Séance en hémicycle du 19 juin 2014 à 15h00

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

Ma question a trait à l’actualité ferroviaire. Elle devrait normalement s’adresser à M. Frédéric Cuvillier. Celui-ci est absent au rapport, mais je suis persuadé que la solidarité gouvernementale me permettra d’avoir une réponse…

Monsieur le secrétaire d'État, ma question n’a pas trait à l’adaptation de la SNCF à la concurrence, puisque le débat est aujourd'hui ouvert à l’Assemblée nationale et que nous aurons à cœur de le reprendre ici même quand vous aurez proposé – j’en suis convaincu – des amendements pour faciliter cette négociation législative difficile.

Ma question n’a pas trait non plus aux relations difficiles entre les organisations syndicales et, au sein de la CGT, entre le sommet et la base, dont le manque de coordination aboutit manifestement à une paralysie ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Laissez-les régler leurs problèmes entre eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question a trait à la façon dont le Gouvernement entend éviter d’imposer une double peine aux usagers des chemins de fer, qui vivent un véritable calvaire, en particulier en région parisienne, mais également sur les lignes de TER et les grandes lignes.

Cette double peine est la suivante : dans un premier temps, on leur rend la vie à peu près impossible, du fait de l’imprévisibilité causée par l’abandon de l’esprit du service public, et, dans un second temps, on leur adresse la facture en augmentant soit les impôts, soit les tarifs de la SNCF.

Le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, vient de nous indiquer que cette opération lui avait déjà coûté 150 millions d'euros. À raison de 20 millions d'euros par jour, on peut penser que, s’il n’y a pas de solution, le coût dépassera très largement les capacités de la SNCF. Frédéric Cuvillier a d’ores et déjà annoncé que les 500 millions d'euros de dividendes que la SNCF aurait pu apporter à l’État disparaîtront. Il y a donc bien une double peine : les usagers sont privés d’un service et les contribuables, ainsi que les clients de la SNCF, ont vocation à payer la différence.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle sera votre attitude et comment amènerez-vous la SNCF à prendre sa part de responsabilité, sachant que ses marges de manœuvre sont à peu près nulles ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Longuet, votre question porte sur les inconvénients du mouvement social actuel.

Deux organisations syndicales et un certain nombre de salariés manifestent en effet depuis plusieurs jours leurs inquiétudes quant à l’avenir du système ferroviaire ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

S'agissant des perturbations pour nos compatriotes, elles sont indiscutablement importantes, même si, en moyenne, moins de 20 % des salariés de la SNCF ont fait grève au cours de la dernière semaine ; ils sont 10, 5 % aujourd'hui. Vous le savez, monsieur le sénateur, la législation en vigueur ne prévoit pas de service minimum. Cependant, la SNCF a mis en place un plan de transport adapté et elle apporte chaque jour l’information la plus complète possible sur la circulation des trains.

Monsieur le sénateur, vous constatez un mouvement social, comme nous tous. Ce dernier intervient alors que l’Assemblée nationale examine un projet de loi visant à répondre aux doutes et aux profondes inquiétudes exprimés par les salariés de la SNCF après l’adoption d’un autre texte par votre majorité. Notre projet de loi prévoit de reconstituer le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, qui est malheureusement éclaté aujourd'hui, et de rassembler au sein d’un même établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, ce gestionnaire d’infrastructure ferroviaire et son principal utilisateur, la SNCF.

Nous allons faire en sorte que l’État reprenne sa place dans la stratégie nationale du ferroviaire. Nous allons créer un grand groupe public et industriel capable d’être un acteur majeur aux niveaux européen et mondial, tout en garantissant un cadre social commun pour protéger les cheminots.

Nous pouvons espérer que le mouvement social se termine dans les heures qui viennent. Au total, nous aurons, grâce aux preuves concrètes inscrites dans le projet de loi, redonné aux cheminotes et aux cheminots confiance dans l’avenir de leur entreprise.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie.

Des Philippines à l’Afrique, en passant par la Chine, le Pakistan, l’Iran, l’Irak et l’Arabie saoudite, on a l’impression qu’une sorte d’hiver chrétien s’est abattue sur une partie du globe. En 2013, on a dénombré 2 123 assassinats de chrétiens – ce ne sont que les assassinats connus –, dont la plupart ont été perpétrés dans l’aire arabo-musulmane. Les chiffres de 2014 risquent d’être encore plus importants, compte tenu des tensions entre sunnites et chiites.

On pourrait considérer qu’il s’agit d’une accumulation de faits divers qui touche toutes les religions ; témoin l’assassinat d’un jeune musulman hier dans l’Essex, en Angleterre. Cependant, quand on voit les chrétiens d’Orient quitter en masse des terres sur lesquelles ils vivaient depuis toujours, on ne peut que s’interroger. En Irak, on comptait 1, 5 million de chrétiens en 2003 ; il semblerait que nous nous dirigions aujourd'hui vers les 150 000. En 1950, on dénombrait jusqu’à 20 % de chrétiens dans ces zones ; ils pourraient ne plus représenter que 3 % à 4 % de la population en 2025.

J’en viens à la situation de l’Afrique. L’ONG Portes ouvertes a établi un classement des cinquante pays du monde où la persécution chrétienne est la plus remarquée. Le continent africain y est représenté par dix-sept pays. Nous avons tous en mémoire l’enlèvement de 200 lycéennes nigérianes par la secte islamiste Boko Haram le 14 avril dernier ; ces lycéennes sont menacées à cause de leur foi chrétienne, dans un pays où l’intolérance a entraîné de nombreux assassinats l’année dernière. Après une vaste campagne de sensibilisation, le silence s’est installé.

Nous avons tous été frappés, dans cet hémicycle, par l’atrocité du sort de Meriam Yahia Ibrahim Ishag, jeune Soudanaise de vingt-sept ans convertie de l’islam au christianisme, qui a été condamnée à mort pour apostasie il y a un peu moins de deux semaines, alors qu’elle était enceinte, et dont on attend qu’elle ait fini d’allaiter pour la pendre. Comment ce genre de situation peut-il exister dans le monde au XXIe siècle ?

Où en est l’action du Gouvernement sur ces deux dossiers ? Nous savons que des initiatives ont été prises. Plus généralement, tous de ces faits doivent-ils être relativisés parce qu’ils se déroulent dans des pays où la tension est forte, ou participent-ils d’un phénomène plus global et plus marquant ? Quelle est la réaction de la diplomatie française, notamment vis-à-vis de pays avec lesquels nous avons des relations très étroites ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement et la francophonie.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie

Monsieur Pozzo di Borgo, je vous prie tout d'abord d’excuser l’absence du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui est en ce moment à l’Élysée, où se tient un conseil restreint de défense sur l’Irak.

Je veux rappeler ici que la France, république laïque, défend partout dans le monde la liberté de religion ou de conviction. Concrètement, elle intervient lorsque ce principe est menacé pour rappeler les États concernés à leurs devoirs : assurer le libre exercice des cultes pour tous les citoyens et éliminer toutes les discriminations fondées sur la religion ou la conviction.

Notre politique envers les communautés chrétiennes d’Orient s’inscrit dans ce cadre. Elle inclut le respect des droits des personnes appartenant aux minorités religieuses et prend en compte les liens spécifiques hérités de l’histoire, notamment au Liban, en Irak, en Égypte, en Turquie, en Syrie ou en Israël et dans les territoires palestiniens. Nous connaissons les inquiétudes des chrétiens d’Orient en cette période cruciale. Nous sommes vigilants quant à leur situation. Le Président de la République a évoqué ce sujet avec le pape François au Vatican le 24 janvier dernier.

En Centrafrique, nous soutenons l’action de réconciliation des responsables religieux catholiques, protestants et musulmans. Ceux-ci ont compris que le conflit actuel n’était pas et ne devait pas devenir une guerre de religion. Leur tâche est essentielle : il s’agit de permettre le retour à la paix civile. La force africaine et la force française protègent toutes les populations, quelles que soient leurs confessions et leurs origines.

Concernant le Nigéria, la France a condamné avec fermeté le terrorisme de Boko Haram, notamment l’enlèvement de 200 jeunes écolières. Le 17 mai dernier, le Président de la République a organisé à Paris un sommet qui a permis – on peut s’en féliciter – d’intensifier la coopération régionale pour lutter contre le terrorisme. J’ai personnellement participé, le 12 juin dernier, à la réunion de suivi organisée à Londres, qui a permis de maintenir la mobilisation, ce qui est important. Au Nigéria, chrétiens et musulmans veulent dans leur immense majorité vivre en paix. Ils sont conjointement victimes du terrorisme ; il faut le rappeler.

Enfin, la France a condamné la décision de la justice soudanaise d’infliger la peine de mort à une jeune femme pour apostasie. Nous appelons les autorités soudanaises à garantir la liberté de religion ou de conviction, conformément au pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’elles ont ratifié. Monsieur le sénateur, nous serons attentifs aux suites de la procédure judiciaire visant cette jeune Soudanaise, en lien étroit avec nos partenaires européens. Cette décision qui heurte les consciences suscite une émotion totalement légitime.

Voilà, monsieur le sénateur, ce que fait la France, fidèle à ces valeurs fondatrices que sont la liberté de conscience et la laïcité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Ma question porte sur l’évasion de capitaux hors de France. Je vous rappelle que nos collègues Éric Bocquet et Philippe Dominati ont rédigé en 2012 un excellent rapport sur cette question. Ils ont chiffré à 32 ou 36 milliards d'euros le manque à gagner fiscal pour l’État ; c’est une somme considérable. Si nous disposions de cette somme, nous serions déjà plus à l’aise pour résoudre les questions budgétaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

N’oubliez pas que trop d’impôt tue l’impôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Face à ce fléau, la France s’est dotée des moyens d’agir. La circulaire du 21 juin 2013 a créé une procédure de rapatriement des fonds dissimulés à l’étranger, qui semble plutôt bien fonctionner. La loi du 6 décembre 2013 a aggravé les sanctions.

Nous avons également été très actifs dans la mise en place de l’accord d’échange automatique de données fiscales, connu sous son acronyme américain, que j’ose à peine citer : le FATCA, pour Foreign Account Tax Compliance Act ; mes chers collègues, ce n’est pas religieux, c’est purement fiscal. §Nous en espérons des résultats. J’ajoute que la loi bancaire, que nous avons tous votée en juin 2013, oblige les banques à fournir des informations fiscales détaillées pays par pays.

Depuis le début de l’année, environ 23 000 dossiers de rapatriement ont été enregistrés à Bercy. Cela devrait se traduire d’ici à la fin de 2014 par une plus-value de recettes de l’ordre de 1 milliard d'euros – et même probablement un peu plus – par rapport à la loi de finances initiale.

Les sommes ainsi récupérées et rapatriées vont naturellement alimenter le budget, notamment au travers de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et permettre une baisse d’impôts pour environ quatre millions de foyers modestes ; c’est du moins ce qui est prévu dans le projet de loi de finances rectificative que, j’en suis sûr, tout le monde votera dans cet hémicycle. Voilà une politique plus juste et plus efficace que celle du bouclier fiscal, qui n’a jamais fait revenir personne, et de l’exit tax, que personne ne connaît et qui n’a jamais empêché qui que ce soit de quitter la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’en viens à mes questions.

Monsieur le secrétaire d'État, disposez-vous de nouvelles évaluations de recettes pour l’ensemble de l’année ? Quand l’accord FATCA sera-t-il définitivement mis en place ? Enfin – cette question est liée à la précédente –, pouvons-nous agir pour limiter le dumping fiscal entre les pays de l’Union européenne ? Je pense en particulier à l’impôt sur les sociétés et à la fiscalité sur les retraites en vigueur au Portugal.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC . – M. Robert Hue applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui me permet d’informer votre assemblée sur l’activité du Gouvernement dans la lutte contre la fraude fiscale, un domaine auquel je vous sais particulièrement attentif.

Les recettes attendues de l’activité du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, ont été revues à la hausse pour 2014, passant de 1 milliard d’euros à 1, 8 milliard d’euros. Au 13 juin dernier, le STDR comptabilisait en effet 946 millions d’euros de recettes. Ces dernières consistent essentiellement en un surplus d’impôt sur le revenu, de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt sur la fortune.

Pour 2015, le montant exact de la recette reste incertain. Il est plus que probable qu’il se maintiendra à un niveau élevé, compte tenu du stock des dossiers en instance de traitement, qui sont plus de 20 000, avec une moyenne d’avoirs par dossier qui est de l’ordre d’un million d’euros – 900 000 euros exactement.

Une partie de cette recette sera pérenne, puisque 20 000 dossiers d’une valeur moyenne d’un million d’euros représentent environ 20 milliards d’euros d’avoirs, le plus souvent assujettis à l’impôt sur la fortune, qui produiront donc une recette pérenne de l’ordre de 200 millions d’euros. Cette estimation sera affinée au fil du temps.

Quant au deuxième point de votre question, je tiens à rappeler que lutter contre la fraude consiste à combattre l’opacité et à favoriser la transparence. À ce titre, la France, avec ses partenaires européens du G5, a bousculé les agendas du G20 et de l’Union européenne pour faire de l’échange automatique le futur standard mondial en matière de transmission d’informations fiscales, parce qu’il s’agit du moyen le plus efficace pour faire reculer le secret bancaire.

Les résultats sont au rendez-vous : le G20 a approuvé un nouveau standard mondial et universel, au profit de tous, dont la préparation a été confiée à l’OCDE et qui verra le jour d’ici à 2015. Pour encourager une adoption la plus rapide possible, le G5 a fédéré autour de lui un groupe de 44 États et juridictions qui s’engagent à mettre en œuvre ce standard de façon volontaire entre 2015 et 2016.

Enfin, au sein de l’Union européenne, la France a obtenu que la directive sur la coopération administrative soit révisée pour incorporer ce standard au sein du droit de l’Union. Le Conseil européen s’est prononcé à l’unanimité pour que cette directive soit adoptée d’ici à la fin de 2014.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’État

Il faut aussi changer les règles fiscales : c’est ce que nous faisons, notamment dans le cadre des travaux de l’OCDE sur le projet BEPS, consacré à lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

Vous pouvez donc constater, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est totalement déterminé à agir dans ce domaine, en accord avec le Parlement dont il attend qu’il adopte les mesures législatives adéquates !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, qui n’est pas présent, mais qui sera remplacé par Mme la ministre de la culture.

Monsieur le ministre, la nouvelle convention UNEDIC qui est à présent soumise à votre agrément prévoit d’importantes restrictions des conditions d’indemnisation et des droits sociaux des techniciens du spectacle et des artistes. Face au risque d’une précarisation accrue de ces acteurs déterminants de notre vie culturelle, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour appeler le Gouvernement à suspendre l’agrément de cet accord.

À plusieurs reprises, vous avez déclaré devant nos collègues députés que cet accord était majoritaire, donc légitime. Eh bien, monsieur le ministre, nous avons, nous, le sentiment que, sur ce point, le fonctionnement de la démocratie sociale en France n’est pas à la hauteur des enjeux. Faut-il rappeler ici l’influence décisive de la culture et de ses intermittents sur le dynamisme économique de nos territoires ?

Dès lors, pourquoi les représentants des salariés de ce secteur, les employeurs culturels ou les collectivités publiques qui financent pour la moitié environ le secteur du spectacle vivant n’ont-ils pratiquement pas eu leur mot à dire autour de la table des négociations ? Pourquoi les propositions de substitution, celles du comité de suivi comme celles de notre collègue Maryvonne Blondin, que je salue ici – en particulier les propositions n° 3, 4, 6 et 9 de son rapport –, sont-elles balayées d’un revers de main par les instances paritaires ?

Il s’agit de défendre ici non pas le statu quo, mais l’ouverture d’une véritable négociation sur l’emploi intermittent, car d’autres solutions existent, à coûts constants, qui remettent à plat le dispositif en vigueur avec plus de solidarité et dans le respect de l’attachement de notre pays à la culture et aux artistes.

La mission de conciliation sans feuille de route formelle que vous avez récemment confiée à notre collègue, le député Jean-Patrick Gille, s’oriente, vous le savez vers un échec, en grande partie parce que le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé à plusieurs reprises sa décision de donner coûte que coûte son agrément à la convention UNEDIC avant le 30 juin prochain.

Vouloir satisfaire les exigences du MEDEF avant l’ouverture, au début de juillet, de la conférence sociale, plutôt que d’apporter une réponse équitable à la question de l’intermittence risque de balayer du paysage les petites compagnies du spectacle vivant et de fragiliser nombre de structures déjà exsangues financièrement.

Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp. Êtes-vous prêt à repousser l’agrément des annexes litigieuses de cette convention pour engager de véritables discussions avec les acteurs directement concernés par ces mesures et permettre d’éviter l’annulation de la quasi-totalité des festivals cet été ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l’accord du 22 mars dernier qui, vous le savez, a été signé par les partenaires sociaux. Les règles du dialogue, celles du paritarisme, ont établi des dispositions qui s’appliquent à l’ensemble des chômeurs de ce pays, à l’ensemble de ceux qui touchent des indemnités de chômage, soit quatre millions de personnes, parmi lesquelles on trouve effectivement des artistes et des techniciens du spectacle, auxquels nous sommes plus que jamais attachés.

J’ai été l’une des premières à soulever la difficulté que posait la mesure de différé, une des trois dispositions contenues dans l’accord qui concernent les intermittents. Cette mesure a été modifiée, mais elle continue à inquiéter.

Le Gouvernement entend l’inquiétude exprimée par ces artistes et ces techniciens qui font la vie de nos territoires et de nos festivals. Nous savons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, combien la France doit à la culture, parce que la France est une grande nation, grâce à son patrimoine, à son héritage, mais aussi à la vitalité de sa création et de ses artistes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Nous avons le souci de respecter le dialogue social, tout comme nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité de trouver une solution pour conforter le régime de l’intermittence qui, périodiquement, suscite des crises et des inquiétudes. Il faut réformer ce régime, le remettre à plat.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

C’est la raison pour laquelle le Premier ministre s’est exprimé solennellement. C’est pour surmonter les difficultés actuelles que nous avons confié au député Jean-Patrick Gille, qui connaît aussi bien l’UNEDIC dans son ensemble que le fonctionnement des annexes VIII et X, une mission de médiation et de proposition.

Monsieur le sénateur, je vous l’annonce que Jean-Patrick Gille remettra son rapport cet après-midi au Premier ministre, au ministre du travail et à moi-même. Le Premier ministre s’exprimera aujourd'hui, à dix-huit heures, pour indiquer les conclusions qu’il tire de ce rapport et la manière dont nous allons tous ensemble, avec les parlementaires, sauver les artistes et les techniciens de ce pays !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Exclamations sur les travées de l’UMP.

intermittents du spectacle

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la ministre, le mouvement de grève des intermittents du spectacle démontre, s’il en était besoin, que la culture ne peut pas vivre sans eux. Ils demandent que le Gouvernement n’agrée pas le nouvel accord du 22 mars 2014 sur le régime d’assurance chômage.

Non seulement cet accord entérine les régressions de la réforme de 2003, qui avait alors été combattue par toute la gauche, je le rappelle, mais il les aggrave encore, en précarisant davantage les artistes et techniciens bénéficiaires de l’assurance chômage. Il entérine ainsi le calcul des 507 heures sur dix mois et dix mois et demi, la suppression de la date anniversaire et du calcul des droits à date fixe, tout en instaurant une surcotisation de deux points pour les employeurs et les intermittents, ainsi que de nouvelles règles de calcul du différé d’indemnisation, qui vont priver d’indemnisation du chômage et de revenus 47 % des intermittents du spectacle, au lieu de 9 % actuellement, pendant des périodes pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours.

Les intermittents du spectacle demandent donc l’ouverture de nouvelles discussions pour examiner les propositions alternatives formulées depuis onze ans, qui ont fait l’objet de nombreux rapports. Le dernier d’entre eux, rendu par le SYNDEAC, démontre qu’il est possible de rétablir le caractère mutualiste de ce régime et de garantir plus d’équité dans les règles d’accès et d’indemnisation, tout en assurant un meilleur équilibre économique.

Le Gouvernement, face à la montée des protestations, a nommé un médiateur qui doit rendre son rapport la semaine prochaine, nous a-t-on dit, …

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Il faut remettre de l’ordre dans les services publics qui emploient des intermittents !

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Et privés !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Sans anticiper sur ses conclusions, je vous le dis, il est illusoire d’envisager de mettre fin à ce conflit sans renoncer à cet accord injuste : son fondement est mauvais, il ne peut donc être ni aménagé ni retardé, il doit être refondé ! Il faut de véritables négociations, qui envisagent, cette fois, l’ensemble des propositions de substitution formulées, sans exclusive ni parti pris.

Le ministre du travail signait, le 9 mars dernier, une tribune dans laquelle, comme nous le faisons aujourd’hui, il dénonçait les conditions dans lesquelles ces négociations avaient lieu et appelait à une nouvelle réforme. Vous venez également de le faire à l’instant, madame la ministre, mais vous avez aujourd’hui le pouvoir de réaliser cette réforme. Je vous le demande donc : allez-vous enfin renoncer à l’agrément de cet accord ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le sénateur, je connais votre attachement, comme celui de tous les parlementaires, à la situation des artistes et des techniciens de ce pays.

Je veux redire que ces artistes et ces techniciens, que l’on appelle intermittents, sont des hommes et des femmes qui travaillent pour faire vivre la culture sur tous nos territoires. Ils ne sont pas des privilégiés ! Au contraire, leurs conditions de vie et de travail sont extrêmement spécifiques, et ils sont exposés à une forte précarité, qui s’est encore accrue.

Depuis dix ans, d’innombrables travaux ont été menés sur cette question, qu’il s’agisse des travaux de ceux du comité de suivi, des missions parlementaires – notamment le rapport de Maryvonne Blondin au Sénat ou celui de Jean-Patrick Gille et Christian Kert à l’Assemblée nationale –, ou des propositions du SYNDEAC, le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles.

Nous disposons donc tous d’un corpus de mesures et de réflexions, pour rebâtir enfin un système qui accorde une véritable sécurité professionnelle à ces artistes et à ces techniciens, tout en préservant bien sûr la vitalité du tissu créatif en France.

Jean-Patrick Gille, dans sa mission de médiation, a rencontré tous les acteurs de la négociation. Le rapport qu’il va rendre cet après-midi même, et non pas la semaine prochaine, a été nourri de son expérience, mais aussi de tous les travaux qui l’ont précédé. Ce travail sera suivi d’annonces du Premier ministre qui viseront un double objectif : sortir de la crise où nous nous trouvons et préserver la vie de nos festivals.

En effet, nous ne voulons pas que le silence, la mort et la tristesse règnent cet été dans les rues de nos villes, qu’il s’agisse d’Avignon, d’Aix-en-Provence, d’Aurillac ou de Marciac, car on trouve des festivals formidables partout en France.

Le but de ce rapport est de sortir de la crise, mais aussi de refonder profondément un système qui soit plus juste et plus équitable, pour protéger de la précarité les artistes et les techniciens du spectacle et de l’audiovisuel. C’est absolument indispensable ! Il n’est pas normal que ce genre de crise revienne régulièrement et que nous ne puissions pas trouver collectivement de solution.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Nous le savons, nous avons tous besoin d’un régime spécifique d’indemnisation du chômage pour les artistes et pour les techniciens. Il nous reste à bâtir ensemble une méthode qui permette d’y arriver.

Comme l’a dit le Premier ministre, une grande réforme est nécessaire, et le Gouvernement prend évidemment toutes ses responsabilités pour que chacun retrouve sa place autour de la table des négociations, afin de dégager une solution commune.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Christian Bourquin, pour le groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Président de région, je plaide depuis déjà plusieurs années pour une plus grande décentralisation, conforme aux attentes des Français en matière de proximité et d’efficacité. Je ne suis donc pas opposé à une réforme réorganisant notre République décentralisée et permettant de faire des économies.

Hélas, je ne vois pas dans votre réforme le grand big-bang territorial espéré : depuis plusieurs semaines, on n’entend parler que d’arithmétique, réduisant le sujet au nombre de régions !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Alors que le problème des compétences et des moyens dévolus aux collectivités est primordial, on ne nous parle que de découpe, voire de découpage.

Des questions demeurent ainsi en suspens : la décision de faire disparaître les conseils généraux, sans même donner le temps aux intercommunalités de se préparer, ne va-t-elle pas condamner les territoires hyper-ruraux ? Que dire et que faire des milliers de fonctionnaires concernés ?

J’en viens, si vous le permettez, au sort réservé à certaines régions, le Languedoc-Roussillon, par exemple, où la désapprobation est extrêmement forte.

Pourquoi faire disparaître la région la plus attractive de France, qui, en moyenne, chaque année, accueille 30 000 nouveaux habitants et créé autant d’entreprises, ce qui fait naître de l’emploi, de l’emploi, toujours de l’emploi ?

Pourquoi risquer de donner un coup d’arrêt à des politiques innovantes en faveur du pouvoir d’achat, comme celle du train à un euro sur tout le territoire de la région ?

Pourquoi condamner « Sud de France », notre marque connue et reconnue à l’international ? C’est important, le commerce extérieur !

