Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 23 juin 2014 à 16h00
Politique de développement et de solidarité internationale — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, chers et chères collègues, alors que nous en sommes parvenus à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, je veux dire que ce texte a au moins un mérite : celui d’exister. S’il n’en avait qu’un, ce serait celui-là !

En effet, pour la première fois, l’aide publique au développement aura sa loi de programmation. Le groupe UMP s’en félicite, car l’étape législative que constitue ce texte répond à une demande de tous les acteurs de l’aide publique au développement, qu’il s’agisse des ONG ou des parlementaires de toutes les sensibilités. Depuis très longtemps, nous attendions qu’un texte puisse définir clairement notre politique d’aide envers les pays les plus pauvres de la planète.

Mes chers collègues, objectivement, nous pouvons nous réjouir de la version du texte résultant des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Sans vouloir être désagréable à l’égard de nos amis députés, force est de constater qu’après son examen à l’Assemblée nationale le projet de loi ressemblait à un catalogue de bonnes intentions… À cet égard, les modifications que lui a apportées notre commission lui donnent une plus grande cohérence législative et marquent des avancées concrètes. C'est la raison pour laquelle je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer le travail accompli par nos deux rapporteurs, Christian Cambon et… notre collègue qui siège à ses côtés au banc des commissions. §On peut affirmer que le texte a été largement « rebâti ». Cette nouvelle architecture législative lui a permis d’être plus lisible, plus pertinent et plus cohérent.

Mes chers collègues, il n’est pas question cet après-midi de refaire le débat que nous avons déjà eu le 26 mai dernier. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur les points qui nous paraissent importants.

Nous retiendrons que ce texte consacre pleinement le rôle des collectivités locales, ce qui tient particulièrement à cœur aux membres de cette assemblée ! Désormais, les démarches de coopération seront simplifiées pour les collectivités, et mieux articulées entre elles. En outre, elles ne seront plus systématiquement soumises à la signature d’une convention – pour l’heure, en cas de crise humanitaire ou de catastrophe, les collectivités françaises sont parfois dans l’incapacité de signer une convention avec un homologue officiel, du fait même de la situation de crise.

Par ailleurs, je tiens à saluer la disposition du texte qui prévoit la transmission d’un rapport des collectivités territoriales à la Commission nationale de la coopération décentralisée : ce rapport sera l’occasion de dresser un bilan exhaustif de l’action des collectivités, de mieux coordonner leurs projets et d’en assurer un meilleur suivi par les ambassades. Mes chers collègues, il s’agit là d’un gage d’efficacité important, quand on sait que le défi de l’aide publique au développement française réside aussi dans son évaluation a posteriori ! Cet état des lieux permettra également à l’exécutif de savoir qui fait quoi, et au profit de qui.

Enfin, sur ce même sujet, je me félicite que le projet de loi prévoie une extension de la loi dite « Oudin-Santini » au secteur des déchets – c’est ce que l’on appelle également le « 1 % déchets ». Jusqu’à présent, les collectivités pouvaient engager des actions de coopération dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de l’énergie. Or, face aux dangers liés à la prolifération des déchets – organiques et chimiques –, à l’impact nocif de ces derniers sur l’environnement et aux lourdes conséquences sanitaires qui en découlent, il paraissait important de pouvoir ouvrir un nouveau champ d’intervention aux collectivités.

Cette nouvelle possibilité permettra aussi aux collectivités françaises d’apporter leur expertise dans un domaine où la France est en pointe. Mes chers collègues, l’aide publique au développement est aussi un domaine dans lequel la France doit faire face à la concurrence ! Dès lors, les enjeux relatifs à l’expertise internationale doivent également être pris en compte.

À cet égard, les avancées du texte sur la création de l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, nous semblent positives.

L’AFETI regroupera désormais les opérateurs publics de l’expertise et sera placée sous la double tutelle du Quai d’Orsay et de Bercy. Nous savons que, dans ce domaine, nous perdons des marchés en raison de structures trop mineures pour répondre à certains appels d’offres.

Désormais, l’AFETI sera conçue comme une holding et assurera les fonctions transversales des opérateurs, alors que des départements thématiques, dont les responsables seraient nommés sur proposition des ministres compétents, maintiendraient le lien avec le vivier des experts des opérateurs actuels.

Toutefois, si ce regroupement offre l’occasion d’une meilleure lisibilité de l’expertise française à l’international, comme le ferait un « label », il faudra rester vigilant quant au fonctionnement, afin d’éviter les situations de concurrence entre les anciens opérateurs et les administrations d’origine.

Mes chers collègues, l’élu des Français de l’étranger que je suis se réjouit tout particulièrement de l’article relatif au migrant banking. En effet, ce dispositif permettra de développer des produits d’épargne ou des opérations de crédit ayant pour objectif le financement d’investissements dans des pays en développement, ce que prônent beaucoup de mes collègues représentant les Français de l’étranger. Ce système existant d'ores et déjà chez certains États membres de l’Union européenne, il était temps que la France modifie le titre Ier du livre III de son code monétaire et financier, surtout quand on sait que le micro-crédit permet l’émergence de bon nombre de projets de développement.

Concernant le financement, je tiens à saluer la possibilité offerte à l’AFD de gérer des fonds de dotation ou des fonds dits « multibailleurs », lesquels permettent la mise en commun de financements divers, avec une gestion unique ou resserrée. Cette initiative repose sur des constats concrets : dans les pays en crise ou fragiles, les fonds de ce type, encore appelés « fonds Bêkou », sont particulièrement adaptés dans la mesure où peu d’acteurs ont les capacités humaines et techniques d’intervenir dans des circonstances d’urgence. En réalité, ces fonds permettent une concentration de l’aide et participent donc à son efficacité.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et au regard du formidable travail de fond réalisé par nos deux rapporteurs, le groupe UMP ne s’opposera pas à ce projet de loi. Néanmoins, il s’abstiendra, car il regrette que ce texte soit coupé de toute réalité financière. Il est dommageable, pour une loi de programmation, de ne comporter aucune trajectoire budgétaire ! Au reste, la position de notre groupe est cohérente, puisque nous nous étions déjà abstenus lors de l’examen du projet de loi en première lecture.

Toutefois, à titre personnel, avec mes collègues Christian Cambon et Jacques Gautier, me semble-t-il, je voterai ce texte, qui a le mérite d’exister. C’est le premier du genre ; il nous appartient de l’enrichir pour le crédibiliser financièrement.

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