Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me retrouver parmi vous pour la présentation du texte définitif du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Je vous prie d’excuser ma collègue Annick Girardin, secrétaire d’État au développement et à la francophonie, qui ne peut malheureusement être présente aujourd’hui.
C’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement, un domaine resté jusqu’ici l’apanage de l’exécutif. Ce texte marque donc un progrès démocratique important.
Voulu par le Président de la République dès le printemps 2013, lors des Assises du développement, il a été élaboré par Pascal Canfin, puis porté par Annick Girardin, avec le soutien constant de Laurent Fabius.
Ce projet de loi constitue une première étape dans la rénovation d’une politique de développement fondée sur la cohérence, l’efficacité et la transparence.
Cette rénovation, que votre assemblée a, comme le Gouvernement, souhaitée, vise à la fois un rôle renforcé du Parlement et des acteurs du développement – ONG, collectivités, entreprises – ; des objectifs clairs de la politique de développement, en particulier la promotion des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique ; des cibles géographiques différenciées pour plus d’efficacité ; enfin, la création d’indicateurs de résultats annuels pour renforcer la visibilité des initiatives françaises et en mesurer l’efficacité et l’impact par l’évaluation.
Avec notre débat d’aujourd'hui, la procédure législative arrive donc à son terme.
Les 10 février et 26 mai derniers, l’Assemblée nationale et le Sénat ont respectivement adopté le projet de loi.
Après une réunion de la commission mixte paritaire le 4 juin, vous avez abouti à un accord.
Jeudi dernier, les députés ont adopté ce texte à une quasi-unanimité, avec une abstention.
Je tiens, au nom du Gouvernement, à saluer l’esprit constructif qui a présidé à ces débats. Avec Annick Girardin, je tiens tout particulièrement à remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et plus particulièrement les deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi que le président Jean-Louis Carrère. Je remercie également la commission du développement durable, en particulier Ronan Dantec et Raymond Vall. Il est en effet essentiel que cette politique, au cœur de l’identité et du rayonnement de notre pays dans le monde, puisse bénéficier d’un large soutien politique et dépasser les clivages partisans.
Dans cet esprit, l’examen approfondi que vous avez mené a permis d’enrichir ce texte aussi bien sur le fond que dans la forme, et les rapporteurs du Sénat ne sont effectivement pas étrangers à ce résultat.
Au-delà, le texte proposé résulte également d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale : les ONG, du Nord comme du Sud, les entreprises, les syndicats, les universitaires, de nombreux élus locaux. Le Gouvernement les remercie de leur implication.
Permettez-moi de revenir sur les grandes lignes de ce projet de loi, tout en soulignant les apports du Parlement, en particulier ceux du Sénat.
Avec cette loi, la France se dotera d’un cadre d’action rénové et moderne dans le domaine du développement, en apportant des réponses aux enjeux du XXIe siècle et en promouvant un développement durable et solidaire, notamment dans le cadre des négociations de l’agenda post–2015.
Ce projet de loi répond à la mobilisation d’un nombre croissant d’acteurs non étatiques. Vous avez d’ailleurs souhaité qu’un article spécifique leur soit consacré pour valoriser leur action. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale jouera un rôle majeur pour permettre une consultation régulière entre les divers acteurs du développement.
Ce projet de loi donne également plus de place aux collectivités territoriales en reconnaissant leurs « actions extérieures ». Le rôle de coordination de la Commission nationale de la coopération décentralisée sera renforcé et, sur l’initiative de MM. Peyronnet et Cambon, la loi Oudin-Santini sera étendue aux déchets. Ainsi, comme pour l’eau, les collectivités pourront, si elles le souhaitent, dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à leurs actions extérieures. C’est une mesure normative importante.
Votre Haute Assemblée a de même introduit une plus grande reconnaissance du rôle des collectivités d’outre-mer. Désormais, elles devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Notre politique de développement doit pouvoir en effet s’appuyer sur leur savoir-faire et sur leurs réseaux.
Ce projet de loi institue également plus de cohérence entre les politiques publiques qui ont des effets sur les pays en développement.
Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble tous les ministères concernés par la politique de développement, devra veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques nationales. Pour renforcer cette cohérence, vous avez souhaité rationaliser l’expertise technique internationale, notamment grâce au regroupement des expertises aujourd’hui éparpillées dans plusieurs ministères.
Ce texte apporte aussi des réponses à la question de l’indispensable accroissement de la transparence.
C’est le cas au travers de son élaboration, réalisée dans la concertation, mais aussi par la mise en place d’une grille de trente indicateurs de résultats de l’action de la France, ainsi que par l’obligation de remettre au Parlement un rapport faisant la synthèse de la politique de développement tous les deux ans.