Le Languedoc-Roussillon et toutes ses forces vives contestent votre décision. L’argument démographique ne tient pas : notre région compte autant d’habitants que l’Aquitaine et la Bretagne, deux parmi les sept régions épargnées par le découpage !

Le contexte, je le sais et je le mesure, est aussi tendu en Picardie et dans l’ouest de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

M. Christian Bourquin. Nous n’avons, en Languedoc-Roussillon, rien contre nos voisins de Midi-Pyrénées. Nous refusons simplement le mariage forcé !

Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Nous n’avons pas la même histoire, pas la même dynamique économique, pas la même logique de développement. Nous avons en effet construit notre identité du XXIe siècle sur nos atouts et nos spécificités ; et cela, il faut le prendre en compte !

J’en viens à ma question : le Gouvernement saura-t-il, durant les débats parlementaires, tenir compte des voix qui remontent de nos régions – le Languedoc-Roussillon en tête ? Le Gouvernement saura-t-il accompagner le changement tant réclamé sur le terrain, ce changement nécessaire, mais que n’expriment pas vos dernières décisions ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Christian Bourquin, au Sénat, le 8 janvier dernier, il y avait affluence. Un nombre important de parlementaires a proposé au Président de la République, sous l’autorité d’un rapport reconnu pour sa qualité, signé à la fois par M. Jean-Pierre Raffarin et M. Yves Krattinger, de diminuer le nombre de régions en France.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Non, il ne s’agissait pas de supprimer les départements !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ne vous énervez pas, monsieur Larcher ! L’île de Batz n’est pas concernée !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je reviens à la question posée. Ce débat important s’articulait autour de deux éléments : avoir moins de régions pour essayer de les ramener à une taille dite « européenne », …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le garder ! Il n'y avait pas de « ou non » !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Un peu de respect, en effet, comme le dit M. Carrère !

À partir de là, il est apparu que les positions étaient extrêmement partagées sur les différentes travées. Il y avait, tous partis confondus, à droite comme à gauche, autant de voix pour proposer la suppression des départements que pour les conserver.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Sur ce dossier difficile, le Président de la République, après avoir écouté les débats qui avaient eu lieu au Sénat, a proposé, le 14 janvier dernier, de réduire le nombre de régions, les ramenant du chiffre initialement envisagé de dix ou onze à celui de quatorze.

Ensuite s’est posée la question du devenir des départements. Les débats qui se dérouleront dans cette enceinte sur le sujet seront, à mon avis, extrêmement intéressants.

Le Premier ministre, Manuel Valls, au vu de toutes vos réactions, a décidé de « prolonger » les départements jusqu’en 2020, pour nous donner collectivement le temps de voir s’ils sont supprimés dans les zones urbaines et maintenus dans les zones rurales, ce qui est la position majoritaire des parlementaires de manière générale, ou si l’on trouve un autre échelon de discussion de proximité.

Monsieur Christian Bourquin, vous avez l’occasion, avec votre conférence territoriale de l’action publique, d’anticiper ce sujet, puisque vous pouvez réunir l’ensemble de vos exécutifs et en parler.

Nous devons, ensemble, discuter du redressement de la France. Si votre région compte, comme tant d’autres, de très beaux fleurons, le taux de chômage y est aussi extrêmement élevé. Sans doute est-il temps, au moment où nous vous proposons un ensemble de qualité, de reparler de politique industrielle.

En tout cas, et ce sera ma conclusion, le ministre de l’intérieur – il m’a demandé de l’excuser, car il est aujourd'hui à Mayotte – sera présent pour exposer un dossier d’une telle importance. Il vous dira la position du Gouvernement, mais il va de soi qu’il laissera le débat au Sénat totalement ouvert.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe UMP.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.

Le ministre de l’économie l’a reconnu très récemment devant des journalistes, le marché du logement va mal. Cet aveu rejoint malheureusement la profonde inquiétude des constructeurs, comme des agents immobiliers.

Nous commençons ainsi à payer la politique menée par le Gouvernement en la matière, en particulier avec la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, présentée et défendue par votre prédécesseur. Ce monstre juridique de plus de 150 articles, fruit d’un compromis politique avec la frange la plus idéologique de la majorité, est en train de créer une crise du logement sans précédent en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Pourtant, que n’avons-nous adressé comme avertissements au Gouvernement sur les dangers économiques et les aberrations administratives de ce texte.

Le résultat, aujourd’hui, est que les investisseurs ne veulent pas faire construire et que les propriétaires ont peur de mettre en location. Les chiffres communiqués par le Commissariat au développement durable sont là pour le prouver : en un an, entre mai 2013 et avril 2014, le nombre de logements neufs mis en chantier affiche un recul de 6, 5 % – un triste record !

Plus grave encore, les logements commencés au cours des trois derniers mois sont en baisse de 17, 6 % par rapport à la même période en 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

À l’urgence sociale qui découlera de cette tendance s’ajoute le discrédit politique pour François Hollande, qui annonçait, au cours de la campagne présidentielle de 2012 : « J’agirai pour que soient construits au cours du quinquennat 2, 5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, soit 300 000 de plus que lors du quinquennat précédent ! » Encore une promesse de campagne non tenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Malheureusement, au rythme actuel de 315 000 logements mis en chantier par an, vous ne dépasserez même pas 1, 7 million de logements construits sur l’ensemble du quinquennat, alors que 2, 2 millions de logements ont été bâtis entre 2007 et 2012, comme le reconnaît le Président de la République.

Madame la ministre, vous vous rendez demain dans mon département pour clôturer, à Lyon, le Congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers.

Mme Corinne Bouchoux s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Dans ce contexte, quel correctif très attendu de la loi ALUR comptez-vous annoncer pour remédier à la crise du logement qui frappe durement les Français ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires

Madame la sénatrice, la crise du logement mérite en effet que nous puissions travailler et nous rassembler pour trouver les solutions les plus appropriées à l’accès au logement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il faut déjà défaire ce que vous avez fait !

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

… à la fois pour les Français qui sont en attente de l’attribution d’un logement social, mais aussi pour ce secteur économique indispensable à la vitalité de nos territoires et particulièrement pourvoyeur d’emplois.

Vous avez plus précisément évoqué la situation du logement social. Justement, l’Union sociale pour l’habitat, le mouvement HLM, ainsi que mes services, m’ont alertée sur le retard, la diminution ou l’abandon de certains programmes de logements sociaux dans une période récente, consécutive aux changements survenus dans certaines municipalités. §

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Il est donc important – je vous rejoins sur ce point, madame la sénatrice – que nous puissions travailler ensemble, afin de ne pas retarder ces chantiers et de trouver les solutions adaptées aux difficultés rencontrées par un certain nombre de maires qui cherchent à créer tous les équipements liés au logement.

Vous m’avez plus particulièrement interrogée sur la mise en application de la loi ALUR. Ce texte a été voté récemment par le Parlement.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Et comme le Premier ministre l’a rappelé hier, il est de la responsabilité du Gouvernement de le mettre en œuvre.

Vous le savez, plus de 200 mesures d’application et une centaine de décrets sont nécessaires. Nous avons commencé ce travail en hiérarchisant les textes d’application, donnant la priorité à ceux qui sont susceptibles de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Toutefois, je ne peux pas vous laisser dire qu’un certain nombre de ralentissements seraient imputables à un texte qui n’est pas appliqué, puisque seulement deux ou trois dispositions de cette loi sont aujourd’hui du droit positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Le problème, c’est surtout le manque de crédits !

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Nous agissons avec pragmatisme et réalisme pour la mettre en œuvre, parce qu’il est nécessaire de travailler avec les investisseurs et les professionnels, de retrouver la confiance. Tel est le sens du programme de responsabilité et de solidarité que nous avons mis en place, et nous allons continuer à travailler dans ce sens.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Mme Sylvia Pinel, ministre. Tel est le message de confiance que je délivrerai demain, à Lyon, dans votre département, madame la sénatrice.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. François Patriat, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Elle n’est pas purement technique, comme son intitulé pourrait le laisser penser, car elle intéresse une filière qui contribue beaucoup à la notoriété de la France, qui est créatrice d’emplois et qui est donc importante pour l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Il s’agit de la filière vitivinicole qui, vous le savez, est très mobilisée depuis que la Commission européenne a décidé, en 2008, de libéraliser les droits de plantation dans notre pays.

Tout le monde s’est mobilisé, les viticulteurs, les vignerons, les professionnels et les élus locaux, les élus nationaux, les parlementaires français se rapprochant de leurs homologues européens afin de s’élever contre cette dérégulation qui constitue une menace latente pour la qualité de notre potentiel.

Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier d’avoir su rassembler autour de vous, lors de la renégociation de la PAC, les États européens. Vous avez réussi à obtenir une majorité qui a remis en cause cette libéralisation et obtenu que l’on en revienne à un système d’autorisation, garant de la qualité de notre potentiel vitivinicole.

Maintenant, il s’agit de passer aux actes, d’appliquer et d’exécuter la décision. Or la Commission tente aujourd’hui de détourner la décision que vous avez obtenue en permettant une libéralisation déguisée.

Je m’explique. Les vins qui sont sans AOC et sans IGP – c’est-à-dire les vins de table – pourraient, demain, être plantés sur des territoires d’AOC. Et à partir du moment où ils respectent les règlements de ces territoires, ils pourraient obtenir, de façon déguisée, l’appellation d’origine contrôlée ou l’indication géographique protégée sans que les professionnels puissent s’y opposer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

De plus, des vignes destinées à la production de vins de table pourraient à l’avenir être arrachées dans une certaine partie du territoire – je n’en cite aucune – et replantées dans des territoires AOC, la Bourgogne ou le Bordelais, par exemple, obtenant ainsi, de façon détournée, une appellation. Quelques dizaines de milliers d’hectolitres risqueraient donc de venir menacer l’équilibre économique que nous tentons de préserver.

Vous avez réussi, monsieur le ministre, à réunir une plateforme avec treize États européens, mais il semble que la Commission veuille aller au bout de sa démarche.

Je vous demande donc comment nous pouvons vous accompagner, vous aider ou mener des actions pour empêcher que cette libéralisation soit menée à son terme et permettre l’application de la décision que vous avez courageusement obtenue lors de la réforme de la PAC. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, vous avez d’abord rappelé la bataille que nous avons conduite sur la question des droits de plantation.

Quel était l’esprit de cette bataille pour obtenir la remise en cause de l’accord signé en 2008 visant à supprimer les droits de plantation ? La Commission et ceux qui avaient conclu ledit accord entendaient stimuler le développement de la production viticole en Europe, afin d’accéder à un marché mondial du vin dont la progression suit le rythme de la consommation.

Cela comportait un risque, qui a été rappelé : en développant les plantations de vignes sans aucune régulation, on pouvait aboutir à remettre en cause la qualité, l’origine, les AOC et l’ensemble des IGP, tout ce qui constitue l’enjeu majeur en matière de vin.

Tel était donc l’objectif. Nous avons remis en cause le projet de la Commission. La bataille qui a lieu désormais porte non pas sur l’objectif qui était le nôtre, à savoir revenir sur la libéralisation, mais sur les moyens d’appliquer, au niveau des actes délégués, le retour aux droits de plantation.

C’est à ce niveau, vous l’avez parfaitement indiqué, monsieur le sénateur, qu’est désormais engagée la bataille avec la Commission, pour empêcher que l’on revienne, de manière déguisée, sur les mesures proposées en 2008, celles-là mêmes que nous avions contestées et remises en cause en réclamant le retour des droits de plantation.

Nous devons nous battre sur plusieurs critères. J’ai envoyé à ce sujet au commissaire européen une lettre, dans laquelle j’ai évoqué les questions de régionalisation de ces droits, de critères, notamment de cépages, de production et de productivité, ...

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

... ainsi que de niveau de plantation, autant d’éléments qui doivent être intégrés en un seul objectif : éviter qu’une replantation, sans aucune régulation, ne finisse par remettre en cause les AOC et les IGP. C’est cela, l’enjeu !

Un plan stratégique m’a été présenté ce matin. L’ensemble de la profession vitivinicole française a en effet travaillé sur l’objectif à viser dans les années qui viennent. Il s’agit, à la fois, de protéger les IGP et les AOC et de développer ce qui fait en partie défaut dans la production viticole française, c’est-à-dire l’exportation, surtout des vins de cépage.

Il faut être conscient que la bataille immédiate se joue sur les actes délégués. Nous devrons tous ensemble, nous qui connaissons les vins des différentes régions, faire en sorte que l’application de ces nouvelles règles soit cohérente pour l’ensemble du vignoble français. En effet, j’ai connu, comme vous, des situations de concurrence entre les régions...

Nous devons être capables d’assumer nos responsabilités. Je compte donc sur votre soutien, aujourd’hui, pour la négociation en cours sur les actes délégués et, demain, sur l’organisation du marché viticole français.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, l’activité industrielle agroalimentaire bretonne souffre, particulièrement dans les filières porcine et avicole. Très au fait des difficultés rencontrées, vous vous êtes régulièrement déplacé en Bretagne. Des aides ont été débloquées pour soutenir les filières. Des moyens d’accompagnement des hommes et des femmes ayant perdu leur emploi ont été mis en œuvre.

L’État s’est engagé concrètement auprès des anciens salariés de Gad, en mettant en place une allocation de reconversion professionnelle pendant un an et un suivi dans la recherche d’emploi, avec un dispositif prévoyant un conseiller de Pôle emploi pour vingt salariés au chômage.

Pour autant, la Bretagne doit aujourd’hui faire face à la remise en cause complète de toute une filière et d’un modèle de développement économique en matière d’agroalimentaire. La période de transition vers ce nouveau modèle risque d’être longue.

Des projets émergent, comme celui de Lampaul Agro, qui prévoit la reprise du site d’abattage de porcs de Lampaul-Guimiliau. Ce dossier suscite de l’espoir. Quel soutien le Gouvernement peut-il encore apporter en la matière, sachant que nous attendons beaucoup, aussi, de la solidarité professionnelle pour que se concrétise rapidement l’ouverture de ces 250 emplois ?

La filière volaille souffre également. Sur le territoire du pays de Morlaix, à Guerlesquin, les salariés de l’entreprise Tilly-Sabco se mobilisent pour le maintien de leur outil de travail. Deuxième exportateur de poulets français, le volailler est toujours suspendu aux aides financières, et ses 340 employés sont très inquiets de cette situation critique.

Par ailleurs, après dix-huit mois de redressement judiciaire, le sort du volailler Doux n’est toujours pas scellé.

Toutefois, en parallèle, sans faire de bruit, de nombreuses PME ont pris le chemin de l’innovation et de la valeur ajoutée dans le secteur agroalimentaire ; je pense à Savéol, à Whaou, à Sodebo ou encore à Père Dodu. Mais il faudra encore du temps pour que l’ensemble du secteur se redresse.

C’est donc un élan collectif qui, seul, permettra de retrouver les conditions d’une dynamique solidaire pour l’économie bretonne et l’emploi. Monsieur le ministre, quelle est, à ce jour, votre perception de la situation du secteur agroalimentaire en Bretagne ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, dans votre intervention relative au secteur agroalimentaire breton, vous avez particulièrement insisté sur les filières avicole et porcine.

Au sein de la filière avicole, vous l’avez dit, la filière volaille export connaît en particulier des difficultés, et ce non pas depuis quelques mois, mais depuis plusieurs années. Il se trouve que le redressement judiciaire de Doux a été engagé lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. Quant à la société Tilly-Sabco, elle est toujours en situation de fragilité. Que fait le Gouvernement ?

Premier point, et premier message : il y a un avenir pour une filière export de poulets en Bretagne.

Deuxième point : il fallait éviter la dégradation de la situation de Doux. C’est ce que nous avons fait, en mettant en place un fonds de retournement et en organisant la mobilisation des acheteurs, en particulier saoudiens. Nous avons également mobilisé les moyens de l’État, en créant une fiducie pour permettre à Tilly-Sabco de faire face aux difficultés et d’éviter la liquidation.

Rien ne garantit, à terme, la viabilité économique actuelle. Toute la stratégie mise en place a pour objectif de faire venir des opérateurs industriels français, qui pourront investir et relancer une filière export, dont je veux dire aujourd’hui, ici au Sénat, qu’elle a un avenir.

Il existe des marchés extrêmement importants au Moyen-Orient. Nous devons nous organiser pour y trouver des débouchés. Les acteurs économiques actuellement mobilisés doivent trouver des solutions pour développer la filière export.

J’en viens à la filière porcine, dont les problèmes ne datent pas d’hier. La production, qui était en baisse dans ce secteur, se redresse aujourd’hui grâce aux mesures que nous avons prises, en particulier la procédure d’enregistrement des établissements classés.

En effet, un abattoir ne peut fonctionner qu’à partir d’un certain seuil, exprimé en nombre d’animaux abattus. Lorsque ce dernier diminue, les structures d’abattage sont mises en difficulté. C’est le cas en Bretagne, où la production a baissé de 7 % à 8 % par rapport à 2010. Je ne parle pas d’augmenter la production pour l’augmenter... L’objectif est de revenir au niveau de 2010 – et non pas d’aller au-delà ! – pour structurer les établissements d’abattage.

Vous avez évoqué le site de Lampaul-Guimiliau, où un abattoir a été fermé. Vous l’avez dit, un projet est actuellement en discussion. En même temps, à Josselin, un autre abattoir connaît des difficultés.

Des réunions ont été organisées, en particulier au niveau de la région, afin que l’ensemble des acteurs concernés se retrouve autour de la table et cherchent des solutions communes, collectives. C’est ainsi que l’on y parviendra !

Aujourd’hui, force est de constater que nous n’avons pas encore trouvé ces solutions. La réflexion est en cours, animée par la volonté de redresser la production pour pouvoir, ensuite, assurer la pérennité des outils de transformation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et porte sur la santé dans les outre-mer.

Dans un tout récent rapport, la Cour des comptes a fait une présentation alarmante de la situation sanitaire dans les outre-mer français.

Constatant des difficultés persistantes, une prévention insuffisante et des systèmes de santé à la peine, la Cour rappelle que la République, si elle respecte les spécificités de chacun, est néanmoins une et indivisible et que l’État doit veiller à ce que soit assurée l’égalité de chacun dans le domaine de la santé.

Il est souligné, par exemple, que Wallis-et-Futuna est la seule partie de la France où l’espérance de vie recule. C’est d’autant plus choquant que la dépense courante par habitant en matière de santé y est la plus basse. L’état de santé des populations y est aussi le plus dégradé de tout l’outre-mer et de toute la République.

La Cour formule quatorze recommandations visant à agir plus efficacement pour la santé en outre-mer, selon une stratégie d’ensemble pluriannuelle permettant de réduire les écarts les plus graves en termes d’accès aux soins et d’égalité des chances.

Quelle suite le Gouvernement compte-t-il donner à ces diverses recommandations ? Une stratégie d’ensemble dotée d’outils d’évaluation réguliers sera-t-elle mise en place ?

Concernant la treizième recommandation, au travers de laquelle la Cour demande que la dette de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna soit apurée au plus vite – le président Jean-Pierre Bel connaît bien ce dossier, sur lequel il nous a soutenus –, quel calendrier comptez-vous mettre en place ?

Les mois qui passent en annonces d’apurement non concrétisées, malgré les promesses formulées publiquement par le Président de la République, font courir des risques accrus sur la santé déjà précarisée des populations de Wallis-et-Futuna.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen

Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, qui n’a pu venir répondre en personne à votre question.

Vous interrogez le Gouvernement sur le rapport de la Cour des comptes relatif à la santé dans les outre-mer, lequel a frappé tous les esprits, au regard, à la fois, de la situation dont il faisait état et du caractère exhaustif de son diagnostic.

Il constitue un document très complet, se fondant sur un certain nombre de constats, en particulier sur la nécessité pour les politiques de santé de prendre en compte les spécificités ultramarines que constituent l’éloignement de l’Hexagone – parfois même l’isolement –, les risques naturels – cyclones, séismes – et l’existence de populations fragilisées et surexposées à certaines pathologies infectieuses ou chroniques, ou encore à la prévalence de certaines maladies génétiques, comme la drépanocytose.

Comme Marisol Touraine l’a rappelé avec force, ce matin, lors de la présentation des orientations de la stratégie nationale de santé, les actions en matière de santé, notamment la prévention dans l’ensemble de nos territoires, doivent être mises en œuvre. Elle veillera donc à ce que les avancées majeures contenues dans le projet de loi santé soient appliquées de manière adaptée – c’est bien la question ! – aux territoires d’outre-mer.

S’agissant du second sujet que vous avez abordé, le Gouvernement déplore tout particulièrement les difficultés auxquelles sont confrontés les Wallisiens lorsqu’ils doivent recourir à des soins médicaux. Il s’est engagé à consolider le fonctionnement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Des moyens supplémentaires destinés à limiter son endettement seront donc alloués à cette dernière.

Nous soutiendrons également les investissements nécessaires pour assurer la prise en charge sur place et limiter autant que faire se peut les évacuations sanitaires.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est mobilisé pour protéger la santé de nos compatriotes ultramarins, et tout particulièrement pour rétablir la situation sanitaire de Wallis-et-Futuna, que vous avez décrite avec beaucoup de force et qui nous importe au premier chef.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Charles Guené .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président de l’Assemblée nationale a informé M. le président du Sénat que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, réunie ce jour, avait décidé de ne pas s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, présentée par M. André Reichardt et plusieurs de ses collègues (proposition n° 826, texte de la commission n° 613, rapport n° 612).

Mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion générale avait été entamée lors de notre séance du 17 juin dernier.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue Roland Ries, qui devait intervenir mardi dernier dans la discussion générale, n’a pu le faire, faute de temps : à dix-huit heures trente, il fallait passer à la « niche » écologiste. Il regrette de ne pouvoir être présent aujourd’hui pour poursuivre la discussion de ce texte, et je reprendrai par conséquent une partie du discours qu’il avait l’intention de prononcer.

À plusieurs reprises ces dernières années, le droit local alsacien mosellan est revenu dans l’actualité. La proposition de loi que nous examinons n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’attachement qu’il suscite dans nos départements.

En préambule, je dirai mon regret que ce texte n’ait pu être préparé dans la recherche d’un réel consensus. Notre collègue député Armand Jung rappelait dans la presse locale : « Je n’ai pas été consulté, d’autres élus non plus. » Une concertation plus large, non partisane, l’inscription de ce texte ailleurs que dans une « niche » politique auraient sans doute mieux valu. En matière de droit local, en effet, il faut toujours une concertation.

Par ailleurs, la proposition de loi semble vouloir prendre de court l’installation de la commission du droit local d’Alsace-Moselle prévue par le décret du 23 janvier 2014. Cette instance se substituera à l’actuelle commission d’harmonisation du droit privé et elle a la volonté de créer une nouvelle dynamique.

Le débat ayant néanmoins été introduit de la sorte, il convient à présent de le poursuivre. Ce texte modifié et adopté par la commission des lois est l’occasion de procéder à une analyse sur la signification et l’avenir de ce droit local.

Nous le savons, ce droit local a été présenté après 1918 comme une mesure provisoire pour permettre aux populations d’Alsace et de Moselle de bénéficier d’une transition avant la mise en application complète du droit commun français dans les territoires rendus à la France. Il cumule les dispositions les plus sensibles maintenues du droit d’avant 1870 et des mesures sociales issues de la période bismarckienne : un régime local de sécurité sociale équilibré, un droit associatif particulier, des protections et droits sociaux appréciés, comme les jours fériés, un droit budgétaire communal et diverses dispositions organiques.

Sans reprendre les éléments historiques évoqués dans le rapport, je tiens tout d’abord à m’associer à la défense du droit local, qui est un ciment républicain pour l’Alsace et la Moselle.

Ce droit permet la conjugaison de spécificités historiques dont on ne niera pas la compatibilité avec l’attachement à la République française et à des avancées modernes indéniables. Je n’en citerai que deux exemples : le livre foncier et le Crédit mutuel. On reconnaîtra la robustesse de l’un, qui satisfait tous les professionnels du droit, ceux de l’immobilier et leurs clients, comme de l’autre, qui est progressivement devenu le second groupe bancaire français et un modèle coopératif.

Concrètement, ce droit ne régresse pas. Son maintien constitue une sorte de reconnaissance par la France de l’histoire et de la personnalité spécifique de l’Alsace et de la Moselle.

C’est cette nature complexe du droit local qui explique qu’il soit encore là, presque cent ans après le retour à la France. Certes, il ne représente plus qu’une part relativement faible de l’ensemble des dispositions légales applicables en Alsace et en Moselle, mais il a bien rempli son office. Il a inspiré de nombreuses évolutions législatives dans les domaines les plus divers : droit des assurances, procédure civile, autonomie communale, aide sociale et sécurité sociale, entre autres. La modernisation de la législation générale a ainsi ouvert la voie à l’unification législative, qu’il s’agisse de faire évoluer le droit local pour le rapprocher du droit national ou, au contraire, d’aligner le droit national sur le droit local lorsque celui-ci est en avance sur celui-là.

On a pu observer l’attachement des populations concernées par ce droit local. Il y a déjà quelques années, mon collègue Roland Ries a consacré un chapitre de son ouvrage L’Alsace et la gauche à ce sujet. Il a plaidé pour une approche progressiste de l’identité régionale.

