Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 25 mai dernier, les citoyens de l’Union européenne étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau Parlement européen. Finalement, peu d’entre eux se sont déplacés, notamment en France, et les partis europhobes ont réalisé une percée importante en Pologne, au Danemark, en Autriche, en Hongrie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
Les Français, pour leur part, ont placé en tête la liste du Front national. C’est symboliquement contrariant que la liste qui préconise la destruction de l’Europe en tant qu’institution soit en tête, mais, politiquement, il n’est pas encore écrit que les listes europhobes parviennent à modifier sensiblement l’équilibre du Parlement européen.
Cela étant, ce vote ne traduit pas une volonté des Français de sortir de l’Europe. Pour reprendre une formulation un peu galvaudée, nous devons « tirer les leçons de ce scrutin ». Force est de constater que les fameuses « leçons à tirer » ne sont pas les mêmes pour tous.
La crise économique, la précarité et l’inquiétude socioéconomiques de nos concitoyens favorisent à la fois l’abstention et un vote contestataire. En outre, l’insécurité économique engendre une crispation identitaire, habilement orchestrée par ces mouvements extrêmes. Dès lors, aux yeux des pourfendeurs de l’Europe, la réponse aux difficultés sociales et économiques résiderait dans la sortie de l’euro et la déconstruction européenne, avec le rétablissement des frontières nationales.
Le groupe socialiste du Sénat conteste vigoureusement l’idée qu’il faille revenir sur les grandes réalisations européennes telles que la libre circulation ou la monnaie unique, mais il continue à demander une réorientation de l’Europe, ainsi qu’une modification de sa gouvernance.
Pour que cette demande de réorientation soit crédible, nous devons prendre nos responsabilités. Trop souvent, depuis trop longtemps, nous n’avons pas su ni voulu parler d’Europe, et cette responsabilité est aussi celle de nos grands médias. Parfois, certaines mesures, impopulaires, ont été mises, à tort, sur le dos de l’Europe. A contrario, quand il s’agissait d’initiatives européennes, nous avons choisi de les mettre à notre seul crédit politique.
Le mot « Europe », récemment encore porteur de rêve, synonyme de progrès et de liberté, est désormais entaché de suspicion. L’urgence exige de redonner en priorité du sens, de la lisibilité et de la hauteur de vue à l’action européenne. Dans cette perspective, trois dossiers seraient de nature à « raccrocher les wagons ».
Le premier nécessite de régler, dans des délais acceptables, les questions liées au dumping fiscal.
Le deuxième dossier concerne l’âme de l’Europe, en résistant, pour reprendre les propos du pape François, « à la mondialisation de l’indifférence ».