Intervention de Jacques Berthou

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 mai 2014 : 1ère réunion
Activités privées de protection des navires — Nomination d'un rapporteur et examen du rapport pour avis

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou :

La réconciliation : c'est l'un des principaux points d'inquiétude. La séquence idéale qui passe par quatre étapes : sécurisation, reconstruction de l'Etat, réconciliation, élections. Elle est très loin d'être assurée. Nous avons déjà parlé de la reconstruction de l'Etat pour laquelle des moyens considérables en hommes, en formation, en argent doivent être coordonnés par l'ONU.

Pour dire les choses crûment, nous n'avons pas eu l'impression d'une volonté de tout mettre en oeuvre pour lancer et, à fortiori, pour faire aboutir le processus de réconciliation. On nous dit que l'on tire les leçons du passé en commençant par la base des communautés villageoises pour aboutir in fine à une grande messe inclusive ; on nous dit que le processus est en marche, mais, objectivement, on ne le voit guère et, plus grave, la volonté semble faire défaut. Or la sécurisation, qui est le socle indispensable de tout le reste, ne se suffit pas à elle seule. L'apaisement des tensions ne peut se faire que s'il y a justice et réconciliation.

Le point central de ces hésitations tient à l'incapacité de mettre la justice en pointe, c'est-à-dire de rechercher et de juger ceux qui ont commis des crimes. Derrière ces hésitations, il y a en particulier le sort réservé aux deux anciens Présidents Bozizé et Djotodia qui conservent une influence certaine et qui n'ont pas renoncé au pouvoir.

La présidente par intérim a récemment déclaré : « Je suis contre l'impunité. La réconciliation nationale sans justice n'a pas de sens. Pour le moment seul M. Bozizé fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la justice centrafricaine, lancé avant que je n'arrive. Des enquêtes sont en cours pour déterminer les responsabilités des uns et des autres dans les exactions commises depuis 2012. »

Il n'y aura pas de réconciliation sans justice et l'absence de justice perpétue le cycle de la violence. Là encore, le sentiment d'impuissance des autorités, au-delà des mots et de la clairvoyance des analyses, est manifeste.

En conclusion, très provisoire, les populations comme les responsables, comptent beaucoup trop sur la France. On lui demande de tout faire et toute perspective de retrait partiel est dénoncée avec vigueur. Il y a indiscutablement une tentation de la déresponsabilisation que nous avons constatée chez l'ensemble de nos interlocuteurs.

Nous n'avons cessé de leur dire que la France ne peut tout faire. Elle dispose d'un certain nombre de clés, mais pas de toutes les clés. Elle assume ses responsabilités mais les autorités de RCA doivent assumer les leurs.

A ce stade, le principal risque pour notre pays, et au-delà pour la communauté internationale, est de voir la stratégie menée ne pas recouper la courbe de la montée en puissance des Centrafricains eux-mêmes qui doivent prendre leur destin en main sans recopier les schémas précédents qui ont conduit à cette implosion.

Notre stratégie c'est qu'à une opération militaire, Sangaris, décidée dans l'urgence pour éviter ce qui aurait pu dégénérer en logique génocidaire, se substitue progressivement une opération sécuritaire autour d'Eufor RCA et de l'opération de maintien de la paix de l'ONU (12 000 h), avec la mise en place d'une police, d'une gendarmerie, de prisons, d'une justice. C'est le rétablissement de la chaîne pénale. Nos forces armées ne sont en effet pas faites pour des opérations de police et d'interposition. En septembre, la force de l'ONU, par l'approche globale qu'elle est seule à permettre, devra aider à reconstruire l'Etat sur la base d'une situation de retour à la sécurité, condition du développement. Ce transfert s'accompagnant d'un allègement de notre dispositif.

Le pendant de cette stratégie logique c'est que les autorités centrafricaines prennent leur part du processus, et notamment de la réconciliation, de la justice et de la prise en compte de la jeunesse qui est un élément absolument fondamental. Cela suppose un certain sens de l'Etat et de l'intérêt général dont nous attendons qu'il se manifeste chez ceux à qui cette responsabilité incombe.

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