Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour la première fois, les parlementaires ont pu débattre de questions essentielles concernant l’action de la France à l’étranger.
En effet, la mise en cohérence, l’encadrement et le contrôle des pratiques de la France dans ce domaine étaient un impératif auquel la France ne pouvait plus, en tant que puissance européenne et mondiale, se soustraire.
Il s’agissait là de tenter de tourner définitivement la page d’années de coopérations opaques, déséquilibrées et intéressées. Nous devons, en effet, nous adapter au contexte mondialisé d’aujourd’hui en tenant compte non seulement de la multiplicité des acteurs en présence, mais aussi de l’interdépendance entre les enjeux politiques, sociaux, environnementaux, financiers et économiques. C’est en ce sens que le présent projet de loi constitue une avancée.
Il était en effet nécessaire, face aux défis multidimensionnels d’aujourd’hui, de mettre en place des partenariats différenciés. Nous faisons face à des problématiques très différentes dans les pays pauvres « prioritaires », les pays en crise ou en sortie de crise et les « très grands émergents ».
Nous devons donc adapter notre action en fonction de chaque situation, et mettre en place des programmes ciblés et adaptés, ce d’autant plus que l’aide publique au développement française s’est réduite de près de 10 % en 2013.
La recherche de cohérence, mise en avant par le Gouvernement, se devait d’être le point central de ce projet de loi. Nos différentes politiques sectorielles doivent systématiquement prendre en compte leur impact sur le développement et le respect des droits de l’homme. Nous nous réjouissons donc que ce principe apparaisse dans le projet de loi, afin d’éviter que les valeurs que nous prônons ne soient déconstruites par des intérêts commerciaux et des comportements prédateurs.
Au-delà des principes, il aurait été essentiel de présenter une partie programmatique, afin de lier chaque programme à des moyens de financement précis. Plus encore, un texte programmatique aurait permis de concrétiser la marche vers l’objectif des Nations unies de 0, 7 % du revenu national brut.
L’absence de volet budgétaire laisse planer le doute quant à l’exécution de la politique de développement dans les prochaines années.
Au sujet du pilotage de l’aide, alors que l’objectif de transparence était mis en avant, force est de constater que, tout au long des débats, l’Agence française de développement semble avoir bénéficié d’un passe-droit. Nous regrettons en effet que son fonctionnement n’ait pas été encadré strictement à l’occasion de ce projet de loi. Or, si nous voulons être crédibles auprès de la société civile et des ONG, nous devons exercer un contrôle beaucoup plus strict sur notre politique d’aide au développement. À terme, nous devrions imaginer une nouvelle organisation de notre aide.
En outre, nous devons impérativement imposer des mesures contraignantes à toutes les entreprises opérant dans les pays bénéficiaires. Il aurait été important de se montrer plus ambitieux et rigoureux en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Trop souvent par le passé, et encore aujourd’hui, les convoitises commerciales et l’impératif de compétitivité des entreprises ont conduit à toutes sortes de dérives, notamment sociales, environnementales et sanitaires. La France doit bannir ce genre de comportements et permettre la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour les maisons mères comme pour leurs filiales. Or ces éléments, pourtant essentiels, n’ont pas recueilli de consensus au sein du Parlement.
Enfin, je reviendrai sur l’aspect environnemental. Je me réjouis, en effet, que le projet de loi mette en avant cette dimension du développement. Tout développement doit être durable. Nous ne le rappellerons jamais assez, mais la prégnance du changement climatique sur le développement est un fait avéré.
À ce titre, l’inscription des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement est une avancée notable, qui permet à la France de jouer un rôle pionnier à l’échelle internationale.
Je tiens une nouvelle fois à rappeler que les pays en grande difficulté climatique ne sont pas nécessairement les pays les plus pauvres et les plus fragiles : par exemple, les Philippines ou encore le Vietnam sont parmi les pays les plus exposés aux risques climatiques. Nous devons donc considérer les problèmes climatiques comme des risques de déstabilisation et de fragilisation majeurs, au même titre qu’une crise politique ou économique.
Bien évidemment, les pays les plus fragiles sont particulièrement vulnérables aux stress hydriques, nourriciers et énergétiques, dans la mesure où ils n’ont pas les moyens d’y faire face. C’est pourquoi il était important d’inscrire la problématique environnementale dans la liste des priorités sectorielles visées par notre politique de développement.
Cela dit, en tant qu’écologiste, je regrette l’absence d’engagements clairs et forts de la France en amont de la prochaine conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Nous ne devons pas céder à la facilité ou remettre à plus tard les engagements que nous pourrions et devrions prendre dès à présent. Il y va de la réussite de la COP-21 !
À cet égard, il aurait été important d’inscrire clairement dans la loi que la France avait pour objectif la réduction progressive de ses soutiens publics aux énergies fossiles de manière générale et de ne pas restreindre cet engagement à la seule politique de développement.
Monsieur le secrétaire d'État, les écologistes voteront, bien évidemment, en faveur de ce projet de loi, qui, nous le reconnaissons, constitue une avancée significative pour notre politique de développement. Toutefois, nous devons nous garder de tout sentiment d’accomplissement et bien plutôt considérer ce texte comme une première étape vers une définition plus ambitieuse, innovante et, surtout, exemplaire de notre politique de développement.