La gauche a aujourd’hui compris que le droit local faisait partie de cette identité, et c’est la raison pour laquelle des hommes de gauche ont joué un rôle décisif dans sa prise en compte. Je rappelle que c’est un rapport d’un député – alors de gauche

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

M. André Reichardt. Tout le monde peut se tromper !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Il est admis aujourd’hui que ce droit local n’est pas destiné à disparaître. Cependant, il doit être géré. En d’autres termes, il doit pouvoir s’adapter à l’évolution des circonstances.

Le Conseil constitutionnel a certes estimé que cette législation ne devait pas connaître d’évolution divergente par rapport au droit général, mais il a admis cette nécessaire adaptation. Cette préoccupation d’aménagement du droit local et de son évolution dans le sens de la modernité et de l’adéquation aux besoins des usagers est clairement soutenue par la gauche.

Aujourd’hui, le droit local ne doit pas être un objet de confrontation entre la gauche et la droite. C’est pourquoi nous aurions préféré être associés en amont à la rédaction de ce texte. Fidèle à la tradition de cette assemblée, chaque groupe aurait déposé le même texte, comme ce fut le cas encore récemment avec le texte relatif aux sociétés d’économie mixte à opération unique ou « SEM contrat ».

Il est vrai qu’il n’existe pas de cadre institutionnel communément reconnu pour réaliser cette concertation au niveau des élus. Mon collègue Roland Ries et moi-même proposons que, sur la base de cette expérience, nous lancions entre parlementaires de toutes tendances et des deux assemblées une réflexion pour établir un cadre opérationnel reconnu par tous, qui permette à l’avenir de garantir une meilleure concertation.

Par ailleurs, il est vrai que l’on peut avoir un sentiment de frustration à la lecture de ce texte, qui donne l’impression d’un certain fourre-tout, sans vision d’ensemble. Ce ne sont pas les sujets qui sont actuellement les plus importants pour le droit local qui sont abordés dans cette proposition de loi. Aujourd’hui, notre préoccupation concerne notamment l’avenir du régime local d’assurance maladie, comme je l’ai souligné dans mon rapport d’information sur l’étude de la Cour des comptes relative au régime d’assurance maladie complémentaire d’Alsace-Moselle.

Je remercie notre rapporteur, Jean-Pierre Michel, de l’excellent travail qu’il a effectué et des auditions qu’il a menées. Ils montrent que les dispositions proposées ne sont pas si consensuelles et mériteraient une réflexion beaucoup plus poussée. Je le rappelle, aucun des sénateurs mosellans n’a voulu cosigner cette proposition de loi, alors qu’elle les concerne. C'est la raison pour laquelle le rapporteur avait proposé une motion de renvoi en commission du texte, non pour en ralentir l’examen, mais, au contraire, pour l’approfondir.

Mes chers collègues, permettez-moi maintenant de vous faire part, très brièvement, de mon sentiment concernant ces différents articles.

Si les articles 1 à 3 concernant les corporations m’ont semblé de prime abord intéressants, car ils permettent de trouver une solution rapide au problème du financement de ces structures, je suis malheureusement dubitative concernant leur constitutionnalité. Il s’agit clairement de contourner la décision du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il n’est, à mon sens, pas prudent de risquer une nouvelle censure pour les corporations.

De même, la réintroduction de la taxe des riverains ne devrait pas plaire aux Sages du Conseil constitutionnel. Je m’amuse de voir que c’est la majorité à laquelle vous apparteniez alors qui l’avait supprimée en 2010, monsieur Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Votre collègue Philippe Marini avait alors indiqué qu’un « dépoussiérage » s’imposait. Vous proposez de la réintroduire aujourd’hui. Or cet article 6, qui revient sur cette précédente abrogation, ne règle pas la question du cumul avec la taxe locale d’aménagement, qui avait pourtant vocation à s’y substituer.

En outre, l’article 8 évoque le repos dominical. Lors de ses différentes auditions, le rapporteur a pu constater que, s’il y avait un consensus des acteurs sur ce sujet, c’était pour attendre la mise en œuvre de l’accord signé le 6 janvier 2014, non pour qu’on légifère sur ce point. Cette question nécessite effectivement une certaine clarification, mais elle doit se faire avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Je ne suis pas convaincue que la voie législative soit, à ce stade, la meilleure réponse à apporter aux questions sociales et économiques qui se posent.

Les dispositions relatives aux associations coopératives, qui figurent à l’article 7, me semblent bienvenues, de même que celles qui concernent, aux articles 4 et 5, l’informatisation du cadastre.

Enfin, s’agissant de la procédure de partage judiciaire de droit local, dont il est question à l’article 9, un approfondissement du dossier me paraît indispensable pour y voir plus clair.

Vous aurez compris que toutes les mesures proposées, et surtout la procédure suivie, ne suscitent pas mon enthousiasme. Il faut toutefois reconnaître que l’essentiel des dispositions présentées permet de prendre date pour améliorer le droit local.

C’est pourquoi, afin de permettre les évolutions, clarifications et modernisations nécessaires du droit local d’Alsace-Moselle, je ne m’opposerai pas globalement à cette proposition de loi, même si je persiste à penser que la méthode choisie et l’inscription de cette proposition de loi dans une niche politique partisane, à trois mois du renouvellement sénatorial en Alsace, n’est pas la bonne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Sittler

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à débattre du droit local d’Alsace-Moselle, qui constitue l’un des ciments de l’identité des habitants de ces trois départements.

Je tiens à remercier mon collègue André Reichardt, ainsi que l’Institut du droit local alsacien-mosellan, pour cette excellente initiative.

Ce droit spécifique a bien souvent, aux yeux des « Français de l’intérieur », une image quelque peu surannée, voire archaïque. C’est aussi le cas au sein même de notre vénérable assemblée. J’ai ainsi en mémoire les propos tenus par certains de nos collègues lors des débats sur la taxe des riverains. Les amendements proposés par notre collègue rapporteur de la commission des lois sont également le signe d’une perception erronée de nos spécificités.

Cette proposition de loi témoigne, au contraire, non seulement de la vitalité et de la capacité d’adaptation de notre droit local aux enjeux actuels, mais également de la pérennité de ses dispositions, toujours en vigueur cent ans après leur introduction en droit français.

Le mouvement de redynamisation du droit local est amorcé depuis une quinzaine d’années. Par plusieurs décisions successives, le Conseil constitutionnel a confirmé que le principe d’indivisibilité de la République n’impliquait pas une uniformité normative.

Nous sommes en outre passés d’une harmonisation avec le système juridique national à une intégration à ce système. La récente transformation de la commission d’harmonisation du droit privé en commission du droit local d’Alsace-Moselle, entérinée par décret, constitue un signe fort de l’attachement des pouvoirs publics à la législation applicable dans les trois départements. Dorénavant, les travaux de cette commission seront élargis à la modernisation de la législation locale, afin de lui redonner un second souffle et de la tourner vers l’avenir.

Enfin, des états généraux du droit local se tiendront en octobre prochain.

La présente proposition de loi ne constitue donc qu’une étape, mais une étape majeure de par l’importance et la variété des sujets abordés.

Le premier de ces sujets est celui des corporations. L’artisanat alsacien-mosellan bénéficie d’une législation spécifique avec deux types de corporations : les corporations libres et les corporations obligatoires.

En novembre 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que l’affiliation d’office à un organisme disposant du pouvoir de s’ingérer dans la vie de l’entreprise en imposant à celle-ci des obligations spécifiques, voire en sanctionnant leur inobservation par des amendes, constituait une entrave à la liberté d’entreprendre, de même que, par voie de conséquence, la contribution des artisans aux frais de fonctionnement de l’institution.

Cette jurisprudence a profondément ébranlé et déstabilisé le monde artisanal, qui considère les corporations comme un ciment et un outil de résistance dans un contexte de crise économique et de concurrence des travailleurs de l’Est. Le Conseil a néanmoins ouvert la possibilité d’assurer leur pérennité, à condition de trouver un mode de financement alternatif.

Le présent texte vise ainsi à apporter une solution consensuelle, en prévoyant la création d’une redevance pour services rendus.

La réponse de Sylvia Pinel à une question orale posée par André Reichardt en décembre 2012 nous avait donné le sentiment d’avoir été entendus. La ministre avait en effet déclaré travailler « à recenser l’ensemble des dispositions relatives au droit local en Alsace-Moselle qui pourraient ultérieurement être remises en cause, à l’occasion d’une nouvelle saisine du Conseil constitutionnel ». Selon elle, il s’agissait, pour le Gouvernement, « de stabiliser au plus vite le droit local et de mettre fin à l’instabilité juridique que les corporations connaissent ».

À ce jour, rien ne nous a été proposé. Pourriez-vous donc, madame la ministre, nous indiquer quel est le fruit des réflexions menées par le Gouvernement depuis un an et demi ?

L’article 4 traite de la numérisation du cadastre. Chacun s’accorde à reconnaître la grande précision et la fiabilité du système cadastral alsacien-mosellan. Il est aujourd’hui urgent d’en assurer la pérennité en facilitant la numérisation de croquis réalisés à l’encre sur papier. La proposition de loi, là encore, apporte à ce problème une solution très attendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Sittler

Il a été précisé par les conseils généraux, qui décideront quand la loi sera votée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il aurait fallu m’en informer avant ! Je n’aime pas qu’on me mente !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Sittler

Autre chantier auquel s’attaque le présent texte : la taxe des riverains. Le périmètre de la nouvelle taxe d’aménagement ne correspondant pas exactement à celui de la taxe supprimée à la fin de 2010, la perte de ressources qui en est résultée, grevant le budget de nombreuses communes, tout comme la nécessité de respecter le principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités locales justifient, ainsi que l’explique André Reichardt, le rétablissement de cette taxe. Les maires de mon département m’ont interpellée à ce sujet à de nombreuses reprises.

La modernisation du droit local du repos dominical et pendant les jours fériés constitue le titre V de la proposition de loi. C’est un sujet d’actualité, en France comme dans le reste de l’Europe. L’Alsace est très attachée à son régime spécifique, mais ne peut rester à l’écart des débats actuels. Dans un contexte de laïcisation de la société et de consumérisme galopant, le sacro-saint dimanche non travaillé est remis en question. Aussi, afin de préserver le régime local, certaines de ses faiblesses doivent être corrigées. C’est ce que prévoit la proposition de loi, notamment pour ce qui concerne le Vendredi saint et les ouvertures les dimanches de l’Avent. Il s’agit d’une première étape, la question des contreparties et des sanctions restant à régler.

Un accord est intervenu dans le secteur du commerce ; son extension à d’autres secteurs est en cours de négociation. Une fois que les partenaires sociaux se seront entendus, il appartiendra au législateur de retranscrire ces accords dans le code du travail, comme c’est le cas pour le reste du pays.

Lors des assises du droit local qui se tiendront à l’automne prochain, il conviendra à mon sens d’aborder d’autres pans de notre droit local méritant d’être actualisés ou confortés. C’est le cas du droit des cultes. Là encore, nous devons préserver notre spécificité en adaptant notre législation aux évolutions de la société.

Ces dernières années, plusieurs attaques médiatiques qui ont taxé notre droit d’archaïque doivent nous inciter à réagir. Je pense notamment à la proposition de loi Candelier, déposée en janvier dernier, qui vise à étendre la séparation des Églises et de l’État à tout le territoire, ou encore à l’épisode qui a vu la Ligue de défense judiciaire des musulmans attaquer Charlie Hebdo devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour délit de blasphème, sur le fondement d’une disposition certainement mal traduite de notre code pénal local. Même si la jurisprudence constitutionnelle de février 2013 a jugé le régime des cultes conforme à la Constitution de 1958, elle ne fait pas obstacle à des évolutions souhaitables, et nous devons trouver des solutions pour sortir de l’impasse.

Dernier exemple de clarification législative : la déclaration domiciliaire. En Alsace-Moselle, il s’agit d’une obligation, mais les sanctions ont été abrogées en 1919. Là encore, contrairement à ce que pensent certains, il ne s’agit nullement d’un archaïsme ; c’est un système très utile aux communes pour faire face aux compétences et obligations croissantes qui leur incombent. En outre, à l’heure de la dématérialisation et de l’annualisation des factures d’électricité, mais aussi de la très forte baisse des lignes de téléphonie fixe, il est de plus en plus compliqué pour nos concitoyens de produire les certificats de domicile de moins de trois mois qui leur sont demandés. Dans ce contexte, il me paraît urgent de réactiver le fichier domiciliaire en Alsace-Moselle.

Pour conclure, je dirai que l’examen de la proposition de loi de notre collègue André Reichardt est pour nous l’occasion d’apporter des réponses à un certain nombre de questions restant en suspens, mais également de moderniser certaines dispositions importantes.

Je voterai donc ce texte avec enthousiasme.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre Ier

FINANCEMENT DES CORPORATIONS DES DÉPARTEMENTS DE LA MOSELLE, DU BAS-RHIN ET DU HAUT-RHIN

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l’article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « de l’article L. 2121-22 » sont supprimés.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 2541-2 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« La convocation indique les questions à l’ordre du jour.

« Dans les communes de moins de 3 500 habitants, elle est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le délai de convocation est fixé à cinq jours francs.

« En cas d’urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. Le maire en rend compte dès l’ouverture de la séance au conseil municipal, qui se prononce sur l’urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l’ordre du jour d’une séance ultérieure. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2541-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2541-5. - Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le conseil municipal établit son règlement intérieur dans les six mois qui suivent son installation. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

(Non modifié)

Les Chambres de métiers des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin peuvent participer au financement des organismes mentionnés aux articles 81 et suivants du code local des professions.

Le financement prévu ci-dessus n’est pas pris en compte pour le plafonnement mentionné à l’article 2 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

La présente proposition de loi prévoit de simplifier et de moderniser certaines dispositions du droit local. On ne peut que s’en féliciter ! Nous sommes tous, me semble-t-il, pour un droit local adapté au contexte économique et social actuel. Cependant, pour chaque modification, il est essentiel d’obtenir un consensus de toutes les parties concernées. Or je constate que ce n’est malheureusement pas le cas.

Le titre Ier, qui comprend les articles 1er, 2 et 3, tend à fixer de nouvelles modalités de financement des anciennes corporations obligatoires, en permettant aux chambres de métiers d’Alsace et de Moselle de financer les corporations et en autorisant ces dernières à percevoir des redevances pour services rendus.

L’organisation des métiers repose sur des chambres de métiers, des syndicats patronaux, mais aussi sur des corporations qui regroupent, par département ou par arrondissement, les artisans exerçant exactement le même métier. L’adhésion à certaines est facultative, mais obligatoire à d’autres.

C’est ce qui a conduit un artisan contraint de cotiser auprès de deux corporations différentes à saisir le Conseil constitutionnel. Celui-ci a estimé, dans sa décision du 30 novembre 2012, que la cotisation obligatoire était contraire à la liberté d’entreprendre.

Le texte que nous examinons met en place un nouveau dispositif de financement, reposant sur une participation facultative des chambres des métiers et sur un système de redevance pour services rendus. Or le Conseil constitutionnel interdit un financement qui ne serait pas volontaire.

Il est surprenant que la disposition proposée revienne à nier la décision du Conseil constitutionnel. Mme Pinel, alors ministre de l’artisanat, avait été interpellée sur ce sujet et avait souligné, le 10 mars 2014, premièrement, que « les dispositions de cette proposition de loi ne sauraient méconnaître celles de la Constitution, ainsi que les libertés qui en découlent, telles qu’elles sont protégées et encadrées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel », deuxièmement, que « l’affectation d’une partie de la taxe pour frais de chambre de métiers au profit des corporations ne serait pas juridiquement fondée et encourrait un risque de censure constitutionnelle ». Ainsi, la disposition en question est inconstitutionnelle.

Je suis pour le droit local, mais je souhaite qu’il soit constructif. Il doit être élaboré dans la concertation et toute évolution de ce droit doit faire l’objet d’un consensus. Or la fédération française du bâtiment du Haut-Rhin est hostile à cette disposition.

L’attribution de subventions réservées exclusivement aux corporations ou l’instauration d’un financement obligatoire, sous une forme ou sous une autre, paraîtraient discriminantes pour les autres organisations professionnelles qui assurent des missions identiques. C’est le cas des fédérations du BTP en Alsace.

Selon ces fédérations, il semble inéquitable et inconcevable que des ressources publiques et pérennes issues de cette taxe financent des corporations qui, à l’heure actuelle, ne représentent plus que 30 % des entreprises. Avec le temps, cette représentativité sera encore plus faible, d’autant que la dissolution de nombreuses corporations est actuellement engagée.

Cette taxe induit une hausse des charges des entreprises et est en contradiction avec la politique du Gouvernement, car le pacte de responsabilité vise à donner davantage de compétitivité aux entreprises et aux artisans par une diminution de leurs prélèvements obligatoires.

Nous ne devons pas oublier que les entrepreneurs et artisans alsaciens du bâtiment se sentent défendus et représentés par des instances syndicales du BTP de droit français, auxquelles ils sont au demeurant libres d’adhérer ou non.

Monsieur Reichardt, avez-vous consulté ces entrepreneurs ? Les avez-vous entendus ?

Passer par l’obligation sans concertation n’est pas, selon moi, une bonne solution pour l’avenir de notre région. Je le rappelle, je suis favorable au droit local, mais celui-ci doit être révisé dans la concertation, en vue d’obtenir un consensus, et dans le respect des décisions du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, auteur de la proposition de loi, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai déjà indiqué dans ma présentation globale de la proposition de loi, c’est le 30 novembre 2012 que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le concept de corporations obligatoires en Alsace-Moselle. Cela signifie que ces corporations ne peuvent plus affilier de façon obligatoire une entreprise de leur champ d’activité et de leur ressort. Pour autant, toutes les autres dispositions relatives à leur fonctionnement restent applicables.

Il existe plus de cent vingt corporations en Alsace-Moselle. Elles ont rendu et rendent encore d’éminents services à l’économie locale, sur le plan économique comme sur celui de la formation, que celle-ci soit initiale ou continue.

S’agissant de la formation initiale, et notamment de l’apprentissage, il faut savoir que, par exemple, ces corporations élaborent des programmes de formation spécifiques pour leur métier, lesquels sont ensuite proposés à la commission d’homologation des titres et diplômes de l’enseignement technologique et deviennent des programmes ou référentiels officiels de ces métiers en Alsace-Moselle, et quelquefois même, en raison de leur qualité, dans la France entière.

Sur le plan économique, je dirai sans hésitation que les corporations ont beaucoup contribué à la prospérité de notre région au cours des années passées, en organisant des formations techniques pour leurs membres et en mettant à leur disposition des services communs.

Nous sommes donc désormais devant un choix : soit nous ne faisons rien et, à court terme, les corporations disparaîtront – on peut le vouloir ! –, soit nous tenons à elles et nous tentons de leur apporter des moyens nouveaux de financement.

Le conseil régional d’Alsace a provisoirement subventionné les actions de ces corporations dès lors qu’elles s’inscrivent dans les orientations régionales, mais cette subvention n’existe que pour un an.

L’article 1er ainsi que les articles 2 et 3 visent à donner à ces corporations la possibilité financière de continuer à rendre les services passés.

L’article 1er tend simplement à permettre aux chambres de métier de l’Alsace et de la Moselle de contribuer à leur financement. Il s’agit de s’aligner sur ce qui est en place au niveau national. Au niveau national, il n’existe pas de corporations, mais des organisations professionnelles qui ont naturellement d’autres appellations. Cependant, dans les autres départements que les trois départements de l’est, les chambres de métiers sont autorisées, aux termes de l’article 23 du code de l’artisanat, à apporter un concours, notamment financier, aux organisations professionnelles de l’artisanat.

L’article 2 prévoit que le financement des corporations peut également être assuré par des redevances pour services rendus. Comme toutes les redevances, celles-ci, en vertu d’une jurisprudence claire, doivent trouver leur contrepartie directe dans la prestation fournie. À mon sens, il n’y a pas d’obstacle à ce qu’elles figurent dans le droit local dès lors qu’elles remplissent cette condition.

Enfin, l’article 3 renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application des deux articles précédents.

Il me semble que toutes les conditions sont remplies pour permettre un vote favorable du titre Ier de la proposition de loi.

Je voudrais terminer en répondant à Patricia Schillinger. Oui, j’ai rencontré les corporations alsaciennes de droit local. Elles ont donné leur accord, à l’exception de quatre d’entre elles, qui sont membres de la Fédération française du bâtiment et qui ne sont pas enclines à s’associer aux autres corporations dans la mesure où celles-ci sont, elles, affiliées à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB. Vous aurez compris, chère collègue, que je ne souhaite pas entrer dans une rivalité entre organisations professionnelles nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 7, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également dès à présent les amendements n° 8 et 9, qui tendent respectivement à la suppression des articles 2 et 3.

À l’évidence, ces trois articles visent à contourner une décision du Conseil constitutionnel.

La séance, cet après-midi, est absolument pathétique et incongrue !

Monsieur Reichardt, vous savez très bien que ce que vous dites n’est pas exact !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Traitez-moi donc de menteur ! C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Vous le savez très bien, et pourtant vous vous enferrez, entouré de deux ou trois de vos collègues ! Vous êtes minoritaires et vous vous apprêtez à demander des scrutins publics sur tous les amendements, pendant tout l’après-midi ! Et cela pour arriver à quoi ?

La décision du Conseil constitutionnel est formelle ! Je ne suis pas un défenseur acharné du Conseil constitutionnel, je le dis souvent, mais il faut admettre cette décision. « La nature des activités relevant de l’artisanat ne justifie pas le maintien d’une réglementation professionnelle s’ajoutant à celle relative aux chambres de métiers. » C’est clair ! Cela signifie que, si les corporations veulent perdurer, elles doivent se financer elles-mêmes librement. Point final ! Elles doivent se financer sans autre forme de taxes ou de services rendus ! Voilà ce que cette décision signifie, et vous le savez très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Voilà pourquoi j’ai déposé ces trois amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 7, ainsi que sur les amendements n° 8 et 9.

En 1998 et 1999, cette question avait déjà été soulevée. J’avais d’ailleurs présidé avec beaucoup de plaisir une grande réunion des chambres de métiers d’Alsace et de Moselle, au cours de laquelle il avait été largement question de cette demande, déjà forte à l’époque, concernant les cotisations obligatoires aux corporations. Avec la préfète de région, nous avions passé beaucoup de temps à chercher une réponse.

Je fais mien l’argument qui vient d’être avancé par votre rapporteur : les parlementaires commettraient aujourd'hui une erreur s’ils votaient une disposition qui serait certainement « retoquée » par le Conseil constitutionnel. Bien sûr, cela n’empêche pas de continuer à échanger sur le terrain avec les ministres concernés. Mais on ne peut pas imaginer un seul instant un ministre acceptant des dispositions qui ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel ! Vous-même, monsieur Reichardt, en seriez sans doute, sur d’autres sujets, fort marri !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L’argument essentiel que j’ai entendu pour justifier les trois premiers amendements de suppression porte sur la décision du Conseil constitutionnel du 5 août 2011. Je voudrais y répondre en me plaçant sur un plan technique.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a effectivement considéré que les dispositions législatives et réglementaires particulières au département du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle « ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ».

Il en résulte que le droit local historique n’est pas figé, qu’il peut évoluer, sous réserve de ne pas entraîner une aggravation des différences de traitement.

Comme je l’ai dit, la proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin prévoit que les chambres de métiers peuvent participer au financement des corporations.

Par ailleurs, il est précisé que le financement des corporations peut être assuré par le produit des redevances pour services rendus. Ces deux modalités de financement constituent non une innovation à proprement parler, mais une clarification de l’état de droit, dans un souci de sécurité juridique.

En effet, les corporations étant des groupements d’entreprises artisanales, elles peuvent créer des services rémunérés ; il n’y a pas de changement à cet égard.

Par ailleurs, l’article 23 du code de l’artisanat prévoit expressément que « les chambres de métiers et de l'artisanat de région peuvent également prêter leur concours aux organisations professionnelles du secteur des métiers ». Ce soutien peut inclure une participation au financement de certaines activités de ces organisations. Il s’agit là d’une pratique usuelle.

Ainsi, les mesures envisagées dans la proposition de loi n’accroissent pas la différence entre les dispositions de droit local et celles de droit général. Ce texte n’est pas une source de différences accrues de traitement, monsieur le rapporteur ! Au contraire, il rapproche le droit local du droit général puisque cette disposition existe dans le droit général !

Par ailleurs, ces propositions n’étendent pas le champ d’application du droit local : elles se situent dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel, qui a souligné le rôle des chambres de métiers et s’est fondé sur l’intervention de celles-ci pour juger inutile l’existence d’autres organisations à affiliation obligatoire, ainsi que vous venez de le rappeler vous-même, monsieur le rapporteur !

Puisque le Conseil constitutionnel a lui-même mis en avant l’intervention des chambres de métiers, l’adoption de dispositions qui confirment l’intervention de ces dernières dans le domaine de l’organisation professionnelle des secteurs de l’artisanat est conforme à l’esprit de sa jurisprudence.

