Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen verra certainement la poursuite de la négociation pour le choix du nouveau président de la Commission européenne. Permettez-moi de souligner combien cette étape est importante : pour la première fois, le choix du président de la Commission devra respecter strictement les résultats des élections au Parlement européen. C’est un gage de démocratie, alors que l’on reproche souvent à la construction européenne de se faire loin des peuples.
En conséquence, nous demandons au Gouvernement de négocier dans le respect du résultat du scrutin. Agir autrement serait nourrir les partis extrémistes, populistes et anti-européens. Or, monsieur le secrétaire d'État, c’est bien la droite et le centre droit européens du Parti populaire européen, le PPE, et eux seuls, qui ont remporté les élections européennes, et notre candidat est Jean-Claude Juncker. Dès lors, nous demandons que ce choix des électeurs soit respecté dans les négociations intergouvernementales.
Cela signifie aussi qu’il faut maintenir le cap choisi, notamment en matière économique et financière, ce qui nous amène à l’un des points importants de l’ordre du jour du prochain Conseil européen : le semestre européen.
Ce processus de réglage coordonné des politiques macroéconomiques des États membres commence à être rodé, au moins en ce qui concerne son calendrier et son interconnexion avec les budgets nationaux. Cependant, il semble qu’il faille maintenant se l’approprier pleinement ; c’est le cas en particulier pour le Gouvernement français, qui paraît un peu rétif à écouter les avis divergents sur sa politique économique.
Au préalable, permettez-moi de souligner que, depuis un an, la zone euro dans son ensemble est en voie de stabilisation. L’Irlande et l’Espagne sont sorties des programmes de soutien ; le Portugal est en train d’en sortir ; Chypre a réalisé de bons progrès, ainsi que la Grèce, même si sa situation demeure encore bien fragile. Les risques sur les dettes souveraines sont donc moins pressants et, globalement, le redémarrage de la croissance est là, même s’il reste modeste. Réjouissons-nous : c’est le résultat de la politique menée jusqu’à présent.
Nous le constatons, les efforts consentis, collectivement et par certains pays – je pense notamment à l’Espagne –, commencent à porter leurs fruits. Ce début de consolidation européenne sera renforcé avec la mise en place de l’union bancaire dans les tout prochains mois.
Néanmoins, nous devons rester prudents. Le chômage continue d’être élevé, de même que les déficits publics et l’endettement, qui se situent à des niveaux historiquement hauts dans certains pays, dont la France. Ce n’est donc vraiment pas le moment de relâcher nos efforts, ce n’est pas le moment de contester le pacte de stabilité et de croissance. À cet égard, je tiens à saluer les propos de M. Benoît Cœuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, qui a affirmé très clairement, il y a quarante-huit heures, que modifier le pacte de stabilité et de croissance porterait atteinte à sa crédibilité et qu’il fallait se garder de renouveler les erreurs de 2003.
Nous ne comprenons donc pas bien ce qu’a voulu dire le Président de la République lorsque, sous le choc des résultats des dernières élections européennes, il a parlé de « réorienter l’Europe ». Avant de demander aux autres de changer, ne devons-nous pas commencer par nous adapter et prendre notre part du fardeau ? En effet, dans un contexte européen de convalescence, la France fait malheureusement de plus en plus figure de mauvais élève. Elle est placée sous surveillance, et la solidité de l’assainissement de ses finances suscite des interrogations de toutes parts.
Monsieur le secrétaire d'État, il est peut-être temps de se rendre à l’évidence. Ce n’est pas un modeste sénateur de l’opposition qui vous le dit. La Commission européenne, le Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes : désormais, les analyses de toutes les institutions, nationales et internationales, convergent…
En résumé, toutes ces institutions estiment que les hypothèses macroéconomiques que vous retenez sont optimistes, que ce soit en matière de croissance ou d’inflation. Toutes estiment que la baisse des dépenses publiques que vous annoncez est mal documentée et sera vraisemblablement insuffisante pour redresser nos comptes et financer les nouvelles dépenses que vous envisagez. Au-delà d’une formulation très diplomatique, toutes donnent à penser que si, sur le papier, votre présentation des comptes publics paraît cohérente, la réalisation ne suit pas.
Nous pensons aussi que le premier carburant de la croissance, ce sont des finances publiques stables. C’est être de mauvaise foi que de dire que cela signifie l’austérité. Il s’agit au contraire de transformer notre modèle économique et d’ajuster nos dépenses à notre richesse. Je le dis souvent sous forme de boutade : chaque époque a sa vérité, et les richesses d’aujourd'hui ne permettent plus d’engager les dépenses d’hier ; vous l’aurez deviné, je pense essentiellement aux dépenses sociales.
Dans cette perspective, il faut s’engager dans la voie des réformes structurelles : celle de la fiscalité, celle du marché du travail, celle de l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. Comme la France a obtenu un délai de deux ans pour revenir à l’équilibre des comptes publics, il serait judicieux d’utiliser pleinement ce délai et de profiter de la période actuelle de taux d’intérêts bas, car elle est susceptible de ne pas durer. Je rappelle que le service des seuls intérêts de notre dette publique nous coûte 45 milliards d'euros chaque année. Je vous laisse imaginer ce qu’il adviendrait si par malheur les taux d’intérêts devaient remonter…
Il est temps de passer aux travaux pratiques, avec courage et détermination. Il est temps d’agir vite, et je le dis sans acrimonie, tant notre pays est historiquement plus prompt à la révolution et à la contestation qu’à la réforme ; en conséquence, la tâche est difficile.
Monsieur le secrétaire d'État, il nous paraît impératif de respecter scrupuleusement nos engagements à l’égard de nos partenaires européens. Ce doit être notre objectif primordial. Il y va de notre crédibilité à leurs yeux, ainsi qu’à ceux des marchés financiers. Il y va également de la cohésion même de l’Union européenne, parce que la France est la deuxième économie de la zone euro.
Le prochain débat sur le projet de loi de finances rectificative nous permettra de savoir comment vous comptez compenser le dérapage de nos finances publiques en 2014. Sachez que nous serons vigilants. D'ores et déjà, toutes nos inquiétudes portent sur l’échéance de 2015 et sur le respect d’une trajectoire de redressement qui semble de jour en jour plus compromise. §