Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies de notre collègue Mme Evelyne Didier, adoptée par l’Assemblée nationale le 22 mai dernier.
Le 17 janvier 2012, en première lecture, notre Haute Assemblée avait adopté à l’unanimité ce texte qui vise à répondre à la question de la répartition des charges de gestion d’un ouvrage de rétablissement d’une voie de communication coupée à l’occasion de la réalisation d’une infrastructure de transport.
Sans entrer dans les détails, je rappellerai seulement que les principes régissant cette question ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’État, selon laquelle les ouvrages d’art de rétablissement de voies interrompues par la construction d’une infrastructure de transport nouvelle sont incorporés à l’infrastructure dont ils relient les deux parties. Ainsi, il revient donc aux collectivités territoriales d’assurer l’entretien des ouvrages d’art de rétablissement des voies.
Pourtant, force est de constater que de nombreuses collectivités ignorent les obligations qui leur incombent. Et face aux contraintes que la gestion d’un ouvrage d’art de rétablissement des voies fait peser sur leur budget, elles peuvent être parfois amenées à réduire, voire à interdire, l’utilisation de leur voirie afin de préserver la sécurité des utilisateurs.
Rappelons également que les projets de réalisation d’une infrastructure de transport coupant une voirie déjà existante, comme ceux qui visent à effectuer des travaux de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l’État à la collectivité territoriale, laquelle ne dispose souvent d’aucun pouvoir de décision en la matière.
Pour répondre à cette injustice et aux lourdes difficultés rencontrées par nos collectivités, en particulier les plus petites d’entre elles, cette proposition de loi pose un nouveau principe général de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures de transport nouvelles, selon lequel les charges et responsabilités seraient réparties entre, d’une part, les collectivités territoriales à qui incomberaient la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité et, d’autre part, les gestionnaires de l’infrastructure de transport nouvelle pour la prise en charge de la surveillance, de l’entretien et de la reconstruction de la structure de l’ouvrage et de l’étanchéité de l’ensemble de ce dernier.
La prise en compte des particularités de chaque ouvrage d’art relèverait d’une convention entre les deux parties. Les conventions déjà signées continueraient de s’appliquer mais seraient, en cas de dénonciation, renégociées selon le principe général que je viens d’énoncer. S’agissant des situations de litige, en l’absence de convention, il reviendrait aux deux parties d’en conclure une dans un délai de trois ans.
En première lecture, il y a deux ans, nous avions, sur ma proposition, procédé à des améliorations rédactionnelles et à une réorganisation des dispositions de la proposition de loi, afin de conforter le cadre protecteur proposé pour les collectivités territoriales.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision, afin de renforcer et de clarifier ce nouveau principe de répartition des charges.
En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté – M. le secrétaire d’État vient de le rappeler – huit amendements du Gouvernement. L’un d’entre eux visait à préciser que la répartition des charges devrait tenir compte de plusieurs facteurs : la volonté du gestionnaire de la voie affectée de supporter seul les charges de surveillance, d’entretien et de réparation pour des motifs de sécurité de son infrastructure, la capacité contributive du gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle, la capacité contributive de la collectivité dont la voie est affectée…
Il est également prévu que la médiation du préfet devrait être précédée, en cas de désaccord entre les deux parties sur la conclusion d’une convention de répartition des charges, d’un avis préalable de la chambre régionale des comptes.
Ces amendements visaient également à permettre aux collectivités territoriales ayant engagé une action contentieuse avant le 1er juin 2014 de trouver, via la conclusion d’une convention, une solution négociée avec l’État ou l’un de ses établissements publics, ainsi qu’à établir un recensement des ouvrages afin d’en connaître le nombre exact – le chiffre évoqué d’environ 17 000 ouvrages concernés mérite d’être affiné –, la répartition et l’état général.
Pour ne pas retarder la mise en œuvre de cette proposition de loi et malgré un certain nombre de restrictions apportées par l’Assemblée nationale, je vous propose d’accepter les modifications adoptées qui tendent à renforcer et à conforter le nouveau principe de répartition des charges liées aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.
L’entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi permettrait aux élus locaux de se saisir pleinement de ces nouvelles dispositions, ce qui les aiderait à mettre fin, pour certaines d’entre elles, à plusieurs années de conflits avec les opérateurs de l’État.
La commission des lois, qui a examiné cette proposition de loi le 18 juin dernier, l’a adoptée à l’unanimité et a donné un avis conforme que je vous invite à suivre.