On peut donc légitimement considérer que la proposition de loi que j’ai présentée tire les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à la fois en veillant à une application du droit local conforme à la Constitution et en renforçant l’intégration des dispositions de droit local en matière d’artisanat dans le cadre formé par le droit général.

C’est la raison pour laquelle je ne peux que m’opposer à vos amendements de suppression des articles 1er, 2 et 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 196 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Cette mascarade des scrutins publics va-t-elle durer longtemps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Précisément, monsieur le rapporteur, nous renonçons à nos demandes de scrutin public sur les deux amendements suivants, mais sachez que je trouve inacceptable votre manque de respect pour une réalité locale différente dans un territoire de la République !

(Non modifié)

Le financement des organismes mentionnés aux articles 81 et suivants du code local des professions est également assuré par le produit des redevances pour services rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 8, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été défendu et le Gouvernement a d’ores et déjà indiqué qu’il y était favorable.

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

(Non modifié)

Les conditions d’application de la présente loi sont fixées par un décret en Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 9, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été défendu et le Gouvernement a d’ores et déjà indiqué qu’il y était favorable.

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Titre II

MODERNISATION DU CADASTRE DES DÉPARTEMENTS DE LA MOSELLE, DU BAS-RHIN ET DU HAUT-RHIN

Chapitre 1er

Extension des compétences de l’Établissement Public d’Exploitation du Livre Foncier Informatisé à l’informatisation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin

(Non modifié)

Après le 5° de l’article 2 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Exerce également les missions liées à la modernisation du cadastre réglementé par la loi du 31 mars 1884 applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L’arrêté ministériel du 16 avril 1995 a décidé la mise en place du plan cadastral informatisé en France. Celui-ci couvre aujourd’hui les trois départements d’Alsace-Moselle dans les mêmes conditions que pour l’ensemble du territoire national.

Toutefois, cette modernisation du plan cadastral ne tient pas entièrement compte des besoins spécifiques en la matière dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, du fait de l’existence du livre foncier.

Dans ces départements de l’est, la loi sur le renouvellement du cadastre du 31 mars 1884 associe au plan cadastral à l’échelle les croquis de levé cotés résultant de mesurages terrestres.

Spécificité remarquable de notre région, les croquis sont réalisés par les services du cadastre pour la conservation du plan et par les géomètres-experts au moment de l’établissement des documents d’arpentage, chaque fois qu’une limite parcellaire est modifiée. Conservés dans les annexes du livre foncier, ils permettent à tout moment de reconstituer sur le terrain les points levés avec la précision du levé d’origine, et donc, en particulier, d’implanter avec une grande exactitude les bornes disparues, le cas échéant, ce qui confère à la documentation foncière dans les trois départements un élément de sécurité juridique unique en France.

Cependant, le nombre de ces croquis augmente en permanence et leur état de conservation se dégrade fortement. Il faut donc les dématérialiser pour permettre leur préservation inaltérable. Je propose donc d’étendre la mission actuelle de l’EPELFI, établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé, au développement de projets informatiques spécifiques nécessaires à la modernisation du cadastre en vigueur en Alsace-Moselle.

Cette nouvelle compétence se situe tout naturellement dans le prolongement de la mission actuelle de l’EPELFI, les deux instruments de documentation foncière étant indissociables et complémentaires.

Le cadastre d’Alsace-Moselle a en effet été conçu pour être en parfaite concordance avec les exigences particulières du livre foncier. Le cadastre permet l’identification physique des immeubles au moyen du plan et des informations contenues dans la documentation littérale tenue à la disposition du grand public et des usagers professionnels pour consultation et délivrance de renseignements. Le livre foncier indique la situation juridique des propriétés immobilières dont les titres sont examinés par un magistrat, à savoir le juge du livre foncier. La publicité foncière fonctionne sur le principe d’une concordance parfaite, absolue, entre les deux documents.

J’ai pris contact avec la direction générale des finances publiques, le DGFIP, qui ne s’est pas montrée opposée à ma proposition, mais a suggéré une autre rédaction pour le deuxième alinéa de l’article 4 de ce texte. Ce sera donc l’objet de l’amendement n° 4, que je présenterai dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 10 est présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Notre demande de suppression de l’article 4 est la conséquence logique de notre position de principe sur le texte.

La question ici soulevée, à savoir la maîtrise publique de l’information fiscale et, partant, de données économiques, est loin d’être secondaire.

Même si nous sommes parfaitement conscients de la spécificité du droit foncier en Alsace-Moselle et, notamment, de l’existence du livre foncier, survivance d’un temps désormais révolu, il n’en demeure pas moins que la fiabilité de l’information fiscale est une question trop importante pour que nous la laissions en d’autres mains que celles des agents du service du cadastre.

Nous le savons bien, cela fait quelques années que cette branche assez méconnue de la DGFIP est l’objet d’une politique de rationalisation des coûts. La tentation est d’ailleurs grande, chez certains, d’externaliser de plus en plus la charge de l’édification du cadastre vers d’autres opérateurs, singulièrement les notaires. Il est même probable que quelques personnes aient planché sur les avantages de la réduction des effectifs budgétaires du service national du cadastre au regard du coût éventuel de la rémunération de la prestation des notaires et de leurs employés.

Le problème est que la fiabilité des données cadastrales, déterminante pour bien des éléments de notre fiscalité, nécessite la neutralité, l’indépendance et l’efficacité d’agents du service public.

C’est la raison pour laquelle, malgré les éléments apportés par les auteurs de la proposition de loi, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à supprimer cet article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Madame Keller, vous avez tort, je ne suis pas défavorable au droit local.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C’est absolument faux !

Je suis simplement défavorable à ce qu’on ne dise pas la vérité, à ce qu’on travestisse les décisions du Conseil constitutionnel, pour atteindre je ne sais quel but.

En l’occurrence, je suis tout à fait conscient de la nécessité de numériser les cadastres. D’ailleurs, l’agglomération de Strasbourg l’a fait, mais en finançant l’opération.

Je vous fais remarquer que deux questions n’ont pas été abordées.

D’une part, aucune ressource n’est prévue. Vous me parlez des conseils généraux, mais, pour l’instant, ils ne se sont pas manifestés, en tout cas pas auprès de moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Vous me dites qu’ils attendent que la loi soit votée. Ils auraient mieux fait de me le dire avant ! Cela aurait permis de lever cette hypothèque !

D’autre part, l’extension des compétences de l’EPELFI à la modernisation du cadastre conduirait à un partage de gouvernance de l’établissement public. Si l’EPELFI relève actuellement du ministère de la justice, l’extension de ses missions à la numérisation du cadastre conduirait à un partage de compétences avec le ministère des finances, le cadastre étant une compétence de la DGFIP.

D’après les auditions que j’ai menées, dont vous pourrez d’ailleurs obtenir la transcription, les deux ministères que je viens d’évoquer ne sont pas encore d’accord sur cette extension des compétences et sur le financement possible. Je ne peux donc, en cet instant, qu’être opposé à cet article 4.

D’ailleurs, monsieur Reichardt, pourquoi n’avez-vous pas attendu la mise en place de la nouvelle commission du droit local en Alsace-Moselle, instituée par le décret du 23 janvier 2014 – Mme Sittler en a fait mention tout à l’heure –, qui a étendu les compétences de la commission que vous présidiez jusqu’au mois de janvier à tout le droit local, et pas seulement au droit privé ? Peut-être aurait-elle trouvé un moyen de sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes.

Je suis certes opposé à cet article, mais je pense que les choses peuvent progresser dans le bon sens.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je comprends la demande des auteurs de la proposition de loi ; elle est justifiée. En revanche, en supposant même qu’une telle numérisation soit exclue du champ d’application des règles relatives aux marchés publics, ce qui reste à démontrer, son financement n’est pas clairement défini.

En effet, la région Alsace a évoqué un multifinancement des collectivités territoriales et des EPCI, notamment par la sollicitation de la taxe sur la publicité foncière, mais personne ne voit bien aujourd’hui comment le tout s’articulerait, puisque cette ressource ne serait alors plus utilisable pour ses destinations actuelles. Or, disons-le clairement, l’État ne dispose pas des moyens nécessaires pour participer au financement de cette extension des compétences.

De plus, aux investissements initiaux, qui sont évalués, semble-t-il, à 2, 5 millions d’euros par la région, s’ajouteront sans aucun doute des coûts de fonctionnement annuels, notamment en masse salariale, qui n’ont peut-être pas été totalement intégrés.

Compte tenu de cette analyse financière, nous ne pouvons qu’être défavorables à l’ensemble du dispositif, qui nous apparaît prématuré. M. le rapporteur a raison : il faut étudier de façon extrêmement précise les conséquences d’une telle mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Dans l’exposé des motifs de l’amendement n° 10, il est indiqué qu’il s’agit d’une vraie question – Mme la ministre vient également de le souligner à l’instant – et que la numérisation des croquis cadastraux est absolument indispensable ; je vous remercie d’ailleurs de le reconnaître, monsieur le rapporteur. Vous l’avez bien compris, je ne suis pas réveillé, une nuit, en disant : « Tiens, il faut numériser les cadastres ! »

Pour autant, vous demandez, monsieur le rapporteur, de supprimer l’article 4, notamment parce qu’aucune ressource n’est prévue pour financer l’extension des compétences de l’EPELFI.

Afin, précisément, de tenir compte de cette observation, j’ai déposé l’amendement n° 4, qui sera – peut-être ! – examiné tout à l’heure et qui prévoit, pour l’article 4, une nouvelle rédaction suivant les recommandations de la DGFIP. Aux termes de cette rédaction, l’EPELFI intervient « dans des conditions déterminées par l’administration chargée du cadastre. »

Je sais bien que cet établissement public relève de la tutelle du ministère de la justice, mais je ne doute pas une seconde que Bercy se soit, au préalable, rapproché de celui-ci avant de nous proposer, par écrit, la rédaction que j’ai reprise dans mon amendement n° 4. Du moins, c’est ainsi, me semble-t-il, que cela devrait fonctionner dans un pays normalement et régulièrement administré.

Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas adopter ces deux amendements identiques de suppression et à voter l’amendement n° 4, que je vous présenterai dans quelques instants… si l’article 4 n’est pas supprimé.

Permettez-moi d’ajouter quelques observations.

Madame la ministre, vous vous interrogez sur l’obligation éventuelle de procéder par le biais des marchés publics. À cet égard, je vous renvoie à ce qui a été fait pour la numérisation du livre foncier lui-même. C’est bien l’EPELFI qui en avait alors été chargé ! Et, à l’époque, on n’y avait rien trouvé à redire ! Aujourd'hui, il s’agit simplement d’étendre cette compétence au cadastre : cela ne me paraît pas insurmontable !

Qui plus est, si l’amendement n° 4 est adopté – ce qui suppose, je le dis une fois encore, que les deux amendements de suppression ne le soient pas –, les conditions déterminées par l’administration chargée du cadastre relèveront, bien sûr, de la seule autorité de l’EPELFI. Il suffira, demain, de mettre toutes les parties concernées autour d’une table pour constater que le financement est assuré.

Dans l’état actuel des choses, la question de la participation des trois conseils généraux ne se pose pas, monsieur le rapporteur, puisqu’il appartiendra à l’administration de s’assurer le moment venu que l’État ne paiera rien et que les conseils généraux prendront en charge cette dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Avec sept amendements de suppression, le rapporteur nous invite en fait à démonter, article par article, toutes les propositions contenues dans ce texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… à l’exception de deux mesures secondaires.

Je regrette le ton du rapport réalisé par M. Michel, tout comme les termes utilisés par Mme Schillinger, laquelle, tout en semblant soutenir le droit local, s’est employée, en son nom propre et au nom de M. Ries, à démonter, elle aussi, le texte de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Madame la ministre, vous nous opposez, à l’instar de M. le rapporteur, la question du financement de la mesure proposée. En tant que membre de la commission des finances, permettez-moi de m’en réjouir ! Mais que ne le faites-vous sur d’autres textes ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je n’arrête pas de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Hier, a été présenté au conseil des ministres le projet de loi sur la transition énergétique, qui prévoit deux grandes mesures.

Concernant la première, l’isolation thermique des logements, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… vous demandez aux régions de financer les travaux sous forme d’avances. Quel impact sur l’équilibre des budgets régionaux ? Quel impact sur l’endettement global de la France, eu égard aux critères retenus pour les administrations publiques ?

La seconde mesure a trait au préfinancement du manque à gagner de l’écotaxe pour le développement des transports écologiques …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… par un crédit de la Caisse des dépôts. Quelles conséquences financières pour les collectivités locales ? Un impact de 5 milliards d’euros sur les déficits !

Aussi, je tiens à souligner le caractère opportun de cet argument, qui n’est jamais avancé pour l’examen d’autres textes, alors que les transferts de charges sont considérables. Les collectivités locales de France le savent bien, elles qui inscrivent actuellement dans leur budget des dépenses pour faire face à la réforme des rythmes scolaires, alors que les compensations ne représentent qu’un tiers ou un quart de ces dépenses.

Cet argument masque mal, madame la ministre, votre opposition systématique, que je regrette. La spécificité du droit local est une expérience différente, qui peut permettre de faire évoluer le droit national. En témoigne la procédure de faillite civile.

Enfin, permettez-moi de former le vœu que la suite du débat soit plus apaisée et plus constructive, dans le respect de réalités et de vécus différents, qui peuvent néanmoins être utiles à la réflexion territoriale en France. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je veux dire à Mme Keller que je suis pour le droit local – elle le sait du reste très bien –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

… mais contre la politique politicienne en la matière.

Ainsi que je l’ai indiqué lors de mon intervention liminaire, nous aurions pu nous rencontrer, toutes sensibilités confondues, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

… afin de dresser un état des lieux en vue de proposer un texte commun, après avoir mené une réflexion approfondie sur chaque mesure envisagée et interrogé toutes les administrations et les corporations, bâtiment compris. Vous avez dit vous-même, monsieur Reichardt, que quatre corporations n’avaient pas souhaité prendre part à la discussion parce qu’elles n’étaient pas d’accord. Nous aurions dû trouver un consensus.

Aussi, considérant que nous devons travailler sur cette question, je m’abstiendrai sur ces deux amendements identiques. Dans quelques semaines, j’en suis persuadée, nous trouverons un accord et proposerons un texte commun, réunissant toutes les sensibilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 et 10.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 197 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 4 est supprimé, et l'amendement n° 4 n'a plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement, présenté par M. Reichardt :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 6° Contribue également à la modernisation du support de la documentation cadastrale régie par la loi du 31 mars 1884 applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, dans des conditions déterminées par l’administration chargée du cadastre. »

Chapitre 2

Toilettage de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin

(Non modifié)

L’article 24 de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin est ainsi modifiée :

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Les dispositions ci-dessus ne font pas obstacle à l’application du titre XXI du livre troisième du code civil. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé. –

Adopté.

TITRE III

CONSOLIDATION DE LA TAXE DES RIVERAINS EN ALSACE-MOSELLE

(Non modifié)

Au 5 du B du I de l’article 28 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, les mots : « et le 3° » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

L’article 6 prévoit de supprimer l’abrogation de la participation des riverains, spécifique au département d’Alsace et de la Moselle, prévue à compter du 1er janvier 2015 par l’article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010.

La réintroduction de la taxe des riverains qui nous est ici proposée suscite de nombreuses interrogations. En effet, lors de l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2010, Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances, avait estimé qu’un « dépoussiérage s’imposait », et la majorité de l’époque avait décidé de supprimer cette taxe des riverains. Or, aujourd’hui, M. Reichardt souhaite la réintroduire.

Cette disposition est étonnante, car ce même article 28 prévoit que la taxe d’aménagement a vocation à se substituer à la taxe des riverains. Or le présent article 6 ne règle pas la question du cumul avec la taxe d’aménagement. En période de crise et de baisse de pouvoir d’achat, c’est un mauvais signal que M. Reichardt envoie à nos concitoyens alsaciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

De plus, la pérennisation de la possibilité de cumul de la taxe des riverains avec la taxe d’aménagement soulève des difficultés constitutionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision du 5 août 2011, que les dispositions particulières de droit local ne « peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi », ce qui, en l’espèce, ne paraît pas être le cas.

Le rapporteur, Jean-Pierre Michel, n’a pu recueillir aucun élément relatif au nombre de communes ayant mis en place la taxe des riverains, non plus que sur son produit. Il a également constaté une absence de consensus sur la question de la pérennisation de cette taxe.

Je suis très surprise de la méthode utilisée par l’auteur de cette proposition de loi, à savoir un manque de concertation avec les parties concernées et de recherche de consensus entre elles. Les dispositions proposées mériteraient donc une réflexion beaucoup plus approfondie.

Je souhaite rappeler une fois de plus que je suis pour le droit local, mais en œuvrant dans la concertation et en vue de l’obtention d’un consensus.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

La loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 a abrogé, à compter du 1er janvier 2015, la législation locale relative à la taxe de riverains applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Je n’ai pas la mémoire courte et je sais parfaitement qui était « aux manettes » à l’époque où cette abrogation a été décidée. Ma liberté n’en est que plus grande, cet après-midi, pour défendre la mesure inverse.

Je n’ai pas oublié non plus que le Gouvernement de l’époque avait aggravé son cas en procédant sans concertation avec les associations des maires des trois départements de l’est et sans étude sur les incidences financières de la mesure pour les communes. J’ajoute que la commission d’harmonisation du droit privé n’avait pas davantage été consultée.

L’article 6 de la proposition de loi tend à revenir sur l’abrogation des dispositions de droit local régissant la taxe des riverains ; en d’autres termes, il s’agit de pérenniser l’existence de celle-ci.

Cette taxe permet aux communes de répercuter les coûts de viabilisation d’une voie, souvent un chemin de terre, sur tous les riverains de cette voie, actuels, passés et futurs, au prorata du nombre de mètres linéaires de la parcelle touchant la voie. Elle est un « plus » par rapport à la taxe d’aménagement, qui ne s’applique qu’aux titulaires d’une autorisation d’urbanisme, notamment d’un permis de construire.

J’estime qu’il est juste de demander aux anciens riverains, qui ont souvent construit dans le cadre de sorties d’exploitation plusieurs décennies auparavant, de contribuer au financement de la viabilisation.

De nombreux maires sont attachés à cette taxe et demandent qu’elle soit maintenue après le 1er janvier 2015. Je me souviens d’avoir été applaudi par l’assemblée générale des maires du Bas-Rhin, lorsque, en tant que président de la commission d’harmonisation du droit privé, j’ai annoncé que je déposerais un amendement visant à la pérenniser.

Madame Schillinger, que l’on ne me dise pas qu’il n’y a pas eu de concertation sur ce sujet ! En vérité, l’Institut du droit local alsacien-mosellan s’est adressé aux associations des maires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour recueillir leur opinion. Si cet institut soutient la mesure que je présente, ce n’est certainement pas l’effet du hasard ! Encore une fois, je ne me suis pas levé une nuit en me disant : « Tiens, je vais demander que la taxe de riverains ne soit pas abrogée au 1er janvier 2015 ! »

J’ajoute, ma chère collègue, chère Patricia, que je ne peux pas accepter une seconde d’être attaqué pour ne pas m’être concerté avec mes collègues des autres groupes. En effet, je vous ai sollicitée, ainsi que Roland Ries, en vous demandant si vous consentiriez à cosigner ma proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

M. Claude Dilain. Ce n’est pas une concertation !

Mme la ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Absence totale de réponse ! J’ai donc sollicité une nouvelle fois les personnes concernées, en leur adressant un courrier personnalisé. On m’a répondu par courrier que ce n’était pas le bon moment pour soulever la question du droit local.

Certes, l’argument était fondé, puisque nous étions au mois de septembre ou d’octobre de l’année dernière et que les élections municipales approchaient. Mais qu’on ne me reproche pas aujourd’hui de soulever ce sujet en ayant des arrière-pensées à l’approche des élections sénatoriales ! Si nous avions agi ensemble, la proposition de loi aurait peut-être été examinée plus tôt !

Certains me reprochent aussi d’avoir utilisé une niche du groupe UMP pour présenter ce texte. Quel moyen de faire autrement ? Si la proposition de loi émanait du groupe socialiste, n’aurait-elle pas été présentée dans le cadre d’une niche socialiste ? Qu’on me dise comment j’aurais pu faire différemment !

Enfin, chère Patricia, un dernier courrier vous a été envoyé, dans lequel je prenais acte de votre refus de cosigner la proposition de loi et vous proposais une rencontre. J’attends encore une réponse !

J’ai donc fait trois vaines tentatives pour vous proposer de vous associer à ma démarche. Dans ces conditions, je ne peux pas accepter le reproche que vous m’avez adressé ! Et encore moins de me faire traiter de menteur par M. le rapporteur !

Je répète une énième fois qu’il ne s’agit pas de vouloir le beurre et l’argent du beurre pour les communes d’Alsace et de Moselle. En effet, le cumul de la taxe d’aménagement et de la taxe des riverains est inenvisageable, puisque les deux taxes ne financeraient pas les mêmes travaux. En revanche, selon la jurisprudence antérieure à la réforme de la fiscalité de l’urbanisme intervenue en 2010, et qui demeurera pertinente si l’article est adopté, la taxe des riverains est une contribution additionnelle qui peut se cumuler avec la taxe locale d’équipement prévue à l’article 1585 A du code général des impôts… Comprenne qui pourra !

Pour ma part, après avoir entendu tout ce que j’ai entendu, j’ai l’impression que l’approche politicienne n’est pas de mon côté !

Mmes Fabienne Keller et Esther Sittler applaudissent vivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 11, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je crois qu’il ne faut pas procéder par incantation ou par impressionnisme ; il faut s’en tenir aux faits. Or, dans les faits, la taxe des riverains a été instituée par l’empereur d’Allemagne Guillaume Ier pour urbaniser les environs de Strasbourg. En 2010, elle a été abrogée. Seulement, pour permettre aux communes qui l’avaient mise en place de se retourner, si je puis dire, on a fixé l’entrée en vigueur de cette abrogation au 1er janvier 2015.

J’ajoute que la disparition de cette taxe a été décidée en loi de finances, sur le rapport de M. Philippe Marini.

Toujours est-il que rétablir cette taxe reviendrait à élargir le champ d’application du droit local, ce qui est contraire à la jurisprudence constitutionnelle.

C’est la raison pour laquelle je suis forcé de m’opposer fermement à l’article 6 de la proposition de loi, pour aujourd’hui, mais aussi pour demain !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Favorable. Le Gouvernement fait siens les arguments de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je tiens à répondre à M. Reichardt.

Mon cher collègue, il est vrai que nous avions évoqué ensemble cette proposition de loi, mais vous savez très bien que chaque groupe politique aurait dû présenter le même texte. On ne peut pas signer, comme cela, une proposition de loi émanant d’un autre groupe !

Peut-être, en effet, aurions-nous dû prendre davantage de temps pour nous concerter sur ces questions. Seulement, en période électorale, le temps est très court – je vous rappelle qu’il y a eu successivement les municipales et les européennes.

Aujourd’hui, je suis tout à fait favorable à ce que nous reprenions ce travail en organisant une concertation avec tous les partenaires, dans le but de présenter une proposition de loi qui rassemble tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 198 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

TITRE IV

MODERNISATION DU DROIT LOCAL DES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES

(Non modifié)

La loi du 1er mai 1889 sur les associations coopératives de production et de consommation, modifiée par la loi du 20 mai 1898, est ainsi modifiée :

1° L’article 15 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« L’admission d’un nouveau membre est prononcée par le Conseil d’administration. » ;

b) Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés ;

2° Le second alinéa de l’article 28 est supprimé ;

3° L’article 30 est ainsi rédigé :

« Le Conseil d’administration établit chaque année une liste des membres arrêtée au 31 décembre.

« Lorsque l’association coopérative revêt la forme juridique, soit d’une association coopérative inscrite à responsabilité illimitée visée au premier alinéa de l’article 2, soit d’une association coopérative inscrite avec obligation de faire des versements supplémentaires visée au 2° de l’article 2, cette liste est communiquée au plus tard pour le 31 mars au tribunal par le représentant légal de l’association où toute personne pourra la consulter. » ;

4° Les articles 69 à 72 sont abrogés ;

5° Les deuxième et troisième alinéas de l’article 76 sont supprimés ;

6° Les deuxième et troisième alinéas de l’article 77 sont supprimés ;

7° L’article 137 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« L’acquisition de parts sociales supplémentaires doit être autorisée par le Conseil d’administration. » ;

b) Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés ;

8° Les articles 157 à 159 sont abrogés. –

Adopté.

TITRE V

MODERNISATION DU DROIT LOCAL DU REPOS DOMINICAL ET PENDANT LES JOURS FÉRIÉS

(Non modifié)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3134-4 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, les mots : « des employeurs et des salariés » sont remplacés par les mots : « des organisations représentatives des salariés et des employeurs » ;

b) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« L’emploi de salariés est autorisé les trois derniers dimanches précédant Noël. Le nombre d’heures travaillées chaque dimanche ne peut dépasser 6 heures. Pour certains dimanches et jours fériés en dehors de la période de l’Avent pour lesquels les circonstances locales rendent nécessaire une activité accrue, le maire peut porter le nombre d’heures travaillées jusqu’à huit. » ;

c) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le volume d’heures travaillées est inférieur à cinq, aucune coupure ne peut être imposée au salarié. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 3134-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’autorité administrative accorde la dérogation prévue au présent article, elle peut imposer aux exploitants qui en font usage de fermer l’exploitation concernée un autre jour de la semaine qu’ils choisissent librement. » ;

3° Au 2° de l’article L. 3134-13, les mots : « dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte » sont supprimés ;

4° L’article L. 3134-14 est abrogé ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 3134-15, la référence : « L. 3134-10 » est remplacée par la référence : « L. 3134-2 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

L’article 8 de la proposition de loi vise à faire évoluer les règles relatives au repos dominical et aux jours fériés en Alsace-Moselle, pour les simplifier et les moderniser.

