Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà du premier objectif de simplification et de clarification, dont Jean-Claude Peyronnet vient de décrire les principaux éléments, nous avons surtout voulu, en tant que corapporteurs, renforcer le caractère normatif du projet de loi.
Le Sénat a ainsi adopté quatre mesures particulièrement structurantes.
Tout d’abord, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons autorisé l’AFD à gérer des fonds multibailleurs et à déléguer certains crédits à ce type de fonds, lorsque le besoin s’en fait sentir.
Ces fonds sont un outil essentiel pour concentrer l’aide internationale et mieux la coordonner. Ils sont particulièrement opportuns dans les pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique.
Monsieur le secrétaire d’État, l’AFD nous a indiqué que, seule la Centrafrique, avec le projet de « fonds Bêkou » était concernée pour le moment. Il nous semble que nous devons aller plus loin dans la réflexion avec les principaux financeurs internationaux pour mettre plus largement en œuvre l’outil de ces fonds multibailleurs.
Ensuite, nous avons souhaité faciliter le transfert de fonds des migrants, en autorisant les banques des pays en développement à commercialiser en France des produits permettant de financer des projets dans leur pays d’origine.
Par ailleurs, sur l’initiative de notre excellent collègue Jacques Berthou, qui a travaillé de longues années sur ce sujet, et avec notre entier soutien, nous avons adopté une réforme profonde et ambitieuse du dispositif français d’expertise technique.
Nous avons en effet prévu de fusionner six organismes, et ce dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large, au 1er janvier 2016. Depuis vingt ans en effet, tous les rapports font le constat d’un éclatement du dispositif français, qui n’est plus adapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, car ceux-ci présentent de plus en plus des dimensions pluridisciplinaires. Or, si elle veut mettre en œuvre une diplomatie d’influence, la France doit absolument être présente, avec les meilleures chances de succès possible, pour répondre à la demande internationale d’expertise technique.
Pour autant, nous n’avons pas souhaité créer un organe bureaucratique et centralisé. La nouvelle agence doit être prise comme un holding faisant appel aux ressources humaines là où elles sont présentes, dans le public comme dans le privé. Elle doit représenter la France au niveau international, et non étouffer les métiers qui font justement la richesse et la valeur ajoutée de notre pays.
Comme je viens de l’indiquer, cette réforme est ambitieuse, en particulier en termes de calendrier, puisqu’une première fusion doit avoir lieu dans six mois et concerner six organismes... Dans ces conditions, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en œuvre de la réforme. Quand désignerez-vous le délégué interministériel qui doit préfigurer la nouvelle agence, monsieur le secrétaire d’État ?
Concernant l’action extérieure des collectivités locales, nous avons adopté quatre mesures.
D’abord, nous avons voulu rendre facultatives les conventions avec les collectivités locales étrangères, pour ne pas entraver la coopération, notamment en matière humanitaire.
Ensuite, nous avons étendu la loi dite « Oudin - Santini » au secteur des déchets ménagers, qui constitue à la fois un domaine d’expertise de nos collectivités, mais aussi et surtout un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires, qui font face à une prolifération dramatique de ces déchets.
Par ailleurs, nous avons inscrit une obligation de déclaration par les collectivités des actions qu’elles mènent à l’international. Il ne s’agit aucunement de limiter leur libre administration, mais plutôt de faire en sorte que chaque porteur de projet puisse disposer d’un état des lieux aussi exhaustif que possible, pour éviter les doublons et favoriser les coopérations entre acteurs français.
Enfin, nous avons demandé aux collectivités locales et au Gouvernement de mener des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les collèges et les lycées, tant il nous semble important que, sur cette thématique de la coopération et du développement, l’opinion publique soit mieux informée des efforts que la France accomplit.
Tel est, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’essentiel des modifications apportées par le Sénat au projet de loi, puis finalement approuvées par la CMP.
Mais nous ne serions pas complets si nous n’évoquions pas la question de l’évaluation de la politique de développement, sujet qui a concentré – ô combien ! – l’essentiel des débats de la CMP.
Le Sénat a d’abord demandé que les évaluations prennent en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide. Nous avons aussi affirmé que l’évaluation pouvait s’appuyer sur des indicateurs de résultats, qui ont une vertu pédagogique, mais qu’elle devait avant tout se fonder sur des appréciations plus qualitatives.
Ces deux points n’ont du reste pas posé de difficulté durant la CMP, contrairement à la question de l’organisation et à celle du pilotage de l’évaluation.
Le projet de loi initial ne prévoyait quasiment aucune évolution sur ce sujet, alors que l’éclatement de notre dispositif entre l’AFD, le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères est souvent critiqué, et non pas seulement par les rapporteurs qui se succèdent à cette tribune depuis de nombreuses années. Il fallait, à notre sens, avancer et proposer, comme pour l’expertise, une réforme ambitieuse. C’est pourquoi le Sénat a prévu de fusionner les trois services d’évaluation existant aujourd’hui au sein d’un observatoire unique et indépendant des services qui mettent effectivement en œuvre la politique de développement.
Nous avions donc deux objectifs complémentaires : d’une part, mutualiser les moyens et rationaliser le programme d’évaluation ; d’autre part, séparer, selon la traditionnelle règle des finances publiques, l’ordonnateur du comptable, pour reprendre une analogie financière.
Ces deux objectifs ont été pleinement validés par la CMP, qui a même enrichi les travaux du Sénat, en fixant précisément la composition du futur observatoire chargé d’évaluer la politique de développement. Il sera ainsi composé de onze membres indépendants, dont deux députés et deux sénateurs désignés de manière à assurer une représentation pluraliste, et il sera présidé alternativement par un député et par un sénateur.
L’affirmation de ce principe d’indépendance de l’évaluation ne doit pas rester lettre morte. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur le texte de la CMP, ce dont nous nous réjouissons, et, même si nous connaissons vos réticences sur cette question de l’évaluation, le projet de loi deviendra, dans les prochains jours, une loi de la République. Dans ces conditions, nous aimerions connaître le calendrier de mise en œuvre par le Gouvernement d’une réforme qui repose à la fois sur la création d’un observatoire indépendant et sur le regroupement des services concernés.
En conclusion, la commission mixte paritaire demande au Sénat de bien vouloir approuver le texte résultant de ses travaux, ce qui ne peut constituer qu’un exercice de cohérence avec le vote de première lecture, puisque les deux textes se ressemblent à s’y méprendre, comme l’indiquait à l’instant Jean-Claude Peyronnet, avec, et j’en suis particulièrement fier, la forte présence des améliorations que notre assemblée a apportées au texte.