Le projet de loi prévoit également une évaluation indépendante de cette politique, vous y avez insisté. Sachez d’ailleurs que la présentation sur internet de tous les projets d’aide au développement de la France au Mali sera, d’ici à quelques mois, généralisée à l’ensemble des seize pays prioritaires.
Depuis de nombreuses années, vous interpelliez le Gouvernement sur le saupoudrage de l’aide. C’est pourquoi la France concentrera ses efforts en intervenant prioritairement dans seize pays et dans un nombre limité de secteurs définis conjointement avec le pays partenaire, en fonction de ses besoins.
Vous avez également souhaité préciser l’attention particulière portée par la France à la région du Sahel.
Le renforcement des partenariats différenciés permettra une meilleure prise en compte de la diversité des pays.
L’intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption, qui est un obstacle majeur au développement.
Pour les pays en crise, il est désormais précisé, à votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’action de la France se fasse selon une logique de continuum entre urgence, reconstruction et développement.
L’AFD pourra également porter des fonds multibailleurs, traduisant ainsi la mobilisation de la communauté internationale autour de thèmes prioritaires qui nous sont chers.
Ce dispositif est aussi une avancée normative portée par le Sénat.
Vous le savez, quatre domaines sont prioritaires dans la politique française de développement : premièrement, la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; deuxièmement, l’équité, la justice sociale et le développement humain ; troisièmement, le développement économique durable et riche en emplois ; quatrièmement, la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.
Nous avons aussi deux priorités transversales : le genre et le climat. Il semblait utile que, pour une première loi sur le développement, ces thèmes soient précisés et formulés avec rigueur.
Enfin, je voudrais évoquer le financement.
Certains ont pu regretter l’absence de programmation budgétaire. Je le rappelle, les lois de programmation ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel, il est apparu plus judicieux de s’appuyer sur les moyens inscrits dans les lois de finances, dans le cadre triennal, auxquels le texte soumis aujourd’hui à votre vote apporte un mode d’emploi.
Toutefois – c'est là une avancée notable –, sur l’initiative du Parlement, l’objectif international de 0, 7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement a été repris. C'est absolument essentiel.
Comme l’a rappelé le Président de la République, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.
Mais nous devons encourager d’autres sources de financement. La France joue un rôle leader dans le domaine des financements innovants et, depuis 2012, une partie de la taxe sur les transactions financières est affectée au développement.
Le financement du développement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales.
Notre pays soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux. Les diasporas contribuent également au financement du développement et, encore une fois sur votre initiative, ces transferts d’argent seront facilités, pour éviter qu’une grande partie ne soit captée par des commissions bancaires exorbitantes. C’est un élément normatif qu’il ne faut pas négliger.
Enfin, il est crucial d’amener les entreprises à être plus responsables et à transformer le développement économique en progrès social. Ainsi, le texte rappelle que la France promeut le renforcement des critères de la responsabilité « sociétale » des entreprises, pour reprendre ce terme qui recouvre tout à la fois la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale, auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.
Il souligne la volonté de la France d’encourager les sociétés françaises à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE et ceux qui ont été adoptés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Les entreprises doivent donc mettre en place des procédures de gestion des risques pour identifier, prévenir, empêcher et atténuer les dommages sur l’environnement et les atteintes aux droits de l’homme.
Grâce au Sénat, la possibilité existe désormais de soutenir les initiatives des entreprises dans les pays en développement dont la mission explicite est d’avoir un impact social ou environnemental.
Les entreprises se mobilisent de plus en plus pour le développement : nous devons innover pour les encourager et les accompagner dans cette démarche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation permet, dans toutes ses dimensions, de rendre notre politique de développement plus efficace, plus cohérente et plus transparente.
Cependant, gardons-nous d’oublier l’essentiel : notre soutien aux populations qui en ont le plus besoin. Pour être la plus utile possible auprès des pays que nous aidons, la France se devait de mettre de l’ordre dans sa politique de développement, de réaffirmer ses objectifs, d’identifier des priorités et de rationaliser certains dispositifs.
C’est ce que prévoit ce projet de loi.
Le Parlement a joué tout son rôle et, au nom du gouvernement de Manuel Valls, je vous en suis particulièrement reconnaissant. Car, à l’heure où la tentation du repli sur soi ne cesse de monter et où les égoïsmes nationaux peuvent parfois s’exprimer, il est indispensable que la Haute Assemblée réaffirme le rôle international de la France et sa solidarité dans un monde bien troublé.
Cette solidarité a construit notre République et contribué au rayonnement de notre pays : elle fait sa grandeur et sa fierté. Cette solidarité peut recueillir un large consensus dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, parce qu’elle est universelle et qu’elle contribue à bâtir un monde où il fait mieux vivre, un monde plus humain. Voilà le message que la France veut porter aujourd'hui !