Selon M. Reichardt, les dispositions de cet article sont a minima et consensuelles. Permettez-moi d’en douter. En effet, s’il y a un consensus des acteurs sur ce sujet, c’est, comme M. le rapporteur a pu le constater, pour attendre la mise en œuvre de l’accord signé le 6 janvier 2014.

En vérité, les auditions organisées par M. Michel ont fait apparaître un fort attachement au régime local du repos dominical et des jours fériés, ainsi qu’une volonté de prendre le temps nécessaire pour le faire évoluer. Les différentes organisations représentatives des artisans alsaciens, c’est-à-dire les chambres de métiers et de l’artisanat d’Alsace, la Confédération de l’artisanat d’Alsace et l’Union des corporations artisanales du Bas-Rhin, ont fait savoir qu’elles préféraient attendre la mise en œuvre de l’accord signé le 6 janvier 2014 entre les organisations patronales et syndicales d’Alsace au sujet des contreparties accordées aux salariés dans le cadre des dérogations au repos dominical dans le secteur du commerce.

Si l’on ajoute à cela le fait que la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle est hostile à l’article 8, où est le prétendu consensus entre les différents acteurs dont parle M. Reichardt ? Pourquoi donc précipiter les choses, alors qu’un accord a déjà été signé ? M. Reichardt a-t-il auditionné la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle ?

Je me suis toujours opposée à l’ouverture dominicale des commerces parce que le travail dominical constitue, selon moi, une véritable menace pour la sphère familiale, amicale, culturelle, spirituelle et associative ; il conduit à un délitement des liens humains et à une perte des valeurs, au seul bénéfice de la recherche du profit. Bien souvent, de plus, le travail le dimanche fragilise les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces.

Je souhaite également rappeler que l’Organisation internationale du travail, l’OIT, a naguère infligé un « carton rouge » à la France : dans l’un de ses rapports, elle a particulièrement visé notre pays, lui adressant un avis plus que défavorable. Ainsi, la commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations demande au gouvernement français de « poursuivre l’examen, avec les partenaires sociaux, » de la nouvelle législation sur le travail dominical « sur le plan pratique en tenant compte des considérations tant sociales qu’économiques ». Plus précisément, les experts de cette organisation s’inquiètent de l’élargissement progressif des dérogations autorisées.

Le 22 juillet 2009, lors de l’examen de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, les parlementaires alsaciens socialistes se sont réjouis que le droit local alsacien-mosellan ne soit pas affecté. Aujourd’hui, les socialistes ont toujours la même position : il faut protéger le repos dominical.

En revanche, les sénateurs alsaciens de l’UMP Mmes Troendlé, Sittler et M. Grignon, qui étaient favorables, en 2009, à la protection du repos dominical en Alsace et en Moselle, souhaitent aujourd’hui modifier le droit local, de surcroît sans concertation. Surprenant !

Pour ma part, je reste cohérente : je voterai contre cet article, car je suis pour le repos dominical !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L’ensemble des aménagements concernant le repos dominical et les jours fériés qui sont proposés dans cet article sont de faible ampleur, mais néanmoins d’une importance capitale pour conserver au régime local sa cohérence et sa force d’adhésion.

L’Alsace et la Moselle ont une grande chance : elles disposent, d’une part, d’un outil qui leur est propre, une législation locale relative au repos dominical, et, d’autre part, d’une opinion locale responsable et consensuelle. Elles détiennent donc les moyens nécessaires pour garantir la pérennité d’un régime équilibré du repos dominical et des jours fériés. Le moment est venu de mettre en œuvre ces moyens.

La proposition de loi tend à préciser la procédure de consultation préalable à l’adoption ou à la modification des statuts locaux, ainsi que les autorités compétentes, en vue d’établir une grande sécurité juridique, laquelle n’existe pas aujourd'hui. Grâce à cette formulation nouvelle, les institutions et organisations qui devront être consultées pour une modification des statuts locaux sont définies de manière précise. La procédure de consultation s’en trouvera facilitée et sécurisée.

La possibilité donnée aux groupements de communes d’adopter un statut local permettra une meilleure harmonisation entre les communes situées dans une même zone commerciale. Il s’agit de favoriser l’adoption de règles uniformes pour des agglomérations formant des unités économiques.

Il est ensuite proposé de préciser quelle autorité administrative sera compétente pour accorder certaines dérogations. Un ancien article du code local des professions et l’instruction du 26 décembre 1888 attribuaient cette compétence aux maires et, pour Metz, Mulhouse et Strasbourg, aux représentants de l’État.

Vous l’avez compris, cette seule incohérence entre les autorités compétentes rend nécessaire la possibilité de mettre en œuvre partout des statuts locaux, de telle sorte que tous les maires puissent intervenir en la matière.

Il est proposé que la question des dimanches précédant Noël soit désormais réglée par la loi elle-même. En effet, l’ouverture de ces dimanches est décidée tous les ans. Pour éviter que soient adoptées tous les ans avant Noël des dispositions variant de commune à commune, il est proposé qu’à l’avenir la loi règle cette question de manière uniforme sur l’ensemble des territoires des trois départements, afin d’éviter les distorsions de concurrence.

Il est suggéré, à cette fin, de modifier le code du travail en fixant à trois le nombre de dimanches précédant Noël qui seront travaillés et à six heures le nombre maximal d’heures de travail de ces journées.

La modification proposée tient compte du fait que, dans la pratique, l’autorisation d’ouverture des magasins portait tous les ans sur deux à trois dimanches précédant Noël, avec des horaires variables selon les localités. Une autorisation d’ouverture les trois dimanches précédant Noël, mais limitée à six heures paraît constituer une solution équilibrée.

La proposition de loi vise également à garantir aux salariés que l’empiètement du travail dominical sur la période de repos sera proportionné à leur amplitude horaire de travail ; il s’agit de les assurer d’une période de travail continu minimum.

Le texte permet aussi d’imposer une fermeture hebdomadaire en cas de dérogation à la fermeture dominicale, de telle sorte que les petites entreprises qui ne peuvent pas ouvrir sept jours sur sept ne soient pas défavorisées par rapport aux grandes entreprises qui ont cette possibilité.

Enfin, le texte vise à supprimer la référence à l’existence dans une commune d’un temple protestant ou d’une église mixte comme condition au caractère férié et chômé du Vendredi saint. L’article 8 a donc pour objet de généraliser la fermeture du Vendredi saint, en harmonisant les règles applicables au sein des trois départements.

On me reproche de ne pas avoir mené une concertation suffisante avec les organisations syndicales et patronales des trois départements. Je m’inscris en faux ! En effet, il ne m’appartient pas d’organiser cette concertation. L’Institut du droit local alsacien-mosellan l’a menée, à telle enseigne que toutes ses propositions – je tiens à la disposition de M. le rapporteur et toutes celles et ceux qui le souhaitent le document en témoignant – ont reçu l’accord de toutes les organisations syndicales et patronales alsaciennes.

Qui plus est, toutes les organisations ont signé, le 6 janvier 2014, un accord interprofessionnel qui définit des contreparties financières. Ainsi, la rémunération sera de 150 % et d’un repos compensateur proportionnel pour les heures travaillées le dimanche, et de 200 % pour les trois dimanches précédant Noël. Excusez du peu ! Que voulez-vous que l’Institut du droit local alsacien-mosellan, qui a travaillé deux ans sur ces sujets, fasse de plus ? Pour ma part, dans cette affaire, je suis un simple vecteur législatif. Dans ces conditions, je ne comprends pas qu’on puisse s’opposer à ces dispositions au prétexte qu’il faudrait poursuivre la concertation. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 12 est présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’article 8 est celui qui a éveillé le plus l’attention des organisations syndicales de salariés en Alsace-Moselle, puisqu’il touche, en particulier, à l’équilibre des relations sociales dans cette partie du pays.

Les auteurs de la proposition de loi nous invitent à modifier assez nettement les règles posées pour le travail dominical et les jours de congé dans le secteur du commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Au-delà des questions liées à la qualité de vie, n’oublions pas que le repos dominical, qui est la règle et non l’exception, est en tout état de cause au centre des préoccupations des partenaires sociaux puisque, en Alsace, les syndicats de salariés et d’employeurs du commerce ont signé, peu de temps après le dépôt de la présente proposition de loi, un accord paritaire sur le sujet. Or, malgré les démarches entreprises par les syndicats de salariés, qui ont unanimement signé cet accord, nous n’en trouvons nulle trace dans le texte qui nous est soumis.

L’accord prévoit, comme ma collègue Cécile Cukierman l’a indiqué au cours de la discussion générale, que le travail dominical ne peut être imposé, que les salariés doivent être volontaires, percevoir une rémunération majorée et disposer d’un repos compensateur pris à leur convenance.

Par ailleurs, selon les termes de l’accord, « le repos qui correspond à la récupération du jour travaillé pourra être pris aussi bien avant qu’après le dimanche ou le jour férié travaillé ».

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 8. Il faut en effet pouvoir, sur la base de l’application et de l’éventuelle extension de l’accord signé en janvier dernier, juger de la qualité de celui-ci. Voter cet article, ce serait accepter que la loi puise aller à l’encontre de ce qu’a permis la négociation collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il est clair que les dispositions relatives au travail dominical doivent évoluer.

M. Reichardt sait très bien qu’il met la charrue avant les bœufs en introduisant d’ores et déjà dans la loi un certain nombre de dispositions qui, pour l’instant, ne font pas encore consensus ; c’est du moins ce qui ressort de ce qu’on m’a dit.

Le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de Moselle m’a dit très clairement qu’il était totalement opposé à toute ouverture le dimanche. Cela m’a surpris, je dois le reconnaître.

Le président de la chambre de métiers d’Alsace m’a affirmé être tout à fait favorable à la poursuite de la négociation. §C’est ce qu’il m’a dit ! Selon lui, il faut attendre que ces accords soient validés par les préfets des départements et par les présidents des conseils généraux. Voilà ce qui ressort des auditions que j’ai conduites.

Je conçois très bien qu’il faille évoluer, d’autant que nous sommes là face à un régime très particulier. Il n’est plus possible de s’en tenir à la fermeture pure et simple le dimanche. Dans les grandes villes, en effet, les maires ont pris des arrêtés permettant des ouvertures de trois heures, de quatre heures, etc.

Quoi qu’il en soit, tout cela devra faire l’objet d’une négociation supplémentaire. Nous parviendrons ensuite à établir un régime unifié dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, ainsi qu’en Moselle. Selon moi, ce n’est qu’une question de quelques mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Non ! Un certain nombre d’acteurs patronaux et salariés s’opposent à ce qu’on le fasse !

J’ai donc déposé un amendement de suppression de cet article, tout en estimant que les choses se feront sûrement un jour.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

M. le rapporteur a fait une excellente présentation de la situation, et le Gouvernement est favorable à la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je souhaite surtout répondre à Mme Assassi et à M. le rapporteur.

L’accord du 6 janvier 2014 est effectivement intervenu. Il prévoit des contreparties financières, dans les conditions déterminées par les partenaires sociaux, qui ont tous signé cet accord : MEDEF, CGPME, UPA… Oui, monsieur le rapporteur, l’Union professionnelle artisanale a signé l’accord ! Et vous, vous me parlez des présidents des chambres de métiers ! Ce ne sont pas eux qui négocient les accords !

Toutes les organisations ont signé sur la base des accords trouvés par elles-mêmes à l’Institut du droit local alsacien-mosellan, après avoir été invitées par son secrétaire général à élaborer des règles.

Qu’on ne s’y trompe pas : la règle du droit local, c’est naturellement le repos dominical. Les statuts locaux que j’évoquais tout à l’heure, commune par commune ou groupement de communes par groupements de communes, ont pour objet, si les communes ou les intercommunalités le souhaitent, de prévoir des dérogations pour le commerce de détail.

Bien entendu, en cas de dérogation, les salariés bénéficient de contreparties financières, définies dans le cadre de l’accord interprofessionnel du 6 janvier 2014.

On me dit que les organisations syndicales veulent encore attendre. C’est faux ! Je tiens à votre disposition le courriel que j’ai reçu des six organisations syndicales de salariés, dans lequel elles confirment leur accord avec ces dispositions. Elles me demandent également d’amender le texte, afin d’y introduire les mesures prévues par l’accord interprofessionnel. Je ne peux pas le faire puisqu’une procédure d’extension est en cours. Je laisse donc la DIRECCTE et le ministère agir. Comment voulez-vous que je fasse autrement ?

L’accord existe, il devrait être étendu prochainement. Pourquoi, dans ces conditions, vouloir supprimer l’article 8 de la proposition de loi ? Je ne comprends pas ! Je vais quitter tout à l’heure l’hémicycle dans les affres du doute, parce que j’ai le sentiment qu’entre ce qu’on me dit ici et ce que je vis sur le terrain il y a une incompatibilité totale, et j’ai quelque difficulté à l’accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix les amendements identiques n° 6 et 12.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 199 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 8 est supprimé.

La loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 225 est complété par les mots : « conformément à ce qui est précisé à l’article 226 alinéa 2 » ;

2° L’article 226 est complété par un second alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception de la passation d’un acte de gré à gré translatif de propriété, toutes les décisions, notamment la réalisation d’une expertise, la vente d’un bien aux enchères publiques, l’attribution directe, avec ou sans soulte, d’un bien sans tirage au sort de lots, prises par lesdites parties intéressées, présentes et capables, s’imposeront aux non-comparants, régulièrement convoqués, dès lors que ces derniers auront été informés, préalablement, des propositions des comparants et des conséquences de leur non-comparution. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 13, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je n’ai pas eu le temps d’étudier à fond cet article additionnel, très complexe, inséré à la suite de l’adoption d’un amendement déposé en commission par notre collègue André Reichardt, et qui a pour but de résoudre un conflit, en matière de droit de l’indivision – sujet particulièrement ardu –, entre un arrêt de la cour d’appel de Colmar et la doctrine alsacienne-mosellane.

La Cour de cassation devant rendre une décision, je considère qu’il vaut mieux attendre qu’elle se soit prononcée plutôt que de voter cet article 9. La nouvelle commission du droit local pourra ensuite être saisie de cette question ; il faudra bien qu’elle la résolve un jour !

En l’état actuel des choses, je ne peux que m’opposer à cet article. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je comprends la demande d’harmonisation avec le droit commun posé par la loi du 23 juin 2006, mais la procédure en cours dira le droit. Une fois que la Cour de cassation aura rendu son arrêt, comme l’a dit M. le rapporteur, la saisine de la commission du droit local sera pleinement justifiée. Un accord sera alors possible entre tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Pour mettre fin à la mascarade dont parlait tout à l’heure M. le rapporteur, je serai très bref.

Initialement, cette proposition de loi comportait huit articles. J’ai déposé, dans les délais, un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 8. Or M. le rapporteur me dit maintenant qu’il n’a pas eu l’occasion d’étudier ce nouvel article 9. Dans ce cas, monsieur le président, il faut modifier les délais de présentation des amendements ! Si des propositions de loi ne peuvent plus être examinées en séance et recueillir un avis favorable de la commission au simple motif que le délai de dépôt des amendements aurait été trop tardif, il faut changer les règles applicables en la matière ! Je ne peux donc pas entendre cette explication.

Je présente en tout cas à M. le rapporteur mes excuses pour lui avoir fait passer tellement de temps sur cette proposition de loi. J’espère qu’il les acceptera.

Je voudrais prendre malgré tout quelques minutes pour défendre cet article 9.

Celui-ci vise simplement à clarifier l’un des outils emblématiques de la procédure de partage judiciaire de droit local afin de permettre, tout en conservant ses mécanismes fondamentaux, d’atteindre les objectifs qui ont conduit au vote de la loi de droit général du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Cet article résulte d’un vœu adopté par le XIe congrès interrégional des notaires des cours d’appel de Colmar et de Metz, en octobre 2012. Les notaires m’ont transmis leur demande après le 5 septembre 2013, donc après que j’ai déposé ma proposition de loi.

Sachez, madame la ministre, que cette proposition a été unanimement approuvée par la commission d’harmonisation du droit privé lors de sa séance du 21 décembre 2012.

On m’a objecté tout à l’heure que la commission du droit local appelée à succéder à la commission d’harmonisation du droit privé n’était pas constituée. Vous me permettrez de vous dire, madame la ministre, que je n’y peux strictement rien ! C’est moi qui, pendant trois ans, depuis que je préside la commission d’harmonisation du droit privé, ai demandé à Mme la garde des sceaux de bien vouloir faire paraître le décret modernisant cette commission. Le décret est enfin paru, après deux ans d’attente. Désormais, la commission d’harmonisation du droit privé s’appellera commission du droit local. Je m’en félicite. Ses membres, représentants de différentes instances, sont, comme ceux de la commission d’harmonisation, uniquement des juristes : Mme la première présidente de la cour d’appel de Colmar, M. le premier président de la cour d’appel de Metz, M. le procureur général près la cour d’appel de Colmar, etc. Le seul de ses membres qui ne soit pas juriste, c’est votre serviteur – j’ai succédé à Hubert Haenel lorsqu’il a rejoint le Conseil constitutionnel.

Maintenant qu’a été publié le décret relatif à la commission du droit local d’Alsace-Moselle, reste à en désigner les membres intuitu personae. À ce jour, pour des raisons que j’ignore, Mme la garde des sceaux n’a toujours pas pris l’arrêté portant nomination de ses membres ; je suppose qu’elle a d’autres priorités. Pourtant, j’ai demandé à trois reprises la publication de cet arrêté !

Alors, de grâce, qu’on ne m’oppose pas aujourd’hui l’argument consistant à dire que la commission du droit local ne se réunit pas !

Je le répète, les hautes personnalités qui composent la commission d’harmonisation du droit privé ont unanimement approuvé cette disposition lors de sa séance du 21 décembre 2012. J’ai beau être docteur en droit, je ne comprends pas les arguments juridiques invoqués pour demander la suppression de cet article 9 !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 200 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 9 est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, au nom de la commission des lois, je crois pouvoir demander à nos collègues de voter cette proposition de loi ainsi réduite à deux articles, articles sur lesquels je m’étais prononcé favorablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je me félicite d’abord du travail accompli dans cet hémicycle. Malgré la sévérité dont j’ai fait preuve à l’égard de M. le rapporteur, je l’en remercie. Le droit local alsacien-mosellan est une matière complexe, c’est un édifice souvent peu compris, pour le moins. Il est évidemment plus familier aux personnes qui ont la culture de ce droit. En tout cas, je remercie M. le rapporteur, au moins officiellement, des efforts qu’il a consentis.

Naturellement, nous voterons cette proposition de loi, même réduite à deux articles. Au demeurant, il n’était pas difficile de les maintenir puisque ce sont ceux qui font entrer le droit local dans le droit général. C’est le moins que je puisse faire pour montrer, reprenant ce que m’a dit un jour M. Michel dans cet hémicycle – je ne l’ai pas oublié –, que l’Alsace fait bien partie de République française.

Néanmoins, mes chers collègues, vous me permettrez de vous dire que nous passons à côté d’une formidable occasion de montrer que, alors que nous allons prochainement débattre de la décentralisation dans cet hémicycle, il est encore possible de faire vivre une identité régionale. Si, demain, l’Alsace devait se marier avec la Lorraine, le droit local alsacien-mosellan aurait encore toute sa place. Je me battrai – entendez-moi bien, monsieur Michel – jusqu’au dernier instant pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Tant qu’il sera meilleur et qu’il répondra aux valeurs alsaciennes, je me battrai pour lui.

Mes chers collègues – et je m’adresse tout particulièrement aux Alsaciens-Mosellans –, c’était là l’occasion, avant que nous n’examinions le projet de réforme territoriale, de montrer que nous croyons à une identité régionale, plutôt que d’écraser le droit local, comme vous venez de le faire – les scrutins publics qui se sont succédé ne s’expliquent pas autrement.

Que celles et ceux qui me reprochent une démarche politicienne soient, le moment venu, tenus pour strictement responsables et comptables de ce qu’ils ont fait aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je voudrais à mon tour regretter le vote d’amendements ayant abouti à la suppression de sept des neuf articles qui composaient cette proposition de loi et, néanmoins, remercier M. le rapporteur du travail qu’il a accompli, non sans relever qu’il a délibérément rédigé un rapport « à charge » contre le droit local.

C’est ainsi que les corporations ne verront pas leurs difficultés résolues. C’est ainsi que les maires qui souhaitent appliquer la taxe des riverains se retrouveront sans solution. C’est ainsi que le cadastre ne pourra pas être informatisé. C’est ainsi qu’un ensemble de dossiers très concrets n’avanceront pas, en raison du choix fait par notre assemblée.

Notre collègue Patricia Schillingerconcertation et de dialogue. Or des propositions de rencontres, de recherche de consensus, ont été faites et réitérées. À vous entendre, ma chère collègue, ce serait les circonstances préélectorales qui n’auraient pas permis de travailler ensemble. Pourtant, les problèmes à résoudre sont sur la table depuis plusieurs années.

En fait, vous ne répondez pas sur le fond, et c’est bien une opportunité politicienne qui vous conduit aujourd’hui à vous opposer, vous-même et l’ensemble du groupe socialiste, à ce texte.

Madame la ministre, je veux vous dire que le choix stratégique opéré par votre gouvernement de s’opposer fermement, en recourant à peu près à tous les arguments, au régime local d’Alsace-Moselle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ce n’est pas vrai, nous avons fait une ouverture !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… alimentera, à n’en pas douter, la résistance qui prend forme dans notre région contre le rapprochement avec la région voisine, sujet qui inquiète les défenseurs du droit local d’Alsace-Moselle.

Ce choix ne pourra qu’affaiblir votre position lorsque vous aurez à défendre le projet de loi relatif à la réforme territoriale, et tout particulièrement sur la question du rapprochement entre les régions Alsace et Lorraine. Nous mesurerons donc dans les prochaines semaines la portée de ce choix stratégique du Gouvernement, qui a montré qu’il n’entendait pas respecter les spécificités régionales, et notamment celles de ce territoire particulier qu’est l’Alsace-Moselle. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. En effet, pour avoir observé la pratique du droit local en Moselle, je puis vous dire que, dans l’immense majorité des cas, du droit de chasse à l’échevinage, en passant par le régime concordataire, il est mieux accueilli et mieux ressenti par les populations.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Concernant l’échevinage, je suis d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte commission, modifié.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier celles et ceux qui ont participé à ce travail, qui, me semble-t-il, a été positif : il a en effet permis d’adopter deux articles que certains semblent considérer comme négligeables, mais qui constituent des avancées tout à fait appréciables sur des sujets tels que le cadastre, les impôts fonciers, la péréquation et les associations coopératives.

Certes, la proposition de loi abordait d’autres sujets, mais nous avons compris qu’ils exigeaient qu’on y travaille plus avant.

Cela dit, je ne voudrais pas laisser sans réponse les propos de M. Longuet. Autant je pense qu’il convient d’être attentif à un droit local qui existe, autant je ne suis pas sûr que l’avenir de la République française réside dans l’extension indéfinie du droit local. Mais c’est un débat que nous aurons bientôt l’occasion d’engager.

Je veux enfin rendre un hommage particulier à M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, qui a été et est encore très sollicité. Il a montré tout son talent sur ce sujet difficile du droit d’Alsace-Moselle, mais il lui a fallu aussi beaucoup d’énergie pour défendre les valeurs qui sont les nôtres à propos du projet de réforme pénale, dont il est également le rapporteur.

Charles Péguy disait qu’une révolution n’est pas une destruction, mais un approfondissement. Précisément, les mesures que nous proposons sur l’initiative de M. Michel constituent un approfondissement de l’esprit de la réforme pénale.

Certains sont chagrins parce que, chaque fois que l’on propose d’autres peines que l’emprisonnement, ils assènent qu’on est anti-prison et que les peines en question ne valent rien. Mais Jean-Pierre Michel nous a mis sur le chemin d’une réforme novatrice et d’un approfondissement d’idées fortes auxquelles nous sommes attachés.

Je pense donc qu’il a bien mérité de retourner bénéficier du soleil du beau département de la Haute-Saône. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’interversion de l’ordre d’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de la séance du lundi 23 juin 2014, après-midi.

En conséquence, l’ordre du jour du lundi 23 juin s’établit comme suit.

À 16 heures :

– deuxième lecture de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies ;

– conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

À 21 heures 30 :

– débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe UMP, de la proposition de résolution relative au financement de la protection sociale et à l’allégement des charges des entreprises, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par MM. Serge Dassault et Gérard Longuet et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 566).

