En matière d’ouvrages de franchissement - ponts, ouvrages de soutènement et tunnels -, la solution dégagée par la jurisprudence impose au propriétaire de la voie portée d’entretenir l’ouvrage, sauf convention contraire. Les ouvrages d’art attenant à une voirie constituent une dépendance de la route qu’ils supportent, car ils sont nécessaires à la conservation et à l’exploitation de celle-ci.
Il en résulte que le propriétaire est aussi le gestionnaire de la voie portée, et qu’il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’ouvrage en bon état d’entretien et pour assurer la sécurité à l’égard des tiers.
Par exemple, un pont dont la maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’État, mais qui relie deux parties d’une voirie départementale, doit être entretenu par le conseil départemental, propriétaire de la voie principale et donc responsable en cas de dommage.
Les différentes interventions et débats sur ce texte, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont montré qu’il n’est pas rare de voir de petites communes renoncer à l’entretien de ponts pourtant dangereux, par peur de voir leur responsabilité engagée, y compris au pénal pour le maire. Il n’est pas rare, non plus, que des collectivités ignorent, par le jeu des transferts de compétences, qu’elles sont propriétaires d’un ouvrage.
La difficulté est toujours la même ; la décentralisation toujours plus importante et le transfert de compétences vers les collectivités ont conduit à des transferts de charges parfois trop rapides.
Ces transferts de compétences et de charges, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas toujours été accompagnés des moyens financiers correspondants. En 2014, dans mon département, la surveillance des ouvrages d’art, régulièrement assurée par les agents de la direction de la voirie et de l’aménagement et des subdivisions départementales, a été complétée par des investigations faisant appel à des techniques spécialisées, comme le contrôle des fondations par plongeurs et l’auscultation des superstructures à l’aide d’instruments de laboratoire. C’est du sérieux !
Je n’entrerai pas dans le débat sur le désengagement financier de l’État ; je rappellerai seulement que, conformément aux annonces faites par le Gouvernement, notamment dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales, l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales a diminué de 1, 5 milliard d’euros en 2014. Les collectivités les plus fragiles, les petites communes rurales par exemple, ne disposent plus des moyens d’assurer leur mission de service public d’entretien de ces ouvrages d’art. Comment le pourraient-elles, M. Favier l’a souligné dans son excellent rapport, quand une remise en état peut coûter jusqu’à un million d’euros, soit la moitié ou plus de leur budget d’équipement ? Le coût de surveillance et d’entretien annuel, quant à lui, va de 2 000 à 4 000 euros. L’enjeu financier global est donc de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour la surveillance et l’entretien, et de centaines de millions d’euros par an pour les travaux de renouvellement.
À ce handicap financier, il faut ajouter un handicap technique, puisque ces communes sont en position de faiblesse face à des établissements publics comme Réseau ferré de France, RFF, qui disposent d’équipes d’ingénierie importantes. En application de la révision générale des politiques publiques, la circulaire du 10 avril 2008 a arrêté pour la fin de l’année 2011 le recentrage de l’action de l’État auprès des collectivités sur de simples missions d’expertise et mis fin aux prestations techniques concurrentielles.
Le texte que nous nous préparons à adopter – le suspense n’est pas insoutenable