Intervention de Christian Eckert

Réunion du 19 juin 2014 à 15h00
Financement de la protection sociale et allégement des charges des entreprises — Rejet d'une proposition de résolution

Christian Eckert :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution que nous présente aujourd’hui le groupe UMP porte sur un sujet lourd, celui du financement de la protection sociale et de ses effets économiques.

Ce débat n’est évidemment pas nouveau dans notre pays. Il a cependant pris une actualité nouvelle – cela a été rappelé – avec le rapport Gallois de novembre 2012 et la mise en œuvre de ses conclusions, au travers notamment du pacte de responsabilité et de solidarité – j’y reviendrai –, qui trouvera une première application dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui viennent d’être soumis au Parlement.

À l’issue de la présentation de la proposition de résolution et des interventions des différents orateurs, je souhaite développer trois points.

Tout d’abord, la proposition de résolution invite à réfléchir – mes prédécesseurs à cette tribune s’y sont essayés – au caractère contributif ou non contributif des cotisations et des prestations sociales.

La proposition de résolution repose sur une distinction forte entre les régimes qualifiés de « contributifs » – assurance vieillesse, assurance chômage et AT-MP – et les régimes qualifiés de « non contributifs » – maladie et famille. Tout le monde s’accorde sur le caractère contributif des cotisations et des prestations sociales de la branche AT-MP, dont le financement exclusif par les employeurs garde tout son sens aujourd’hui.

L’assurance retraite est, quant à elle, essentiellement contributive, même si ce n’est pas une règle absolue. Le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, qui est censé prendre en charge, depuis 1993, l’ensemble des dépenses de solidarité – je pense, principalement, au minimum vieillesse et au minimum contributif –, ne finance en réalité qu’une partie de ces dépenses, les autres étant encore prises en charge par les régimes d’assurance vieillesse.

On peut en revanche s’interroger davantage sur le caractère contributif des branches maladie et famille, notamment parce que les prestations versées n’auraient pas de lien avec le montant des cotisations supportées : ainsi en va-t-il des prestations maladie qui dépendent du coût des soins pris en charge. Cette règle, vraie pour les soins, n’a cependant pas une validité absolue : ainsi, certaines prestations d’assurance maladie, par exemple les prestations en espèces telles que les indemnités journalières, dépendent bien du niveau de salaire.

De même, la proposition de résolution insiste sur le fait que ces deux branches de la sécurité sociale sont « universelles ». Les prestations sont servies à l’ensemble de la population régulièrement résidente, à la différence des prestations de retraite ou d’accidents du travail, qui sont servies seulement aux anciens actifs.

Les prestations des branches « universelles » ne reposant pas principalement sur des mécanismes assurantiels classiques et étant ouvertes à tous, on pourrait considérer qu’elles n’ont pas de lien avec le monde du travail et des entreprises, mais une telle vision me semble un peu simpliste.

Tout d’abord, certaines prestations d’assurance maladie, je le disais, sont directement liées au monde du travail : c’est le cas des indemnités journalières, que j’ai déjà mentionnées, mais aussi celui des pensions d’invalidité servies aux actifs ou aux anciens actifs à titre de remplacement d’un salaire. Les personnes qui ne travaillent pas n’y ont pas droit.

Ensuite, de manière plus indirecte mais certaine, les prestations d’assurance maladie et les allocations familiales contribuent à faire de notre pays l’un de ceux où la population est en bonne santé, où l’espérance de vie est longue et où la démographie est dynamique. L’universalité du système, le haut niveau de remboursement des soins qu’il garantit – lorsque ces soins sont nécessaires – sont des facteurs clés de ce succès, et les entreprises en bénéficient également.

L’emploi des femmes est, à cet égard, un exemple significatif, puisqu’il se situe en France, malgré le niveau important du chômage actuellement, au-dessus de la moyenne de l’Union européenne. Ce résultat s’explique en partie par le fait que les prestations familiales, notamment l’importance des aides à la garde des enfants, facilitent davantage que dans d’autres pays le retour à l’emploi après la naissance, ce qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur le niveau de qualification général.

Pour conclure sur ce premier point, il me semble trop simple de distinguer, comme le fait la proposition de résolution, les prestations contributives par nature de celles qui, par nature, ne le seraient pas.

Ensuite, la proposition de résolution invite, dans le débat de fond sur le poids des prélèvements pesant sur les entreprises, à des transferts de prélèvements, afin que ceux qui sont affectés aux prestations « non contributives » ne pèsent pas sur les revenus du travail.

Plusieurs solutions sont envisagées par l’auteur de la proposition de résolution pour réduire la part des prélèvements pesant sur le travail.

La première piste consiste à transférer l’équivalent des cotisations patronales, considérées comme non contributives, sur une nouvelle assiette de prélèvements, qui correspondrait au chiffre d’affaires diminué de la masse salariale, l’objectif étant de réduire ainsi le poids des cotisations payées par les entreprises les plus intensives en main-d’œuvre. En pratique, les prélèvements sociaux pèseraient donc sur les autres composantes de la valeur ajoutée d’une entreprise – l’autofinancement, la rémunération du capital – et sur les consommations intermédiaires.

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