La parole est à M. Serge Dassault, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget, mes chers collègues, cette proposition a été conçue pour favoriser les entreprises de production qui participent à la croissance et à la réduction du chômage, ce qui correspond au souhait exprimé par M. le Président de la République.

Aujourd’hui, les charges sur salaires, salariales et patronales, imposées aux entreprises françaises par la législation sont presque égales au salaire net, c'est-à-dire que le coût total des salaires et des charges représente presque le double du salaire net. Or ce n’est le cas dans aucun autre pays et cette situation compromet gravement notre compétitivité.

Elle a été créée au moment de la mise en œuvre de l’assurance maladie et des allocations familiales, quand il a été décidé de faire peser ces charges sur les salaires, alors que, dans d’autres pays, elles sont acquittées au moyen de l’impôt ou d’assurances privées. D’où les tentatives de réduire ces charges sur les salaires par des subventions de l’État, mais à des niveaux trop faibles pour être efficaces, car 10 milliards à 30 milliards d’euros de réduction, pour un montant total de charges de 327 milliards d’euros, soit moins de 10 %, sont notoirement insuffisants pour être efficaces.

En effet, en 2012, le montant total des charges sur salaires des entreprises du secteur marchand s’est élevé à 327 milliards d’euros, dont 183 milliards d’euros pour le chômage, la retraite, les accidents du travail et la formation, qui concernent directement le personnel des entreprises, et 144 milliards d’euros pour l’assurance maladie, les allocations familiales, la CSG – contribution sociale généralisée –, l’apprentissage, le logement et le transport, qui servent à financer le volet de la politique sociale de l’État qui ne concerne en rien les entreprises. Avec un montant de salaires nets s’élevant à 401 milliards d’euros, le coût total pour les employeurs atteint 728 milliards d’euros – près du double ! –, sachant que les entreprises acquittent un total de 327 milliards d’euros de charges sur les salaires.

D’où notre proposition de répartir les charges sur salaires en deux parties : une partie A de 183 milliards d’euros correspondant à la branche chômage et retraite, qui concerne les entreprises, et une partie B de 144 milliards d’euros pour la branche famille et maladie, qui relève de la politique sociale du Gouvernement.

En supprimant des charges sur salaires, les charges B, on allège d’un coup ces charges de 144 milliards d’euros, soit près de la moitié des actuelles charges sur salaires, ce qui réduit d’autant le coût de production de nos entreprises marchandes et améliore leur compétitivité. On augmente ainsi les possibilités d’embaucher du personnel, puisque son coût est moindre, mais à condition, bien sûr, d’avoir une charge de travail suffisante.

Mais où puiser les 144 milliards d’euros correspondant aux charges B, qui ne concernent pas les entreprises, ailleurs que chez les contribuables, qui sont déjà surchargés d’impôts, et dans le budget de l’État, dont le déficit interdit toute dépense nouvelle ?

C’est l’objet de cette proposition. Elle consiste à continuer à faire supporter ces charges par les entreprises, donc ni par l’État, ni par le contribuable, mais en les intégrant dans les frais généraux.

Chaque entreprise paiera les charges B, celles qui concernent l’État, en fonction d’un coefficient d’activité qui les réduira d’autant plus que leur personnel sera plus nombreux. Ce dispositif favorisera les entreprises de main-d’œuvre et donc l’emploi.

Ce coefficient permettra de calculer la part dont devra s’acquitter chaque entreprise pour que le total soit égal au montant souhaité pour financer les dépenses famille et maladie, en incluant, si on le souhaite le déficit des branches correspondantes, soit environ 10 milliards d’euros, que l’État pourra ainsi financer, le cas échéant.

Ce système défavorisera aussi les entreprises qui intègrent du matériel importé ou des éléments délocalisés à l’étranger, puisqu’elles ne font pas travailler des salariés sur le sol français. En revanche, il favorisera tout ce qui sera produit en France par chaque entreprise.

Il n’y aura pas plus de taxation en cascade qu’avec le système actuel, qui taxe les salaires de la totalité des charges.

Il ressort aussi de simulations que cette proposition réduira les charges sur salaires des entreprises dont le rapport entre les salaires nets et le chiffre d’affaires est supérieur à 10 %, c'est-à-dire celles qui emploient plutôt plus de personnel, et défavorisera les entreprises pour lesquelles ce rapport est inférieur à 10 %.

Ce coefficient d’activité sera défini chaque année en utilisant le montant du chiffre d’affaires de toutes les entreprises marchandes de l’année, dont on déduira l’ensemble de la masse salariale, avec des charges réduites. On égalisera alors le coefficient aux charges B, augmentées, si on le souhaite, du déficit correspondant.

On a ainsi la formule suivante :

Coefficient d’activité x [chiffre d’affaires – (salaires nets + charges réduites)] = dépenses charges B + déficit.

En équilibrant l’ensemble des dépenses par les chiffres de l’INSEE de 2012, on obtient un coefficient d’activité de 4, 7 % avec le déficit de 10 milliards d’euros, et de 4, 3 % sans le déficit.

On constate ainsi que 0, 4 % de ce déficit rapporte 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’État grâce à une très large assiette et à un taux faible, ce qui n’est pas négligeable.

Ainsi, chaque entreprise calculera sa part de charges « maladie » et « famille » en appliquant la formule suivante :

4, 7 x [chiffre d’affaires – (salaires nets + charges réduites)] = coût à payer pour chaque entreprise.

Cette proposition permettra aux entreprises, à l’État et aux salariés de retirer les avantages suivants.

Pour un même chiffre d’affaires, plus une entreprise aura de personnel, moins elle paiera de charges, ce qui est dans l’intérêt des salariés aujourd’hui.

Toutes les entreprises de main-d’œuvre réduiront de moitié environ leurs charges sur les salaires, ce qui permettra de diminuer le chômage en favorisant les embauches et d’améliorer la compétitivité, conformément au vœu du Gouvernement et du Président de la République.

Les importateurs et les « délocalisateurs » qui réaliseront leur chiffre d’affaires à l’étranger, c’est-à-dire sans employer de main-d’œuvre en France, seront défavorisés. Une telle mesure s’inscrit donc dans le droit fil de la politique du Gouvernement.

Les dépenses « famille » et « maladie » seront équilibrées. Cela permettra à l’État de réaliser une économie d’environ 10 milliards d’euros, ce qui sera positif pour le budget.

Pour ne pas défavoriser les entreprises de production fortement robotisées et employant peu de main-d’œuvre, des montants d’amortissement seront ajoutés à leur masse salariale réduite pour compenser la réduction du personnel.

Il n’y aura plus de taxation en cascades, du moins pas plus qu’aujourd’hui.

Les notions de salaire brut et de salaire net disparaîtront. On ne parlera plus que de salaire net, lequel est le seul à intéresser les salariés.

Et cette proposition ne coûtera rien à l’État !

Voilà ce que nous proposons, monsieur le secrétaire d’État, dans l’intérêt des entreprises, de l’emploi, de l’État, et des salariés.

De nombreuses simulations restant à faire pour bien cerner les avantages et les inconvénients de cette proposition, nous suggérons que les services de l’État et des entreprises l’analysent plus profondément. Tel est l’objectif de la proposition de résolution que nous vous soumettons aujourd’hui.

Nous sommes cependant certains que cette proposition permettra de réduire fortement les coûts directs de production, qu’elle favorisera les entreprises produisant en France, qu’elle réduira le chômage et qu’elle équilibrera les charges « famille » et « maladie ».

On ne peut jamais satisfaire tout le monde. Cette proposition favorisera les uns, mais elle défavorisera les autres. Toutefois, l’intérêt général du pays aujourd’hui commande que les entreprises augmentent leur production, ce qui entraînera une hausse de la croissance et permettra aux salariés de trouver plus facilement du travail.

Permettez-moi, pour finir, de vous lire le texte de cette proposition de résolution :

« Le Sénat,

« Considérant que le financement du système de protection sociale français repose excessivement sur le travail, pénalisant l’emploi et la compétitivité de nos entreprises » – c’est vrai !

« Considérant que les entreprises ont vocation à financer les dépenses d’assurance vieillesse, d’assurance chômage ainsi que les dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale qui ont un lien direct avec son activité et dont le caractère est essentiellement contributif,

« Considérant qu’elles n’ont a contrario pas vocation à financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale dont le caractère largement universel relève de la solidarité nationale » – si l’État, mes chers collègues, décidait d’augmenter les cotisations de la famille, ce qui ne serait pas forcément inutile, cela pèserait sur les salaires et défavoriserait l’emploi !

« Plaide pour qu’au sein des dépenses de protection sociale, la différence entre dépenses assurantielles, qui doivent être financées par les entreprises, et dépenses universelles, qui relèvent de la politique sociale du gouvernement et qui doivent être financées par l’État ou par la solidarité nationale, soit mieux prise en compte,

« Considère que le coût du travail trop élevé en France s’explique en grande partie par le poids des charges sociales payées par les entreprises » – il est vrai qu’il est trop élevé et qu’il double le prix du salaire net !

« Estime que la diversification des ressources de la protection sociale, entamée au début des années 1990 avec la création de la contribution sociale généralisée, est encore très largement insuffisante,

« Souhaite que les pouvoirs publics étudient les différentes assiettes qui pourraient être envisagées pour financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale, notamment le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, la consommation ou bien encore les revenus des ménages » – seules les charges relatives au chômage, à la retraite, à la formation et aux accidents du travail doivent peser sur les salaires.

J’espère, mes chers collègues, que vous voterez cette proposition de résolution, qui n’engage personne et qui ne coûte rien. N’ayant pu, pour notre part, effectuer aucune étude complète, nous pourrons ainsi disposer d’une analyse plus précise des services de l’État et de Bercy et savoir si notre proposition a des avantages ou des inconvénients, ce que nous ignorons aujourd’hui. Par la suite, cette proposition permettra de rendre les entreprises plus compétitives et de favoriser la croissance et l’emploi, ces objectifs étant importants pour le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, même si je n’ai rien de très plaisant à dire sur cette proposition de résolution, je dois reconnaître à ses auteurs un certain talent. Ils nous permettent, malgré un hémicycle relativement vide, d’avoir un échange sur des sujets qui sont d’importance aujourd’hui.

Le parcours de cette proposition de résolution n’a pas été un long fleuve tranquille. Je rappelle en effet que, initialement, le groupe UMP avait inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi prévoyant la réduction de 44 % de la part patronale des cotisations sociales.

Le dispositif envisagé, qui était assez complexe, beaucoup en ont convenu, était loin de faire l’unanimité au sein même du groupe UMP, au point que vous avez préféré, mes chers collègues, lui substituer une proposition de résolution, dont l’objet est plus limité : vous y invitez le Gouvernement à effectuer des modifications substantielles dans le financement de notre système de protection sociale.

D’une certaine façon, et d’une manière sans doute plus radicale que ne le prévoit le Gouvernement, vous anticipez avec cette proposition le débat que nous aurons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, le PLFSSR, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, dans lesquels devrait être entériné le fameux pacte de responsabilité.

Le nombre de signataires de ce pacte tend à se réduire comme peau de chagrin au fur et à mesure que la CFDT rejette dans chacune des caisses, que ce soit la Caisse nationale des allocations familiales ou la Caisse nationale d’assurance maladie, les projets de PLFSSR qui lui sont soumis pour avis. De ce fait, il ne réunira bientôt plus que le MEDEF et le Gouvernement.

Or ce pacte, comme cette proposition de résolution, repose sur le postulat selon lequel le coût du travail en France et, par conséquent, le coût du financement de la protection sociale seraient trop élevés et constitueraient un frein à la création d’emplois.

Alors que le pacte de responsabilité ne prévoit qu’une réduction de la part patronale des cotisations sociales, comme d’ailleurs la présente proposition de résolution, cette dernière va plus loin en invitant le Gouvernement à étudier deux pistes nouvelles.

La proposition de résolution prévoit d’abord une diversification des ressources de la sécurité sociale, puis l’exclusion du champ de la sécurité sociale de la branche maladie et de la branche famille, lesquelles, selon les auteurs de la proposition, n’auraient aucun lien avec l’entreprise.

Nous contestons bien évidemment le postulat selon lequel le coût du travail serait trop important en France, mais aussi les préconisations formulées dans cette proposition de résolution.

En effet, la réduction du financement de notre système de protection sociale par les employeurs n’est pas nouvelle. Et d’une certaine manière, le pacte de responsabilité existe depuis plus de vingt ans sous la forme d’exonérations de cotisations sociales. Cette réduction aurait de multiples vertus puisqu’elle permettrait de restaurer la compétitivité et de créer des emplois.

Or vingt ans après l’instauration des exonérations et des exemptions de cotisations sociales, et malgré des baisses continues, la compétitivité des entreprises a nettement fléchi, sans doute parce que, dans le même temps, la part des richesses ponctionnées par ou pour le capital – coûts des emprunts financiers ou versement des dividendes – n’a cessé de croître.

Ainsi, selon un article d’Alternatives économiques intitulé Les distributions de dividendes plombent l’investissement des entreprises, en 2012, le coût du capital imposé aux entreprises et à leurs salariés représentait 299 milliards d’euros, soit plus de deux fois ce qu’elles ont acquitté au titre des cotisations patronales. En 2013, les distributions de dividendes des entreprises du CAC 40 ont crû de 6 % pour s’établir à 39 milliards d’euros, alors que les profits ont diminué de 8 %.

En outre, cette politique continue de réduction des cotisations sociales, qui profite d’abord et avant tout aux grands patrons, fragilise les salariés et notre système de protection sociale. Elle constitue un appauvrissement organisé, les gouvernements successifs n’ayant eu de cesse de réduire les prestations et les protections sociales, imposant des déremboursements, des franchises médicales, des allongements injustes et inégalitaires des périodes de cotisations pour financer les retraites ou encore, plus récemment, un délai de carence de six mois aux cadres avant que ces derniers ne puissent prétendre à l’indemnisation chômage.

Les salariés souffrent une seconde fois des méfaits de cette politique qui crée, comme l’a rappelé la Cour des comptes, de véritables trappes à précarité. Les emplois concernés sont en effet généralement les moins bien payés, les plus proches du SMIC, car plus les salaires sont éloignés du SMIC, moins les exonérations sont importantes.

Et pour quels résultats, mes chers collègues ? Aucun, ou si peu.

Selon certaines observations, les exonérations, notamment les allégements dits « Fillon », auraient permis de créer ou de sauvegarder entre 250 0000 et 500 000 emplois en cinq ans. Sur le fondement de ces déclarations, invérifiables dans les faits, la sécurité sociale et l’État auraient ainsi subventionné des emplois pour le coût astronomique de 75 000 euros chacun !

De son côté, l’Observatoire français des conjonctures économiques a évalué l’effet sur cinq ans du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à 150 000 emplois créés pour un coût annuel de 20 milliards d’euros à compter de 2014, soit 130 000 euros par an et par emploi. On est loin, très loin, de l’efficacité économique !

Dans le même temps, la sécurité sociale et l’État sont contraints d’emprunter chaque année des milliards d’euros pour compenser ces allégements de cotisations sociales.

Compte tenu de ces éléments, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous rejetterons cette proposition de résolution, comme nous avons d’ailleurs rejeté le pacte de responsabilité.

Les salaires, les salariés et notre système de protection sociale ne constituent pas un problème. Ils ne sont pas responsables du manque de compétitivité de nos entreprises, à la différence de la finance et de son appétit.

Depuis que cette politique de réduction de la part patronale des cotisations sociales est mise en œuvre, depuis qu’ont été instaurées les « exonérations Fillon », les économies réalisées par les entreprises servent en réalité non pas à l’emploi ou à l’investissement, mais à rétablir les marges de profit, notamment à l’export. La Commission européenne vient elle aussi de le reconnaître en ces termes : « Le corollaire d’une répercussion incomplète des coûts salariaux dans les prix est une augmentation des marges de profit ».

Or nous n’entendons jamais parler du poids de la finance et des dividendes sur notre économie, comme s’il était plus facile de s’attaquer aux femmes et aux hommes qui contribuent par leur travail à produire des richesses plutôt qu’à la finance.

Il existe pourtant des voies alternatives. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent ainsi d’instaurer une modulation de la part patronale de cotisations sociales en fonction de la politique d’emploi et de salaires des entreprises, ou encore de soumettre à cotisations sociales les revenus financiers des entreprises.

Les auteurs de cette proposition de résolution, comme d’ailleurs le Gouvernement, n’envisagent pas de mettre en œuvre ces solutions alternatives, préférant remplacer le financement patronal par des ressources fiscales, c’est-à-dire de l’impôt, majoritairement supporté par nos concitoyens.

Cette proposition de résolution prévoit ni plus ni moins – comment ne pas le souligner ? – de remplacer la part patronale de cotisations sociales par un prélèvement sur la consommation, ce qui signifie en fait le retour de la TVA sociale.

Vous le savez, nous sommes opposés à une fiscalisation de la protection sociale, notamment parce qu’elle pèserait essentiellement sur les ménages, comme nous le voyons déjà aujourd’hui avec la CSG et la CRDS. Cette fiscalisation mettrait un terme au financement de la protection sociale à partir des cotisations sociales, en même temps qu’au débat sur le partage des richesses créées dans les entreprises.

Enfin, comment ne pas nous opposer au projet des auteurs de cette proposition de résolution de sortir du champ de la sécurité sociale la branche famille – revendication ancienne de la droite, du MEDEF et, plus récemment, malheureusement, d’une partie de la gauche – et la branche maladie ?

Sortir le risque maladie de la sécurité sociale serait une aberration, y compris pour les employeurs, tant il est évident que la bonne santé des salariés bénéficie aux entreprises, en permettantune bonne productivité. L’état de santé du salarié constituant un élément de sa force de travail, il est illusoire de croire qu’il n’est pas sans conséquence sur la qualité de sa production.

Indépendamment du caractère historique de notre système de protection sociale, lequel a été mis en œuvre pour assurer la protection de chacun, de la naissance à la mort, nous sommes convaincus de sa pertinence économique et sociale. Pour notre part, nous entendons étendre ce système, quand d’autres, comme le prouve cette proposition de résolution, souhaitent le vendre à la découpe !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur Dassault, la proposition que vous nous faites en vue de réformer le financement de notre protection sociale est forte : il s’agit d’exclure les branches famille et maladie de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Or, vous le savez, nos concitoyens persistent à tomber malade…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… et nos jeunes générations à avoir des enfants. Il faudrait donc dans ce cas faire appel à d’autres contributeurs, qui seraient pour l’essentiel, si j’ai bien compris, les ménages, par le biais de la fiscalité.

Votre raisonnement est assez paradoxal : vous envisagez un transfert massif tout en réclamant par ailleurs des baisses d’impôts.

MM. Serge Dassault et Gérard Longuet protestent

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il faudrait donc nous en dire plus sur l’assiette de ces cotisations, qui basculeraient sur la fiscalité. S’agirait-il de l’impôt de l’impôt de solidarité sur la fortune, de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt de consommation, la TVA ? Il faudrait que vous précisiez l’origine des financements préconisés. Or, évidemment, vous ne le faites pas.

L’objet principal de votre proposition de résolution figure en évidence dans son exposé des motifs : la restauration des marges des entreprises, le gain de parts de marché, l’investissement, l’embauche et l’amélioration de la compétitivité. Cela me rappelle quelque chose !

Depuis novembre 2012, ces objectifs – j’y reviendrai – sont ceux du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi et, depuis peu, ceux du pacte de responsabilité et de solidarité.

Vous présentez la baisse du coût du travail comme la solution majeure – voire l’unique solution – aux difficultés des entreprises. Permettez-moi de vous poser quelques questions à cet égard.

Dispose-t-on d’une étude d’impact nous permettant de mesurer les conséquences d’une telle mesure et le retour sur investissement ?

Il ne vous aura pas échappé qu’il faut aussi tenir compte des stratégies des entreprises. Or, depuis plusieurs dizaines d’années, marquées par des exonérations de charges, avons-nous investi en faveur de la montée en gamme de nos produits ? Contrairement à vous, cette question m’intéresse. À ce sujet, le rapport Gallois a bien montré que nos entreprises étaient insuffisamment montées en gamme, qu’elles avaient n’avaient pas assez investi dans l’innovation et qu’elles étaient tournées vers des marchés qui n’étaient pas forcément en croissance.

Par ailleurs, comment sont réparties les dépenses de recherche, de développement et d’innovation dans notre pays ? Quelle part joue la faible efficacité de notre dispositif de formation professionnelle initiale et continue dans les difficultés des entreprises à recruter des personnels formés ? Je rappelle que la loi du 5 mars 2014 a apporté des améliorations notables, notamment la mise en œuvre du compte personnel de formation et de mesures en faveur de la formation en alternance.

En résumé, vous ne vous posez pas ces questions, alors que vous savez que les pactes que nous mettons en œuvre visent précisément à faire appel à la responsabilité des chefs d’entreprise et à donner de l’oxygène aux entreprises afin qu’elles améliorent leur compétitivité. Toutefois, nous savons bien que rien n’est mécanique et qu’il n’existe pas de garantie absolue que les gains engendrés seront mis au service de l’investissement et des emplois. Ce serait trop beau !

En vous posant ces questions que vous ne vous posez pas, je veux insister sur le fait que les difficultés et le manque de compétitivité de nos entreprises sont multifactoriels. Je vous remercie d’ailleurs de nous offrir l’occasion, grâce à cette proposition de résolution, monsieur Dassault, de réfléchir à ce sujet.

Nous avons l’impression – je parle au nom du groupe socialiste – que vous en êtes arrivé à une conclusion avant même de vous être interrogé sur ce qui vous y a conduit et que votre proposition de résolution est fondée sur un présupposé, pour ne pas dire sur un préjugé, selon lequel la quasi-totalité des difficultés des entreprises serait liée au seul coût du travail.

Or, depuis les années quatre-vingt-dix, nous avons une longue expérience en matière d’exonérations de cotisations sociales. Leur effet sur l’emploi, pour ne prendre que ce critère, est crédité de manière très variable. Selon les intervenants, ce sont entre 400 000 et 1 million d’emplois qui auraient été créés sur l’ensemble de la période. Autant dire que les estimations, établies pourtant a posteriori, ne sont pas fiables !

Certains experts estiment aujourd’hui qu’un transfert de cotisations familiales sur la fiscalité permettrait de créer 62 000 emplois. On peut rendre hommage à une telle précision, mais il ne faut pas oublier que le chiffre annoncé repose sur une hypothèse de croissance. Le facteur macroéconomique est très important pour que la microéconomie embraye !

Nous ne sommes pas opposés par principe aux exonérations de cotisations sociales, qui ont un effet positif pour autant qu’elles soient ciblées. À cet égard, je rappelle que, en France, le taux d’emploi des personnes non qualifiées est de 66, 6 %, contre 60, 7 % au Royaume-Uni et 62, 7 % en Allemagne.

Ces allégements sont un soutien à l’économie française, qui se répercute sur les prix des services qu’utilisent les entreprises exportatrices et sur les prix aux consommateurs. Pour peu qu’elles soient franches et massives, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires entraînent un cycle de croissance et d’emploi.

Efficace pour soutenir l’emploi dans des métiers difficiles, cette politique profite avant tout aux milliers de PME qui peuplent notre territoire. Encore faut-il veiller à ce que les salaires progressent à mesure que les salariés gagnent en qualification. En effet, dans trop de branches, le salaire d’entrée est inférieur au SMIC. Le pacte de responsabilité et de solidarité mis en œuvre par le Gouvernement doit donner une nouvelle impulsion à la négociation de branche.

Ce pacte traduit la volonté de desserrer le plus possible l’étau du chômage, qui touche avant tout les moins qualifiés. Il prévoit, je veux le rappeler, 10 milliards d’euros d’allégements de cotisations, dont 4, 5 milliards d’euros sur les salaires compris entre 1 et 1, 6 SMIC. Le reste est constitué par une baisse des cotisations familiales de 1, 8 point sur les salaires, jusqu’à trois SMIC et demi, baisse qui concernera 93 % des salariés. Au total, ce sont plus de 10 millions de salariés et 1, 6 million d’entreprises qui sont concernés. Enfin, 90 % des allégements porteront sur les salaires inférieurs à 1, 35 SMIC.

Pour encourager les entreprises à embaucher, le Gouvernement a opté pour une présentation simple et un slogan clair : « zéro charge au niveau du SMIC ». L’effet « emploi » du pacte, hors CICE, est évalué – je le dis avec les précautions d’usage – à 190 000 emplois.

L’allégement des cotisations se traduit par une perte de recettes pour l’État. Il suppose donc des économies correspondantes. Nous en reparlerons très bientôt.

Par ailleurs, le CICE représentera 20 milliards d’euros en année pleine. Il s’agit d’un crédit d’impôt, jusqu’à 2, 5 SMIC. Selon les projections de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, le Gouvernement en attend 300 000 créations ou sauvegardes d’emplois d’ici à 2017.

Il faut reconnaître que la quantification des effets du CICE sur l’emploi et sur l’investissement est difficile : le premier est très dépendant du taux de croissance que l’on retient ; le second pourrait être mesuré si l’on connaissait la base, autrement dit si l’on pouvait dire ce qui se serait passé sans cette mesure.

