’elle équilibrera les charges « famille » et « maladie ».

On ne peut jamais satisfaire tout le monde. Cette proposition favorisera les uns, mais elle défavorisera les autres. Toutefois, l’intérêt général du pays aujourd’hui commande que les entreprises augmentent leur production, ce qui entraînera une hausse de la croissance et permettra aux salariés de trouver plus facilement du travail.

Permettez-moi, pour finir, de vous lire le texte de cette proposition de résolution :

« Le Sénat,

« Considérant que le financement du système de protection sociale français repose excessivement sur le travail, pénalisant l’emploi et la compétitivité de nos entreprises » – c’est vrai !

« Considérant que les entreprises ont vocation à financer les dépenses d’assurance vieillesse, d’assurance chômage ainsi que les dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale qui ont un lien direct avec son activité et dont le caractère est essentiellement contributif,

« Considérant qu’elles n’ont a contrario pas vocation à financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale dont le caractère largement universel relève de la solidarité nationale » – si l’État, mes chers collègues, décidait d’augmenter les cotisations de la famille, ce qui ne serait pas forcément inutile, cela pèserait sur les salaires et défavoriserait l’emploi !

« Plaide pour qu’au sein des dépenses de protection sociale, la différence entre dépenses assurantielles, qui doivent être financées par les entreprises, et dépenses universelles, qui relèvent de la politique sociale du gouvernement et qui doivent être financées par l’État ou par la solidarité nationale, soit mieux prise en compte,

« Considère que le coût du travail trop élevé en France s’explique en grande partie par le poids des charges sociales payées par les entreprises » – il est vrai qu’il est trop élevé et qu’il double le prix du salaire net !

« Estime que la diversification des ressources de la protection sociale, entamée au début des années 1990 avec la création de la contribution sociale généralisée, est encore très largement insuffisante,

« Souhaite que les pouvoirs publics étudient les différentes assiettes qui pourraient être envisagées pour financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale, notamment le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, la consommation ou bien encore les revenus des ménages » – seules les charges relatives au chômage, à la retraite, à la formation et aux accidents du travail doivent peser sur les salaires.

J’espère, mes chers collègues, que vous voterez cette proposition de résolution, qui n’engage personne et qui ne coûte rien. N’ayant pu, pour notre part, effectuer aucune étude complète, nous pourrons ainsi disposer d’une analyse plus précise des services de l’État et de Bercy et savoir si notre proposition a des avantages ou des inconvénients, ce que nous ignorons aujourd’hui. Par la suite, cette proposition permettra de rendre les entreprises plus compétitives et de favoriser la croissance et l’emploi, ces objectifs étant importants pour le Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion