Nous avons effectué, en République centrafricaine, une mission très intense par le nombre des rencontres et des informations qu'elle nous a procurées. Cette mission s'est déroulée sur deux jours, les 14 et 15 avril.
Après un arrêt à Libreville et une séquence d'information de notre ambassade et du colonel Rousselle, commandant adjoint des Forces françaises au Gabon, nous avons consacré deux jours pleins à Bangui où nous avons rencontré l'ensemble des intervenants : Sangaris avec le général Soriano et son état-major, la Présidente par intérim, Mme Samba-Panza, le Premier ministre, M. André Nzapayéké, le groupe des 4 : Union européenne, Union africaine, ONU et France. Seul « manque » à cette mission : nous n'avons pas pu avoir de contacts avec l'état-major de la MISCA.
Nous avons eu des entretiens avec les ministres de la défense, de la sécurité publique, de l'éducation et de la santé. Nous avons échangé avec le président du Conseil national de transition, M. Ferdinand Nguendet, avec les autorités religieuses (le président des églises protestantes, l'archevêque de Bangui et l'imam) et avec les principaux acteurs humanitaires (PAM, FAO, UNICEF, HCR, OCHA, ECHO, OIM et le CICR).
Ces rencontres officielles ont été ponctuées d'échanges très chaleureux avec les personnels de la force Sangaris auxquels nous avons dit toute l'admiration et l'estime de la représentation nationale pour le travail qu'ils accomplissent dans des conditions particulièrement difficiles.
Nous avons rencontré la presse à plusieurs reprises et nous nous sommes rendus au PK5 qui est le quartier musulman de Bangui, au sein du 3ème arrondissement, et qui demeure un lieu d'affrontement entre les communautés, ou plutôt de ce qu'il reste de la communauté musulmane (essentiellement commerçante) avec le reste de la population.
Pour mieux se rendre compte de l'action de la force Sangaris en RCA, je vous propose de visionner un très court film de 3 minutes réalisé par le service de communication de la force.
Je vous rappelle que notre intervention en Centrafrique à compter du 5 décembre 2013 avait pour objectif principal de rétablir une sécurité minimale et d'enrayer la spirale d'exactions et d'affrontements communautaires qui dégénéraient ou auraient pu dégénérer en massacres. Sa seconde mission consistait à favoriser la montée en puissance de la force africaine, la MISCA.
La force Sangaris compte environ 2 000 militaires. La stratégie poursuivie par notre pays suppose, dans le courant de l'année 2014, d'assurer la transition avec la mise en place successive de l'opération européenne EUFOR RCA, qui permettra un redéploiement de Sangaris, et, surtout, l'arrivée à compter du 15 septembre de l'opération de maintien de la paix et de la transformation de la MISCA en MINUSCA forte de 12 000 hommes. EUFOR RCA a commencé à se déployer quelques jours après notre mission et prend le relais de la force Sangaris pour la sécurité de l'aéroport de Bangui et de plusieurs quartiers de la capitale.
Comme je l'ai indiqué, nous n'avons pas pu rencontrer la MISCA. A travers cette force, l'Union africaine est un acteur incontournable et précieux de la résolution de la crise. Nous ne pouvons que constater malheureusement que le retrait du contingent tchadien ainsi que les difficultés structurelles de la force africaine réduisent sa capacité opérationnelle. C'est le cas, en particulier, en matière de commandement, en l'absence de certaines capacités clés et de moyens logistiques. Ces difficultés doivent être progressivement réduites avec l'aide de la France et de la communauté internationale. Le relais, après le 15 septembre, de la MISCA en MINUSCA, permettra de disposer de moyens plus importants avec le soutien logistique et financier de l'ONU.
S'agissant de la situation opérationnelle aujourd'hui, nous avons pu constater que le premier objectif de Sangaris a été atteint en rétablissant le calme dans la capitale Bangui. Les récents événements dans le nord du pays et la persistance des incidents graves en province tout comme dans certains quartiers de Bangui montrent à l'évidence que les forces en place font face à une situation d'insécurité diffuse permanente, qui souligne l'urgence de rétablir des forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie) ainsi que l'ensemble de la chaîne pénale (justice et prison). L'une des principales difficultés de Sangaris est que, voulant sécuriser la population victime des exactions de la Seleka, elle peut donner aux pulsions revanchardes ou tout simplement criminelles des « antibalakas » l'occasion de s'exercer. La force Sangaris, qui n'a pas d'ennemi désigné, doit aussi faire face sur deux fronts aux exactions (pillages-meurtres) qui se font jour dans un pays qui n'a jamais connu l'Etat, mais seulement une succession de coups d'Etat.
L'une des difficultés principales est que la force militaire n'est que très partiellement adaptée à cette tâche d'interposition et de lutte contre des groupes armés qui sont très largement des groupes criminels composés de pillards issus pour beaucoup d'une jeunesse désoeuvrée.
Enfin, dernier point de cette longue introduction : la situation humanitaire qui est extrêmement problématique. Il suffit de rappeler que, selon les agences de l'ONU, la RCA compte près de 1,9 million d'habitants dans une situation de précarité alimentaire, 625 000 déplacés internes, dont 200 000 à Bangui, et plus de 300 000 réfugiés dans les pays voisins. La question des réfugiés et de leur retour sera l'un des éléments clés de la solution de la crise et du processus de réconciliation.