Le CICE doit avoir un effet positif sur l’investissement, mais on ne connaîtra pas la part qui lui sera attribuée finalement : favorisera-t-il des investissements d’entretien et de remplacement ou des investissements d’innovation ? À en croire le dernier baromètre de KPMG qui vient d’être publié, les deux tiers de ce crédit d’impôt seraient consacrés à des investissements de remplacement et d’entretien, ce qui n’est pas très bon pour la compétitivité, car c’est d’innovation que nous manquons. Nous avons du mal à passer à l’étape de la recherche et du développement.

Pour conclure, permettez-moi de vous rapporter les propos qu’a tenus Louis Gallois le 21 mai dernier lors de son audition au Sénat devant la mission commune d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. Citant l’exemple de Michelin, il a indiqué que ses pneus, qui sont plus chers que ceux de ses concurrents, se vendent mieux, car on leur attribue à juste titre une qualité supérieure.

D’ailleurs, quand on procède à une comparaison avec l’Allemagne, qui est l’une de vos références, monsieur Dassault, on voit bien que d’autres facteurs entrent en jeu dans la compétitivité d’une économie. Louis Gallois y a fait référence. Ainsi le coût du logement représente-t-il 16 % du revenu des Allemands, contre 26 % de celui des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En Allemagne, le coût de l’électricité pour les entreprises – cela fait l’objet d’un consensus national – est beaucoup moins élevé qu’en France, car ce sont les ménages qui paient le plus cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Un arbitrage a été fait. Le prix de l’électricité compte dans la compétitivité, notamment pour ceux que nous appelons en France les électro-intensifs.

Si j’évoque les propos tenus par Louis Gallois lors de son audition, c’est parce qu’ils montrent bien que la compétitivité des entreprises s’apprécie au regard de plusieurs critères.

Le problème étant complexe, un ensemble de mesures en faveur de la croissance sont nécessaires. La priorité des priorités, et c’est le but des pactes que nous avons proposés aux Français, notamment aux chefs d’entreprise, est de retrouver la confiance des acteurs économiques, des chefs d’entreprise mais aussi des salariés.

Si je ne devais retenir qu’une chose du modèle allemand, ce serait la capacité à négocier et à respecter les engagements pris. Tel est, selon moi, son intérêt majeur. Nous devons considérer les salariés et les ménages comme des acteurs économiques importants. N’oublions jamais en effet qu’ils consomment et qu’ils sont des moteurs de notre économie.

Il faut aussi prendre en compte un facteur qui va au-delà de l’économie, à savoir la cohésion sociale. Il nous garantit, à nous, Français, notre manière de vivre ensemble.

Monsieur Dassault, votre proposition de résolution ne traduit pas ce genre de préoccupations. Au moins a-t-elle le mérite de la continuité : ce n’est pas la première fois que vous pointez du doigt le coût du travail.

Je suis consciente du fait que les marges des entreprises sont très faibles, notamment celles des PME, et que cette situation les handicape gravement.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative et du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, c’est-à-dire très bientôt, à approuver les pactes que le Gouvernement met en œuvre !

MM. Claude Dilain et André Gattolin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’intérêt que les membres du groupe écologiste ont étudié la proposition de résolution du groupe UMP relative au financement de la protection sociale et à l’allégement des charges des entreprises.

Nous avons examiné ce texte avec beaucoup d’attention car, dans l’absolu, la question de fond à laquelle il renvoie, à savoir celle de la répartition des charges et des coûts, mérite bel et bien d’être posée.

La distinction entre, d’une part, les dépenses sociales de nature assurantielle, dites « contributives », directement liées à la vie économique des individus et des entreprises, et, d’autre part, les dépenses sociales dites « universelles », liées à la vie familiale et personnelle de ces mêmes individus, est en effet légitime.

On peut parfaitement concevoir que, dans la mesure où elles relèvent de logiques différentes et visent des objectifs différents, elles soient financées différemment.

Toutefois, un pareil sujet, quitte à être remis sur le métier, mériterait d’être abordé bien plus globalement que ne le fait, en l’état, cette proposition de résolution.

En effet, le présent texte ignore totalement un grand nombre d’autres dépenses dont le rôle est pourtant déterminant dans le fonctionnement de l’économie et de l’activité des entreprises. Or ces dépenses sont non pas prises en charge par les entreprises – ou pratiquement pas –, mais par le reste de la collectivité via différentes formes de prélèvements et d’impôts.

Je pense au financement de la formation préalable des futurs salariés, qui, en règle générale, n’est pas pris en charge par les entreprises dans notre pays. A contrario, l’enseignement supérieur fait l’objet d’investissements très significatifs de la part des entreprises dans nombre de pays étrangers, notamment aux États-Unis.

Précisément, l’enseignement supérieur en France a profondément évolué au cours des vingt dernières années. Il offre de plus en plus de formations professionnalisantes, conformément au souhait des entreprises, mais aussi des étudiants, qui cherchent des débouchés. De fait, les universités, qui constituent un service public de l’enseignement, fournissent une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée, et immédiatement opérationnelle, aux entreprises. Ces dernières sont aujourd’hui les principales bénéficiaires de ce système alors qu’elles ne contribuent pas à son financement à hauteur des coûts qu’il représente pour la collectivité.

Je songe également à certaines externalités négatives résultant de diverses activités, notamment industrielles. En tant qu’écologiste, je ne puis manquer d’évoquer certains coûts, en termes de pollution et de consommation d’énergie, dont il n’est absolument pas question dans cette proposition de résolution. Or nous pourrions parfaitement envisager de les prendre en compte si la répartition des charges sociales devait être redéfinie comme le proposent nos collègues.

J’irai plus loin encore. À lire le texte qui nous est proposé, on pourrait penser que, au cours des dernières années, absolument aucune réduction de charges n’a été accordée aux entreprises, en particulier aux plus grandes d’entre elles.

Or Nicole Bricq vient de le rappeler avec brio : la réalité, chacun le sait, est bien différente.

Les grandes entreprises sont, en proportion, celles qui paient le moins d’impôts en comparaison avec les PME et les PMI et les très petites entreprises, les TPE, lesquelles sont pourtant essentielles à la vitalité de toute économie qui se respecte.

Ce constat me conduit à pointer deux autres limites du présent texte.

En premier lieu, cette proposition de résolution perpétue les mythes bien français de la très grande entreprise et des champions nationaux. Or l’importance des PME, que je viens d’évoquer, n’est plus à démontrer. Elle a été longtemps, et demeure encore aujourd’hui, largement négligée dans notre pays.

On érige souvent l’Allemagne en modèle. Les auteurs de ce texte le font eux-mêmes. Il serait peut-être bon de se rappeler que nos voisins disposent d’un tissu de PME et de PMI beaucoup plus dense, beaucoup mieux articulé et innovant, capable d’exporter jusqu’à quatre fois plus que nos propres PME. Las, le présent texte ne s’intéresse pas, ou peu, au développement de ce type d’entreprises ou au secteur des services, dont on ne peut nier non plus l’importance.

En second lieu, cette proposition de résolution reprend une autre idée devenue aujourd’hui commune : elle réduit l’enjeu de la compétitivité de nos entreprises à la seule question du coût du travail.

Ce raccourci est bien commode, évidemment, lorsqu’il s’agit de demander une baisse de la fiscalité et des charges des entreprises. Mais il conduit à passer sous silence un ensemble de facteurs pourtant déterminants pour la compétitivité globale de nos entreprises à l’échelle internationale !

Il en est un qui ne dépend pas nécessairement de la politique nationale et qui est capital : le dumping fiscal. De nombreux États, hors d’Europe, et parfois même au sein de l’Union européenne, y ont recours pour doper leur économie et leurs entreprises.

Notre politique à l’échelle européenne est, en la matière, profondément défaillante. En effet, au nom d’une vision très dogmatique de la concurrence, elle proscrit largement le recours aux crédits d’impôt sectoriels dont usent et abusent pourtant nos partenaires nord-américains et certains pays d’Asie pour encourager l’activité au sein de leurs territoires.

Chers collègues de l’UMP, nous aurions jugé plus utile un projet de résolution européenne, que nous aurions alors volontiers soutenu, visant à développer une véritable politique industrielle à l’échelle européenne.

À l’heure où sont débattus les orientations politiques et les choix de la future Commission de Bruxelles, nous aurions pu, tous ensemble, enjoindre le gouvernement français d’appuyer la création d’une commission à part entière chargée des stratégies industrielles.

En outre, nous aurions pu insister, comme l’a fait Michel Barnier lors de son audition au Sénat la semaine dernière, sur le poids exorbitant et aujourd’hui contre-productif pris par l’actuelle commission de la concurrence à l’échelon de l’Union européenne.

Pour en revenir au contenu de la proposition de résolution, je note à mon tour que la compétitivité repose sur plusieurs critères. Nicole Bricq en a rappelé certains. Elle a ainsi évoqué les entreprises électro-intensives. Lorsqu’on compare le prix de l’électricité des grandes entreprises, qu’elles soient électro-intensives ou non, de part et d’autre du Rhin, on constate qu’il est bien plus élevé en Allemagne qu’en France. Le différentiel est de 15 % à 20 % en faveur de notre pays ! Nous avons donc des atouts, qu’il ne faut pas oublier, et qui participent de notre compétitivité, notamment le prix de l’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

M. André Gattolin. Nous en reparlerons, monsieur Longuet ! Mais j’entends bien votre remarque. D’ailleurs, en avançant cet argument, je vous ai pour ainsi dire tendu une perche.

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Mes chers collègues, la dernière réflexion que je formulerai à propos de ce texte a trait à sa très grande imprécision s’agissant des moyens à mettre en œuvre.

Ces questions ont déjà été posées : vise-t-on une réduction drastique des dépenses sociales ? Prévoit-on une hausse de la CSG, et, si oui, de quelle ampleur ? Un point de CSG supplémentaire ne rapporte guère que 4 à 5 milliards d’euros. Mise-t-on sur un retour de la TVA sociale, et, dans l’affirmative, selon quelles modalités ? Ou encore, envisage-t-on une combinaison de ces trois dispositifs à la fois ? Nous n’en savons rien. Soit la réflexion de nos collègues n’est pas assez aboutie, soit ils préfèrent maintenir le flou à l’égard de l’opinion.

C’est d’autant plus étonnant que l’on a connu l’UMP plus précise sur ces questions, comme en attestent ses documents de 2012, sur lesquels je me suis penché. Comme si le fait d’appartenir à l’opposition l’autorisait à ne plus assumer ses propres positions, malgré le statut de parti de gouvernement que nous lui reconnaissons tous.

En conclusion, vous l’aurez sans doute compris, les membres du groupe écologiste voteront contre cette proposition de résolution.

Mme Nicole Bricq et M. Claude Dilain applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette fin d’après-midi, je tiens à remercier sincèrement M. Dassault de son obstination et de sa persévérance. En effet, il a tenu à engager, dans cet hémicycle, un débat de fond sur l’un des problèmes majeurs de notre pays, à savoir la compétitivité de ses entreprises.

En cet instant, je m’exprime au nom du groupe UMP, que je représente d’ailleurs tout entier. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Précisément, le groupe auquel j’appartiens a soutenu, tout entier, l’idée d’une proposition de résolution sur ce sujet.

Initialement, M. Dassault avait conçu une proposition de loi, qui avait l’immense mérite d’ouvrir un débat de fond. Toutefois, il a bien voulu reconnaître que ce texte n’était peut-être pas encore, pour l’heure, entièrement approfondi, défini et fixé.

Les membres du groupe UMP soutiennent Serge Dassault, qui, en recourant à la procédure de l’article 34-1 de la Constitution, nous permet d’approfondir la question majeure de la relation entre les entreprises et la protection sociale dans son ensemble. Il nous permet de distinguer ce qui relève directement de la responsabilité des entreprises, et d’imaginer un système sur lequel je reviendrai. Je précise d’ores et déjà qu’il s’agit de ne pas pénaliser les entreprises s’efforçant de recourir à de la main-d’œuvre et lui faisant confiance, ce qui n’est tout simplement pas le cas aujourd’hui !

Les membres du groupe UMP ont décidé de soutenir ce texte, car – ils en sont convaincus – il a l’immense mérite, je le répète, d’ouvrir le débat. Il ne faut surtout pas refermer la porte sur ce sujet, sur lequel nous nous exprimons tous sans aller jusqu’au fond, sans aller jusqu’à trouver une solution.

Cette proposition de résolution s’inscrit dans le contexte d’une actualité brûlante.

Chère Nicole Bricq, vous avez raison de rappeler que nous aurons bientôt à débattre du CICE. Je suis persuadé que les réflexions que nous aurons sur le présent texte nourriront cette discussion, en tout cas du côté du groupe UMP.

J’ajoute qu’une mission commune d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises est actuellement en cours au sein de la Haute Assemblée.

Ainsi, on le constate clairement, le Parlement s’efforce de bien évaluer, de bien comprendre, de bien saisir le problème majeur du financement de la protection sociale et de son coût pour les entreprises.

Le problème, en tant que tel, est-il nouveau ? Non. Ce qui l’est relativement, c’est que la France, depuis 1993, ne peut plus recourir, pour ajuster les coûts de production, à la facilité dont elle a usé sans discontinuer depuis 1945 : je veux parler de la dévaluation. §

Découvrir que la France n’est pas toujours bien gérée, c’est oublier qu’elle n’a jamais été, depuis 1945, parfaitement responsable. Sinon, comment expliquer que la parité entre le franc et le mark, de la création de ce dernier en 1948 à la disparition de ces deux monnaies, lors du passage à l’euro, se soit creusée de un à quatre ? Voici ce qui s’est passé : pendant quarante ans, nous avons dévalué de manière systématique pour ajuster nos coûts de production.

Ce faisant, nous avons indéfiniment repoussé la réponse à cette lancinante question : comment financer nos dépenses en général et nos dépenses sociales en particulier ? Ces dépenses sont parfaitement légitimes. Elles résultent d’une volonté politique. Mais, dans un univers économique ouvert et désormais totalement concurrentiel, elles exigent certains ajustements.

Je note à ce propos qu’il faut éviter tout malentendu : ce système résulte de la volonté des consommateurs. Il n’existe aucun complot capitaliste. Les capitalistes sont des opportunistes, ce qui signifie qu’ils s’adaptent aux opportunités. Quant aux consommateurs, ils veulent pouvoir accéder aux biens produits dans le monde entier, et ce au meilleur prix. Ce sont eux qui, par leurs actes d’achat, portent et supportent la mondialisation. On peut évidemment interdire la circulation des biens et des services, mais c’est tout simplement impensable dans un monde qui est, aujourd’hui, totalement ouvert.

À la vérité, les accords politiques qui instaurent le libre-échange, qu’il s’agisse des accords de l’Union européenne ou, aujourd’hui, des accords envisagés entre l’Union et, par exemple, l’Amérique du nord, visent plus à entériner des situations de fait qu’à les créer.

Ce sont, d’une part, les technologies – en cette fin d’après-midi, on peut s’autoriser un hommage au rôle de la technique dans l’histoire et à la pensée marxiste §– et, d’autre part, les opportunités saisies par les consommateurs qui permettent ces échanges. Ceux-ci nous obligent à être comparables. Le coût de production revient en force. La proposition de résolution nous invite donc à faire le ménage.

Sur le premier point de la proposition de résolution, le groupe UMP est unanime, même si, monsieur Dassault, nous avons quelques interrogations. Il est unanime pour considérer que certaines dépenses sociales sont directement liées au travail, à l’emploi, à la vie professionnelle, quand d’autres sont l’expression d’une solidarité. La politique familiale et la politique de la santé, en particulier, sont indépendantes de la vie des entreprises.

Je le concède à Mmes Bricq et Assassi, nous souhaitons tous, y compris les employeurs, que les salariés soient en bonne santé. Cependant, si l’on soigne aujourd’hui, c’est non pas pour réparer des capacités productives, mais plutôt parce que nous voulons que tout un chacun puisse accéder aux meilleurs soins et parce que telle est la conception que nous avons collectivement de la solidarité.

De la même façon, si les prolétaires, qui sont prolifiques et ont des enfants – c’est leur richesse –, doivent être soutenus, la politique des allocations familiales, mise en place dans notre pays dès les années vingt dans certains secteurs professionnels, généralisée dès les années trente et rendue universelle en 1945 pour la population française, a été conçue dans le cadre d’une certaine conception de la société et de la famille, et non dans l’intérêt des entreprises. Même si celles-ci en bénéficient sans doute, elles ne sont pas directement concernées par cette politique familiale.

Le groupe UMP est donc très solidaire – et c’est mon cas tout particulièrement – de l’auteur de la proposition de résolution et adhère à cette classification : les accidents et les maladies du travail relèvent de l’entreprise, et l’assiette, c’est le salaire.

Vient ensuite le chômage. Le jeu de l’offre et de la demande en matière d’emploi passe, hélas ! en dehors des crises économiques, par des périodes d’adaptation. Il est donc normal que l’entreprise contribue à financer l'indemnisation du chômage, contrepartie d’un marché du travail vivant. Sur ces points, nous ne nourrissons aucun doute.

Quant aux retraites, sur lesquelles on peut entamer une discussion, elles sont considérées en France, depuis les retraites ouvrières de 1910, comme un salaire différé. D’une certaine façon, l’employeur, qui a en théorie le mérite de la pérennité, surtout dans un système mutualisé, en prend la responsabilité afin de permettre aux vieux travailleurs de bénéficier d’un soutien.

La proposition de résolution écarte la formation et l’apprentissage de la responsabilité de l’entreprise. On peut en discuter. Certaines formations générales, madame Bricq, ne relèvent assurément pas de l’entreprise, ou alors – je me tourne vers M. Eckert, qui a été enseignant – cela reviendrait à placer les enseignants sous l’autorité de l’entreprise, ce qu’ils ne souhaitent pas. Certaines autres, c’est vrai, sont intégrées au marché du travail, ou en sont très proches, comme l’apprentissage. Il y a là une zone grise, et cette question mériterait d’être approfondie.

En revanche, la santé et la politique familiale sont assurément des charges collectives, qui doivent donc peser sur l’ensemble de la collectivité.

Ces sujets constituent le premier point de la résolution et font l’unanimité dans notre groupe, même s’ils mériteraient d’être examinés d’une façon plus précise encore.

Le deuxième dispositif de la proposition de résolution, dont nous reconnaissons que les modalités sont complexes, est l’expression d’un acte de foi de la part de Serge Dassault, qui considère, comme la majorité de notre groupe, que les charges sociales ne doivent pas décourager l’employeur.

En ce qui concerne la dépense sociale universelle, c'est-à-dire l’expression d’une solidarité, Serge Dassault et moi-même nous sommes efforcés de définir un système différent, qui ne pénalise pas les entreprises cherchant l’emploi plus que la simple valeur ajoutée fondée sur le négoce. Il est d’ailleurs difficile de fixer une frontière. C’est la raison pour laquelle le groupe s’est rallié à la proposition de résolution plutôt qu’à la proposition de loi.

Dans le contexte de mondialisation que nous connaissons, nous ressentons tous la nécessité de rappeler aux pays à bas salaires, ou sans protection sociale, que, même s’ils ont droit au développement, ils ne peuvent pas impunément et indéfiniment conquérir des parts de marché du seul fait qu’ils ne respectent pas chez eux les travailleurs. Certes, dans une perspective de développement, vient toujours le moment pour un pays de démarrer, mais tout le monde doit faire des efforts, y compris en termes de protection sociale.

La démarche de Serge Dassault est fondée sur l’idée que l’importateur s’appuyant sur un négoce sans valeur ajoutée sur notre territoire, par le seul jeu de l’importation de biens et de services qui n’ont pas supporté de charges sociales dans leur pays, parce qu’il n’y existe pas de protection sociale, doit contribuer d’une certaine façon au financement de la politique sociale générale dans notre pays.

Notre collègue a modifié sa proposition pour y intégrer un facteur important, à savoir le capital, c'est-à-dire la productivité, la compétitivité reposant sur l’investissement technique. Il répondait en cela à une demande de nombreux collègues du groupe UMP, et je me réjouis que le texte tel qu’il nous est présenté aujourd’hui contienne cette ouverture. Cela lui évitera sans doute d’encourir le reproche de pénaliser la modernisation de nos entreprises.

Permettez-moi maintenant de faire un retour en arrière dans l’histoire de notre pays. Lorsque Pierre Laroque a conçu notre système universel de sécurité sociale en 1945, sous l’autorité politique du général de Gaulle, il l’a fait dans la perspective de pénaliser l’emploi. Cela paraît paradoxal aujourd’hui, mais, à cette époque, la France connaissait une pénurie de travailleurs et devait absolument moderniser son industrie. Elle accueillait, certes, une main-d’œuvre issue du monde rural, qui quittait l’agriculture, mais la volonté des planificateurs, exprimée dans les plans successifs, était de moderniser à grande vitesse l’industrie du pays. Il fallait donc pénaliser l’emploi et ainsi favoriser la mécanisation.

Ce système a fonctionné jusqu’au premier choc pétrolier, puis a connu une déstabilisation entre ce choc et 1982, date à laquelle un certain nombre de mesures prises par le gouvernement de Pierre Mauroy ont commencé à singulièrement renchérir le coût du travail : les trente-neuf heures, d’abord, sans même parler des trente-cinq heures, plus de quinze ans plus tard.

Les pouvoirs publics se sont alors engagés dans une politique d’allégement des charges sociales, car il n’était plus possible de dévaluer. En tout cas, c’était très difficile et ce n’était pas souhaitable. Les charges pénalisaient la compétitivité relative de la France vis-à-vis de son principal partenaire industriel, l’Allemagne.

Pour avoir été président de la région Lorraine durant douze années critiques, entre 1992 et 2004, je puis vous dire que, en 1992, les coûts salariaux globaux en Allemagne dans les secteurs industriels étaient de 15 % à 20 % supérieurs aux mêmes coûts, charges incluses, en France. Dix ans plus tard, nous étions au même niveau. Aujourd’hui, nous sommes, paraît-il, parfois plus chers.

En contrepartie, les pouvoirs publics ont été amenés à réagir et, d’abord, à neutraliser le paritarisme. Pierre Laroque avait en effet imaginé un système de protection sociale dans lequel les représentants des patrons et des salariés devaient s’accorder. Avec les chocs pétroliers, la crise économique, la montée du chômage, celui-ci a volé en éclats, et l’État a été contraint de prendre la relève.

Cela s’est traduit simplement : au début des années quatre-vingt, la protection sociale était prise en charge à 90 % par des cotisations pesant sur les salaires. Aujourd’hui, ce taux est sans doute un peu inférieur à 60 % et la fiscalité représente plus de 40 % de la dépense sociale. Il s’agit essentiellement de la CSG et, naturellement, de la prise en charge par l’État d’un certain nombre de dépenses de cotisations sociales, dispersées dans le budget, liées principalement aux trente-cinq heures et à l’unification des SMIC.

Cela signifie, comme le souhaite Serge Dassault, qu’un financement extérieur au coût direct du travail est déjà engagé, sans, toutefois, être formalisé. Par cette résolution, il est proposé d’engager une réflexion autour de l’idée que ce qui relève du travail doit être supporté par les salaires, parce que c’est la vie des entreprises, quand ce qui relève de la solidarité nationale doit être financé par un autre système.

Pour un chef d’entreprise, la proposition de Serge Dassault est assez courageuse : il ne cherche pas à renvoyer tout cela à l’impôt, à la CSG, à la TVA ou à diverses mesures sociales relevant du budget social, comme des taxes sur le tabac ou sur les alcools. Il propose d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires qui sera allégée des charges que l’entreprise paie déjà sur les salaires.

Cette vision est très novatrice. Pour l’énarque qui se soigne au suffrage universel à dose régulière, elle paraît encore, sinon un peu surprenante, du moins innovante. Il est vrai que depuis le monument que représente M. Lauré, inventeur de la TVA, une taxe sur le chiffre d’affaires fait toujours craindre un effet cascade.

Mme Bricq l’a évoqué et j’y reviens rapidement : l’effet cascade naît lorsque le rapport entre l’entreprise qui vend et le client qui achète est très favorable à la première, qui répercute alors la taxe. Hélas pour les chefs d’entreprise, nous ne sommes pas dans cette situation aujourd’hui. Les entreprises ont désormais du mal à vendre sur le marché national parce que la croissance est faible. Dès lors, peuvent-elles, sous prétexte que la taxe a un effet cascade, la répercuter sur le client ?

Pour répondre aux observations qui ont été faites, je rappelle qu’il s’agit non pas d’un transfert sur le consommateur, mais bien d’une charge pour l’entreprise.

Ensuite, vient le marché, avec l’offre et la demande. Lorsque nous sommes en situation de demande très forte et d’offre réduite, comme cela a été le cas de la France de la IVe République et des Trente Glorieuses, c’est alors le client qui paie. On répercute la taxe sur lui, car il est demandeur, comme en témoignent les listes d’attente pour les clients de l’automobile.

Or nous sommes aujourd’hui exactement dans la situation inverse. Nos entreprises ayant du mal à vendre, il est assez probable, pour répondre à Mme Assassi au sujet des bénéfices, qu’elles seront obligées d’intégrer la taxe sur le chiffre d’affaires qu’elles devront payer à leurs marges. C’est particulièrement vrai pour celles qui paieront la taxe la plus élevée, c'est-à-dire, en général, celles qui font des transactions, de l’importation, et non de la production.

La démarche de Serge Dassault présente un risque d’effet cascade, c’est vrai, mais il ne pèsera pas sur le consommateur dans les secteurs d’importation. Il pèsera sur les produits importés. Dans les autres secteurs, les entreprises devront intégrer la taxe dans leurs marges.

C'est la raison pour laquelle je suis un peu préoccupé ; le sujet mériterait d’être approfondi. Il ne faudrait pas que la mesure nuise trop à l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Monsieur Gattolin, vous avez raison de rappeler qu’il y a d’autres compétitivités que la compétitivité par les coûts – je suis entièrement d'accord avec vous –, mais ce que vous oubliez de dire, c’est que, pour conquérir de nouveaux marchés ou créer de nouveaux produits, il faut des investissements. Or il n’y pas d’investissements sans bénéfices.

Madame Assassi, je suis désolé de vous dire que l’excédent brut d’exploitation moyen des entreprises françaises – petites et grandes – est de dix points inférieur à la moyenne européenne. Par conséquent, elles ne sont pas en mesure d’investir aussi facilement que vous le pensez pour améliorer leur productivité ou conquérir de nouveaux marchés.

Je réalise que j’ai dépassé mon temps de parole, monsieur le président, tant le sujet me passionne. Il faut dire que je ne dérange pas grand monde aujourd’hui ! §J’en arrive malgré tout à ma conclusion.

Cette proposition de résolution est courageuse et innovante. Elle repose sur l’expérience industrielle de son auteur. Ce dernier fait en outre preuve de désintéressement, puisque la mesure qu’il propose est défavorable aux industries aéronautiques et, au contraire, favorable aux grandes industries de manœuvre, lesquelles sont tellement éprouvées dans notre pays à cet instant.

MM. Serge Dassault et Yves Pozzo di Borgo applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UDI-UC, qui compte également en son sein des membres du MODEM, souscrit à l’essentiel de la présente proposition de résolution. Ce qu’elle affirme, les membres de mon groupe et moi-même ne cessons de le dire depuis de nombreuses années. Bien sûr, nous sommes loin d’être les seuls. En réalité, tout le monde sait pertinemment que les modalités de financement de la protection sociale sont totalement obsolètes.

Ces modalités datent de l’immédiat après-guerre. Elles se justifiaient alors. À l’époque, comme l’a rappelé Gérard Longuet, la France connaissait le plein-emploi. De plus, les prestations obéissaient toutes à une logique purement assurantielle. Enfin, l’économie était fermée. Dans ces conditions, quoi de plus logique que d’asseoir le financement des branches de la sécurité sociale sur des charges sociales pesant sur les salaires ? Cela relevait du bon sens.

Le problème, c’est que, en soixante-dix ans, tout a changé ; il y a été fait allusion. Plus précisément, les trois paramètres susmentionnés se sont tous retournés. Depuis les chocs pétroliers, la situation de l’emploi ne cesse de se dégrader. Quant à l’inversion de la courbe du chômage, vous connaissez les chiffres ; ce n’est pas la peine d’y revenir. En outre, certaines branches de la sécurité sociale n’obéissent plus du tout à une logique assurantielle. Tel est le cas de la branche santé et de la branche famille, dont les prestations sont totalement universelles. Enfin – faut-il le rappeler ? –, l’économie est maintenant ouverte, et plus qu’ouverte.

Il est vrai qu’on ne peut pas dire non plus que le système de financement de la protection sociale n’a pas du tout évolué en soixante-dix ans. Il s’est heureusement fiscalisé : la part de la fiscalité n’a cessé de progresser. Cependant, cette fiscalisation est récente : elle date des années quatre-vingt-dix, avec la mise en place de la CSG et des allégements de charges.

Comme l’a souligné Gérard Longuet, la part des cotisations sociales dans les ressources de la protection sociale représente toujours plus de 60 % du total. La part des impôts et taxes affectés, dont la CSG, et des contributions publiques de l’État et des collectivités représente à peu près 35 % du total. À cela s’ajoute un reliquat d’autres ressources telles que les produits financiers et les subventions diverses. Les cotisations sociales conservent donc un poids prépondérant, ce qui emporte des conséquences néfastes très bien exposées dans la proposition de résolution.

Le financement actuel de la protection sociale n’est plus adapté sur le plan économique ni sur le plan des principes.

Sur le plan économique, il est clair que le financement de la protection sociale pèse trop lourdement sur la production en général et sur le facteur travail en particulier. Comme cela a déjà été dit plusieurs fois, ici mais aussi lors des dernières campagnes électorales, cette situation obère la compétitivité de nos entreprises puisque les charges sociales sont mécaniquement incorporées au prix des biens et services. Cela favorise évidemment l’importation. Toute l’activité s’en ressent. Cela déprime l’emploi et favorise les délocalisations, comme l’a très bien démontré notre collègue Jean Arthuis dans plusieurs de ses rapports, qui constituent des références en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Les charges sociales pèsent sur l’emploi d’une autre manière : elles favorisent le remplacement du travail par le capital. Elles introduisent donc un biais dans le mix des facteurs de production.

Il faut également mentionner un troisième impact négatif des charges sociales sur l’emploi, dont ne fait pas état la proposition de résolution : elles gonflent ce qu’on appelle le coin fiscalo-social. Pour le dire plus simplement, plus il y a de charges sur le travail, moins il y a d’incitation à reprendre un emploi. C’est un phénomène bien connu dont nous ne parvenons pas à sortir.

Comme l’a encore rappelé mardi dernier le rapport annuel sur l’évolution de la fiscalité dans l’Union européenne publié par la Commission européenne, ces phénomènes sont, hélas ! particulièrement lourds en France. Selon ce rapport, la France se classe dans le trio de tête des pays européens ayant la plus forte fiscalité globale. Cette situation est des plus inquiétantes.

Sur le sujet qui nous occupe, la situation devient même vraiment alarmante, puisqu’il apparaît que la France taxe relativement peu la consommation, mais beaucoup le travail et le capital. La part des contributions sociales est la plus importante de l’Union européenne, puisqu’elle atteint 17 % du PIB, et la contribution des employeurs représente plus des deux tiers des cotisations sociales, ce qui est là aussi un record.

Ce sont des performances dont notre pays se passerait bien, surtout lorsqu’on se souvient que la distinction entre cotisations patronales et cotisations salariales est purement cosmétique. À la fin, ce sont toujours le consommateur, le salarié et le contribuable qui paient.

Enfin, il existe une dernière raison économique, que ne mentionne pas la proposition de résolution, de réduire la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale : ce mode de financement met les comptes sociaux à la merci du moindre retournement de conjoncture. Le mode actuel de financement de la protection sociale contribue à alimenter la boule de neige des déficits publics, dont on connaît l’impact potentiellement dévastateur sur la croissance.

Comme je l’ai indiqué, le financement actuel de la protection sociale est obsolète non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan des principes, pour des raisons de cohérence du système de prélèvements obligatoires.

L’indemnisation chômage et les branches retraite et accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP, sont intrinsèquement liées à l’entreprise. Ce sont des assurances collectives obligatoires prises par les salariés. Elles sont qualifiées de dépenses « contributives » dans la proposition de résolution. Elles doivent en toute logique continuer d’être financées par l’entreprise, et même plus particulièrement par le travail.

A contrario, l’universalisation des branches santé et famille a coupé ces dernières de tout lien direct avec le monde du travail. La santé et la famille sont non pas des assurances prises par les travailleurs, mais des prestations servies à tous, indépendamment du statut professionnel. Ce sont des dépenses « non contributives ». Pourtant, elles continuent d’être principalement financées par les cotisations sociales. C’est cela qui ne va plus. Les dépenses de solidarité nationale doivent en toute cohérence être financées par l’impôt. Quel impôt ? Autrement dit, quelle assiette ? C’est là que le bât blesse ; c’est à cette interrogation que se heurte la réforme.

Pour y répondre, la proposition de résolution ouvre trois pistes : celle du chiffre d’affaires, celle de la consommation et celle du revenu des ménages. Prenons-les une par une.

Comme vous le savez, pour notre part, nous sommes favorables à une logique de taxation de la consommation. C’est la fameuse TVA sociale, défendue de façon presque théologique par notre collègue Jean Arthuis.

Cette TVA sociale a deux avantages : elle porte sur la consommation, qui est encore relativement peu taxée en France, et elle revient à taxer les importations, c’est-à-dire à faire participer les importations au financement de notre protection sociale, ce qui est juste même si cela ne couvre pas tout.

Pour autant, nous ne sommes pas fermés à d’autres pistes. Nous reconnaissons l’intérêt de celle du chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, qui est l’un des chevaux de bataille de notre éminent collègue Serge Dassault, l’auteur de la proposition de résolution. Cette mesure pourrait en pratique conduire à une redistribution de la charge du financement de la protection sociale au bénéfice des activités et des groupes les plus intensifs en main-d’œuvre – ce serait peut-être une bonne chose, car cela pourrait accroître le recours à de la main-d’œuvre –, mais au détriment de secteurs entiers qui, par nature, en emploient peu.

Je souhaite, même si la proposition de résolution n’est pas adoptée, que cette idée fasse l’objet d’une analyse, d’un inventaire, d’une évaluation, afin que le Parlement puisse se prononcer sur le sujet. À ma connaissance, nous ne disposons pas encore de tels éléments. J’ai pu constater, lorsque je travaillais au cabinet du ministre de l’économie et des finances, que, malgré ses capacités intellectuelles énormes, Bercy était souvent fermé, pour ne pas dire aveugle s'agissant des conséquences des décisions envisagées. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez des services que nous n’avons pas. Je pense que vous devriez faire étudier la mesure proposée par Serge Dassault. Votre ministère compte suffisamment de compétences pour cela !

La troisième piste, celle du revenu des ménages, ne nous semble pas la bonne. L’impôt sur le revenu est extrêmement concentré sur un trop petit nombre de ménages et il a vraiment atteint ses limites ; je vous l’assure, monsieur Dassault.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je vous rappelle que, à Paris, 80 % des ménages disposent de moins de 2 800 euros par mois. Je ne sais pas si vous imaginez ce que cela représente. On ne peut donc pas accroître encore les charges qui pèsent sur les classes moyennes.

Il existe une quatrième piste, qui n’est pas évoquée dans la proposition de résolution : c’est la flat tax. Il s'agit d’une taxe à taux faible, mais touchant l’assiette la plus large possible ; il faut inventer un système. En France, ce qui s’en approche le plus, c’est la CSG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

La présente proposition de résolution a donc le mérite de tenter d’ouvrir le débat et de le faire sur le fondement d’une analyse saine. C’est la raison pour laquelle nous la voterons. Cependant, au-delà de cette résolution, nous demandons au Gouvernement de prendre réellement le problème à bras-le-corps.

Serge Dassault est l’un des doyens du Sénat, mais c’est peut-être lui le plus imaginatif et le plus moderne dans ses réflexions. Nous avons toutefois besoin d’éléments d’information. Le Sénat n’est pas suffisamment compétent, car il n’a pas assez de moyens pour analyser toutes les mesures envisageables.

La réforme structurelle n’a que trop tardé. Elle ne peut être repoussée indéfiniment. Nous désespérons de voir venir un jour le choc de compétitivité que nous appelons de nos vœux. §

Debut de section - Permalien
Christian Eckert

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution que nous présente aujourd’hui le groupe UMP porte sur un sujet lourd, celui du financement de la protection sociale et de ses effets économiques.

Ce débat n’est évidemment pas nouveau dans notre pays. Il a cependant pris une actualité nouvelle – cela a été rappelé – avec le rapport Gallois de novembre 2012 et la mise en œuvre de ses conclusions, au travers notamment du pacte de responsabilité et de solidarité – j’y reviendrai –, qui trouvera une première application dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui viennent d’être soumis au Parlement.

À l’issue de la présentation de la proposition de résolution et des interventions des différents orateurs, je souhaite développer trois points.

Tout d’abord, la proposition de résolution invite à réfléchir – mes prédécesseurs à cette tribune s’y sont essayés – au caractère contributif ou non contributif des cotisations et des prestations sociales.

La proposition de résolution repose sur une distinction forte entre les régimes qualifiés de « contributifs » – assurance vieillesse, assurance chômage et AT-MP – et les régimes qualifiés de « non contributifs » – maladie et famille. Tout le monde s’accorde sur le caractère contributif des cotisations et des prestations sociales de la branche AT-MP, dont le financement exclusif par les employeurs garde tout son sens aujourd’hui.

L’assurance retraite est, quant à elle, essentiellement contributive, même si ce n’est pas une règle absolue. Le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, qui est censé prendre en charge, depuis 1993, l’ensemble des dépenses de solidarité – je pense, principalement, au minimum vieillesse et au minimum contributif –, ne finance en réalité qu’une partie de ces dépenses, les autres étant encore prises en charge par les régimes d’assurance vieillesse.

On peut en revanche s’interroger davantage sur le caractère contributif des branches maladie et famille, notamment parce que les prestations versées n’auraient pas de lien avec le montant des cotisations supportées : ainsi en va-t-il des prestations maladie qui dépendent du coût des soins pris en charge. Cette règle, vraie pour les soins, n’a cependant pas une validité absolue : ainsi, certaines prestations d’assurance maladie, par exemple les prestations en espèces telles que les indemnités journalières, dépendent bien du niveau de salaire.

De même, la proposition de résolution insiste sur le fait que ces deux branches de la sécurité sociale sont « universelles ». Les prestations sont servies à l’ensemble de la population régulièrement résidente, à la différence des prestations de retraite ou d’accidents du travail, qui sont servies seulement aux anciens actifs.

Les prestations des branches « universelles » ne reposant pas principalement sur des mécanismes assurantiels classiques et étant ouvertes à tous, on pourrait considérer qu’elles n’ont pas de lien avec le monde du travail et des entreprises, mais une telle vision me semble un peu simpliste.

Tout d’abord, certaines prestations d’assurance maladie, je le disais, sont directement liées au monde du travail : c’est le cas des indemnités journalières, que j’ai déjà mentionnées, mais aussi celui des pensions d’invalidité servies aux actifs ou aux anciens actifs à titre de remplacement d’un salaire. Les personnes qui ne travaillent pas n’y ont pas droit.

Ensuite, de manière plus indirecte mais certaine, les prestations d’assurance maladie et les allocations familiales contribuent à faire de notre pays l’un de ceux où la population est en bonne santé, où l’espérance de vie est longue et où la démographie est dynamique. L’universalité du système, le haut niveau de remboursement des soins qu’il garantit – lorsque ces soins sont nécessaires – sont des facteurs clés de ce succès, et les entreprises en bénéficient également.

L’emploi des femmes est, à cet égard, un exemple significatif, puisqu’il se situe en France, malgré le niveau important du chômage actuellement, au-dessus de la moyenne de l’Union européenne. Ce résultat s’explique en partie par le fait que les prestations familiales, notamment l’importance des aides à la garde des enfants, facilitent davantage que dans d’autres pays le retour à l’emploi après la naissance, ce qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur le niveau de qualification général.

Pour conclure sur ce premier point, il me semble trop simple de distinguer, comme le fait la proposition de résolution, les prestations contributives par nature de celles qui, par nature, ne le seraient pas.

Ensuite, la proposition de résolution invite, dans le débat de fond sur le poids des prélèvements pesant sur les entreprises, à des transferts de prélèvements, afin que ceux qui sont affectés aux prestations « non contributives » ne pèsent pas sur les revenus du travail.

Plusieurs solutions sont envisagées par l’auteur de la proposition de résolution pour réduire la part des prélèvements pesant sur le travail.

La première piste consiste à transférer l’équivalent des cotisations patronales, considérées comme non contributives, sur une nouvelle assiette de prélèvements, qui correspondrait au chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, l’objectif étant de réduire ainsi le poids des cotisations payées par les entreprises les plus intensives en main-d’œuvre. En pratique, les prélèvements sociaux pèseraient donc sur les autres composantes de la valeur ajoutée d’une entreprise – l’autofinancement, la rémunération du capital – et sur les consommations intermédiaires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’État

Il n’est pas facile d’identifier toutes les conséquences d’un tel transfert, mais on peut concevoir que toutes ne seraient pas favorables : certes, les entreprises intensives en main-d’œuvre bénéficieraient d’une très forte diminution de l’assiette soumise à prélèvements. Au contraire, pour celles pour lesquelles la main-d’œuvre représente une plus faible part de la valeur ajoutée, et pour celles dans lesquelles les consommations intermédiaires représentent une part importante du chiffre d’affaires, ce transfert serait certainement défavorable, en tout cas à rendement global constant. Or les entreprises industrielles, notamment, sont souvent à la fois moins intensives en main-d’œuvre et fortement consommatrices de productions intermédiaires. Dès lors, même si le poids des cotisations s’allégeait pour certaines entreprises, il s’alourdirait pour d’autres, ce qui serait profondément perturbateur pour l’économie, surtout au regard des masses en jeu.

En outre, l’assiette proposée étant affectée d’une variabilité importante, et en tout état de cause supérieure à celle de la masse salariale, un tel transfert conduirait, en première analyse, à une grande variabilité d’une année sur l’autre des recettes sociales, d’un côté, et des charges des entreprises, de l’autre. Cette variabilité aurait des effets néfastes, tant pour les comptes publics que pour l’économie. Ce point a d’ailleurs été relevé par M. le sénateur Pozzo di Borgo.

La proposition de résolution invite également à transférer les prélèvements sur d’autres assiettes, notamment la consommation et les ménages, au moyen de la fiscalité. De ce point de vue, il faut rappeler que la part des cotisations sociales sur les revenus d’activité a déjà fortement reculé depuis une vingtaine d’années, ainsi que l’ont souligné un certain nombre d’orateurs – il me semble en effet que la répartition des financements s’établit à peu près à 60 % pour les cotisations sociales et à 40 % pour la fiscalité. Ainsi, les cotisations sont aujourd’hui minoritaires dans le financement de la branche maladie, du fait de l’importance de la CSG et des impôts et taxes déjà affectés. Pour la branche famille, il est vrai que les cotisations restent largement majoritaires aujourd’hui, mais, là encore, la part des impôts et de la CSG a nettement progressé.

Par ailleurs – et j’y vois une des réponses à cette proposition de résolution –, le Premier ministre a chargé en décembre 2013 le Haut Conseil du financement de la protection sociale d’étudier différentes voies permettant d’établir une meilleure logique de financement des différentes branches de la sécurité sociale, en envisageant une réduction des prélèvements qui portent sur le seul facteur travail.

En mars 2014, dans son rapport faisant suite à cette demande, le Haut Conseil a conclu que la diminution des cotisations sociales des entreprises aurait des effets potentiellement favorables sur l’emploi, au moins en apparence, mais que le transfert aurait des inconvénients qui contrebalanceraient ces avantages, et cela de manière négative, quelle que soit l’assiette choisie, qu’il s’agisse de la TVA ou de la CSG.

Taxer la consommation, si l’on exclut les taxes comportementales ou sur le tabac, reviendrait en réalité à augmenter la TVA. Chacun peut mesurer quelles seraient les conséquences d’une hausse trop importante de la TVA. S’agissant des autres impôts sur les ménages, il faut rappeler qu’ils financent déjà, et dans une proportion importante, les branches maladie et famille de la sécurité sociale : certains orateurs ont évoqué le taux de 40 %, qui est probablement inférieur à la réalité.

Pour finir, je rappellerai quelles sont les voies choisies par le Gouvernement pour réduire le coût du travail et favoriser l’emploi et l’investissement productif.

Tout d’abord, il faut rappeler que le poids des cotisations sociales n’est qu’une des données de la question de la compétitivité des entreprises françaises, comme l’a rappelé Nicole Bricq. Le rapport Gallois, à la fin de 2012, établit en effet que le poids des cotisations salariales des entreprises industrielles en France est un élément pesant sur leur compétitivité-prix. Pour autant, les difficultés des entreprises françaises en termes de compétitivité internationale ont d’autres causes, tout aussi structurelles : ainsi, l’industrie allemande est positionnée sur un segment de gamme supérieur à celui des entreprises françaises. Bien que disposant d’une épargne abondante, ces dernières rencontrent malgré tout des difficultés d’accès au crédit. Bien d’autres raisons sont également à prendre en compte.

Le poids des prélèvements n’en est pas moins un des facteurs qu’il faut analyser.

Concernant le coût du travail, le Gouvernement a pris des mesures sans précédent par leur ampleur, Nicole Bricq les a rappelées. Créé pour le soutien à l’emploi, dès l’automne 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a pour objet d’alléger de 20 milliards d’euros, en régime de croisière, l’imposition du travail. Ce pacte comprend un ensemble de mesures destinées à amplifier l’effort consenti pour soutenir l’emploi, particulièrement celui des travailleurs les moins qualifiés, qui souffrent le plus du chômage. Compte tenu de la priorité accordée à la lutte contre le chômage, les mesures les plus créatrices d’emploi, à savoir les allégements de cotisations patronales entre 1 et 1, 6 SMIC, seront mises en œuvre dès 2015, ce qui représentera un manque à gagner de 4, 5 milliards d’euros.

Ce soutien va aussi à l’investissement productif, qui est une des conditions de la prospérité du pays à court terme comme à long terme. Les mesures adoptées depuis 2012 constituent un ensemble cohérent mis en place progressivement afin d’inciter les entreprises à investir. D’une part, le CICE permet déjà de redonner aux entreprises des marges pour innover, investir et regagner de la compétitivité, y compris à l’exportation. D’autre part, les mesures fiscales du pacte, avec la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S, la disparition de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés et la perspective de baisse du taux normal d’impôt sur les sociétés, permettront d’amplifier cet effort et de rétablir la capacité d’investissement du secteur productif.

Enfin – et c’est important –, le Gouvernement n’a pas fait le choix de financer ces réductions par d’importantes hausses d’impôts sur la consommation et sur les ménages. Le CICE est déjà en grande partie financé – pour plus de la moitié – par des mesures d’économies exceptionnelles réalisées en 2014 et grâce auxquelles la dépense publique est aujourd’hui maîtrisée.

Le pacte de responsabilité et de solidarité s’accompagne, quant à lui, de mesures d’économies spécifiques. Dès 2015, 21 milliards d’euros d’économies sont prévus. La protection sociale y prendra sa part.

Je voudrais rappeler, en réponse aux propos de Mme Assassi, selon laquelle ce pacte ne contiendrait pas de mesures en faveur des salariés, que des réductions de cotisations sociales pour les salariés, à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, sont d’ores et déjà inscrites dans le projet du Gouvernement qui vous sera prochainement soumis. De même, une réduction de 1, 1 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus perçus en 2013 sera mise en œuvre dès le mois de septembre prochain. On ne peut donc pas dire que le pacte de responsabilité et de solidarité s’adresse uniquement aux entreprises !

En conclusion, vous l’aurez compris, même s’il peut partager une partie des préoccupations des auteurs de la présente proposition de résolution, le Gouvernement propose une autre voie pour améliorer la compétitivité des entreprises, une voie plus cohérente, qui ne présente pas les mêmes inconvénients.

Je vous invite à travailler avec le Gouvernement dans le cadre des discussions qui vont s’ouvrir dans les prochaines semaines. J’imagine que la piste qui vous sera proposée, à savoir une réduction des contributions sociales et des impôts, permettra de répondre à votre préoccupation. Le chemin que le Gouvernement choisit n’est pas en adéquation parfaite – c’est bien le moins que l’on puisse dire ! – avec votre proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Considérant que le financement du système de protection sociale français repose excessivement sur le travail, pénalisant l’emploi et la compétitivité de nos entreprises,

Considérant que les entreprises ont vocation à financer les dépenses d’assurance vieillesse, d’assurance chômage ainsi que les dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de la sécurité sociale qui ont un lien direct avec son activité et dont le caractère est essentiellement contributif,

Considérant qu’elles n’ont a contrario pas vocation à financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale dont le caractère largement universel relève de la solidarité nationale,

Plaide pour qu’au sein des dépenses de protection sociale, la différence entre dépenses assurantielles, qui doivent être financées par les entreprises, et dépenses universelles, qui relèvent de la politique sociale du gouvernement et qui doivent être financées par l’État ou par la solidarité nationale, soit mieux prise en compte,

Considère que le coût du travail trop élevé en France s’explique en grande partie par le poids des charges sociales payées par les entreprises,

Estime que la diversification des ressources de la protection sociale, entamée au début des années 1990 avec la création de la contribution sociale généralisée, est encore très largement insuffisante,

Souhaite que les pouvoirs publics étudient les différentes assiettes qui pourraient être envisagées pour financer les dépenses de la branche maladie et de la branche famille de la sécurité sociale, notamment le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, la consommation ou bien encore les revenus des ménages.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 201 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juin 2014 :

À seize heures :

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies (559, 2013-2014) ;

Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois (639, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 640, 2013-2014).

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale ;

Rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, rapporteurs pour le Sénat (584, 2013-2014) ;

Texte de la commission mixte paritaire (n° 585 rectifié, 2013-2014).

À vingt et une heures trente :

3. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.